Restricted area - Extra 3 - Quelques pensées insensées de Zheng Mingyi

 

01

Notre première rencontre officielle m’a surpri. Je ne m’attendais nullement à ce que mon voisin fût en réalité responsable de l’éducation des nouveaux détenus.
Son apparence ne correspond en rien à cette fonction. Si tous les gardiens de prison lui ressemblaient, cela ne ferait que donner envie aux détenus de les intimider.
Oh, il a sorti sa matraque… charmant.



02

Je ne sais dire si ce n’est qu’une impression, mais il me parait sensiblement différent des autres gardiens.
En l’observant de plus près, je réaliseque son uniforme a manifestement été ajusté à la taille. Sa silhouette en parait d’autant plus fine ; Je ne peux pas détacher mes yeux de chacun de ses gestes.
Comment peut-on rendre un uniforme aussi élégant ?



03

Il fait semblant de ne pas me connaître. Cœur de pierre, vraiment. Qui était donc celui qui exposait sa peau, jour après jour, pour son propre plaisir ?
Je pensais que, même si nous ne nous connaissions pas véritablement, un lien ténu subsistait entre nous.
Je vais juste voir combien de temps il peut tenir le coup, alors.
Il me semble avoir trouvé un moyen de tuer le temps en prison.



04

La vie carcérale se révéle encore plus morne que je ne l’avais imaginée. Si je devais refaire un choix…
Je choisirais encore la prison.
L’endroit est bien plus sûr que le monde extérieur. Le temps ne manque pas pour réfléchir.
Ceux qui cherchent à se battre avec moi sont des imbéciles ; mes poings suffisent à régler leur cas. Quant au directeur, il se montre plutôt accessible. Tant que je lui prodigue des conseils boursiers, il facilitet mon quotidien.
En somme, la vie n’est pas si contraignante.
Quant à lui…
Il est effectivement très séduisant. Il passe un temps considérable à résoudre un sudoku d’une simplicité affligeante. Et lorsque je lui donne la réponse immédiatement, il s’en montre contrarié.
Il ressemble à un chat.
Un chat qui fixe l’entrejambe, en plus.
Quand apprendra-t-il à modérer ce regard explicite ?
Ne comprend-il pas combien il est évident qu’il me déshabille du regard ?
Moi, je suis différent. Lorsque j’ai une idée, je la mets à exécution.
Ainsi, aujourd’hui : lorsqu’il affirma que je ne savais pas planter des fraises, j’en plantai une, rien que pour qu’il le voie.



05

Parfois, j’ai le sentiment que mon cerveau fonctionne différemment de celui des autres.
Peut-être suis-je fou.
Mais aujourd’hui, j’ai découvert que le sien était tout aussi étrange.
Je lui plantai une fraise, et sa première réaction fut de dire : « Comment peux-tu faire cela en public ? »
Par là, voulait-il dire que cela serait acceptable en privé ?
Il semble que je doive trouver un moyen de l’attirer dans la salle de récréation.



06

Il a accompagné une visiteuse aux toilettes. Peu après, une agitation éclata à l’extérieur.
Je suis sorti de la serre à fraisiers et le vis exécuter un superbe lancer d’épaule sur Old Nine.
Je n’ai pas pu y résister. Il était d’une beauté saisissante lorsqu’il se battait.
Inexplicablement, une multitude de pensées délicieusement indécentes surgirent dans mon esprit.
De toute évidence, je n’étais pas ainsi avant de le rencontrer.
Tiens bon. Comment a-t-il pu utiliser ses menottes sur Old Nine ?!



07

J’ai entendu dire que la pratique de l’écriture forgeait le caractère.
Par un heureux hasard, il a écrit mon nom sur une feuille. Je l’ai rapporté dans ma cellule afin de l’utiliser comme modèle de copie.
Je déteste profondément écrire. Mais, dans l’espoir d’apaiser mon esprit et de moins penser à lui, je recopiai son écriture, trait par trait.
Tout vient à point à qui sait attendre.
Je persévérai jusqu’à obtenir un résultat qui me satisfaisait.
J’ai demandé alors au surveillant du bloc de bien vouloir y jeter un œil.
Il a déclaré que c’était toujours aussi laid.
Bon sang, je capitulai.
Apaiser mon esprit ? Quelle absurdité.
Je veux le baiser.

08

Lorsque je suis allé parler à Xu Sheng, il parut fort surpris que je fusse également au courant de son projet d’évasion.
À première vue, l’agent Jiang s’était manifestement déjà entretenu avec lui.
Je repassai en détail l’ensemble de mon raisonnement, mais Xu Sheng me répondit sèchement de m’occuper de mes affaires.
Je le souhaitais bien. Cependant, puisque l’agent Jiang avait décidé de s’y impliquer, cette affaire devenait naturellement aussi la mienne.
Xu Sheng et moi conclûmes un marché. Par la suite, je sollicitai son avis : « Où avez-vous l’habitude de le faire, Princess et toi ? » demandai-je.
« N’importe où convient », répondit Xu Sheng. « Il préfère surtout les endroits placés sous vidéosurveillance ; il aime offrir un spectacle aux gardes dans la salle de contrôle. »
Vraiment ? Je tombai alors dans une profonde réflexion.
Leurs goûts étaient pour le moins audacieux. L’agent Jiang n’approuverait assurément pas.



09

Je ne m’attendais nullement à ce qu’Old Nine ose véritablement me menacer avec un couteau.
Sans l’intervention providentielle de l’agent Jiang, qui surgit dans les douches à temps, les conséquences auraient été impensables.
Il m’entraîna alors dans une course effrénée, et nous nous retrouvâmes finalement dans le bloc administratif.
Même si ce n’était guère le moment opportun pour ce genre de pensées, ma première impulsion fut de l’attirer dans la salle de récréation, comme je l’avais désiré depuis longtemps.
Old Nine ne nous suivit pas. Nous nous retrouvâmes seuls dans cet espace étroit.
Dieu sait combien je désirais le faire, ici et maintenant. Pourtant, la raison me dictait de ne rien précipiter.
Taquiner un chat exigea de la finesse. Plus on se montre entreprenant, plus on risque d’être repoussé.



10

Soudain, je le sentis réagir, là…
Son corps, tel son regard, ne savait dissimuler la moindre pensée.
Je sus alors qu’il souhaitait, lui aussi, coucher avec moi.
Alors que j’hésitais encore à lui ôter son uniforme, ce fut lui qui m’embrassa le premier.
Je l’avoue. Je fus surpris un instant, étonné par l’assurance dont il fit preuve.



11

Sa taille était d’une finesse exquise, et ses lèvres avaient un goût plus doux encore que mes rêves les plus fous.
Même si l’instant paraissait peut-être prématuré, je n’étais plus maître de ma retenue.
À l’instant précis où je songeai à le faire avec ardeur…
Il s’interrompit brusquement et m’empêcha de l’approcher davantage.
Ce maudit scélérat. Toujours aussi inacceptable.



12

Peut-être parce que cela fait trop longtemps que je n’avais pas connu de véritable libération, je deviens chaque jour plus irritable.
Lorsque j’ai entendu parler de l’eau de toilette de Luo Hai, je fus même tenté de frapper. celui-ci
Puisqu’il refusait de céder en prison, je n’avais d’autre choix que de trouver un moyen de sortir.
Qu’il attende. Si je ne le baise pas jusqu'aux larmes, alors je ne mérite pas de m’appeler Zheng.



13

Après mon retour en prison, je me suis relâché quelque peu.
Les choses avancent sans encombre du côté de Guan Wei et de Xu Sheng. Quant à ce jeune A-Guang, il se révèle plutôt fiable.
Chaque jour, durant la pause de midi, je retrouve Xu Sheng dans la cour. Il me met au fait de la situation à l’extérieur, en quelques phrases concises.
Ensuite, nous échangeons nos opinions sur les relations humaines.
« As-tu déjà essayé le congrès suspendu ? » me demande Xu Sheng.
Il s’agit d’une position sexuelle particulièrement avancée. Je n’étais sorti qu’un seul jour ; je n’avais pas eu le temps d’expérimenter de telles prouesses avec lui.
Je lui réponds : .« Non »,
« Alors, qu’as-tu déjà essayé ? » poursuit Xu Sheng.
Je réfléchis un instant, puis déclare : « Soixante-neuf, chevauchée. »
Les sourcils de Xu Sheng se froncent légèrement, et il me lance un regard empreint de mépris.

14

Xu Sheng me confie les positions qu’il pratique avec Princesse. Bien que je n’en ai guère envie, je dois reconnaître que le grand patron demeure le grand patron.
Hésitant à me dévoiler, je demande à Xu Sheng : « Alors, quels rôles avez-vous incarnés ? »
« Les rôles ? » Cette fois, ce fut Xu Sheng qui se figea.
« Avez-vous déjà essayé le jeu du gardien de prison et du détenu ? »
Xu Sheng se calme aussitôt. Lui et Princesse ne possèdent aucun accessoire, aussi naturellement ne peuvent-ils jouer ce rôle.
« Il y a aussi le lien de l’élite sociale, la discipline du professeur, la séduction du plombier. » Je fais une pause, puis conclus : « Vous ne pouvez jouer qu’en tant que détenus. »
Xu Sheng me gratifie silencieusement d’un pouce levé, puis nous échangeons quelques conseils supplémentaires.
Après cette conversation, mon regard se tourne vers la bibliothèque par habitude .
Comme prévu, ma femme me regarde.
Je paris qu’elle ne devinera jamais le sujet de ma discussion avec Xu Sheng.



15

Après ma libération, je suis demeuré en contact occasionnel avec Xu Sheng.
Il a ouvert un commerce d’épicerie dans la vieille ville et en a confié directement la gestion à Princess.
Quant à Yu Guang, Luo Hai se chargea de le mettre en relation. Aujourd’hui, il étudie et s’entraîne dans une unité spéciale.
Ces travailleurs communautaires continuent d’organiser leurs événements fastidieux. Tant que ma femme souhaite y participer, je l’accompagne.
Avec le temps, nos voisins semblent percevoir que notre relation ne relève pas de l’ordinaire.
Cependant, nul ne s’adonne à des commérages excessifs ici. Tous nous traitent avec chaleur, nous invitant à prendre part aux activités communautaires.
Je me rends progressivement compte d’une chose : emménager dans cette communauté et rencontrer mon Jiang Jiang constituent probablement la plus grande fortune de ma vie.

 

Traducteur: Darkia1030