Faraway wanderers - Extra 1 - Changming

 

 

Le Mont Changming était couvert de neige toute l'année. En regardant au loin, tout était d'un blanc immaculé, avec des nuages et de la brume en dessous. Il y avait quelques petites cabanes et une petite cour, comme un lieu retiré pour des immortels.

Le Seigneur Septième préparait du vin. (NT : à l’époque, le vin se consommait chaud)

Un parfum riche et envoûtant s’échappait de la fenêtre et se répandait loin, rappelant "l'alcool frais avec des bulles vertes, le petit fourneau de terre rouge". Même perdu dans les montagnes profondes, cet homme semblait savoir vivre avec élégance et confort.

(NT "Le vin frais avec des bulles vertes, le petit fourneau en terre rouge. Le soir approche, il semble vouloir neiger, pourrais-je avoir une coupe de ce vin?" provient du poème 问刘十九 ("Demande à Liu") de Bai Juyi, poète chinois de la dynastie Tang)

Le Grand Chamane tenait un parchemin dans sa main, assis à ses côtés. Il levait parfois les yeux pour poser une question, et le Seigneur Septième, les yeux rivés sur le petit fourneau, répondait sans même réfléchir. S'il n'était pas né dans une famille royale, avec toute sa culture il aurait probablement pu obtenir un diplôme.

Le Grand Chamane discutait distraitement avec lui, et lui prit la main pour lui demander doucement : "As-tu froid ?"

Le Seigneur Septième serra ses mains autour du fourneau, secouant la tête en réponse, puis regarda par la fenêtre. Soudain, il sourit et dit : "Regarde cet endroit, on pourrait le qualifier de 'les oiseaux ont disparu de mille montagnes, les chemins sont tous sans trace humaine'. Après quelques temps ici, je perdrais la notion du temps."

(NT : du poème 江雪 ("Neige sur la rivière") de Liu Zongyuan, un poète de la dynastie Tang.)

Le Grand Chamane, touché, demanda : "Aimes-tu cet endroit ?"

Le Seigneur Septième le regarda de biais et répondit en riant : "Si je disais que j'aimais cet endroit, tu serais prêt à y vivre avec moi ?"

Le Grand Chamane réfléchit un moment, puis dit sérieusement : "Luta est encore jeune. Mais si tu aimes vraiment cet endroit, je reviendrai et lui enseignerai correctement. Dans deux ou trois ans, je lui confierai le Nanjiang et reviendrai te rejoindre ici. Qu’en dis-tu ?"

Le Seigneur Septième fut d'abord surpris, puis il éclata soudain de rire et lui donna une petite tape sur le front en disant : "Tu prends tout au pied de la lettre, n'est-ce pas ? Qui voudrait vivre dans un endroit aussi maudit, avec le froid et la glace ? Le Nanjiang est bien plus animé."

Il baissa les yeux et sourit : "On peut boire maintenant." Il sortit les coupes, en servit deux et en tendit une au Grand Chamane, gardant l'autre pour lui. Il porta la coupe à son nez, prit une grande respiration, ferma les yeux et continua : « En réalité, un bienfait couvre cent laideurs, seul un vin qui reste aromatique après la cuisson est un excellent vin. Comme on dit : ''trois tasses, et j'entre dans le grand Dao, un dou (NT : ancienne mesure équivalant à 10 litres), et je ne fais qu'un avec la nature.'. Dans ce monde plein de chagrins, seul ce vin pouvait apporter du réconfort." (NT : du poème 将进酒 invitation à boire’ de Li Bai)

Ses paroles furent brusquement interrompues par des bruits de "cliquetis". Le Seigneur Septième soupira, le plaisir de boire du vin en récitant de la poésie fut soudainement gâché. Il prit une gorgée et murmura : "Ces deux sauterelles n'ont jamais de repos. Maintenant que Zhou Zishu est réveillé, nous devrions nous préparer à partir dans quelques jours. Je n'en peux plus de ce vacarme incessant."

Zhang Chengling s'entraînait, et d'habitude il ne faisait pas autant de bruit. Ce genre de tumulte, où l'on dirait qu'on démolissait une maison, provenait généralement de ses deux maîtres lorsqu'ils s'affrontaient.

Le Grand Chamane avait dit que dès lors que que Zhou Zishu se réveillerait, les moments les plus dangereux seraient passés. Zhou Zishu, après avoir survécu aux épreuves, resta affaibli pendant deux ou trois jours après son réveil, mais il put rapidement se lever et bouger. Quelques jours plus tard, il était suffisamment en forme pour courir et sauter, et il avait recommencé à être agité.

C'était un mystère de savoir qui dans le duo provoquait l'autre, mais comme le disait le Seigneur Septième, "Il faut être deux pour faire du bruit". Du matin au soir, même quand ils s'asseyaient calmement pour manger, les querelles commençaient par des échanges de paroles taquines et se terminaient par des coups de baguette. Au début, le Seigneur Septième trouvait cela amusant, mais il en était devenu fatigué. Il avait cessé de manger avec ces deux singes pour éviter que le chaos ne s’étende et qu’il n’en subisse les conséquences.

Le Seigneur Septième exprima son étonnement avec une certaine perplexité : « Zhou Zishu était toujours si calme auparavant, comment cela a-t-il pu arriver... Ah, vraiment, c’est la vérité que ‘on devient rouge en se rapprochant du vermillon, noir en se rapprochant de l'encre’. »

Le Grand Chamane esquissa un sourire et dit : « En fait, c’est peut-être mieux ainsi. La reconstruction des méridiens après une douleur intense est déjà très difficile, et ici, dans cette région extrêmement froide, il est déjà remarquable que quelqu’un puisse se remettre et se mouvoir librement. Zhou Zishu ne se contente pas simplement de bouger, il force les méridiens à s’ouvrir. Bien que cela soit douloureux maintenant, cela portera ses fruits à l’avenir. »

*

Wen Kexing attrapa l’épaule de Zhou Zishu avec une main, comme s’il voulait le garder dans ses bras. Zhou Zishu utilisa cette force pour se retourner et, avant même de toucher le sol, donna un coup de pied au menton de Wen Kexing, le faisant reculer d’un pas. Puis, il se déplaça rapidement, lançant une attaque discrète. Wen Kexing, pris par surprise, se retrouva déséquilibré, manquant de tomber à genoux. Il se roula sur le côté et attrapa la jambe de Zhou Zishu, entraînant les deux hommes dans une roulade sur le sol.

Le sol étant recouvert de glace et de neige, le Seigneur Septième, le Grand Chamane et Zhang Chengling restèrent à l’écart, restant propres et sans souci de salissures. Après plusieurs tours, Wen Kexing, avec un sourire malicieux, réussit à plaquer Zhou Zishu au sol, ses mains reposant de chaque côté de la tête de Zhou Zishu, et demanda : « Alors, cette fois, es-tu convaincu ? »

Zhou Zishu, encore affaibli par ses blessures récentes et légèrement essoufflé, répondit : « ... Ta technique est vraiment bon marché. »

Wen Kexing se pencha près de lui et, d’une voix basse et amusée, murmura : « C’est toi qui as commencé avec ta ruse. »

Zhou Zishu soudainement dit : « Hé, vieux Wen. »

Wen Kexing émit un « hmm » et lécha doucement le cou de Zhou Zishu, demandant : «Quoi ? »

« Je voulais dire... »

Zhou Zishu semblait dire quelques mots sans se soucier, Wen Kexing ne les ayant pas bien entendus, demanda avec confusion : « Hmm ? »

Profitant de ce moment d’inattention, Zhou Zishu donna un coup de coude à Wen Kexing, qui se retrouva instantanément jeté au sol, Zhou Zishu coinçant ses deux bras derrière son dos, après quoi il fut plaqué au sol. Zhou Zishu souffla dans son oreille en imitant la façon dont Wen Kexing l’avait fait plus tôt, riant doucement : « Alors, cette fois, es-tu convaincu ? »

Wen Kexing tourna difficilement la tête pour le regarder et demanda : « A-Xu, tu n’es pas en train de vouloir me ligoter, n'est-ce pas ? »

Zhou Zishu haussa les sourcils, un sourire malicieux aux lèvres : « C’est une bonne idée. »

Il tapa sur ses points d’acupression, puis voyant que l’autre était momentanément immobilisé, il se détendit légèrement, s’assit à côté de lui et caressa son visage, en disant : « Petite femme, pour te maîtriser, j’ai bien transpiré. »

Soudain, une main se tendit et se posa sur son front. À sa grande surprise, Wen Kexing, qui semblait immobilisé, se releva lentement, en disant : « Eh ? Je vois que tu as vraiment transpiré ? Ne tombe pas malade. »

« Tu sais modifier les points d’acupression ! »

Zhou Zishu, surpris, glissa sur le côté, regardant Wen Kexing avec méfiance. Wen Kexing lui fit un clin d’œil et répondit : « Je sais faire bien plus que ça. »

Puis ils se jetèrent à nouveau l’un sur l’autre, continuant leur lutte tumultueuse.

Il s’avérait que le Grand Chamane avait mal compris quelque chose. La raison pour laquelle ils se battaient sans cesse n’était pas seulement liée aux méridiens, mais aussi à un autre problème urgent — le résultat était encore incertain, chacun était frustré et devait se défouler en se battant.

Au début, Zhang Chengling s’était précipité pour observer avec enthousiasme, espérant apprendre quelque chose. Cependant, il découvrit rapidement que les combats étaient trop violents pour qu'il puisse en tirer quelque chose de vraiment utile. À part des mouvements tels que "le Tigre Noir arrache le cœur", "le Singe vole les pêches" et "le Grand Rouleau du Ciel et de la Terre", il n'y avait rien de très instructif. Il se rendit alors compte que même les experts en arts martiaux pouvaient revenir à des méthodes brutales et primitives. Finalement, il décida de se concentrer sérieusement sur ses propres techniques.

Il se demandait encore pourquoi son maître lui reprochait toujours d’avoir des mouvements peu élégants, mais n’était-il pas lui-même souvent en train de rouler sur le sol de manière peu gracieuse aux côtés de senior Wen.

Les deux grands maîtres étaient devenus de véritables coquins, se déplaçant presque par inadvertance dans le désordre, finissant par entraver la progression de leur élève. Ils avaient sans le vouloir continué à mener des combats qui dérogeaient totalement aux règles.

Ils cessaient de se battre uniquement lorsque Zhou Zishu prenait son médicament quotidien le soir. Le Grand Chamane, administrant le remède, le dosait avec soin selon la condition physique de la personne. Pour ceux qui étaient délicats et faibles, il était doux, mais pour Zhou Zishu, qui pouvait supporter beaucoup, il administrait des médicaments très puissants. Chaque jour après la prise du médicament, Zhou Zishu ressentait une grande détresse pendant un moment, endurant la douleur jusqu'à ce que l'effet se dissipe, puis il était couvert de sueur.

Après un bon lavage, il se reposait pour récupérer et être prêt pour le lendemain.

Après la dernière dose de médicament, le lendemain, le Grand Chamane et le Seigneur Septième prirent congé. Bien que le Sud soit connu pour son hospitalité et que le jeune Chamanet Luta le surveillait, il était grand temps pour eux de partir après une si longue absence. Une fois les deux partis, Zhou Zishu put apprécier une nuit de paix sans les médicaments torturants.

Wen Kexing entra dans la pièce avec une bouteille de vin, la secouant devant Zhou Zishu. Ce dernier la prit sans hésitation, et Wen Kexing se rapprocha, les yeux brillants fixés sur le profil de Zhou Zishu.

Zhou Zishu se sentait un peu mal à l’aise sous son regard et demanda après avoir bu une gorgée : « Que regardes-tu ? »

Wen Kexing répondit avec un sourire : « Tu n’as pas peur que je l’aie drogué ? »

« Avec quel genre de drogue ? »

« A quel genre penses-tu? »

Zhou Zishu lança un regard méprisant et ricana : « Tu n’oserais pas. Si tu essayais de me droguer, tu n’aurais pas peur que je devienne incontrôlable et que je te le fasse payer cher ? »

Wen Kexing fit semblant de réfléchir, fronçant les sourcils : « C’est vrai, ce serait assez compliqué. » Il posa son menton et examina Zhou Zishu de haut en bas, secouant la tête et soupirant : « Tu ferais mieux de me laisser faire le mouvement. Sinon, si ça continue comme ça, nous allons finir par devenir des moines. »

Zhou Zishu lui lança un regard et répondit : « Pourquoi ne me laisserais-tu pas faire le pas ? »

Wen Kexing déplaça lentement une main coquine vers la taille de Zhou Zishu, la faisant glisser de manière suggestive et murmura : « Je pourrais te donner autant de mouvements que tu veux, mais... »

Zhou Zishu lui attrapa le poignet, et ils commencèrent à se battre dans la pièce, essayant de ne pas trop détruire le plafond.

Zhang Chengling les croisa alors qu'il revenait de son entrainement et, ne trouvant rien d’étrange à la scène, se contenta de penser que se battre tout le temps était enfantin et peu mature. Il soupira avec une certaine tristesse et se dirigea silencieusement vers sa chambre.

Après trois cents échanges, les deux hommes étaient épuisés et décidèrent de faire une pause. Wen Kexing saisit la bouteille de vin, en but plusieurs gorgées, soupira profondément, puis s'effondra sur le lit en écartant les bras et en disant : « Ça suffit pour aujourd'hui, je n'ai plus de force. »

Zhou Zishu poussa un soupir de soulagement, attendant cette déclaration avec impatience. Il s'assit sur le bord du lit et le poussa légèrement pour se faire de la place, en disant : « Laisse-moi un peu de place. »

Wen Kexing se déplaça et fixa les rideaux du lit d’un air rêveur. Après un moment, il déclara : « Ah Xu, quand tu seras complètement rétabli, veux-tu m’accompagner poour descendre la montagne ? »

Zhou Zishu ferma les yeux pour se reposer et répondit : « Je suis presque rétabli maintenant, je pourrais descendre la montagne. Que comptes-tu faire ? »

Wen Kexing demeura silencieux. Zhou Zishu, s’étonnant de son long silence, ouvrit les yeux, tourna la tête et le vit toujours plongé dans ses pensées, le regard perdu. Il demanda : « Quoi ?»

Wen Kexing cligna des yeux, esquissa un sourire forcé et murmura : « Ce n'est rien. Mon père et ma mère sont morts il y a longtemps, sans sépulture. Je suis un fils ingrat, cela fait plus de vingt ans que je ne suis pas retourné les voir. Je devrais... »

Zhou Zishu soupira et enroula lentement ses bras autour de sa taille. Wen Kexing se tourna docilement vers lui, une main passant sur son dos, les doigts effleurant les os de ses omoplates, et enfouit son visage dans son épaule en murmurant : « Et Ah Xiang... »

Zhou Zishu répondit : « Pendant que tu te soignais en ville, je suis allé la voir avec Xiao Cao... Ils reposent ensemble maintenant. »

« Merci, » murmura Wen Kexing, serrant légèrement Zhou Zishu, presque inaudiblement, «Ma vie a été solitaire. Je pensais qu’Ah Xiang serait là, mais elle est partie aussi. Pendant que tu étais inconscient, je n'étais pas aussi sûr que le Grand Chamane. Je pensais, si jamais tu... je... »

Zhou Zishu remarqua soudain que son épaule était humide. Il baissa les yeux, mais Wen Kexing fit un geste pour éteindre la lampe, avec une voix légèrement étouffée et un brin de sanglot : « Ne me regarde pas. »

Zhou Zishu, qui n'était pas habitué à réconforter les gens, laissa Wen Kexing l'enlacer fortement.

Peu à peu, la main de Wen Kexing se mit à errer sur lui, Zhou Zishu ressentit une gêne, mais il n'y avait pas de malice dans ses gestes. Il murmurait son nom comme s'il n'était pas sûr, avec une touche de peur et d'urgence. Zhou Zishu soupira intérieurement, pensant qu'il valait mieux le laisser faire cette fois-ci, car il semblait vraiment pitoyable.

Il déploya une grande maîtrise de soi et se laissa aller pour la première fois de sa vie, sans aucune réserve, en se livrant totalement à quelqu'un. Leurs cheveux s’entrelacèrent, et tandis qu’ils se frottaient l’un contre l’autre, Wen Kexing murmura presque suppliant : « Ah Xu, ne pars plus jamais... »

Même dans la froideur extrême, une douce chaleur émergea, semblant presque faire éclore une fleur sous les rideaux du lit.

Le lendemain matin, Zhou Zishu se réveilla exceptionnellement tard. Wen Kexing, le regardant, arborait un sourire satisfait.

Dès que Wen Kexing bougea, Zhou Zishu se réveilla, réalisant qu’il était mal à l’aise et que quelqu’un le serrait fermement.

Il ouvrit la bouche pour protester, mais Wen Kexing, anticipant ce geste, réprima son sourire triomphant dès que Zhou Zishu ouvrit les yeux, et plongea son regard profondément dans les yeux de Zhou Zishu avec une expression complexe et émue.

Le reproche que Zhou Zishu voulait lancer mourut sur ses lèvres en voyant les yeux rouges de Wen Kexing. Ne sachant quoi dire, il se tourna brusquement, le dos tourné, et murmura : « Si tu veux te lever, fais-le, ne me dérange pas. »

Wen Kexing l’enlaça immédiatement depuis l’arrière, se remettant au lit, tandis qu'il cachait son expression plaintive dans un endroit où Zhou Zishu ne pouvait le voir. Il se sentait joyeux, pensant que la douceur du cœur était tout aussi attrayante que la souplesse de la taille.

Mais il ne resta pas longtemps dans cet état de bonheur ; il commença à s’inquiéter en jetant un coup d'œil furtif à la personne à ses côtés. Il se demanda s’il devrait prétendre pleurer chaque fois qu'il voudrait... Cela semblait... un peu tragique.

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

 

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