HSAV - Chapitre 78 - La nuit dernière, il a soufflé une brise printanière.

 

(NT : le titre se réfère à un poème de Li Yu, ‘Floraison printanière du coquelicot et lune automnale’, sur la nostalgie et le passé)

 

Au crépuscule, le vent venu du Nord balaya le sol couvert d’herbe blanche et de neige. Xiao YuAn se réveilla en pleine nuit et contempla les branches mortes à l’extérieur de la fenêtre. Des fleurs de glace cristallines pendaient aux rameaux, tandis que les corbeaux hurlaient misérablement sous l’effet du froid. C’était si silencieux que si quatre aiguilles tombaient, il aurait pu entendre leur bruit en frappant le sol.

La servante qui l’avait aidé à s’endormir la veille avait déjà disparu, et lorsque Xiao YuAn se leva de son lit, ce fut le chaos qui l’accueillit. Sa suite impériale avait été entièrement saccagée, les objets de valeur volés, et tout l’or comme l’argent avaient disparu.

Cependant, Xiao YuAn ne fut pas surpris. Depuis que le royaume du Sud de Yan s’était posté aux abords de la cité impériale la veille, le palais était plongé dans la tourmente. Les parents royaux, ministres et subordonnés, tous avaient pris la fuite. Des débris jonchaient le sol, et le palais autrefois majestueux et paisible n’existait plus que comme un souvenir lointain.

Xiao YuAn souleva la couette, se redressa et entreprit de s’habiller. Mais les vêtements, lourds et complexes, lui parurent impossibles à mettre correctement. Finalement, il s’enroula à la hâte dans une épaisse robe extérieure choisie au hasard, enfila un manteau de coton et sortit du palais.

Tous les gardes et serviteurs impériaux avaient déjà fui. Les ministres qui, quelques jours plus tôt, l’avaient exhorté à s’évader, étaient eux aussi partis depuis longtemps. Le palais, jadis animé par les chants et les danses, semblait désormais désolé, chaotique. Ainsi allaient la gloire et la chute : certains étaient pris de fureur au point d’en vomir, d’autres se noyaient dans l’amertume, ne pouvant qu’éclater en sanglots comme les corbeaux.

Xiao YuAn marcha dans la neige jusqu’au palais de Yongning. Lorsqu’il passa devant le pavillon Yingfeng Yulu, il s’arrêta net, incapable d’avancer.

Le pavillon aux tuiles dorées et aux avant-toits rouges n’était plus qu’un amas de tuiles brisées. La splendeur d’autrefois avait disparu. En l’observant, Xiao YuAn crut presque voir Yan HeQing balayer la neige d’un geste absent. Au bout d’un moment, il refoula ses pensées et reprit sa route d’un pas précipité.

Le palais de Yongning était lui aussi en complet désordre. Des vêtements jonchaient le sol, mêlés à des fragments de bois brisé. Un pressentiment angoissant le saisit soudain, et il courut vers la salle principale.

Ce à quoi il ne s’attendait pas, c’était que la chambre de la princesse Yongning fût restée exactement comme d’habitude. La princesse Yongning était assise devant sa coiffeuse, vêtue d’une simple robe blanche. Aucun domestique ne se trouvait autour d’elle ; seule, elle traçait ses sourcils et colorait ses lèvres. En entendant du bruit, elle tourna la tête. Lorsqu’elle vit Xiao YuAn, elle sourit chaleureusement : « Frère impérial. »

Xiao YuAn vit la princesse se lever, agiter ses manches et danser avec légèreté. Lorsqu’elle eut terminé, elle lui demanda avec un sourire : « C’était beau ? »

Xiao YuAn confirma : « Très beau. »

Ce n’était plus un palais impérial prospère, mais un édifice délabré. Pourtant, il subsistait un lieu où l’on chantait encore ; certaines choses demeuraient inchangées, tandis que les êtres avaient évolué, devenant intrépides.

La princesse Yongning releva sa manche et demanda : « Frère impérial, as-tu des regrets ? »

Xiao YuAn resta interdit un instant, comme s’il entendait à nouveau la voix de la Nation résonner à ses oreilles. Une voix qui le maudissait d’avoir laissé partir Yan HeQing, et même d’avoir causé la chute du Royaume du Nord. Mais malgré tout, il répondit avec un sourire : « Non. »

« Est-ce vrai ? » La princesse Yongning baissa les yeux. « J’envie vraiment Frère impérial. »

Xiao YuAn s’avança : « Ning’er, as-tu peur de la chute du pays ? »

Les coins des lèvres de la princesse se relevèrent légèrement, mais un regret profond perçait dans son regard : « Yongning n’a pas peur de la ruine de notre royaume, ni de la mort de ma famille. Mon seul regret, c’est qu’à ce moment-là, en cet instant… je ne lui ai pas montré mes sentiments, je n’ai pas parlé avec mon cœur. Et maintenant, si nous ne nous revoyons plus, je ne pourrai que pleurer en silence. Je souhaite simplement que cette personne ait une vie paisible et heureuse. »

Xiao YuAn tendit la main et caressa doucement les cheveux de la princesse : « Vous vous reverrez, ne t’inquiète pas. Je ferai en sorte que cette personne vienne te voir. »

La princesse Yongning leva soudain la tête, sa respiration haletante : « Mais… mais comment puis-je la laisser venir me voir ? Comment puis-je la laisser me voir ainsi, réduite à une telle situation ? »

« Ne t’inquiète pas, cette personne voudra certainement te voir. Tu n’as qu’à attendre ici, tu peux l’attendre, je te le promets. » Xiao YuAn afficha un sourire pâle, mais ses yeux débordaient de pitié. « Ning’er, ne te sens pas coupable. Tu n’as pas à te tourmenter pour ce qui s’est passé, tu ne dois pas t’en vouloir. La vie est si courte, et nul ne peut revenir en arrière. Puisque vous vous aimez, alors vous devez être ensemble. Et lorsque tu reverras cette personne, oublie tout le reste et pars simplement avec elle. »

Les yeux de la princesse Yongning s’emplirent d’une légère confusion, comme si elle comprenait à moitié le sens des paroles de Xiao YuAn. Pourtant, elle acquiesça malgré tout.

Xiao YuAn poussa un long soupir, comme s’il venait de déposer une lourde pierre de son cœur. Il rassura la princesse à plusieurs reprises avant de se détourner pour partir.

Soudain, une neige abondante se mit à tomber du ciel, ajoutant encore plus de désolation à ce palais déjà accablé. Xiao YuAn regagna lentement sa chambre, mais s’arrêta net à quelques pas de l’entrée.

Car un homme se tenait là, debout devant sa porte.

 

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Note du traducteur :

En chinois il n’y a pas de différence à l’oral entre les caractères ‘il’ (tā) et ‘elle’(tā) : La Princesse dit ‘elle’ (Xiao PingYang) et Xiao YuAn entend ‘il’ (Yan HeQing). J’ai un peu changé le texte original pour garder ce quiproquo en utilisant ‘cette personne’ quand la langue française était trop explicite.

 

Traducteur: Darkia1030