DPUBFTB - Chapitre 88 - Cycle du karma, la rétribution est inévitable (2)

 

Fille-vase, cache-cache, percer à jour l’ensemble de la situation.

 

La soi-disant « partie de cache-cache » exigeait que tous les participants quittent le magasin de thé au lait et entrent dans le brouillard à 19h30 et, sans quitter le périmètre du quartier nommé «rue Zhengxin », évitent les créatures aux formes variées.

En comptant Song Chunyang, qui s'était involontairement retrouvé impliqué, il y avait en tout onze participants.

Un homme, méprisant la bienveillance de la jeune femme, lança d’un ton glacial : « Xiaoguan, pourquoi lui expliquer autant de choses ? »

Après de brèves présentations, Song Chunyang apprit que « Xiao Guan » s’appelait en réalité Guan Qiaoqiao.

Elle semblait éprouver de la culpabilité de ne pas avoir pu l’aider à échapper à cette épreuve et lui dit : « Puisque nous nous sommes rencontrés, c’est que c’était le destin. »

Song Chunyang, à la fois ému et accablé, renifla avant de répondre : « Désolé, j’ai déjà un copain. »

Guan Qiaoqiao : « … » Oh, vraiment ? Quelle malchance.

À cet instant, l'esprit de Song Chunyang n’était qu’un chaos obscur. Il ne comprenait pas grand-chose aux explications de Guan Qiaoqiao. Lorsque les autres se levèrent un à un et pénétrèrent dans la rue noyée de brouillard, il suivit instinctivement la foule.

Chacun de ses gestes le faisait ressembler à ces figurants de films d’horreur qui semblaient presque crier « Tuez-moi en premier », alors personne ne misait sur sa survie.

Dans ce monde parallèle, la rue avait perdu son animation habituelle. Le brouillard était si dense qu’une simple inspiration provoquait une légère sensation d’inconfort dans les poumons.

Les rues, autrefois illuminées, étaient maintenant plongées dans un silence de mort. Les derniers survivants restaient groupés devant le magasin de thé, soufflant de l’air glacé dans la nuit, scrutant les alentours avec inquiétude.

Quelques réverbères restaient allumés, mais loin d’apporter du réconfort, leur lueur jaune pâle était diffusée par le brouillard et ressemblait à des yeux uniques dissimulés dans les fissures des murs, observant les passants en cachette.

Dès que le dernier participant quitta le salon de thé au lait, les lumières à l’intérieur du magasin s’éteignirent automatiquement.

Dans le silence absolu, un compte à rebours résonna depuis les profondeurs du brouillard.

« Un… Êtes-vous bien cachés ? Deux… Êtes-vous bien cachés ? Trois… »

Les voix provenaient de toutes les directions, de cordes vocales différentes, de genres différents. Certaines étaient douces, d'autres profondes, claires, rauques, emplies de colère ou de joie… Toutes se mélangeaient en un écho sinistre, omniprésent dans l’épais brouillard.

Certains eurent même l’impression qu’une des voix venait de sous leurs pieds.

Un homme sursauta et recula précipitamment.

D’après ce que Guan Qiaoqiao avait confié, une fois que le compte à rebours atteindrait cent, les fantômes obtiendraient un corps tangible et seraient libres de se mouvoir.

Elle avait aussi précisé que, dans la première phase du jeu, les monstres étaient encore limités et leurs mouvements suivaient certaines règles. Mais plus l’heure avançait, plus ils gagneraient en liberté.

Pendant une heure entière, ils allaient devoir jouer à cache-cache avec les fantômes dans cette rue.

Personne ne voulait emmener ce nouveau venu qui semblait porter la poisse. Chacun partit de son côté, formant de petits groupes, et au final, seule Guan Qiaoqiao resta avec Song Chunyang.

Elle le vit encore en train de s’essuyer les yeux et soupira d’un ton impuissant : « Allez, on y va. Si pleurer pouvait servir à quelque chose, alors nous… »

Mais Song Chunyang s’était déjà essuyé les larmes et avait retiré ses lentilles de contact.

Dans l’obscurité, ses yeux lavés par les larmes étaient d’une limpidité saisissante, tels des pierres précieuses d’une qualité exceptionnelle. Même sous la lumière blafarde des réverbères, leur teinte inhabituelle restait discernable.

Guan Qiaoqiao, stupéfaite, s’exclama : « Tes yeux… »

Song Chunyang, la voix encore légèrement nasillarde, répliqua : « Ne dis pas que les hommes qui portent des lentilles colorées sont efféminés, hein ? »

Guan Qiaoqiao : « … D’accord, je ne dirai rien. »

Song Chunyang se tint immobile un instant, observant autour de lui.

Les voix omniprésentes du compte à rebours perturbaient leur ouïe, mais il ne montra aucune hésitation. Il choisit une direction, attrapa la main de Guan Qiaoqiao et se mit à courir. « Par ici, il y en a moins. »

Guan Qiaoqiao, surprise : « Comment le sais tu… ? »

Song Chunyang se retourna pour la regarder. Il n’avait pas besoin d’expliquer davantage. Ses yeux hétérochromatiques parlaient d’eux-mêmes.

Il pouvait voir où se trouvaient ces choses.

Et cela leur offrait un immense avantage.

Song Chunyang trouva une boutique propre à l’intérieur comme à l’extérieur. Après s’être assuré que les entrées avant et arrière étaient accessibles, il entraîna Guan Qiaoqiao derrière le comptoir pour s’y cacher.

Au moment où le compte à rebours prit fin, un hurlement d’homme déchirant retentit en provenance d’une boutique de jade non loin d’eux.

… À en juger par la voix, il s’agissait précisément de l’homme qui, dans le salon de thé, avait dit à Guan Qiaoqiao de ne pas se mêler de ce qui ne la regardait pas.

Il avait sans doute cru trouver un endroit sûr où se cacher, mais en tournant la tête, il avait découvert qu’un des « compteurs » se tenait juste à côté de lui.

Song Chunyang passa légèrement la tête hors du comptoir et aperçut une fillette dont les membres et la tête étaient tordus à 180 degrés. Elle gloussait doucement, avançant à quatre pattes en position de pont inversé, poursuivant l’homme qui continuait à hurler.

Song Chunyang : « … » Quelle vision cauchemardesque.

Peu après, des bruits atroces de morsures et de chair déchirée s’élevèrent non loin. L’homme, toujours en train de hurler, griffait frénétiquement le sol, ses ongles raclant la surface avec un bruit strident qui résonnait dans la rue silencieuse.

Song Chunyang se recroquevilla derrière le comptoir et serra la main de Guan Qiaoqiao, dont le visage était tout aussi livide que le sien, en guise de réconfort.

… Quoi qu’il arrive, il devait absolument rentrer.

Yuan Benshan l’attendait pour aller au cinéma.

Personne d’autre ne le voyait, mais Song Chunyang pouvait deviner que la répartition des fantômes dans cette zone suivait l’agencement d’un ancien hexagramme maudit.

Sous la tutelle de sa grand-mère, il avait appris de nombreux préceptes et doctrines ésotériques, dont l’existence d’une méthode de rituel qui nécessitait de broyer les os de personnes handicapées pour dessiner un schéma occulte.

Ils étaient terrorisés et désœuvrés dans leur cachette. Guan Qiaoqiao, cherchant à briser le silence, attrapa la main de Song Chunyang et traça dans sa paume : « Qu’as-tu vu tout à l’heure ? »

Song Chunyang hocha la tête et écrivit : « Une fille-vase. »

(NT : fille-vase "Píngnǚ" (瓶女). Figure issue des récits d'horreur chinois, désignant des jeunes filles qui, dans certaines pratiques cruelles, étaient enfermées dans des vases pour des spectacles ou des rituels occultes.)

S’il ne s’était pas trompé, la jeune fille qui avait pourchassé cet homme correspondait à la description de la « fille-vase », une créature mentionnée dans un ancien recueil de contes fantastiques qu’il avait lu.

Dans les temps anciens, des trafiquants d’êtres humains enlevaient ou achetaient de petites filles, puis les revendaient à des artistes de rue. Pour attirer le public, ces derniers plaçaient les fillettes dans des vases d’environ une demi-hauteur humaine, laissant seulement leur visage visible. Elles recevaient chaque jour une alimentation raffinée, et un trou était percé au fond du vase pour évacuer leurs besoins.

Certaines s’adaptaient à cette vie et pouvaient survivre dans un relatif confort jusqu’à ce que le public se lasse et cesse de payer pour les voir. D’autres, en revanche, grandissaient et voyaient leurs os se développer au point de ne plus rentrer dans le vase. Pour y remédier, on leur brisait les bras et les jambes, les forçant à une croissance difforme.

Mais même cela ne suffisait pas toujours.

Lorsque le vase se brisait sous la pression de leur ossature déformée, ces filles, dont les membres étaient déjà inutilisables, perdaient toute valeur. Elles n’étaient plus qu’un fardeau bon à être abandonné dans un champ pour servir de nourriture aux chiens errants.

Pire encore, certaines personnes avides de pouvoir croyaient en des pratiques occultes et recherchaient à prix d’or ces femmes difformes pour en extraire les os, espérant ainsi atteindre l'immortalité.

Guan Qiaoqiao, qui connaissait aussi certaines histoires anciennes, déglutit et traça lentement :
« Ça marche vraiment ? »

Song Chunyang répondit : « Absolument pas. »

Le monde des immortels n'était pas chargé de recycler les déchets. C’était probablement la pire diffamation qu’il ait jamais reçue.

Ces filles n’avaient été, au final, que des outils destinés à assouvir les rêves d'ascension de certains dignitaires et fonctionnaires de haut rang. Elles ne pouvaient même pas être considérées comme des tremplins.

Si l’hypothèse de Song Chunyang était correcte, la zone du quartier Zhengxin devait être un ancien lieu où un tel rituel avait été pratiqué.

Le schéma du rituel était tracé avec des cendres d’os, disposées selon les lignes des hexagrammes du Yi Jing.

(NT : référence à un mode d'organisation inspiré du Yi Jing (ou I Ching, 易经), un ancien texte chinois de divination et de sagesse, fondé sur un système de 64 hexagrammes. Chaque hexagramme est formé d'une combinaison unique de six lignes pleines ou brisées, organisées selon un schéma précis. Ces figures sont utilisées dans la divination et l'analyse du monde )

Ces motifs, en fin de compte, n’étaient rien d’autre qu’une succession de traits longs et courts.

Puisque ces lignes étaient dessinées avec les cendres de personnes mortes dans une haine extrême, les esprits qui en étaient issus ne pouvaient se mouvoir que le long de ces tracés.

Ainsi, le jeu de « cache-cache » se résumait à une chose simple : éviter ces zones.

Song Chunyang appuya sa tête contre le comptoir, s’efforçant de se calmer.

D’après Guan Qiaoqiao, à mesure que le temps passait, les restrictions imposées aux fantômes par le « système principal » seraient progressivement levées.

Mais quelles étaient exactement ces « restrictions » ? Rien d’autre que leurs capacités et leur champ d’action.

Le cercle d'amis de Song Chunyang était simple, il n’avait jamais été confronté à des esprits malveillants. Le plus féroce qu’il ait rencontré jusque-là n’avait tout au plus que la capacité de donner de la fièvre aux gens, puis de s’accroupir au pied de leur lit en grinçant des dents avec colère.

Guan Qiaoqiao avait aussi précisé que le « système principal » ne fixait généralement aucune condition de mort précise, ce qui signifiait au moins que les fantômes ici ne pouvaient pas localiser les survivants en écoutant leur respiration, ni posséder de compétences absurdes comme la vision à rayons X ou une perception à des kilomètres de distance. Sinon, ils seraient déjà tous morts depuis longtemps et leur corps serait devenu froid.

La mort de l’homme dans la bijouterie en jade prouvait indirectement une chose : dans les limites définies par les cendres, les fantômes étaient extrêmement puissants.

Au vu de la manière dont la fille-vase poursuivait sa proie sans relâche, elle courait presque aussi vite qu’une panthère.

Si, dans ces conditions, les fantômes gagnaient encore en puissance, ils feraient peut-être mieux de se suicider sur-le-champ—ce serait sans doute plus rapide et moins douloureux.

Song Chunyang se gratta la tête, perdu dans ses pensées.

Dans ce cas, il était plus probable que ce soit le champ d’action des fantômes qui allait évoluer. En théorie, la configuration du rituel ne devrait pas changer. Alors, si le « système principal » voulait augmenter la difficulté, le diagramme des hexagrammes pouvait très bien passer d’un état statique à un état dynamique.

Restaient à déterminer la direction de ce mouvement : sens horaire, antihoraire ou simple translation… Il leur faudrait observer davantage.

… S’ils n’avaient pas été éliminés d’un coup, c’était sans doute parce que ce fameux « système principal » cherchait à extraire un maximum d’« énergie de peur ».

Mais cette « énergie de peur », qu’était-ce au juste ?

Alors que Song Chunyang s’égarait dans ses réflexions, il entendit soudain la porte vitrée derrière eux être poussée par quelque chose.

La main de Guan Qiaoqiao se resserra brusquement autour de la sienne.

Tous deux retinrent leur souffle, écoutant le bruit d’un objet rond roulant lentement sur le sol.

L’objet roula jusqu’aux pieds de Song Chunyang avant de pivoter… C’était une tête de petite fille.

Elle sourit gentiment : « Je t’ai trouvé. »

Guan Qiaoqiao faillit hurler, mais Song Chunyang lui plaqua immédiatement une main sur la bouche.

Malgré son apparente maîtrise de soi, son esprit venait de sombrer dans un bref état de blackout, envahi par des pensées absurdes comme : Putain de boule de bowling ? ou encore Lancer son équipement, c’est vraiment exagéré !

Après un moment, voyant qu’elle n’obtenait aucune réaction, la tête, déçue, roula plus loin.

Tremblant, Song Chunyang traça dans la paume tout aussi tremblante de Guan Qiaoqiao : « Ce n’est qu’une tête de cadavre. »

Ses yeux étaient vides, il ne restait en elle qu’une infime trace d’énergie spectrale, juste assez pour lui permettre de prononcer une phrase.

Il supposait que la fille-vase, après avoir festoyé sur leur coéquipier, avait trouvé l’endroit suspect. Elle avait donc détaché sa propre tête et l’avait jetée à l’intérieur pour sonder les lieux.

Si eux avaient paniqué et s’étaient rués dehors en hurlant, ils seraient probablement tombés directement dans ses bras.

Et comme prévu, la seconde d’après, la tête, qui avait roulé jusqu’à un meuble en métal, répéta avec un sourire espiègle : « Je t’ai trouvé. »

Song Chunyang : « … » Un vrai talent pour le harcèlement de rue.

Après avoir exploré plusieurs cachettes potentielles dans la boutique sans succès, la tête roula finalement à l’extérieur, à la recherche d’une autre proie.

 

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L'auteur a quelque chose à dire :

Ce monde pourrait être un peu plus long, une trentaine de chapitres peut-être ?

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

 

 

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