DPUBFTB - Chapitre 21 - Contre-attaque de la chair à canon malchanceuse (21)

 

Au revoir, Perte de contrôle, Changement des données



061 hésita un instant.

Il n'avait raconté à personne qu'après avoir été convoqué par le Maître Système, celui-ci, en plus de lui parler d'un projet nécessitant sa participation, avait mentionné son infraction lorsqu’il avait utilisé sa véritable apparence dans un monde de mission, avec des paroles qui semblaient teintées d'un avertissement.

Bien qu'il ait reconnu son erreur, cet incident restait pour 061 une source de perplexité.

Depuis la création du Système de reconditionnement des partenaires indignes, les employés numérotés dépassaient les 2000. En excluant ceux qui avaient terminé leurs missions ou qui étaient hors service pour cause de défaillance, seuls environ 500 systèmes fonctionnaient normalement, répartis entre unités de soutien, de gestion, et d'intervention, comme celle à laquelle appartenait 061.

Qui plus est, le Maître Système ne supervisait pas uniquement ce système principal. Étant responsable d'une multitude d'autres structures, pourquoi aurait-il prêté une attention particulière aux événements impliquant un novice dans un monde de mission?

Chi Xiaochi demanda : « Quoi, c’est compliqué? »

061 répondit : « Tu veux voir maintenant? »

Chi Xiaochi, en plaisantant : « Si on attend, je risque de ne plus être intéressé. »

061 réfléchit un instant : « Trois secondes. »
Il expliqua que la projection nécessitait de l’énergie, mais qu’une fluctuation sur une si courte durée ne serait pas détectée par le système principal.

Chi Xiaochi taquina : « Si mystérieux? Trois secondes, c’est même pas assez pour un baiser. »

061, amusé : « Alors, tu veux voir ou pas? »

Chi Xiaochi : « Oui, je veux voir. »

061 analysa les alentours. Chi Xiaochi se trouvait avec Cheng Jian. Une personne apparaissant soudainement de nulle part et sautant devant lui était exclu. Qui plus est, les locaux de Yundu étaient fréquentés par de nombreuses personnes. Après réflexion, Chi Xiaochi monta dans un ascenseur avec Cheng Jian.

Ne voyant aucune réaction immédiate de 061, Chi Xiaochi déclara : « Si c’est trop difficile, laisse tomber. »

061 répondit après un court silence : « Regarde dehors. »

Les portes d’acier de l’ascenseur se refermaient lentement. À cet instant, près d'une colonne de marbre au rez-de-chaussée, un jeune homme en costume élégant apparut. Occupé à parler au téléphone, il baissait la tête, révélant un profil d’après lequel on pouvait voir que les traits de son visage étaient extraordinairement beaux. Cependant, des lunettes à monture dorée et une aura raffinée atténuaient sa beauté quelque peu provocante.

Quelque chose fut dit à l’autre bout du fil, et il tourna légèrement la tête, offrant un sourire subtil. Son visage se dévoila pleinement à Chi Xiaochi juste avant que les portes de l’ascenseur ne se ferment.

Chi Xiaochi resta figé, incrédule. L’instant suivant, les larmes lui montèrent aux yeux, et il se précipita vers le tableau de commande de l’ascenseur pour appuyer frénétiquement sur les boutons.

Les lumières indiquant les étages s’allumèrent une à une, reflétant ses yeux humides qui brillaient d’une émotion intense, presque désespérée.
Il murmura : « Ne pars pas… Attends-moi… Juste un instant. »

Cheng Jian, déconcerté, appela doucement : « Xiao Yuan? »

Au deuxième étage, l’ascenseur s’arrêta, et ses portes s’ouvrirent lentement. Cheng Jian, remarquant l’état inhabituel de Chi Xiaochi, essaya de lui saisir le poignet : « Xiao Yuan, tu— »

Mais avant qu’il ne termine sa phrase, Chi Xiaochi se retourna brusquement, attrapa son poignet et lui fit une clé de bras d’un geste précis. Il poussa violemment, contraignant Cheng Jian à se plier sous l’impact.

Cheng Jian, surpris et désorienté, manqua de heurter la paroi métallique. Pendant ce temps, Chi Xiaochi sortit de l’ascenseur à toute vitesse.

Lou Ying, probablement influencé par le fait que ses parents étaient tous deux enseignants, avait une élégance naturelle et des manières raffinées, semblables à celles de quelqu’un qui s’occupe avec soin des fleurs.

Même après le tragique décès de ses parents dans un accident de voiture alors qu’ils accompagnaient leurs élèves à un camp d’été, et malgré son déménagement dans des appartements modestes en forme de tube pour vivre chez sa tante et son oncle, Lou Ying conservait un tempérament nettement distinct de celui des enfants bruyants et turbulents du voisinage.

Chi Xiaochi avait imaginé d’innombrables fois que si Lou Ying n’était pas mort, il aurait été parfait comme présentateur de nouvelles ou professeur d’université.

Et c’était exactement ainsi qu’il l’avait vu tout à l’heure dans l’ascenseur.

Sous les regards surpris des passants, Chi Xiaochi dévala les escaliers en courant, le cœur et l’esprit submergés par une foule de mots qu’il souhaitait lui dire. Mais arrivé dans le hall bondé, il ne le trouva nulle part.

061, surpris par la réaction de Chi Xiaochi, l’interpela : « Xiaochi ? Qu’est-ce qui t’arrive ? »

Cette voix fit surgir en Chi Xiaochi une pensée inquiétante. Après une hésitation, il demanda : « … Tout à l’heure, c’était… »

Sa voix, rauque et tremblante, trahissait une intense émotion. Il prit une profonde inspiration et reprit : « … C’était toi?»

061, visiblement perplexe, répondit simplement : « Hein ? »
Chi Xiaochi, s'efforçant de maîtriser ses émotions, demanda : « Tout à l'heure… c'était toi ? La personne qui est passée devant l'ascenseur... ? »

061 fronça légèrement les sourcils, confus : « Non, ce n’était pas moi. »

Il expliqua qu’il se trouvait tout à l’heure sur les escaliers en colimaçon entre le premier et le deuxième étage, agitant la main pour lui faire signe, mais que Chi Xiaochi semblait ne pas l’avoir remarqué.

Chi Xiaochi s’approcha de la colonne en marbre près de l’ascenseur, caressant doucement sa surface. C’était là qu’il l’avait vu. Il s’adossa à la colonne, le souffle court, et murmura d’une voix tremblante : « Ce n’était pas toi… ? » Je me suis encore trompé.

061 ne s’attendait pas à ce que ce genre de petit jeu de récompense entraînerait une fluctuation émotionnelle aussi violente chez Chi Xiaochi. Il ne put s'empêcher de demander :: « Qu’as-tu vu ? »

Étant soumis à des restrictions, 061 avait temporairement quitté le corps de Chi Xiaochi lorsqu’il s’était manifesté, et n’avait pas vu ce que Chi Xiaochi avait aperçu. Chi Xiaochi, cependant, resta silencieux, perdu dans ses pensées.

Cheng Jian, qui avait suivi Chi Xiaochi de près, arriva peu après. En voyant son frère figé dans une posture absente, il s’arrêta à quelques pas, incertain. La vue de son petit frère ainsi, si fragile et désemparé, lui fit éprouver une sensation étrange.

Depuis son plus jeune âge, son petit frère était d’un naturel calme, timide et mûr pour son âge. Protégé avec une vigilance presque excessive par sa famille, il était à l’abri de presque toutes les blessures, à l’exception de celles causées par Yang Baihua.
Comment Cheng Yuan pouvait-il maintenant éprouver de telles émotions ?
Ce genre de douleur écrasante, étouffante, qui rendait toute tentative de question ou de réconfort complètement futile.

Chi Xiaochi finit par briser le silence : « Grand frère. »

Cheng Jian s’approcha doucement : « Xiaoyuan. »

« Désolé », murmura Chi Xiaochi en baissant la tête, reprenant peu à peu une posture plus calme, retrouvant les émotions qui étaient censées appartenir à Cheng Yuan. « … Désolé. »

Cheng Jian, plus inquiet que fâché, posa la main sur le front de son frère : « Ton visage est si pâle. Est-ce que ça va ? Si tu veux, on peut annuler l’enregistrement. »

Chi Xiaochi évita subtilement le geste : « Comment pourrais-je ne pas enregistrer ? On a déjà convenu d’un rendez-vous avec eux. »

Cheng Jian répliqua, agacé : « Dans cet état ? Tu veux vraiment continuer ? »

Chi Xiaochi répondit calmement : « Ce n’est rien. Je vais me reprendre. »

Voyant qu’il était déterminé, Cheng Jian ajusta le col de Chi Xiaochi et l’accompagna jusqu’à l’ascenseur. En attendant, il ne put contenir plus longtemps sa curiosité et demanda : « Qui as-tu vu tout à l’heure ? »

La franchise de Cheng Jian le rendait incapable de retenir une question aussi longtemps, ce qui faisait de ses deux minutes d’attente une prouesse en soi.

Chi Xiaochi baissa les yeux vers ses chaussures et dit : « J’ai vu quelqu’un qui ressemblait beaucoup à un ami. »

La première pensée de Cheng Jian fut : Pas possible, ce ne serait pas Yang Baihua ?

Chi Xiaochi, remarquant la désapprobation de Cheng Jian, précisa davantage : « Un ami d’enfance. »

Cheng Jian demanda : « … Lequel ? »

Chi Xiaochi releva la tête, un sourire malicieux sur les lèvres : « Grand frère, tu crois vraiment que tu peux reconnaître mes amis ? »

Cheng Jian resta sans voix.

... C’était vrai.

Avec une différence d’âge de plus de cinq ans entre eux, Cheng Yuan était encore petit lorsque Cheng Jian traversait sa phase d’adolescence rebelle, persuadé qu’il était le centre de l’univers. Il n’avait jamais eu envie de s’occuper de son frère cadet, le trouvant trop jeune et ignorant, d’autant plus que la seule chose qui intéressait Cheng Yuan, la musique, ne l’intéressait absolument pas.

Quant aux amis que son petit frère s’était faits, Cheng Jian n’y avait jamais prêté attention.

Cette réflexion éveilla un sentiment de culpabilité chez Cheng Jian en tant que frère aîné.

Cherchant à clarifier, il demanda prudemment : « C’était ton premier amour ? »

Les oreilles de Chi Xiaochi devinrent légèrement rouges : « … Juste un ami. »

En voyant ses lobes d’oreilles rougir ainsi, Cheng Jian comprit tout de suite. Il toussota pour dissimuler son amusement, pensant : Si jeune et déjà concerné par ce genre de choses... Certaines orientations semblent vraiment innées, comme les documents le disent.

Il demanda à nouveau : « Tu viens de le voir ? »

« Peut-être, » répondit Chi Xiaochi. « Il lui ressemblait beaucoup. Cela fait des années que nous n’avons pas été en contact. »

L’ascenseur arriva, et les deux frères y entrèrent.

Cheng Jian reprit : « À quoi ressemble-t il ? »

Chi Xiaochi, surpris, lui demanda :
« Pourquoi tu veux savoir ça ? »

Cheng Jian rétorqua : « Dis-le-moi, c’est tout. À quoi il ressemble ? »

Chi Xiaochi commença à décrire le « Lou Ying » qu’il venait de voir, tout en scrutant l’extérieur de l’ascenseur, espérant revoir cette apparition. Mais avant que les portes ne se referment, il n’aperçut personne.

Dans le studio d’enregistrement, Chi Xiaochi retrouva peu à peu son calme.

En tant qu’étudiant en musique, Cheng Yuan était familier avec les équipements du studio. Su Xiulun n’eut besoin de lui donner que quelques instructions avant de le laisser seul pour qu’il s’échauffe et ajuste son état.

Pendant ce temps, Cheng Jian, resté dehors, relata brièvement ce qui s’était passé à Su Xiulun : «Dans votre entreprise, vous avez quelqu’un comme ça ? »

« Si c’est quelqu’un portant des lunettes à monture dorée, ce pourrait être le directeur Song, » répondit Su Xiulun après réflexion. « Mais cela pourrait aussi être un client. Si ça te travaille, je peux appeler la salle de surveillance et leur demander de vérifier. »

Cheng Jian acquiesça : « Oui, merci beaucoup. »

Alors qu’il se retournait, il aspira brusquement une bouffée d’air en grimaçant, frottant son épaule.

… Ce petit gars, d’habitude si calme, n’y va pas de main morte quand il s’y met.

Dans le studio d'enregistrement, Chi Xiaochi essaya sa voix et, constatant que son état vocal était satisfaisant, se rassura.

061, ressentant une légère gêne, tenta d'alléger l'atmosphère : « Lou Ying était ton premier amour ? Je pensais qu'il n'était qu'un ami. »

Chi Xiaochi sourit : « Bien sûr que c'était un ami. Quand Lou Ge est mort, il avait seize ans et moi quatorze. À cet âge, comment comprendre ce qu'est l'amour ? »

Mais lorsqu’il avait finalement compris, il était déjà trop tard.

061 tenta de le réconforter : « Ne t'inquiète pas, ne te torture pas. Ce n'était peut-être qu'une ressemblance. »

Chi Xiaochi répondit fermement : « C'était lui. »

061 demanda : « Comment peux-tu en être si sûr ? »

Chi Xiaochi affirma avec conviction : « Je le reconnaîtrais entre mille. »

061 se tut.

… Ce qu’il redoutait le plus venait d’arriver : Chi Xiaochi avait rencontré un lien émotionnel fort dans ce monde de mission, comme beaucoup des précédents hôtes qu’il avait accompagnés.

Chi Xiaochi poursuivit : « Tu te rappelles, j'ai cherché la tombe de Lou Ge, mais je ne l'ais pas trouvée. Sur cette ligne temporelle, il est possible qu’il ne soit pas mort. »

061 soupira : « … Tu veux le retrouver ? »

Chi Xiaochi ajusta son casque audio et répondit : « Je veux juste le voir une fois. »

« Et après ? » demanda 061. « Qu'est-ce que ça changerait ? »

Chi Xiaochi répondit calmement : « Cela prouverait qu’il n’est pas une illusion. Qu’il est ici et qu’il va bien. »

061 ne parvenait pas à définir ses émotions. Une frustration mêlée de tristesse et d’impuissance lui montait à la gorge.

Il pensa, amer : Encore une fois, je vais devoir regarder quelqu’un répéter les mêmes erreurs sans pouvoir intervenir.

Il demanda, sur un ton acerbe : « Et après cette preuve ? Est-ce que tu resterais dans ce monde pour lui ? »

Chi Xiaochi parut surpris et arqua légèrement un sourcil : « Hein ? Pourquoi est-ce que je resterais ? »

061, pris au dépourvu, s’arrêta : « Tu n’as pas l’intention de rester ? »

Chi Xiaochi répondit avec aplomb : « Il appartient à ce monde et a sa propre vie. Mais ce n’est pas le vrai Lou Ge. »

« Mais le vrai… »

061 s’interrompit immédiatement, réalisant son erreur. Mais avant qu’il puisse s’excuser, Chi Xiaochi déclara : « Pour moi, le seul Lou Ge véritable est celui du monde d’où je viens. Un monde sans lui n’a aucun intérêt pour moi. »

Le cœur de 061 se serra, et il resta silencieux.

Après l’agitation récente, Chi Xiaochi ne reparla pas de son désir de voir à quoi 061 ressemblait. Dans les circonstances actuelles, cela aurait semblé superflu.

061 réprima ses pensées confuses et déclara d’un ton plus léger : « Fais de ton mieux. Ce soir, on regardera un film ensemble à la maison. »

Chi Xiaochi rit : « Je veux voir un film d’horreur. »

Voyant Chi Xiaochi revenir à son humeur habituelle, 061 se sentit soulagé : « D’accord, comme tu veux. »

*

Pendant ce temps, au siège du système, dans l’espace nommé "fugace", une masse cérébrale d’un rouge sombre palpitait doucement.

Sur l’écran de données devant le Maître Principal, le code 1198, représentant Chi Xiaochi, montrait une courbe d’entropie émotionnelle en constante augmentation. Elle se rapprochait d’une ligne sombre :

Cette ligne représentait la moyenne des tests répétés des entropies calculées par le Maitre Principal.

Ce n'est qu'après avoir dépassé cette valeur qu'il atteindrait la norme.

La voix mécanique, neutre et androgyne, du système d'intelligence artificielle déclara :

« Félicitations, l’essai a été un succès. Le modèle de projection de l’apparence de 061 a provoqué une réaction chez la source d’énergie 1198. »

Le Seigneur Principal, visiblement de bonne humeur, prit la peine de corriger l’erreur dans le choix des mots : « Je n’aime pas cette appellation. »

L’intelligence artificielle se reprit immédiatement : « ... L’hôte 1198 a eu une réaction au modèle de projection de l’apparence de 061. »

Le Seigneur Principal émit un ricanement méprisant : « Ha. »

Les humains resteront des humains. Manipuler leurs émotions est aussi simple qu'un geste de la main..

En utilisant une infime quantité d’énergie, le Seigneur Principal avait temporairement désactivé le système de visualisation de 061, empêchant ce dernier d’apparaître devant Chi Xiaochi. Puis, il avait introduit un appât : une projection construite à partir de l’apparence de 061. Cette intervention avait non seulement révélé le point faible de Chi Xiaochi, mais elle avait également fait grimper en flèche son entropie émotionnelle en temps réel. Désormais, cette valeur approchait le seuil moyen attendu, un signe d’équilibre.

Cependant, à peine quelques secondes plus tard, les données sur l’écran changèrent.

« ... Hm ? »

La courbe d’entropie de Chi Xiaochi avait commencé à redescendre !

Elle effleura de justesse le seuil moyen avant de décroître progressivement. Finalement, elle se stabilisa à un niveau extrêmement bas et cessa de baisser.

Le Seigneur Principal resta silencieux pendant un long moment. Lorsqu’il reprit la parole, sa voix trahissait une colère difficile à contenir :

« ... Comment est-ce possible ? »

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L'auteur a quelque chose à dire :

061 : Soudain, j'ai l'impression que mon cœur étouffe.jpg

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

 

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