ROAMS - Extra 2 - Qiu Xiaohai et Rong Zan (1)

 

La première fois que Rong Zan parla à Qiu XiaoHai, ce fut le premier jour d'école.
La raison était très simple : ils étaient assis à la même table à la maternelle.

Cependant, l'impression initiale que Qiu XiaoHai laissa à Rong Zan ne fut pas très bonne. Il n'avait pas apporté les crayons nécessaires pour le cours de dessin du matin. Lorsque le professeur demanda à chacun de sortir ses crayons, le visage de Qiu XiaoHai se remplit de confusion alors qu'il regardait à gauche et à droite.

À ce moment-là, Rong Zan ne connaissait pas encore Qiu XiaoHai. Bien qu'il ait remarqué que quelque chose n'allait pas chez lui, il n'y prêta pas attention et se contenta d'ouvrir sa propre trousse à crayons.

Ce ne fut que lorsque l'institutrice s'approcha et découvrit le regard vide de Qiu XiaoHai qu'elle se pencha vers lui et demanda avec douceur : « Est-ce que ta maman ne l'a pas préparé pour toi ? Maîtresse l'avait pourtant écrit dans la lettre de notification, hein. »

À ces mots, Qiu XiaoHai ouvrit simplement de grands yeux, secoua la tête et resta silencieux.

L'institutrice ne posa pas davantage de questions. Elle tapota gentiment la tête de Qiu XiaoHai, puis se tourna vers Rong Zan et lui demanda de partager ses crayons avec lui. Elle ajouta que ce serait une bonne occasion pour eux de se rapprocher.

C'était le premier jour d'école, et Rong Zan n'était pas habitué à partager avec les autres. Chez lui, il était choyé comme un précieux trésor. Tous ses jouets, livres et crayons lui appartenaient exclusivement. Rong Zan fronça légèrement les sourcils, ressentant un petit mécontentement. Il pensa que cette fois, la maman de Qiu XiaoHai avait peut-être oublié, mais que la prochaine fois, ce serait mieux qu'elle n'oublie pas.

Rong Zan, qui avait toujours été méthodique et réfléchi, même enfant, prit un instant pour peser la situation avant de se décider. Il finit par partager ses crayons, puis reprit tranquillement son dessin, docile et appliqué.

Ce ne fut que plus tard, dans l'après-midi, après le déjeuner, que l'institutrice fit une autre découverte : Qiu XiaoHai n'avait pas non plus apporté de couverture pour la sieste.

Cela aussi avait été mentionné dans les notifications. Les couvertures étaient considérées comme des objets personnels. Pour des raisons d'hygiène, bien que l'école en fournisse à vendre, elle n'était pas responsable de leur entretien ni de leur nettoyage. Ainsi, chaque lundi, il était demandé aux parents d'apporter une couverture propre pour leur enfant. Étant donné que c'était le premier jour d'école, les couvertures devaient naturellement être neuves. Mais encore fallait-il que les parents les achètent à l'avance et les apportent à l'école.

L'institutrice, toujours patiente, se pencha à nouveau vers Qiu XiaoHai et lui dit d'une voix douce et cajoleuse : « Tu n'as pas non plus apporté de couverture ? Maîtresse avait pourtant tout écrit dans la lettre. Aujourd'hui, en rentrant, tu devras le rappeler à ta maman, d'accord ? »

Comme c'était le premier jour d'école, de tels oublis n'étaient pas rares.

Rong Zan, qui était assis à côté de Qiu XiaoHai et écoutait attentivement, se figea légèrement. Un visage impassible se dessina sur ses traits, mais, intérieurement, ses sourcils se fronçaient déjà. Il pensait : Ce n'est tout de même pas moi qui vais devoir partager ma couverture avec lui ?!

Pour Rong Zan, cette idée était inconcevable. Mis à part ses parents, il n'avait jamais dormi avec qui que ce soit auparavant. Il se demandait s'il pouvait expliquer poliment à l'institutrice qu'il ne souhaitait pas partager sa couverture...

Pendant ce temps, Qiu XiaoHai, mal à l'aise, se grattait le visage, se tortillant sur sa chaise. Puis, après un moment d'hésitation, il murmura : « Je ne sais pas, ah. Je n'ai pas de maman.»

En entendant ces mots, non seulement le visage de l'institutrice changea légèrement, mais même le regard de Rong Zan vacilla.

À cinq ans, Rong Zan connaissait déjà beaucoup de choses. Sa famille attachait une grande importance à l'éducation et, grâce à cela, il avait déjà commencé à lire des livres parascolaires. Il savait que tout le monde était censé avoir un papa et une maman. Si quelqu'un manquait de l’un, c'était forcément une situation triste ou problématique.

Rong Zan essaya d'imaginer ce que cela ferait de vivre sans papa ou maman, mais il n'y parvint pas. Pour lui, c'était une idée trop étrange et inconcevable.

Cependant, Qiu XiaoHai n'avait en réalité pas de maman… Rong Zan observa le petit garçon agité et, sans trop savoir pourquoi, un sentiment de gêne monta en lui. Lorsqu'il repensa à la peine secrète qu'il avait ressentie un peu plus tôt, il ne laissa pas le temps à l'institutrice de parler et déclara soudain : « Nous pouvons dormir ensemble. »

Le visage de Qiu XiaoHai s'illumina légèrement. Il hocha vivement la tête. « Mm ! »

L'institutrice arriva à ce moment-là et, tout en faisant un câlin à Qiu XiaoHai, dit d'un ton réconfortant : « Ne t’inquiète pas, Maîtresse te prêtera une couverture de secours. Ce soir, elle appellera ta maison pour en discuter. Tout ira bien, tu n'as pas à te tracasser. »

Qiu XiaoHai sembla soulagé. Il hocha docilement la tête et adressa un sourire reconnaissant à l'institutrice. Une fois celle-ci partie, il se tourna vers Rong Zan et lui sourit également.

« Moi, je m'appelle Qiu XiaoHai. Et toi, comment tu t'appelles ? »

« Rong Zan. » Éduqué dans la plus grande politesse, Rong Zan répondit avec une certaine solennité : « Le Rong de Rong Qi et le Zan de Zan Mei. »
(NT : Rong Qi signifie "vaisseau", Zan Mei signifie "admirer".)

Qiu XiaoHai réfléchit un instant avant de répondre avec enthousiasme : « Alors, moi, c'est le Qiu de Qiu XiaoHai et le XiaoHai de Qiu XiaoHai ! »

« … Mm. »

*

Après cela, peut-être parce que Qiu XiaoHai n'avait pas de maman, Rong Zan se montra plus tolérant à son égard.

Après tout, Rong Zan avait chez lui un précepteur privé engagé par la famille Rong. Son inscription à la maternelle ne visait qu’à lui apprendre à interagir socialement. Comparé aux autres enfants, il possédait un visage charmant et connaissait déjà beaucoup de choses. Devant Qiu XiaoHai, Rong Zan ressentit une certaine compassion et un désir instinctif de prendre soin de lui. Contrairement aux autres enfants de leur âge, qui, avec leur curiosité innocente et souvent maladroite, demandaient à Qiu XiaoHai des choses comme : «Pourquoi ta maman n'est-elle pas venue te chercher, hein ? »

Sinon, connaissant la personnalité stricte et légèrement rigide de Rong Zan, il aurait très bien pu se montrer réprobateur envers Qiu XiaoHai. Ce dernier avait en effet tendance à oublier les instructions de l'institutrice, à manger sans s'essuyer les mains et à faire la sieste sans enlever son maillot.

Cependant, bien que Qiu XiaoHai se montrât parfois distrait ou négligent, il était d'une innocence et d'une honnêteté désarmantes. En termes simples, si quelqu'un le traitait bien, il rendait cette gentillesse au centuple. Et si quelqu'un le maltraitait, il ignorait les réprimandes de l'institutrice et n'hésitait pas à se défendre, quitte à riposter sans retenue.

Le premier jour, Rong Zan prêta un crayon et accepta, malgré lui, de partager une couverture avec Qiu XiaoHai (même si cela ne fut finalement pas nécessaire). Le lendemain, Qiu XiaoHai apporta la petite voiture que son père lui avait offerte pour la partager avec Rong Zan et jouer ensemble.

Peu à peu, il comprit les préférences de son camarade. Par exemple, lorsque Qiu XiaoHai remarqua que Rong Zan n'aimait pas chanter, il se postait devant lui et chantait à pleine voix pour deux. Et comme Rong Zan détestait qu'on dise qu'il ressemblait à une petite fille, si quelqu'un osait faire une remarque de ce genre, Qiu XiaoHai se chargeait immédiatement de répliquer à sa place, parfois même en insultant les moqueurs.

Petit à petit, Rong Zan perdit ce sentiment initial de compassion et de pitié envers Qiu XiaoHai. À la place, il ne resta qu'une sincère amitié. Rong Zan pensait simplement qu'être avec Qiu XiaoHai était une grande source de joie. Et même si ce dernier oubliait encore certaines choses, cela ne le dérangeait plus. Rong Zan s'habituait à l'aider à rattraper ses oublis, sans même s'en agacer.

Il ne fallut pas longtemps pour que Rong Zan et Qiu XiaoHai deviennent non seulement amis, mais les meilleurs amis du monde.

*

Puis, un jour, "Jiang XinCheng" apparut à la télévision.

Jiang XinCheng était un nom que Qiu XiaoHai mentionna à plusieurs reprises et qui intrigua Rong Zan au point qu’il décida d’en apprendre davantage. Dans la maison des Rong, les repas se déroulaient dans un silence strict : il était interdit de quitter la table avant la fin du dîner et, bien sûr, de regarder la télévision en mangeant.

Un soir, Rong Zan termina son repas plus tôt que d’habitude et alla se poster devant la télévision, curieux de comprendre ce qui fascinait tant Qiu XiaoHai à propos de Jiang XinCheng. Ce qu’il vit lui fit immédiatement comprendre pourquoi son ami adorait cette série.

Le personnage de Jiang Le, dans l’émission, ressemblait à Qiu XiaoHai : lui non plus n’avait pas de maman. Cependant, dans l’histoire, il vivait heureux aux côtés de son père, Jiang XinCheng. Rong Zan comprit que c’était exactement ce que Qiu XiaoHai désirait au plus profond de lui : vivre paisiblement avec son papa.

Un jour, Rong Zan entendit son jeune oncle mentionner que Jiang XinCheng était leur voisin. Quelques jours plus tard, Qiu XiaoHai remarqua une photo de Jiang XinCheng dans le journal que leur enseignante lisait pendant la sieste. Il rapporta l’information avec enthousiasme à Rong Zan. Rong Zan réfléchit un moment, relia rapidement les deux informations, puis, dès l’après-midi, accompagna un Qiu XiaoHai surexcité jusqu’à la porte de l’appartement de Jiang XinCheng.

À l’origine, Rong Zan voulait rester avec lui, mais le chauffeur de sa famille refusa de le laisser traîner ailleurs avant de le ramener à la maison. Rong Zan n’eut donc d’autre choix que de laisser Qiu XiaoHai seul à la porte, promettant de revenir une fois qu’il aurait prévenu sa famille.

Cependant, lorsqu’il revint plus tard, il trouva Qiu XiaoHai en train de manger joyeusement des pancakes aux oignons verts. Celui-ci lui raconta avec enthousiasme à quel point Jiang XinCheng était incroyable. Rong Zan, bien qu’impressionné, ressentit une pointe de mécontentement.

Mais il ignorait encore que ce n’était que le début.

*

Le lendemain, Qiu XiaoHai arriva à l’école en tenant joyeusement la main de Jiang XinCheng. Ce jour-là, il ne manqua ni de crayons ni de couverture dans son sac. Mieux encore, il y avait désormais une boîte à lunch remplie de petits pains blancs en forme de lapin, qu’il expliqua pouvoir manger lorsqu’il avait faim. À partir de ce moment, Qiu XiaoHai ne cessa de parler d’"Ah Bai".

Bien que Rong Zan ne détestât pas cet "oncle Bai", le bavardage incessant de Qiu XiaoHai à son sujet commença à l’irriter. Il parlait d’"Ah Bai" encore et encore, à tel point que Rong Zan finit par trouver cela exaspérant. À cette époque, il n’était pas encore familier avec le concept de "jalousie". Il pensait seulement que l’enthousiasme de Qiu XiaoHai était quelque peu exagéré. Chaque fois qu’il regardait le sourire radieux de son ami, un étrange malaise s’installait dans son cœur.

Ce sentiment dura jusqu’à un certain jour, où Qiu XiaoHai arriva soudainement vers lui et déclara : « Merci. »

Il expliqua qu’il vivait désormais avec son papa et Ah Bai, grâce à l’aide de Rong Zan. Puis il ajouta, tout sourire : « Mais tu sais, Ah Zan, c’est toi que j’aime le plus ! »

Ces quelques mots simples dissipèrent instantanément les sentiments d’inconfort qui pesaient sur le cœur de Rong Zan.

À partir de ce jour, chaque fois que Qiu XiaoHai était heureux, Rong Zan partageait sa joie avec lui.

Car, après tout, il était la personne que Qiu XiaoHai aimait le plus.

Et Qiu XiaoHai partageait même avec lui ses petits pains vapeur en forme de lapin, qu’il adorait tant.

Après cela, un jour particulier, l’enseignant posa une question simple mais importante : «Qui aimes-tu le plus à la maison ? »
Ce jour-là, Qiu XiaoHai répondit fièrement qu’Ah Bai « m’embrasse, me serre dans ses bras et dort avec papa ».

Tandis que Rong Zan écoutait la première partie de la réponse avec un sentiment de tristesse qu’il ne comprenait pas encore, Chen ZhenZhen déclara soudain : « Mais ça, c’est ce que fait une maman. »

Cette phrase fit comme un déclic dans l’esprit de Rong Zan. Une idée lumineuse prit forme.

Si Ah Bai devenait la maman de Qiu XiaoHai, alors dans le futur, la personne que Qiu XiaoHai aimerait le plus ne serait pas Ah Bai, mais lui, Rong Zan. Cela semblait logique.

Parce que papa, maman, et la personne que l’on aimait le plus étaient trois rôles différents. Papa et maman resteraient toujours papa et maman. Mais la personne que l’on aimait le plus, c’était celle avec qui on se mariait. La veille, leur professeur leur avait enseigné cette distinction.

Alors…

Rong Zan cligna des yeux et observa Qiu XiaoHai, qui était en train de se disputer bruyamment avec Chen ZhenZhen sur le fait qu’Ah Bai puisse ou non être une maman. Rong Zan tendit la main, attrapa doucement les vêtements de Qiu XiaoHai et murmura quelques mots à son oreille.

Quand Qiu XiaoHai entendit ce que disait Rong Zan, ses yeux brillèrent, et il hocha vigoureusement la tête. « Mm ! Ah Bai sera certainement d’accord, oh ! »

Rong Zan regarda Qiu XiaoHai avec une sérénité pleine de confiance et hocha doucement la tête à son tour.

À cet instant précis, il se sentit très heureux.

*

Mais la vie est pleine d’imprévus, et Rong Zan n’aurait jamais imaginé qu’un jour, il serait séparé de Qiu XiaoHai.

Un matin particulier, sans aucun avertissement, le siège à côté de Rong Zan resta vide. Pas d’explication, pas de message.

Ce ne fut que plusieurs jours plus tard que Rong Zan apprit la vérité : le papa de Qiu XiaoHai était grièvement blessé, et Qiu XiaoHai était parti à l’étranger pour lui rendre visite.

À cette époque, Rong Zan pensait que ce n’était qu’une question de temps avant que Qiu XiaoHai ne revienne. Il se disait que cela ne durerait pas.

Jour après jour, il scrutait la porte de la salle de classe. Il espérait qu’avant le début des cours, Qiu XiaoHai arriverait en courant, le sourire aux lèvres, et lui sauterait dans les bras.

Mais son attente s’étira. Elle dura plus de six mois.

Six mois plus tard, un soir particulier, sa maman entra dans sa chambre et lui tendit le téléphone. Elle lui annonça que XiaoHai voulait lui parler.

Rong Zan fixa l’appareil. En même temps qu’un étonnement montait en lui, une colère sourde s’empara de son cœur. Il était tellement en colère qu’il refusa l’appel et rejeta le téléphone.

Cependant, lorsque sa maman raccrocha réellement, Rong Zan sentit soudain un profond regret, suivi d’une tristesse écrasante.

Cette nuit-là, il pleura secrètement tout seul sous les couvertures. C’était la première fois qu’il faisait une chose pareille.

Heureusement, quelques jours plus tard, XiaoHai rappela.

Cette fois, Rong Zan arracha le téléphone des mains de sa mère.

À peine eut-il dit « Bonjour » que des hurlements bruyants de Qiu XiaoHai résonnèrent de l’autre côté du combiné.

Et ainsi, Rong Zan oublia complètement sa colère.

À partir de ce jour, Rong Zan se mit très rarement en colère contre Qiu XiaoHai.

Parce qu’il voulait que plus jamais il ne se sente triste tout seul.

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

 

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