MISVIL - Chapitre 20 - Se porter volontaire pour partager le lit

 

 

Dans la région de Xilin, tout le monde savait que plus un objet est coloré, plus il est venimeux.



Song Qingshi ressentait un certain malaise.

Il avait l’impression d’avoir oublié quelque chose d’important.

An Long avait été installé dans le pavillon de la Paix Intérieure, où les serviteurs chargés de le servir avaient été méticuleusement sélectionnés par Yue Wuhuan parmi les anciens travailleurs de confiance. Puisqu’An Long aimait l’alcool et qu’il lui arrivait, en manque, de boire en cachette des précieux breuvages médicinaux conservés en cave, Yue Wuhuan avait spécialement acheté une sélection de bons alcools pour l’envoyer au pavillon.

Des talismans d’alerte avaient aussi été placés sur les portes, les fenêtres et même le toit de la résidence pour éviter qu’An Long, pris d’un délire d’ivresse, ne vienne le réveiller en pleine nuit pour l’entraîner à grimper aux arbres pour attraper des cigales ou à ramper dans les buissons pour chercher des grillons.

Avec tout cela si bien planifié, que pouvait-il bien avoir oublié ?

Tard dans la nuit, Song Qingshi détacha ses cheveux, mit sa robe de nuit, s’allongea sur le lit mais, incapable de trouver le sommeil, se retourna encore et encore.

Finalement, une idée éclair surgit dans son esprit, et il se souvint de ce qu’il avait oublié...

Song Qingshi sauta hors du lit, en proie à une terreur soudaine, enfila ses chaussures, mit son manteau, et sans perdre un instant se précipita vers la cour d’An Long.

Il avait oublié que Xiaobai adorait manger des souris !

*

La nuit était avancée, et l’odeur d’alcool émanant de la chambre d’An Long était si forte qu’on pouvait la sentir depuis l’extérieur. La lumière était éteinte et il semblait dormir profondément.

Song Qingshi se tenait devant la porte, ajustant sa robe, levant la main pour frapper, mais hésita un instant avant de frapper doucement.

Après un instant, la porte s’ouvrit lentement.

Une puissante odeur d’alcool le frappa de plein fouet, et dans l’obscurité, une paire de bras robustes l’attrapèrent par la taille.

« Mon trésor, tu as enfin pris le temps pour venir. »

Song Qingshi fut pris de vertige et, sans avoir le temps de comprendre ce qui se passait, se retrouva déjà sur le lit.

Son manteau à peine enfilé glissa, et ses mains furent immobilisées fermement tandis qu’un souffle brûlant et irrégulier parcourait sa nuque. Une voix rauque et chargée de désir lui murmura : « Ce soir, reste avec moi. »

Song Qingshi essaya de se débattre, mais il se rendit compte qu’il était incapable de bouger.

Ces types formés à la discipline du renforcement corporel étaient des colosses de force brute contre qui il était inutile de lutter.

Une flamme d’alchimie surgit immédiatement, chauffant son corps à une température brûlante comme un fer chauffé à blanc.

An Long, brûlé au contact, s’écria de douleur, lâcha prise, et dégringola du lit, les vêtements en désordre.

Song Qingshi utilisa sa flamme pour allumer une lampe et regarda froidement l’homme par terre. « Ton ivresse est passée ? »

An Long, bouche bée, lança : « Mais... pourquoi est-ce toi ? »

Song Qingshi éteignit la flamme, rattacha son manteau, et avec un visage sombre demanda : « Et tu pensais que c’était qui ? »

« Je pensais… » répondit An Long, visiblement embarrassé. Il se tenait la main, l’air contrit. « Je pensais que c’était cette fille, Huang Ling, qui venait s’offrir au lit. »

Huang Ling ? Song Qingshi réfléchit un instant et se rappela qu’il avait effectivement quelques souvenirs de cette servante, une recrue assez récente dans la Vallée de la Médecine, chargée de l’entretien des jardins voisins. La majorité des serviteurs étaient des hommes ; les femmes, elles, étaient une trentaine, dont la plupart étaient des femmes d’âge moyen. Mais Huang Ling était jeune, extravertie, vive d’esprit et téméraire, dotée d’une apparence agréable et, parmi les serviteurs, elle était plutôt appréciée. Song Qingshi la croisait souvent dans le jardin autrefois et avait échangé quelques mots avec elle pour l’éclairer sur certaines questions ; depuis que Yue Wuhuan gérait l’intendance, il ne l’avait plus revue.

« Tu me reproches sans cesse de créer des problèmes avec l’alcool, alors pourquoi viens-tu ici sans boire cette fois ? » An Long, le voyant hésiter, accusa soudain avec véhémence : « En plus, les cheveux défaits et vêtu de cette façon, regarde-toi dans un miroir ! Comment aurais-je pu ne pas me tromper ? Tu devrais remercier les cieux que je n’ai pas allumé la lampe, j’aurais eu la peur de ma vie ! »

Song Qingshi ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil dans le miroir : robe blanche, cheveux lâchés…

D’accord, il devait bien avouer qu’il ressemblait un peu à un fantôme.

Cela le mettait un peu mal à l’aise, mais puisqu’ils étaient tous deux des hommes, qu’il s’agissait d’un malentendu sans intention, et qu’il n’était pas une beauté comme Yue Wuhuan dont on pourrait tirer avantage, il n’y avait pas vraiment de raison de se vexer.

« Laisse tomber, » dit Song Qingshi en changeant de sujet avec indulgence. « Depuis quand tu t’amuses à flirter avec les servantes de ma maison ? »

« Hé, ne dis pas n’importe quoi, » répliqua An Long en se redressant et en s’asseyant sur le bord du lit, levant la main comme pour jurer. « C’est elle qui a commencé à me faire des avances. Si tu ne me crois pas, va lui demander. »

Il portait sa veste négligemment, sa ceinture lâchement nouée sur son pantalon, dévoilant partiellement sa musculature en V et son pack de huit bien dessiné. Avec son allure de mauvais garçon, il exerçait un charme magnétique irrésistible sur bien des filles.

Song Qingshi se remémora les innombrables conquêtes d’An Long et, finalement, choisit de le croire… encore une fois.

An Long, un sourire espiègle aux lèvres, demanda : « Et pourquoi tu viens me chercher en pleine nuit ? »

« Je ne suis pas venu te voir, » répondit Song Qingshi en se rappelant soudain l’objet de sa visite. Il se leva et, scrutant les alentours, demanda : « Où est Xiaobai ? »

Hao Long descendit en glissant depuis les poutres, levant la tête d’un air affectueux.

Song Qingshi le prit dans ses mains et, le regard sérieux, lui expliqua en détail qu’il lui était strictement interdit de manger les souris de la Vallée de la Médecine.

Hao Long, intelligent, hocha la tête pour montrer qu’il avait compris. Confiant que son compagnon ne ferait pas comme An Long et n’enfreindrait pas les règles, Song Qingshi soupira de soulagement. Il lui promit également qu’il le récompenserait avec de bonnes choses à manger et jouerait avec lui.

Pendant cette conversation entre l’homme et le serpent, An Long jeta un regard amusé vers la porte. Il avait déjà remarqué Yue Wuhuan debout dans la cour, observant de loin chaque détail de la scène à l’intérieur. Pourtant, aucune expression suspecte n’apparaissait sur le visage de Yue Wuhuan. Son attitude semblait détendue, comme s’il ne prêtait aucune importance à cette farce.

Très intéressant…

Quand Yue Wuhuan s’aperçut qu’An Long l’observait, il s’inclina aussitôt avec respect, baissant la tête d’un air embarrassé, faisant semblant de n’avoir rien vu.

Tous ses gestes étaient d’une politesse irréprochable.

Il ressemblait parfaitement au serviteur attentif et bien élevé, qui connaissait sa place et n’osait jamais franchir la limite.

Malheureusement, An Long ne croyait pas en cette façade.

Dans les montagnes de Xilin, tout le monde sait que plus une créature est colorée, plus elle est venimeuse.

*

Song Qingshi, ayant terminé de donner ses instructions à Hao Long, se prépara à partir.

An Long, en riant, lui indiqua la porte d’un signe de tête : « Ton grand disciple est en train de se moquer de nous. »

« C’est de ta faute, » dit Song Qingshi en rougissant légèrement, sentant que son image de maître mûr et sérieux venait d’être ruinée par ce scélérat d’An Long. Il partit précipitamment, entraînant Yue Wuhuan hors du pavillon de la Paix Intérieure.

An Long les observa s’éloigner, se leva, ouvrit une nouvelle jarre d’alcool et se versa une longue rasade.

Plus il buvait, plus il se sentait éveillé.

En caressant sa main brûlée, il se moqua de lui-même : « Ha, je pensais qu'il y aurait une bonne chose qui m'attendait… »

*

En marchant, Song Qingshi expliqua à Yue Wuhuan : « Ce type est comme un malamute (NT : chien de traîneau originaire d'Alaska). Ne te prends pas la tête avec ça, moi, je ne suis pas comme ça d’habitude. »

Yue Wuhuan, intrigué, demanda : « C’est quoi, un malamute ? »

Song Qingshi, encore en colère, répondit : « Un chien ! »

Sa sœur avait un malamute qui ne faisait que démolir la maison, impossible à éduquer, refusant d’écouter malgré les réprimandes répétées , ce qui le rendait fou. Une fois, il avait essayé de le promener, mais avec ses jambes un peu faibles, le chien l’avait entraîné dans la rivière. Heureusement, elle était peu profonde, il ne s’était pas noyé, mais, en rentrant, il avait encore dû dorloter cette peste pour l’apaiser.

Bien que Yue Wuhuan ne comprît pas totalement, il n’insista pas et changea de sujet : « Un des serviteurs m’a rapporté qu’il avait attrapé Huang Ling devant le pavillon de la Paix Intérieure. Elle est décidément indisciplinée et essaie d'attirer l’attention du Maître des Dix Mille Poisons. Maître, qu’en penses-tu ? Devrait-on l’envoyer à la ferme ? »

Song Qingshi réfléchit un instant : « Oui, envoie-la là-bas. »

Même si une jeune fille en fleur, ce n’est pas grave en soi, la Vallée de la Médecine recélait trop de documents précieux pour qu’on laisse quelqu’un de malintentionné traîner. En plus, An Long était un coureur invétéré, ayant déjà rompu avec d’innombrables belles cultivatrices. Une fois, il s’était caché dans la Vallée en disant se tenir à l’écart, mais cela avait attiré plusieurs femmes furieuses, venant le réclamer avec des larmes et des cris, provoquant un chaos sans fin. Certaines d’entre elles en étaient venues aux mains.Si ce n’était que la fabrication de ses pilules l’empêchait de sortir, il serait allé lui régler son compte. Bref, un homme comme lui était bien trop dangereux pour une jeune fille naïve, il valait mieux qu’elle reste loin.

Yue Wuhuan acquiesça puis couvrit discrètement son nez.

Song Qingshi, remarquant ce geste, demanda : « Que se passe-t-il ? »

Après une courte hésitation, Yue Wuhuan répondit : « Maître… l’odeur d’alcool sur tes vêtements est un peu forte… »

Song Qingshi sentit son propre vêtement, et s'en rendit compte tardivement ; effectivement, une légère odeur d’alcool persistait, ce qui le mit tout à coup mal à l’aise. Sans attendre, il se précipita vers la salle de bain derrière le palais : « Wuhuan, apporte-moi un pyjama propre, je vais prendre un bain. »

« D’accord, » répondit Yue Wuhuan en riant, visiblement amusé, « Lave-toi bien. »

Song Qingshi se purifia d’abord avec quelques sorts de nettoyage, puis sauta joyeusement dans le grand bain thermal, où il fit quelques longueurs. Ensuite, accoudé au bord, il pressa doucement son ventre blanc et tendre, remarquant les lignes qu’il avait gagnées en maigrissant. Il pensa aux huit abdominaux bien sculptés d’An Long, puis aux élégantes lignes de Yue Wuhuan, et se sentit soudain un peu bouleversé.

Maintenant qu’il avait enfin un corps en bonne santé, devrait-il envisager de se muscler un peu pour avoir l’air un peu plus viril ?

Song Qingshi resta pensif pendant un long moment…

Yue Wuhuan était assis dehors sur les marches, calmement occupé à jouer avec un scalpel tout en lisant un livre.

Sous la lumière des lampes, ses yeux ne montraient que des ténèbres, semblables à un gouffre sans fond.

Comment pourrait-il ne pas être en colère pour une telle chose ? L’odeur répugnante de ce type qui traînait avec ses insectes le dégoûtait au point de presque lui donner la nausée…

Il avait autrefois payé un prix terrible à de nombreuses reprises, apprenant ainsi que plus il se mettait en colère, plus il devait se montrer calme ; plus quelque chose le répugnait, plus il devait avoir l’air naturel, de façon à ce que personne ne puisse déceler la moindre trace de déplaisir. Dans ces moments-là, il fallait remplacer les pleurs par des rires, dissimuler la douleur sous une apparence de plaisir, transformer les cris en encouragements, permettant ainsi au dégoûtant de se divertir pleinement. Cela, il le maîtrisait à la perfection.

Puis, en restant tapi dans l’ombre la plus profonde…

Il supportait patiemment, en attendant le bon moment.

Celui où il pourrait enfin révéler ses crocs empoisonnés.



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L’auteur a quelque chose à dire :

Song Qingshi : Entre hommes, en dehors d’une amitié, il pourrait y avoir quoi d’autre ? Ceux qui pensent autrement ne sont pas des gens corrects !

Yue Wuhuan (sourit) : Maître a toujours raison, quoi qu’il dise.

An Long (ricane) : Qingshi a toujours raison, c’est sûr~

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

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