HSAV - Chapitre 46 - Xiao YuAn avait peut-être perdu l'occasion de dormir.
Normalement, Hong Xiu se tenait près du lit en attendant qu'il s'endorme avant de partir, mais à présent, le silence régnait à côté de lui ; ainsi, Xiao YuAn ne parvint pas à trouver le sommeil.
Après avoir compté des moutons, récité des formules mathématiques, étudié des discours en anglais et tenté bien d'autres stratagèmes, il ne réussit toujours pas à éveiller la moindre somnolence. Xiao YuAn se retourna, puis se leva, excédé.
Il réfléchit quelques secondes, puis sortit par la fenêtre.
Le garde posté près de la fenêtre était un jeune homme récemment nommé garde du corps impérial. Lorsqu’il vit que l’Empereur ne dormait pas en pleine nuit, il détourna brusquement les yeux, saisi de terreur, comme si son âme s’était envolée. Xiao YuAn, vêtu d’un sous-vêtement blanc et les cheveux longs épars, lui adressa un sourire éclatant, révélant ses dents blanches : « Mon ami ? »
Le jeune garde du corps impérial roula des yeux et crut voir son grand-père défunt l’appeler par son surnom de l’autre côté d’une rivière en fleurs. (NT : il s’évanouit !!)
Xiao YuAn le réveilla, et le jeune garde paniqua : « Votre Majesté, quoi… que faites-vous… »
« Je n’arrive pas à dormir. Je vais sortir écrire des poèmes et contempler la lune. » Xiao YuAn agita la main, désinvolte. « Ne panique pas pour si peu. Mon ami, sais-tu réciter des poèmes ? Viens, faisons face à la lune et chantons ensemble. »
Le jeune garde, terrifié, renonça à réfléchir. Il haussa les sourcils et, après un long gémissement inspiré, déclama : « La lune est ronde, comme un grand disque de jade. »
Xiao YuAn lui tapota la main : « Merveilleux !! C’est limpide, simple, facile à comprendre. Cela va droit au cœur. Maintenant, ajoute deux vers. »
Le jeune garde exagéra son expression et s’anima : « Si vous la regardez bien, elle ressemble davantage à un gâteau aux oignons verts. »
Xiao YuAn demanda : « As-tu faim ? »
Le jeune garde hocha la tête tout en se frottant le ventre, puis réalisa soudainement ce qu’il venait de dire. Pris de panique, il s’agenouilla et se prosterna : « Votre Majesté, cet humble raconte des absurdités et se montre paresseux, je supplie Sa Majesté de me punir ! »
Xiao YuAn ne sut s’il devait rire ou pleurer : « Lève-toi et va chercher quelque chose à manger. »
« Où allez-vous, Votre Majesté ? » demanda le jeune garde en relevant la tête et en apercevant Xiao YuAn s’éloigner tranquillement.
« Je vais trouver quelqu’un avec qui parler de la vie. »
Xiao YuAn se dirigea vers l’entrée du hall principal, restant à bonne distance. Comme il n’aperçut pas Yan HeQing, il marcha silencieusement vers la pièce secondaire.
Il n’y avait aucune patrouille autour de la pièce où logeaient les gardes du corps impériaux. Xiao YuAn se précipita jusqu’à la porte de la chambre de Yan HeQing, leva la main pour frapper, mais s’arrêta net.
Il était si tard ; Yan HeQing devait déjà dormir.
Xiao YuAn baissa la main et se retourna pour partir. Il ne portait qu’un mince manteau, et lorsque le vent froid de la nuit souffla, il frissonna et éternua.
Il faisait trop froid ; il rebroussa chemin rapidement.
Alors qu’il se frottait les bras, la porte derrière lui s’ouvrit soudainement. Xiao YuAn se retourna et sourit à l’homme qui venait d’ouvrir la porte : « Pourquoi n’es-tu pas encore endormi ? »
« J’ai patrouillé durant la première moitié de la nuit, je viens tout juste de rentrer. » Yan HeQing retira sa robe extérieure et l’enroula étroitement autour de Xiao YuAn. « Qu’est-ce qui ne va pas ? Est-ce qu’il s’est passé quelque chose ? »
« Ce n’est rien de grave. » Xiao YuAn entra dans la chambre avec lui. La lumière y était tamisée ; en dehors de l’éclat de la lune à l’extérieur, seule une bougie vacillante illuminait la pièce. « Je n’arrive simplement pas à dormir. »
« Tu n’arrives pas à dormir ? » Yan HeQing referma la porte derrière lui.
« Oui, j’ai une maladie. »
« J’ai vraiment une maladie, » répéta Xiao YuAn en souriant. « Je ne peux pas m’endormir sans le bruit d’une respiration près de moi. J’ai besoin de compagnie. »
Yan HeQing resta silencieux, les yeux dissimulés dans l’ombre. Après un moment, il demanda finalement :
« Comment faisais-tu pour t’endormir auparavant ? »
Il ne savait pas pourquoi, mais Xiao YuAn estima que le ton de la voix de Yan HeQing n'était pas bon : « Hong Xiu reste à mon chevet et attend que je m'endorme. Cette nuit, je ne peux pas dormir car Hong Xiu a quitté le palais. »
Yan HeQing calma son esprit et l'interrogea : « Quand reviendra-t-elle au Palais ? »
« Demain. »
« Alors tu peux te reposer avec moi ce soir. »
« Hein ? Est-ce vraiment bien ? » Xiao YuAn fit semblant d’être réservé, mais en réalité, il avait déjà retiré son manteau et s’allongea sur le lit.
Après tout, souffrir d’insomnie était vraiment difficile à supporter.
Yan HeQing prit la bougie, et sans un mot, commença à installer la table et le banc en bois.
Xiao YuAn, enveloppé dans la couette, demanda avec incrédulité : « Que fais-tu ? »
« Je vais dormir ici. » Yan HeQing serra ses vêtements contre lui et s’apprêta à s’allonger sur la table.
Xiao YuAn souleva la couette : « Viens ici, dors sur le lit, je dormirai là-bas. »
« Cela n’a pas d’importance. »
« C’est important. Yan HeQing, dans ce monde, tu es le seul à savoir que je ne suis pas l’Empereur, alors tu peux me traiter comme une personne ordinaire et faire ce genre de choses insignifiantes avec moi. Soit je dors sur la table, soit nous dormons ensemble. Tu choisis. »
Yan HeQing leva les yeux vers Xiao YuAn pendant un moment, puis il s’approcha lentement du lit et baissa la tête : « Es-tu sûr ? »
« Viens. » Xiao YuAn se tassa dans le lit pour lui faire de la place.
Yan HeQing se déshabilla et s’allongea à ses côtés. Quelle pouvait être la taille d’un lit d’officier ? Les deux hommes durent se serrer, naturellement contraints de dormir sur le côté.
Xiao YuAn s’agrippa fermement au mur, écouta le souffle à côté de lui, et ferma les yeux, prêt à s’endormir, mais soudain, il entendit la voix de Yan HeQing :
« Pourquoi as-tu cette maladie ? »
« Veux-tu vraiment savoir ? »
« Tu sais tout de moi, mais moi, je ne sais rien de toi. »
Xiao YuAn ne s’attendait pas à ce que Yan HeQing s’en soucie. D’abord mal à l’aise, il changea de position, puis réfléchit à la manière d’aborder le sujet et expliqua finalement :
« Je suis un fils illégitime. Ma mère, après avoir été abandonnée par mon père, nous emmena mon frère et moi avec elle. Après cela, nous vécûmes une vie très difficile. Quand j’étais enfant, j’étais souvent malade. Je me réveillais fréquemment en hurlant à cause de cauchemars, alors ma mère restait toujours à mes côtés pour dormir. Elle me disait : "N’aie pas peur. Si tu entends ma respiration, tu sauras que je suis là." Mais plus tard… »
Xiao YuAn s’interrompit soudainement, puis reprit : « Plus tard, quand j’avais six ans, je me réveillai au milieu de la nuit pour écouter sa respiration, comme à mon habitude, mais je découvris que je n’entendais rien. Cette nuit-là, elle avait pris une overdose de somnifères. Elle s’était suicidée. »
« Veux-tu savoir ce qui est le plus drôle ? » Xiao YuAn se retourna et regarda Yan HeQing. Dans l’obscurité, ses yeux exprimaient de la colère sans véritable irritation, de la haine sans ressentiment ; c’était plutôt une profonde autodérision, absurde, qui lui broyait le cœur.
« Le lendemain de la mort de ma mère, mon soi-disant père vint la voir. Il avait été expulsé de chez lui après que sa femme eut découvert sa trahison. Et parce que cette dernière ne pouvait pas enfanter de garçon, il se souvint subitement que ma mère, mon frère et moi existions. »
« Mais comme mon frère était né avec un handicap à la jambe, il ne voulut pas s’occuper de lui, alors il nous sépara. Ensuite, je me vengeai de mon père au nom de ma mère, puis je partis à la recherche de mon frère. Mais lorsque je le retrouvai, je découvris qu’il avait sombré dans des troubles mentaux. Il croyait que je l’avais abandonné de mon plein gré et répétait sans cesse qu’il voulait ma mort… » Les yeux de Xiao YuAn s’assombrirent. Il poursuivit d’une voix douce : « J’ai passé le reste de ma vie à m’occuper de lui, mais jusqu’à la fin, il ne cessa jamais de me haïr… »
Yan HeQing demeura silencieux un long moment, puis il tendit la main vers Xiao YuAn et lui caressa doucement le dos.
Ce geste inattendu troubla Xiao YuAn, qui se tortilla légèrement, gêné : « Ne t’inquiète pas, tout cela date d’il y a longtemps. Ensuite, je n’ai pas ménagé mon père, qui ne valait pas mieux qu’un animal. »
« Eh bien, tu peux dormir maintenant », déclara Yan HeQing.
« Fais de beaux rêves. »
Comme s’il avait enfin libéré un chagrin longtemps tu, Xiao YuAn s’endormit dès qu’il ferma les yeux.
Au petit matin du lendemain, la lumière du soleil était douce et l’air, frais. Yan HeQing ouvrit les yeux et découvrit que Xiao YuAn était déjà éveillé. Il s’appuyait à demi sur le lit, ses cheveux noirs comme de la soie tombant en cascade de ses épaules à sa taille, et un sourire chaleureux illuminait ses yeux et ses lèvres.
Yan HeQing allait parler, mais Xiao YuAn le fit taire d’un geste. Il couvrit ses lèvres d’une main, et posa un doigt contre les siennes de l’autre, puis dit doucement : « Chut, écoute. »
Yan HeQing retint son souffle et prêta l’oreille. Il entendit plusieurs oiseaux chanter, un chant mélodieux et limpide qui perçait les cieux.
Yan HeQing vit que Xiao YuAn le regardait en souriant. Ses pupilles noires, pures et profondes, semblaient capturer son âme. Il déclara alors : « L’oriole chante plaintivement et l’hirondelle danse. Le printemps arrive. »
(NT : tiré d’un poème de Bai Renfu, XIIIᵉ siècle)
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Note du traducteur
Oriole ou Loriot de Chine (Oriolus chinensis)
L’oriole a un chant rude et plaintif répétitif

Source photo : oiseaux.net
Traducteur: Darkia1030
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