ISMM - Chapitre 44 - Se pourrait-il que… la phase de lune de miel soit déjà passée ?

 

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Perdu, complètement perdu.

L’émission n’avait pas seulement été diffusée en direct, la chaîne de télévision avait aussi sorti une rediffusion montée et éditée, pleine de moments hilarants et de scènes explosives. Bien que l’accent soit mis sur le couple principal, coupant une bonne partie des passages avec les deux jeunes chiens loups, Gu Yiliang et moi, l’ajout de divers effets humoristiques et de musiques de fond parfois envoûtantes rendait le tout si palpitant que même moi, en regardant, j’en eus des frissons.

Et pourtant, sur le super topic, aucun mouvement. Toujours des discussions sans intérêt et des messages de check-in.

Cela faisait déjà quatre jours !

Non seulement il n’y avait aucune réaction, mais même les habitués qui traquaient les petits moments mignons au quotidien se faisaient rares. Cela donnait une impression étrange, comme si chaque maison avait fermé ses portes et que les rues étaient désertes.

Non, ce n’était même pas qu’une impression. L’ambiance dans les commentaires sous la vidéo de l’émission paraissait carrément bizarre. À chaque fois qu’un internaute demandait : « C’est une technique d'appât queer ? », « Ils comptent faire leur coming out ? », une horde de gens débarquait immédiatement pour rectifier :

« Mais non, ce sont juste de très bons frères, c’est une preuve d’amitié ! »
« Mais non, ce sont juste de très bons frères, c’est à cause du montage démoniaque de l’émission ! »
« Mais non, ce sont juste de très bons frères, ne vous laissez pas embobiner par les fans de CP hystériques ! »

Et le plus drôle, c’était que ceux qui disaient cela arboraient quasiment tous des pseudos liés à l’armée Niangzi.

Leur ton était si assuré, leur logique si implacable qu’ils écrasaient même les fans hardcore qui, d’ordinaire, monopolisaient les commentaires.

 

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Profitant d’un moment de pause entre deux scènes, je me recroquevillai sur mon petit tabouret en regardant mon téléphone, scrollant sur Weibo sans comprendre.

Où cela avait-il foiré, au juste ?

Devant une performance aussi grandiose, les fans ne devraient-elles pas exploser de joie, célébrer cela en grande pompe, illuminer les rues comme pour une fête nationale ?

L’armée Niangzi… s’était-elle dissoute sur place ?

 

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Les yeux emplis d’incompréhension, j’hésitai un instant avant d’ouvrir le groupe Niangzi, que je consultais rarement.

À peine la page de discussion chargée, les messages défilèrent à une vitesse fulgurante, 80 km/h au compteur, enchaînant punchlines et répliques absurdes, saupoudrées de douces sucreries dans toutes les variations possibles. J’étais complètement abasourdi.

Hé, mais c’était plutôt animé, en fait ?

Tous les quelques messages, une phrase revenait en boucle : « Tout le monde doit suivre les directives de l’annonce du groupe !!! »

Un sourcil levé, la curiosité piquée à vif, j’ouvris l’annonce.

Et là, mes yeux furent agressés par un écran rempli de points d’exclamation.

Qu’était-ce que ce délire ? La mode du texte en majuscules était-elle de retour ?

Je fixai l’écran et lus attentivement.

 

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Qu’était-ce que cette histoire de serrure rouillée d’une boîte en fer ?
Que signifiait enfermer l’âme de l’armée Niangzi dans une coquille verrouillée à jamais ?
Pourquoi parlait-on de clé réduite en poudre pour faire du café, chaque goutte posédant une saveur persistante et enivrante ?

Elles étaient bien trop à fond dans leur délire musical !

Mais le plus important, c’était…

Pourquoi cela parlait-il de l’armée Niagnzi qui se battait héroïquement dans un champ de roseaux ?
Pourquoi disait-on que « ces deux idiots étaient allés trop loin et que les mamans devaient impérativement les couvrir » ??

 

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J’étais complètement perdu.

Gu Yiliang et moi… nous étions-nous fait remettre de force dans le placard par un groupe de filles qui, d’ordinaire, priaient jour et nuit pour que nous nous mariions ?

Gu Yiliang et moi, main dans la main, venions à peine d’entrouvrir la porte du placard, et elles l’avaient refermée avant de s’enfuir en courant ?

Gu Yiliang et moi, nous criions haut et fort : « Regardez-nous bien ! Notre CP est vivant! », et elles nous emballèrent soigneusement, nous replièrent et nous rangèrent bien au fond d’un tiroir, avant de dire à la foule rassemblée : « Ce sont juste des gamins qui s’amusent, ne prenez pas cela au sérieux hahaha » ?

 

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Je retournai dans la discussion et, sous l’annonce, tentai un message :

Yantastic:« Ils sont vraiment ensemble, pas besoin d’être aussi anxieux. »

Réponse immédiate :

Liang Yue Wuyan : « Il y avait besoin de préciser ? En ce moment, c’est une période sensible, tu veux insinuer quoi avec ce message ? Tu veux semer le chaos ? »

Vous avez été exclu du groupe.

 

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Putain.

 

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C’était la deuxième fois !

La deuxième fois qu’elles me viraient !

Pourquoi mon propre groupe de fans de CP me foutait-il toujours dehors ? Elles souffraient d’un syndrome d’expulsion du protagoniste ou quoi ?!

C’était quoi ce délire où on ne pouvait pas m’inclure dans mon propre ship ?!

L’armée Niangzi, c’était la fête pour tout le monde, mais la solitude pour moi tout seul ?!

Je disais que nous n’étions pas ensemble, je me faisais virer.
Je disais que nous l’étions, je me faisais virer.
Alors, que devais-je faire, hein ?!

Vous savez quoi, vous êtes définitivement bannies de mon mariage !

 

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Toujours frustré, je reçus un MP de WilLiam, la médiatrice du groupe. Cette fois, j’ouvris la conversation.

WilLiam « Petite Neinei (NT : grand-mère maternelle), ne sois pas fâchée. Liang Yue est comme ça, un peu extrême, mais elle n’a pas de mauvaises intentions. »

Yantastic : « …Petite Neinei ? »

WilLiam : « …Initiée? »

Yantastic « … »

WilLiam : « Ah, tu as regardé l’émission, non ? Moi, j’étais super excitée, mais elles sont devenues tellement paranoïaques que je n’ai même pas osé en parler dans le groupe. »

Yantastic : « …Bien sûr que j’étais excité, c’était basé sur ton texte. De quoi as-tu peur ?? »

WilLiam : « Non, non, ce n’était pas ça qui m’excitait ! C’était… ah, j’étais en train de manger un snack nocturne, et j’ai renversé tout un bol de nouilles piquantes sur la tête de mon père !! »

Yantastic : « …La disposition de votre table familiale était spéciale, hein ? »

WilLiam : « Non, ce n’était pas ça l’important ! Aaah, j’avais trop envie de partager ce truc, mais je ne pouvais pas !!! »

Yantastic : « … »

WilLiam : « Non, je ne tenais plus, je devais te le dire !! Mais tu ne le répètes à personne, OK ?! »

Yantastic : « …OK. »

 

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WilLiam : « J’ai découvert que Yanyan avait lu mon texte !! »

Moi : « ………………………… »

C’était quoi ce cataclysme qui fendait la terre et déchirait le continuum espace-temps ?!

Yantastic :« Impossible, il était trop occupé à tourner, il n’avait pas le temps pour cela. »

WilLiam : « Non, écoute-moi ! Ce que j’avais envoyé à l’émission, c’était une version modifiée, avec des dialogues différents. Mais !! Yanyan a récité la version originale !! Celle que j’avais postée sur Lofter !! »

WilLiam : « Il a une super mémoire, il avait à peine regardé le script de l’émission, il l’a juste joué en se souvenant de l’original !! »

WilLiam : « J’étais en PLS. »

WilLiam : « Ahhh, cela fait du bien de le dire, je me sens beaucoup plus légère. »

 

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Ne trouvant pas de table devant moi, je claquai violemment mon téléphone au sol.

Xiao Chen sursauta, s’empressa de le ramasser et essuya l’écran fissuré avant de se tourner vers moi pour demander à voix basse : « Pourquoi tu es énervé d’un coup ? Gu-ge t’a contrarié ? »

Je me massai le front en secouant la tête.

Xiao Chen s’inquiéta : « Ta fontanelle s’est pas bien refermée ? »

Je posai ma main sur ma poitrine et secouai encore la tête.

Xiao Chen s’alarma : « Une crise cardiaque ?! »

Je changeai de posture et me tins le ventre en secouant la tête.

Xiao Chen s’affola : « Ta poche des eaux a rompu ?! »

Moi : « … »

« Dis-moi ce qui ne va pas, bon sang ! »

Moi : « En fait, tout allait mal. Maintenant, tout va bien. Merci. »

 

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Un million de WilLiam ne me donnaient pas autant mal à la tête qu’un seul Xiao Chen.

Je jetai un œil autour de moi, cherchant du regard Gu Yiliang pour me réconforter en admirant son beau profil, mais ne le trouvant pas, je demandai à Xiao Chen : « Où est ton Gu-ge ? »

Xiao Chen s’exclama en riant : « Oh là là, mon Gu-ge ? C’est ton Gu-ge~ »

Moi : « … »

Xiao Chen :« D’accord, d’accord, j’arrête de t’embêter. Je ne l’ai pas vu. Mais dis donc, il ne traîne plus autant autour de toi ces derniers jours. Vous êtes en crise de couple ? »

Mon regard se figea.

Xiao Chen, sentant le danger, disparut aussitôt hors de mon champ de vision.

 

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C’est vrai que… je ne l’avais pas vraiment croisé sur le plateau ces derniers jours.

Mais matin et soir, il était toujours là, solidement ancré à mes côtés.
Après le tournage, soit nous traînions ensemble dans la ville du cinéma, discutant de tout, de poésie et de chansons jusqu’à la philosophie de la vie, soit nous nous pelotonions dans la chambre d’hôtel devant un écran, engloutissant des snacks et enchaînant les épisodes.
Nous avions exploré tous les petits restos du coin : les bons plats étaient acclamés, les mauvais, copieusement maudits.
Le soir, il m’aidait à travailler mon jeu d’acteur, et moi, je l’aidais à améliorer sa diction.
Une fois, il avait même discrètement passé la nuit dans ma chambre…

Nous étions aussi proches et complices que d’habitude.

Si Xiao Chen ne l’avait pas mentionné, je ne m’en serais même pas rendu compte.

Le danger était toujours là, flottant autour de moi tel un vent invisible.

Appuyé sur ma main, je contemplai les fissures de l’écran de mon téléphone avec un brin d’inquiétude.

Se pouvait-il que… la phase de lune de miel soit déjà passée ?

Cela ne faisait que quelques jours, à peine deux semaines, et déjà nous étions tombés dans une routine ?

Avions-nous brûlé trop vite, et nous étions à court de combustible ?

Avions-nous trop exhibé notre amour dans cette émission, au point d’épuiser notre quota d’affection?

Ou bien était-ce une punition divine pour en avoir trop montré ?

 

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Je poussai un soupir, quand soudain, une sensation glacée effleura ma joue.

Gu Yiliang se tenait derrière moi, une bouteille de thé glacé contre mon visage. Il me la tendit ensuite : « Tu révises ton texte ? »

« Non, j’étais juste perdu dans mes pensées. »

Je tapotai du doigt le petit cœur collé sur la bouteille, un sourire intérieur naissant en moi. Il n’avait pas changé.

Il acquiesça distraitement, absorbé par quelque chose sur son téléphone.

… Attends.

Pourquoi cette froideur soudaine ?!

Je me levai pour lui ramener un fauteuil, le forçai à s’asseoir, puis, dans mon esprit, j’installai une salle d’interrogatoire avec un projecteur éblouissant braqué sur lui.

Je demandai d’un ton faussement désinvolte : « Dis donc, qu’est-ce que tu fabriques ces derniers jours ? »

Il eut un sursaut, se frotta machinalement le bout du nez avant de faire un geste évasif : « … Rien de spécial. »

Je plissai les yeux avec suspicion et allongeai mon ton : « Vraiment~ ? »

 

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Gu Yiliang, malgré son talent d’acteur, était un bien piètre menteur.

En y réfléchissant, il ne m’avait jamais menti.

Et effectivement, dès que je fis traîner mon mot, il se figea instantanément, comme s’il venait d’être remis à son état d’origine. Un peu nerveux, il papillonna des cils en me fixant.

Il hésita : « Euh… et si on en parlait ce soir, en privé ? »

Il y avait quelque chose !

Dans mon esprit, une sirène d’alarme se déclencha immédiatement.

Je pris un air sérieux : « Ça va, pas de souci. Dis-moi maintenant. »

Il eut l’air embarrassé : « Ce n’est pas vraiment l’endroit idéal pour en parler… »

En une fraction de seconde, je le happai jusqu’à la salle de repos.

Déstabilisé, il bafouilla : « Tu veux vraiment qu’on en parle maintenant ? J’avais prévu de— »

« Maintenant. »

 

844.
Face à face, Gu Yiliang et moi nous tenions debout.

Il leva les mains, les reposa, hésita sur leur place, puis finit par les poser solennellement sur mes épaules.

Attends… il comptait faire quoi, là ? Me réanimer comme un cadavre ambulant ?

À chaque fois qu’il quittait son mode Gu Yiliang séducteur pour redevenir cet adorable maladroit, cela me stressait au plus haut point.

Il ouvrit la bouche, hésita, referma, puis me fixa intensément.

… Mais c’était trop long, j’allais suffoquer à force de retenir mon souffle !

Enfin, il se décida à parler : « … Je… je voudrais changer notre relation actuelle. »

Moi : « ? »

Il voulait… rompre avec moi ??!

Dans mon esprit, ce fut l’apocalypse, une scène de fin du monde version 2012 en 3D remasterisé.

Me contenant, je lui demandai d’un ton calme : « … Pourquoi ? »

Pris au dépourvu, il bégaya : « … Hein ? »

« … Tu es satisfait de notre relation actuelle ? » demanda-t-il, visiblement en difficulté.

Moi :« ? Pourquoi je ne le serais pas ? »

Lui : « ? Comment tu peux l’être ?! »

Moi : « ? Comment je ne pourrais pas l’être ?! »

Lui : « ? Comment ça pourrait être— »

 

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Moi : « Attends, attends ! C’est le bazar, là ! Bon, peu importe, la satisfaction n’est pas la question. Laisse-moi remettre les choses en ordre— »

Lui : « Vas-y, remets-les en ordre. »

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Je le regardai, ses yeux débordant d’incompréhension, mais toujours empreints d’une affection profonde.

Plongé dans mes pensées, je revis rapidement notre rencontre, notre rapprochement, notre complicité… et notre mise en couple.

Et soudain, une révélation me frappa.

Depuis le début… ne serions-nous pas complètement en décalage ?!

Plissant les yeux, je l’attrapai par le col et demandai : « … À ton avis, quelle est exactement notre relation en ce moment ? »

Surpris, il hésita : « … Un… un soutien financier ? »

Moi : …

Moi : !!!!!!!!

 

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C’était donc ça !!

Il pensait vraiment que je l’entretenais !!!

Les fréquences étaient enfin synchronisées !!

 

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Alors, ce jour-là, quand j’ai dit que je voulais aller chez lui, il a cru que j’allais le séduire et c’est pour ça qu’il s’est soudainement crispé !

Quand il est descendu de la voiture et s’est calmé d’un coup, c’est qu’il avait accepté l’idée !

Quand il m’a enlacé avant de proposer une partie en ligne, c’était son dernier sursaut de résistance hétérosexuelle !

Quand il a agi bizarrement en étant ivre, c’est qu’il avait enfin pris sa décision !

Tout s’expliquait !!!

Je pensais vivre un scénario où un hétéro tombait amoureux malgré lui… mais en fait, c’était une histoire d’amour née d’un contrat de soutien ?!

Gu Yiliang suivait donc aussi ce genre de cliché romantique où l’oiseau en cage tombe amoureux de son riche protecteur ?!

Et moi, avec mon petit cœur battant d’amour sincère... il avait osé confondre mes sentiments avec un simple contrat ?!

C’était beaucoup trop injuste !!

 

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Mon expression devait être tellement blessée que Gu Yiliang en perdit ses repères.

Il me regarda, indécis, voulut m’enlacer mais n’osa pas, et se contenta finalement de me tapoter l’épaule, hésitant.

— ME TAPOTER L’ÉPAULE ?! Tu ne pouvais pas faire pire, sérieux ?!

Je le fixai, l’âme en peine, cherchant quoi dire…

Quand soudain, quelqu’un frappa à la porte de la salle de repos.

 

Traduction: Darkia1030