DPUBFTB - Chapitre 78 - J’ai entendu dire que je suis le Dieu de la Guerre (15)

 

Encerclement, métamorphose en papillon, immersion totale.



À 23 heures précises, Chi Xiaochi remit conformément aux spécifications requises un demi-mètre cube de métal Naman, débarrassé des radiations cosmiques, puis se rendit au point de rendez-vous convenu avec Luo Qian et les autres.

La majeure partie du métal Naman contenu dans la poussière d’étoiles fut récupérée par Chi Xiaochi, tandis que 061 le transformait en liquide froid et le stockait dans un compartiment vide.

Avec ces six flacons de liquide, le nouveau corps de Bleu était enfin installé.

De bonne humeur, Chi Xiaochi ne put cependant résister à l’assaut combiné de l’alcool et de la fatigue. Après avoir défini les coordonnées de sa destination, il dit à 061 : « Je dors, d'accord ? »

061 feuilleta un livre dans un bruissement de pages : « La dernière fois, je t’ai lu jusqu’à… »

Exténué, Chi Xiaochi tendit la main pour tâtonner dans le vide, comme s’il voulait couvrir la bouche de quelqu’un : « …Je veux dormir, ne fais pas de bruit. »

061 resta interdit un long moment, jusqu’à ce que le souffle régulier du dormeur résonne tout près de son cœur.

Bleu leva alors doucement la main et la posa sur sa poitrine, troublé par ce battement imperceptible qu’il ressentait à l’intérieur.

… Pourquoi avait-il toujours tant de choses en tête ?

Trop intelligent, et trop fatigué.

… Et bientôt, lui aussi fit l’expérience des conséquences de « trop réfléchir ».

Ce ne fut que lorsqu’il se retrouva encerclé par quatre unités spéciales que 061 réalisa qu’ils étaient suivis depuis un bon moment.

L’un des méchas, rouge foncé, tenait un détecteur et affirma avec assurance : « Pas de doute, il émet un signal de métal Naman extrêmement puissant. »

Un autre mécha, en forme d’araignée, brandit un fusil laser et ricana : « Remets-le-nous sans faire d’histoire. Un contre quatre, ton mécha peut encaisser ça ? Tu sais compter, non ? »

Les deux autres méchas restèrent silencieux, mais l’un d’eux pointa un rayon infrarouge sur le genou de Bleu, tandis que l’autre visait son système de propulsion dorsal. S’il tentait une percée, il serait immédiatement mis hors d’état de nuire.

Pourtant, 061—ou plutôt Bleu—n’avait aucune intention de fuir.

Se tenant au centre du cercle, il s’inclina légèrement et dit d’un ton courtois : « Chut, parlez plus bas. Mon maître dort. »

Le mécha-araignée s’esclaffa : « Tiens, un système d’intelligence avancé. »

Bleu fixa un instant le détecteur dans la main du mécha rouge foncé et en analysa instantanément toutes les fonctionnalités : « Selon le règlement, personne n'est autorisé à apporter un détecteur dépassant un kilomètre de portée. Comment avez-vous fait entrer celui-là ? »

Le mécha-araignée claqua la langue et appuya sur la gâchette. Un faisceau laser blanc vint frapper violemment la taille de Bleu.

Bleu plia un genou au sol en tenant son flanc.

Le mécha-araignée activa la recharge de son arme et lança avec mépris : « Tu parles trop. File-nous ce que tu as, sinon tu finiras en tas de ferraille. »

Le mécha rouge foncé était piloté par une femme. Elle n’approuvait pas entièrement cette méthode de braquage ouvertement, mais voyant que le temps pressait et que leur groupe de quatre n’avait toujours pas mis la main sur ne serait-ce qu’un fragment de métal Naman, elle n’était pas prête à lâcher l’affaire.

Elle dit : « Donne-le-nous, considère ça comme un service rendu. »

Bleu ne répondit pas et l’ignora complètement.

Le mécha-araignée le menaça : « Si tu refuses, on te démonte ici et on détruit l’émetteur de détresse de ton maître. Il devra alors errer dans cet endroit avec un tas de ferraille. Tu sais combien de kilomètres il devra parcourir à pied jusqu’au point de surveillance le plus proche ? Dix kilomètres, rien que ça. Tu sais ce qu’il risque de croiser sans mécha pour le protéger ? »

Ils attendaient tous que Bleu se rende.

Ce mécha avait un système d’émotions avancé, il devait comprendre la peur.

À genoux, Bleu leva la tête et demanda calmement : « …Il risque de croiser quoi ? »

Le mécha-araignée n'avait pas pensé que son adversaire ne saurait pas pleurer tant qu'il n'aurait pas vu son cercueil. Il pointa à nouveau son fusil laser sur la tête de Bleu et gronda : « Tu veux refuser un toast seulement pour être forcé de boire un forfait, c’est ça ?! »

Puis il pressa la détente.

Cette fois, il visait la tête.

S'il était percé, le système central du mécha Bleu serait irrémédiablement détruit.

Mais à sa grande stupeur, le tir ne partit pas.

Bleu s’était déplacé en un éclair, apparaissant juste à côté de lui. Sa main droite s’était immobilisée à une dizaine de centimètres du canon du fusil, où le rayon laser s’agglutinait en une sphère d’énergie incapable d’avancer d’un millimètre de plus.

Il relâcha alors sa main gauche qui avait été pressée contre la "zone endommagée". Dans sa paume, se trouvait en fait une boule d’énergie pure, captée avant qu’elle ne puisse pénétrer son corps.

Il fit pivoter légèrement son poignet et, aussitôt, une myriade de papillons lumineux, formés de faisceaux laser, s’échappa élégamment de ses doigts et s’envola en éclats scintillants.

Toujours agenouillé devant le mécha-araignée figé, Bleu s’inclina légèrement avec une élégance impeccable : « Pardonnez mon impolitesse. »

Tous eurent la même pensée : Mais c’est quoi ce foutu système de défense ?!

Mais leur instinct de survie reprit vite le dessus. D’un mouvement coordonné, ils ouvrirent le feu sur Bleu.

Lasers, balles et tirs infrarouges fusaient en rafales… Mais à l’instant où ils atteignaient l’extérieur de son armure, tous s’arrêtaient net, réduits en fragments évanescents.

Si l’on observait attentivement, on pouvait même voir d’innombrables flux de données s’écouler et se dissiper tout autour de lui, comme une rivière numérique en perpétuel mouvement.

Bleu tendit la main et dévia d’un simple geste le rayon infrarouge perçant qui visait directement son système d’armement au poignet : « … Mesdames et messieurs. »

Le groupe de pillards, bloquant la route, était plongé dans un état de stupeur totale.

Bleu plia doucement la trajectoire d’un tir laser, comme s’il manipulait une corde souple : « … Je vous ai déjà dit que mon maître dort. »

Deux des assaillants, armés de fusils infrarouges, réalisèrent que quelque chose clochait et tentèrent de fuir—mais ils découvrirent aussitôt que leurs systèmes de propulsion étaient hors service.

Ils tentèrent alors de redémarrer leurs moteurs manuellement, mais ne reçurent en retour qu’une avalanche de messages d’erreur.

Déconcertés, ils virent une chose étrange : un papillon blanc, composé de lumière laser, voletait tranquillement à travers leur affichage tête haute. Un instant plus tard, tous leurs systèmes visuels tombèrent en panne.

… Quand diable ces choses avaient-elles infiltré leurs méchas ?!

Pendant ce temps, Bleu avait déjà terminé de modifier la trajectoire de tous les projectiles. Il déclara avec douceur : « Je préférerais ne pas le réveiller. Alors, je vous serais reconnaissant de ne pas faire trop de bruit. »

Sur ces mots, il s’inclina respectueusement à 45 degrés.

Et au moment où il se pencha, toutes les munitions suspendues en l’air se remirent en mouvement.

Les rayons infrarouges perforèrent le système de propulsion du mécha-araignée.

Le tir laser détruisit le détecteur du mécha rouge foncé.

Les autres projectiles transpercèrent les systèmes d’armement des deux derniers méchas.

Lorsque Bleu se redressa, les quatre méchas, criblés de trous, s’effondrèrent au sol comme des carcasses inutilisables.

Il balaya les lieux du regard, s’assurant qu’ils étaient tous complètement hors service—au point qu’ils ne pouvaient même plus quitter leur cockpit.

Bleu s’approcha alors de chaque mécha et ouvrit sans effort leurs compartiments de secours, comme s’il déverrouillait la porte de sa propre maison. Il en sortit les balises de détresse et les disposa cadenassées autour d’eux en cercle, à la manière de bougies d’anniversaire.

Tout en les disposant, il commenta : « D’après ce que ce cher monsieur araignée a dit, le point de surveillance le plus proche est à environ dix kilomètres d’ici. Quant à ce qui peut arriver à un humain sans mécha dans ces terres désolées… Je laisse ce monsieur l’expliquer à ses compagnons. »

Le mécha-araignée, pris de panique, s’écria : « Rends-les-nous ! Remets-nous ça ! … S’il te plaît! »

Bleu l’ignora et s’éloigna tranquillement, les laissant là jusqu’à ce que minuit passe.

Quatre papillons de lumière blanche se posèrent sur les balises de détresse, battant doucement des ailes et émettant de délicates ondes de données.

Après une dizaine de kilomètres de marche, Chi Xiaochi s’éveilla naturellement de son sommeil léger.

061 demanda : « Bien dormi ? »

Le cockpit était doux et confortable, la température parfaitement réglée, et le silence alentour absolu. Une nuit de sommeil profonde, sans le moindre rêve.

« Pas mal. » Chi Xiaochi s’étira longuement, satisfait. « Bleu, quelle heure est-il ? Où en est-on ?»

Bleu perçut chaque micro-mouvement à l’intérieur de son propre corps et répondit avec une extrême douceur : « Il est 23 h 58. Il ne reste que quelques centaines de mètres avant d’atteindre les coordonnées du point de rendez-vous. »

Chi Xiaochi demanda : « Rien d’inhabituel sur la route ? »

Bleu répondit calmement : « Non, c'était entièrement sûr. »

Le mécha poursuivit son chemin. Mais soudain, Chi Xiaochi perçut un sifflement électronique strident au loin. Il tourna la tête et vit quatre feux d’artifice éclater dans le ciel—des gerbes de lumière s’étendaient comme des serpents argentés et des dragons dorés rugissants, illuminant la nuit d’une splendeur éclatante.

061 laissa échapper un rire bref et léger.

Chi Xiaochi tourna la tête, intrigué : « Professeur Liu ? »

061 toussota doucement. « Ahem. On dirait qu’un petit groupe a eu quelques… ennuis. »

Chi Xiaochi observa les signaux de détresse et commenta : « Eh bien, ils ont un certain sens du spectacle. »

061 n’eut pas le temps de répondre qu’une voix familière retentit derrière eux : « … Ji ? »

Chi Xiaochi se retourna et aperçut, au bord d’une falaise non loin, Luo Qian et son mécha Ruì dé qui lui faisaient signe.

Luo Qian cria : « Xiaoqing vient de faire rôtir un lièvre, viens vite ! Ta mission est terminée ? »

Chi Xiaochi sauta hors de son mécha et répondit, faussement déçu : « Non, pas encore… »

« Parfait. » Luo Qian ne s’en offusqua pas le moins du monde et se tourna vers les jumeaux Wang. « Gardez les cuisses de lapin pour nous, les os, c’est pour lui. »

Luo Qian était de nature facile à vivre. En quelques heures à peine, Wang Xiaoqing et Wang Xizhou étaient déjà devenus très proches d’elle.

Les trois adolescents riaient aux éclats, formant un tableau de camaraderie insouciante. Même Ji Zuoshan, habituellement réservé, esquissa un léger sourire, et ses yeux s’adoucirent imperceptiblement.

Mais un peu plus bas, à l’ombre d’un rocher, Zhan Yanchao serrait les poings à s’en blanchir les jointures, les vagues de l’océan se superposant dans son regard.

Ce n’était pas comme ça avant.

Avant… il n’y avait que Ji Zuoshan et lui.

Ji Zuoshan ne souriait presque jamais. Mais maintenant, il souriait—et ce sourire, aussi rare qu’une fleur de fer en pleine floraison, était d’une beauté à couper le souffle.

Accroupi derrière la roche, Zhan Yanchao le fixait avidement. Puis, soudain, il vit Ji Zuoshan balayer les environs du regard, comme s’il avait senti qu’on l’observait. Pris de panique, Zhan Yanchao se replia précipitamment derrière le rocher, plaqua une main sur la tête de son mécha et lui murmura d’un ton sévère : « Ne bouge pas ! Baisse la tête ! »

Voyant la valeur de regret grimper à 15 points, Chi Xiaochi ne fit aucun commentaire et se contenta de monter sur la falaise avec Bleu.

Zhan Yanchao écouta, avide, leurs pas qui s’éloignaient, les suivant du regard jusqu’à ce que le silence retombe. Puis, les yeux rougis, il enfouit son visage dans son bras replié et murmura faiblement :

« Ji Zuoshan… reviens. »

Mais sa voix était si faible que même lui ne l’entendit pas.

Son mécha baissa la tête pour l’observer.

Zhan Yanchao resta un instant immobile, hébété, avant qu’une idée ne lui traverse l’esprit. Il grimpa dans son cockpit et donna ses ordres d’une voix ferme : « Désactive complètement le chauffage, l’éclairage et le système sensoriel. Laisse uniquement le système d’alerte externe. »

Les méchas de combat obéissaient aveuglément à leur maître. Le sien exécuta l’ordre sans poser de question.

Le monde entier plongea alors dans un silence absolu.

D’ordinaire, Zhan Yanchao ne remarquait même pas la connexion sensorielle avec son mécha. Mais à présent, avec tous les systèmes désactivés, le cockpit n’était plus qu’un espace confiné, exigu, étouffant, plongé dans une obscurité suffocante.

… Exactement comme le cercueil qu’il avait autrefois conçu pour Ji Zuoshan.

Il avait toujours pensé que ce n’était qu’un châtiment sans grande importance.

Mais au bout d’une heure, il commença à s’agiter, en sueur, le cœur battant trop vite, les pensées s’égarant dans le vide sombre.

Deux heures plus tard, une sensation insupportable d’insectes rampant sous sa peau le fit se tordre d’inconfort. Incapable de se contrôler, il griffa les parois du cockpit avec ses doigts tremblants.

Son mécha lui demanda s’il voulait sortir. Zhan Yanchao, rassemblant le peu de fierté qu’il lui restait, répondit d’une voix étouffée : « Non. »

Il ne savait pas combien de temps s’était écoulé ensuite.

Puis, brusquement, le mécha détecta des signes de lutte et de collision violente à l’intérieur du cockpit. En réponse, il activa immédiatement son protocole d’urgence et éjecta le siège du pilote.

Zhan Yanchao roula au sol, haletant. Son corps trempé de sueur dégoulinait sous ses vêtements. Il passa une main tremblante sur son visage plusieurs fois avant de demander, d’une voix brisée : « Quelle heure est-il… ? »

Le mécha répondit : « Maître, il est quatre heures du matin. »

Zhan Yanchao, vidé de ses forces, leva les yeux vers la nuit obscure d’avant l’aube.

Il avait eu l’impression d’avoir passé une éternité enfermé là-dedans.

Pas étonnant que, chaque fois que Ji Zuoshan sortait du cercueil, il soit en nage, le corps couvert de bleus, les coudes meurtris à force de se cogner en cherchant à s’échapper. Et lui… lui l’avait toujours accusé d’être trop fragile, de ne jamais vouloir réfléchir à ses erreurs et de toujours faire des histoires.

Allongé sur le dos, Zhan Yanchao se recroquevilla, enfouissant son visage sous ses mains.

Qu’avait-il fait… ?

 

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L'auteur a quelque chose à dire :

Je recommande la chanson 《Je ne suis pas un robot》, elle correspond vraiment à Professeur Liu~ (NT : ‘I’m not a robot’, une chanson de 2009 écrite et interprétée par Marina Diamandis)

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

 

 

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