Restricted area -Chapitre 33 - Merde

 

Jiang Chijing sentit que la différence entre lui et Zheng Mingyi résidait dans leur attitude.
Lorsqu’il détenait le petit secret de Zheng Mingyi, il fut incapable de trouver le bon état d’esprit, aussi ne put-il s’arrêter avant d’aller trop loin.
Une langue trop libre ne pouvait qu’apporter des ennuis. Tout à l’heure, s’il s’était arrêté après avoir laissé tomber une mention ou deux de Go, il pensait que Zheng Mingyi n’aurait pas voulu voir son historique de chat par mauvaise conscience.
Mais il s’enterra finalement trop profondément.

En revanche, que ce fût à propos du parfum ou de leurs adresses, Zheng Mingyi recula toujours au bon moment, lâchant un peu de lest avant de se reprendre immédiatement, ne laissant jamais à Jiang Chijing la moindre chance de l’attraper.

Jiang Chijing savait qu’il avait été exposé. Mais Zheng Mingyi ne prononça qu’une phrase, « Ce n’est pas comme ça que se joue la partie », puis se détourna du sujet sans l’exposer, et quitta la bibliothèque à l’heure, comme il l’avait toujours fait.

Alors, comment le jeu était-il censé se dérouler ?
Les mots à moitié prononcés laissaient facilement les gens suspendus dans l’anxiété. Zheng Mingyi ne pouvait-il pas simplement le laisser ?

Jiang Chijing se rappela que Yu Guang avait mentionné une fois que Go répondait à ses messages privés. Cela montrait qu’ils étaient depuis longtemps en contact en ligne.
Il voulut vraiment demander à Zheng Mingyi si Yu Guang se nommait A-Guang en ligne, si Yu Guang lui avait dit auparavant qu’il était un hacker, et s’il l’avait également appelé «Idole » dans ses messages.
Si tel était le cas, il n’était pas étonnant que Zheng Mingyi eût reconnu son petit fan.

Le tout, mis bout à bout avec la façon dont Yu Guang avait appelé Jiang Chijing « Idole » et Zheng Mingyi ayant utilisé l’ordinateur de Jiang Chijing pour se connecter au forum auparavant…
Avec autant d’indices enchaînés, il aurait été un peu déraisonnable que Zheng Mingyi ne voie pas à travers la « fausse idole » qu’était Jiang Chijing.

Quel gaspillage des efforts de Jiang Chijing à sous-entendre que le compte de Zheng Mingyi avait été volé tout à l’heure. En fin de compte, Zheng Mingyi avait découvert que ce « voleur de compte » était en réalité lui, sans le moindre effort.

D’accord. Peut-être qu’en plus de leurs attitudes, il y avait aussi une légère différence dans leurs capacités.

Yu Guang courut du côté gauche de la bibliothèque vers la droite, une serpillière à la main, en chantant « He ho, he ho » en travaillant.
Jiang Chijing n’avait pas voulu que Yu Guang nettoie la zone au début, mais ce gamin puant ne pouvait que s’en prendre à lui-même d’être venu au mauvais moment et de lui avoir fait perdre la seule monnaie d’échange qu’il avait en main.

« Idole, vois-tu à quel point j’ai nettoyé le sol ? » Inconscient, Yu Guang se redressa, droit comme une baguette, les deux mains agrippant la serpillière. Il regarda Jiang Chijing, attendant clairement des éloges.

« Pas mal. » Jiang Chijing jeta un coup d’œil distrait par la fenêtre, réfléchissant à la façon de s’en sortir.

« Je dirais, Idole, » Yu Guang apporta la serpillière devant le bureau. « Es-tu vraiment dans ce genre de relation avec Zheng Mingyi ? Ce n’est pas ton style. »

Après avoir été absent de la prison pendant trois jours, Jiang Chijing était curieux de savoir quelle version de l’histoire de lui et de Zheng Mingyi avait circulé. Alors qu’il levait son verre pour boire de l’eau, il demanda à Yu Guang : « Quelle relation ? »

« J’ai entendu dire qu’il t’avait sucé avec succès. »

« Pshh — »

L’eau qu’il venait tout juste d’avaler faillit l’étouffer. Zheng Mingyi l’avait sucé, mais ce n’était que sur le cou. Comment cela avait-il pu se transformer ainsi ?

« Ils disent même que le temps supplémentaire que Zheng Mingyi a obtenu pour sa pause de l’après-midi est pour te servir. Vous le faites tous les deux non seulement dans la salle de récréation, mais aussi dans la bibliothèque. Pas étonnant que tu ne m’aies pas laissé entrer dans ton espace de travail ; maintenant je sais que c’est là que vous transpirez. »
Yu Guang parlait comme si son nez avait des yeux, comme si tout cela était réel.

« Arrête, arrête, arrête. »
Jiang Chijing fronça les sourcils, interrompant Yu Guang. « Tu es trop jeune pour parler de “faire” quoi que ce soit. »

« Alors, vous le faisiez vraiment tous les deux ? » Le visage de Yu Guang trahissait un conflit intérieur lorsqu’il demanda : « Je sais que les gens en 3D (NT : monde réel) sont différents de ce qu’ils sont en 2D (NT : en ligne), mais Idole, comment as-tu pu ? Zheng Mingyi a trompé des gens ordinaires pour leur soutirer tant d’argent ; c’est l’ennemi de notre forum.»

« Ce n’est pas un ennemi. » Incapable d’en dire davantage, Jiang Chijing posa sa tasse. « Il y a encore un terrain inexploré dans son cas. »

« Quoi ? » Les oreilles de Yu Guang se dressèrent aussitôt. Il se pencha en avant, s’étala sur le bureau et demanda : « Zheng Mingyi a-t-il été piégé ? »

Yu Guang était un pur théoricien du complot. Dès que Jiang Chijing révéla la moindre information, il en déduisit immédiatement les implications, semblant même vivement intéressé.

Et pour les théoriciens du complot, les informations secrètes et inconnues du grand public étaient nettement plus crédibles que celles issues des canaux officiels.

« Quoi qu’il en soit, ce n’est pas un ennemi », déclara Jiang Chijing. « Tu n’as pas à lui être aussi hostile. »

Non seulement il n’est pas ton ennemi, mais il est en fait ton idole.

Mais ces mots ne franchirent pas les lèvres de Jiang Chijing.

« Je comprends, je vais t’écouter, Idole. » Yu Guang hocha solennellement la tête. « Dans ce cas, il n’est pas inacceptable que tu t’amuses avec lui ; je dis cela au nom de la majorité des internautes du forum. »

Les lèvres de Jiang Chijing se contractèrent. « Ne crois pas les rumeurs. Je ne m’amuse pas avec lui. »

« Je l’ai mal dit ; vous ne vous amusez pas », corrigea Yu Guang avec sérieux. « C’est une interaction physique entre deux hommes adultes. »

Jiang Chijing résista à l’envie de lever les yeux au ciel. Il ne prit même pas la peine d’en débattre avec Yu Guang et dit à la place : « As-tu fini de nettoyer ? Si c’est le cas, tu peux partir. »

Yu Guang gloussa. « Je vais rester ici encore un peu avec Idole. »

Au regard que Yu Guang lui lança, Jiang Chijing sentit soudainement que quelque chose clochait. Il connaissait ce regard. C’était clairement le même que Yu Guang avait jadis dirigé vers Luo Hai.

« Ne vas-tu pas voir ton Dr Luo ? »

« Non, le Dr Luo n’a pas besoin de moi pour balayer sa pièce. »

Jiang Chijing estima que cette tendance était légèrement dangereuse. Dans le passé, Yu Guang brûlait d’envie de passer ses journées entières à l’infirmerie. Pourquoi avait-il soudainement déplacé sa cible vers la bibliothèque ?

Si Luo Hai l’apprenait…

À peine cette pensée traversa-t-elle l’esprit de Jiang Chijing que quelqu’un en blouse blanche apparut à la porte de la bibliothèque.

Luo Hai était probablement venu discuter avec Jiang Chijing et ne s’attendait pas à voir Yu Guang debout là avec une serpillière. Il le regarda, surpris. « Pourquoi es-tu ici ? »

« Je suis ici pour nettoyer les lieux », déclara Yu Guang.

En disant cela, il agrippa fermement la serpillière, ce qui montrait que, malgré son comportement détaché, il se souciait toujours de ce que pensait Luo Hai.

« Tu es venu ici pour faire le ménage ? » Luo Hai haussa un sourcil. « Et l’infirmerie alors ? »

« L’infirmerie… » Yu Guang hésita. « Ne suffit-il pas que tu la nettoies toi-même, Dr Luo ? »

Un soupçon d’incrédulité passa dans les yeux de Luo Hai. Il se tourna vers Jiang Chijing et demanda : « Quel genre de sort lui as-tu lancé ? »

Jiang Chijing avait lui aussi mal à la tête. Ce n’était vraiment pas comme s’il cherchait à jouer avec la vie amoureuse de son ex-petit ami. Mais avant qu’il ne puisse répondre, Yu Guang prit la parole pour lui : « L’agent Jiang ne m’a pas ensorcelé. C’est moi qui suis venu volontairement ranger les lieux pour lui. »

« Dépêche-toi et emmène-le », lança Jiang Chijing à Luo Hai. « Va lui donner un cours de réforme idéologique. »

« C’est indispensable. » Luo Hai fit signe à Yu Guang. « Viens avec moi. »

Yu Guang ne bougea pas, se tournant à contrecœur vers Jiang Chijing, visiblement peu désireux de partir.

Luo Hai dit d’un ton plus sévère : « Viens ! »

Ce ne fut qu’à ce moment-là que Yu Guang se décida enfin à partir, traînant les pieds, et jetant un regard vers Jiang Chijing tous les trois pas environ.

Merde.

Jiang Chijing se trouva brusquement face à un problème. Son image d’idole ne pourrait tenir longtemps. Yu Guang remarquerait bientôt qu’il était quelque peu différent de la façon dont Go se montrait en ligne.
Si Yu Guang savait que Zheng Mingyi était Go…

Bien que cela peinât Jiang Chijing de l’admettre, l’apparence et le cerveau de Zheng Mingyi étaient tous deux « 1 » sur un million (NT : 1 veut aussi dire le top d’un couple gay...). De plus, avec le paramètre de halo d’idole préinstallé que le Dieu Go possédait, Yu Guang ne deviendrait-il pas encore plus obsédé par Zheng Mingyi ?

Jiang Chijing ne put s’empêcher de sombrer dans une profonde réflexion. Pour le bien de son frère, Luo Hai, il jugea préférable de mettre en place des mesures préventives.

*

Dans l’après-midi, Zheng Mingyi vint à la bibliothèque comme à son habitude. Mais ce qui différait des autres jours, c’était qu’à part lui, aucun autre détenu ne se trouvait dans la pièce.

N’importe qui trouverait anormal ce vide dans la bibliothèque.

« Est-ce que les détenus ont quelque chose à faire aujourd’hui ? » demanda Jiang Chijing.
« Pas que j’aie entendu, » répondit Zheng Mingyi.

Il s’assit comme toujours au premier rang, près des fenêtres. Ils se faisaient face, à moins de cinq mètres l’un de l’autre.

Normalement, quand personne n’était présent dans la bibliothèque, Zheng Mingyi s’asseyait à côté de Jiang Chijing. Il était étrange de lui parler ainsi, à une telle distance.

« Laissez-moi te demander quelque chose, » déclara Jiang Chijing.
« Est-ce lié au jeu de go ? » dit Zheng Mingyi.

Le jeu de go surgit soudainement de nulle part dans la conversation. Jiang Chijing demeura stupéfait un instant avant de réaliser que Zheng Mingyi utilisait ce jeu de mots pour mentionner le forum.

Comme prévu, c’était bien le style de jeu de Zheng Mingyi. Quoi qu’il fît, il s’y prenait de manière détournée, et il dépendait de l’autre partie de réagir à temps.

Et si vous n’étiez pas capable de réagir, vous pourriez même vous faire moquer de vous parce que vous étiez « stupidement mignon ».

« Ce n’est pas le cas, » déclara Jiang Chijing. « Je veux te demander si tu préfères les personnes plus jeunes que toi. »

Cette question aurait peut-être mieux convenu à une atmosphère tendre et amoureuse, mais le ton de Jiang Chijing resta très calme, comme s’il procédait à une évaluation psychologique, sans se soucier de la réponse de Zheng Mingyi.

Zheng Mingyi inclina la tête en réfléchissant avant de lui retourner la question. « Vous n’avez pas le même âge que moi ? »

Jiang Chijing fut instantanément surpris. Comment Zheng Mingyi connaissait-il son âge ? Mais en y réfléchissant, c’était quelque chose qui pouvait aisément être découvert en demandant à un gardien de prison, donc cela ne devrait pas être une grande surprise.

« Je ne parle pas de moi, » déclara Jiang Chijing. « Je parle de ton petit fan. Il vient d’avoir dix-neuf ans, il n’y a pas si longtemps. »

« Tu veux dire A-Guang ? » demanda Zheng Mingyi, amusé. « N’est-il pas ton petit fan ? »

C’était le style de jeu secondaire de Zheng Mingyi – le flou d’acteur.

Jiang Chijing dit tranquillement : « Bien. Dans ce cas, je vais lui dire qui est vraiment son idole. »

Ce mouvement fut aussi efficace qu’il l’avait anticipé. Zheng Mingyi perdit rapidement son expression plaisante et parla d’un ton plus normal. « Qu’y a-t-il avec lui ? »

« C’est un de tes fans très assidus. » Jiang Chijing s’arrêta un instant. « Pour être précis, ce zèle est pour ton avatar en ligne. »

« Vous voulez dire qu’il a des intentions... »

Avant que Zheng Mingyi ne pût finir sa phrase, des pas se firent soudain entendre à la porte de la bibliothèque. Jiang Chijing regarda et vit qu’environ huit détenus bien bâtis entraient, des visages qui n’apparaissaient habituellement pas dans la bibliothèque.

Après que ces personnes eurent pénétré dans la bibliothèque, elles frappèrent violemment sur les tables et les chaises, s’assirent bruyamment dans les premières rangées, tout cela sans raison, regardant fixement Jiang Chijing.

Ce ne fut qu’après l’entrée du dernier homme que Jiang Chijing comprit de quoi il retournait.

C’était Old Nine.

Il avait dû clairement dire aux autres qu’il ne voulait pas que les détenus viennent à la bibliothèque ce jour-là, puis avait amené ses laquais pour faire irruption, jouant aux hooligans sur le territoire de Jiang Chijing.

« Bonjour, Officier Jiang. » Old Nine accrocha une chaise avec son pied et s’assit de l’autre côté du bureau, les pieds de la chaise raclant bruyamment le sol.

« Y a-t-il quelque chose ? » dit froidement Jiang Chijing.
« Qu’est-ce que ça peut être d’autre ? Je suis ici pour apprendre. » Old Nine tourna la tête, feignant de regarder autour de lui avec curiosité. Puis il déclara en direction de Zheng Mingyi, « Yo, ton chien est là aussi. »

Jiang Chijing ne s’attendait pas non plus à ce que l’incident de la fraise cimentât le statut de Zheng Mingyi en tant que son chien.

C’était assez saugrenu. Il se demanda si ce grand féroce se sentirait lésé.

Jiang Chijing jeta inconsciemment un coup d’œil à Zheng Mingyi, qui s’était soudain levé. Il s’avança vers Old Nine, sans expression.

L’expression d’Old Nine se raidit visiblement. Le haut de son corps se pencha dans la direction opposée, son visage resta vigilant tandis qu’il demanda : « Qu’est-ce que tu fais ? »

« Les bons chiens ne bloquent pas la route. » Zheng Mingyi baissa les yeux, fixant Old Nine.

Pour être honnête, Zheng Mingyi avait l’air un peu effrayant quand il regardait les gens ainsi.

Car Jiang Chijing savait que Zheng Mingyi ne montrait une telle expression que lorsqu’il était sérieux. Tout comme cette fois où il avait demandé s’il pouvait arracher l’uniforme de Jiang Chijing, ses yeux étaient abstrus et illisibles, ce qui signifiait qu’il entretenait sérieusement cette idée folle dans sa tête.

Mais Old Nine ne reçut manifestement pas ce signal de danger. Il fit des gestes autour de lui. « La bibliothèque est si grande, pourquoi dois-tu marcher devant moi, putain... »

Les paroles d’Old Nine furent interrompues par le crissement assourdissant des pieds de la chaise raclant le sol, puis Old Nine, déséquilibré, bascula et trébucha au sol avec un fort fracas.

Zheng Mingyi avait directement donné un coup de pied à la chaise sur laquelle Old Nine était assis, à un mètre de distance. Old Nine, incapable de s’arrêter à cause de l’inertie, tomba avec la chaise.

Les laquais d’Old Nine se levèrent aussitôt, fixant férocement Zheng Mingyi, faisant exploser à nouveau du bruit dans la bibliothèque.

Les ignorant complètement, Zheng Mingyi passa devant Old Nine et entra dans la zone de travail, s’assit à côté de Jiang Chijing. Il jeta froidement un coup d’œil à ceux qui se tenaient en face.

Ses manières désinvoltes semblaient dire : Touchez-le si vous osez.

Jiang Chijing inclina la tête pour regarder Zheng Mingyi, assis à côté de lui, et remarqua pour la première fois que même le profil latéral de Zheng Mingyi était outrageusement attrayant.

Même si cela paraissait un peu déplacé dans cette atmosphère tendue, une pensée se fraya involontairement un chemin dans sa tête.

Pourquoi ce bâtard de Zheng Mingyi était-il si beau ?

 

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

 

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