Green Plum Island - Chapitre 46- Courses

 

Comme il ne restait que quelques jours avant la rentrée universitaire, plutôt que de passer du temps à la librairie, je restai à la maison pour me préparer à la rentrée.
Grand-père voulait que j’apporte tout ; il fourra même du gel douche et du shampoing dans mes sacs.
« Ce n’est pas comme si j’allais à l’école dans un endroit rural, je peux acheter tous ces trucs là-bas, » protestai-je en ressortant les articles un par un.
« Alors apporte au moins de la crème solaire, l’entraînement militaire dure quinze jours. Tu ne peux pas ne pas mettre de crème solaire par ce temps, sinon ta peau va griller. » Il fourra une bouteille de crème solaire dans mon sac et ne me la laissa pas ressortir.
Je n’avais pas l’habitude de mettre de la crème solaire, mais le soleil avait été ardent ces derniers temps et l’entraînement militaire consistait en de nombreuses activités de plein air. Bronzer n’était pas un gros problème, mais je ne voulais pas que ma peau meure, alors, après réflexion, je laissai la crème solaire dans le sac.
Après le dîner, Yan Wanqiu vint nous demander si nous voulions l’accompagner pour un voyage à l’épicerie.
L’« épicerie » à laquelle elle faisait référence était le seul grand centre commercial de l’île, où l’on trouvait principalement des magasins. Il était situé en plein centre de la rue Nanpu et comprenait une salle de cinéma, un KTV, un parc d’attractions pour enfants et une multitude de restaurants. Passer du temps là-bas était un passe-temps favori de nombreux habitants.
« Ça a l’air génial, on y va ! Et tant qu’à faire, je peux voir si Mian Mian a autre chose à acheter, il ne faut rien oublier. » Grand-père alla dans sa chambre pour récupérer son portefeuille et ses clés, puis ressortit rapidement.
La voiture de Yan Kongshan était garée juste devant la cour. Grand-père et Yan Wanqiu s’installèrent à l’arrière, me laissant prendre le siège passager. Quand je montai dans la voiture, mon regard croisa par inadvertance celui de Yan Kongshan, mais comme nous avions un public, tout ce que je fis fut de sourire et de dire : « Merci », mettant en avant un air de formalité.
Les bavardages de grand-père et Yan Wanqiu remplissaient la voiture. La ville la plus éloignée de la maison où la petite fille était allée était Hong City ; elle bombarda grand-père de questions sur ses voyages, remplie de curiosité sur le monde au-delà de l’Île aux Prunes vertes.
« Grand-père œufs de thé, les flocons de neige ont-ils vraiment six extrémités pointues ? »
« Non, c’est comme du coton. Cela a l’air blanc, c’est froid. » Grand-père serra les lèvres, essayant de trouver une autre façon de les décrire. « Cela a un peu le goût de glace de coton.»
« Ça a l’air délicieux, » répondit Yan Wanqiu avec un intérêt croissant.
La première chose que l’on remarquait à l’entrée du centre commercial fut le parc d’attractions pour enfants. Les enfants filaient chaotiquement dans toute la zone spacieuse, certains de leurs parents les suivant derrière eux, d’autres attendant dans l’aire de repos à proximité.
Le terrain de jeu vibrant et coloré attira l’attention de Yan Wanqiu, ses yeux regardant avec nostalgie tout le chemin pendant que nous traversions.
« Qiuqiu, tu veux entrer et jouer ? » demanda Grand-père, sentant son désir inexprimé. «Pourquoi ne t’emmènerais-je pas ? » suggéra-t-il.
Ses yeux s’illuminèrent. Elle se tourna vers Yan Kongshan pour demander la permission. «Puis-je, Ah Shan ? »
Je ne pensais pas qu’il serait raisonnable pour Yan Kongshan d’ignorer la manière obéissante dont elle demandait ou la supplication dans ses yeux, et comme prévu, il céda immédiatement, bien qu’il l’avertît de rester en sécurité et de ne pas aller dans un endroit trop dangereux.
« Allons-y ! C’est l’heure de jouer ! » Grand-père conduisit Yan Wanqiu vers l’aire de jeux, marchant avec tant d’enthousiasme que je crus presque que c’était lui qui avait hâte de jouer.
Au final, seuls Yan Kongshan et moi allâmes faire du shopping. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais acheter, alors je me contentai de le suivre.
« As-tu fini de faire tes valises ? »
Nous atteignîmes l’allée des épices ; Yan Kongshan attrapa une bouteille de sauce soja, l’inspecta d’un coup d’œil rapide, puis la jeta dans le chariot avant de partir à la recherche de sa prochaine cible.
Je poussai le caddie, le haut de mon corps penché sur la poignée comme quelqu’un qui souffre de problèmes de colonne vertébrale, titubant maladroitement en avant. « Oui. »
Yan Kongshan mit une bouteille de vin de cuisine dans le chariot. « Pourquoi est-ce que je ne t’amènerais pas ce jour-là ? » demanda-t-il avec désinvolture.
Le caddie s’arrêta, je me redressai. « Mon père a dit qu’il allait me conduire. »

Papa avait récemment vécu une sorte d’illumination — soit ça, soit grand-père avait dû l’appeler et lui faire la leçon — car tout à coup, il faisait tout son possible pour améliorer notre relation père-fils, et m’envoyait même des SMS beaucoup plus souvent qu’avant.

À vrai dire, je ne nourrissais aucun ressentiment à son égard. Maman répétait toujours qu’il ne méritait pas d’être père, mais en réalité, il ne nous avait jamais causé de tort. Et je ne voulais pas que Grand-père soit sans cesse pris entre deux feux, obligé d’appeler son propre fils un « fils indigne », ou d’autres choses du même genre ; après tout, c’était son fils, et j’étais sûr qu’il n’aimerait pas voir notre relation se détériorer.

Yan Kongshan laissa échapper un simple « oh », sans grande trace de regret, puis se dirigea vers l’allée des collations. Tandis qu’il avançait dans la rangée, il jeta dans le chariot, sans la moindre hésitation, toutes les friandises préférées de Yan Wanqiu : barbe à papa, barres au chocolat, sucettes à la fraise. Comparé à mon père, qui oubliait même la date de mon anniversaire, les deux figuraient à des pôles opposés, comme le jour et la nuit.

Cela devait être si bien, pensai-je avec une pointe d’envie. J’en venais à croire que cela m’importait après tout ; je n’avais simplement jamais eu de raison d’y penser auparavant.

Yan Kongshan se retourna et me surprit à le fixer. « Qu’est-ce que c’est ? » demanda-t-il, intrigué.

Je secouai la tête, sans intention de partager mes pensées. Cela me donnerait l’air grincheux.

« Rien, je me demandais juste si j’avais oublié quelque chose. » Je tendis la main au hasard et attrapai une boîte de chocolats fourrés à l’alcool sur l’étagère. Après un moment d’hésitation, je décidai qu’ils n’auraient probablement pas bon goût et, en fin de compte, je les remis à leur place, pas assez téméraire pour tenter le coup.

Lorsque j’étais enfant, j’allais parfois faire les courses avec maman. Mais en grandissant, entre les études et les nouvelles façons de consommer, cela faisait des années que je ne m’étais pas promené dans un centre commercial. La profusion de produits sur les étagères me désorientait.

Des chips au sel et au vinaigre, des biscuits au litchi… Et en atteignant le rayon thé, je découvris même une spécialité locale : de l’oolong aux prunes vertes.

Quel goût cela pouvait-il bien avoir ? Acide ?

Je me sentais comme Grand-mère Yu entrant pour la première fois dans les jardins de Grand View : tout ce que je voyais me semblait nouveau. Mais je me contentai de regarder. Après avoir scruté les articles, je les remis à leur place, n’osant rien essayer. Finalement, je n’achetai qu’un tube de dentifrice et deux paires de chaussettes en coton, qui avaient l’air particulièrement confortables.

Au moment de payer, Yan Kongshan m’envoya préparer les deux autres au départ, car Grand-père n’avait pas pris son téléphone. J’atteignis la cour de jeux et trouvai Yan Wanqiu au centre d’une foule d’enfants. Grand-père se tenait à proximité, bavardant joyeusement avec des inconnus, dont la plupart éclataient de rire pour une raison ou une autre.

Tous les enfants semblaient joyeux ; à mesure que je m’approchais, j’entendis leur bavardage excité.
« Alors tu es comme Hiccup? Trop cool ! » (NT : personnage du film ‘comment entrainer son dragon’
« Ta fausse jambe va-t-elle grandir avec toi ? »
« Ma mère dit qu’elles sont très chères, tout le monde ne peut pas s’en procurer. Seuls les plus spéciaux... »

Yan Wanqiu posa une main sur sa hanche, la poitrine fièrement gonflée. L’une de ses jambes reposait sur une souche d’arbre, mettant sa prothèse en évidence.
« C’est vrai, je suis super cool », lança-t-elle, puis elle répondit à leurs questions : «Ma jambe ne grandit pas avec moi, alors je dois la changer avec le temps. Et c’est très cher, mais mon père a de l’argent. »

Le groupe d’enfants la regarda avec admiration. Un garçon, tout près, demanda s’il pouvait toucher sa prothèse, mais une autre fille dans la foule l’arrêta aussitôt.
« Bien sûr que non, c’est la jambe d’une fille ! Comment un garçon pourrait-il la toucher comme ça ? » Elle sourit à Yan Wanqiu. « Puis-je la toucher ? »

Yan Wanqiu hocha la tête sans hésitation et accepta gracieusement.

Je les observai un moment. Une étrange sensation me traversa, semblable à celle que l’on éprouve en buvant un verre d’eau chaude citronnée, à la fois douce et acidulée. Ces enfants étaient tous si mignons. C’était incroyable de penser que tant de gentillesse puisse exister.

Yan Wanqiu leva les yeux, m’aperçut, puis retira prestement sa jambe de la souche d’arbre.
« Je dois rentrer à la maison maintenant, je jouerai avec vous tous la prochaine fois ! Bye bye ! » fit-elle en agitant la main vers tout le monde avant de venir en courant vers moi.

Tous lui crièrent au revoir, puis la foule se dispersa ; certains enfants rejoignirent leurs parents, d’autres restèrent pour jouer. Je marchai main dans la main avec Yan Wanqiu pour rejoindre Grand-père.

« C’est mon petit-fils, n’est-il pas beau ? » entendis-je la voix tonitruante de Grand-père au loin. « Il vient de terminer ses examens d’entrée à l’université et a été accepté dans une très bonne école. Il sera diplomate un jour. » Il me présenta bruyamment à ses nouveaux compagnons de bavardage, tout en leur demandant s’ils connaissaient de bonnes filles à me présenter.

Je me précipitai pour lui couper la parole, craignant qu’il ne me propose un rendez-vous arrangé. « Grand-père, il est temps de rentrer à la maison. »

Il n’eut d’autre choix que de se lever et de leur dire au revoir, visiblement mécontent de devoir le faire.
« Pourquoi avez-vous terminé vos achats si rpidement ? » demanda-t-il.

« Tu appelles une heure “rapide” ? Si tu continues à discuter, la place va fermer. »

« Comment ? » Il baissa les yeux vers sa montre. « Il n’est que huit heures. »

Yan Kongshan nous attendait déjà à la sortie, les bras chargés de sacs de courses. J’en attrapai un, mais il s’éloigna. « Il n’y a pas besoin. »

Je lui lançai un regard, mais il resta inflexible. Tout ce que je pus faire, ce fut lâcher prise.

Il y avait des moments où il pouvait se montrer incroyablement têtu.

À notre sortie de la place, nous tombâmes sur un stand de glace pilée installé juste devant. Le couple qui tenait l’échoppe se partageait les tâches : l’un râpait la glace, l’autre versait dessus un sirop aromatisé aux fruits. Le dessert était servi dans de petits bols en plastique, vendus cinq yuans pièce. Leur affaire semblait bien marcher, vu le nombre d’enfants qui les entouraient.

Yan Wanqiu eut des étoiles dans les yeux à cette vue, surtout après avoir entendu Grand-père décrire la neige. Elle s’enroula autour de Yan Kongshan, le suppliant de lui acheter un bol. Je remarquai que Grand-père, lui aussi, fixait le stand avec une envie à peine dissimulée. Je sortis alors de l’argent et décidai de leur acheter un bol à tous les deux.

Deux bols de glace pilée – l’un avec de la confiture de fraise, l’autre avec une sauce à l’ananas – firent frémir le vieux monsieur et la petite fille à cause du froid, mais ni l’un ni l’autre ne put s’arrêter. Leur façon de manger, tout en frissonnant, formait une scène si pittoresque que j’eus presque envie de la figer à jamais dans une photo.

Yan Kongshan conduisit la voiture directement à la maison de grand-père. Je n’avais acheté que deux choses, aussi lui dis-je d’ouvrir le coffre afin que je puisse les récupérer moi-même, mais, à ma surprise, il descendit également.

Il saisit l’un des sacs de courses dans le coffre et me le tendit ; je compris aussitôt qu’il contenait bien plus que ce que j’avais acheté, à cause de son poids. Il me fourra le sac dans les mains avant même que j’eusse le temps de réagir.

Grand-père, occupé à mettre de la glace dans sa bouche, jeta un coup d’œil à l’intérieur. «Cela fait beaucoup de collations », remarqua-t-il d’un ton interrogateur. « Mian Mian, est-ce que tu emmènes tout ça à l’école avec toi ? »

Je voulus répondre que je n’avais pas acheté de collations…

Je fus encore plus abasourdi que lui en découvrant à l’intérieur les chips au sel et vinaigre, les chocolats fourrés à la liqueur, l’oolong aux prunes vertes… Plus je regardais, plus ces articles me semblaient familiers, jusqu’à ce que je réalisasse qu’il s’agissait de tous ceux que j’avais examinés dans le magasin avant de les reposer.

J’avais un instant envisagé de les acheter, mais je m’étais dit que ce n’était pas vraiment nécessaire. Yan Kongshan, lui, les avait tous pris.

Je remuai les lèvres, désireux d’exprimer mille choses, mais la présence de Yan Wanqiu et de grand-père me fit condenser tout ce que je voulais dire en un simple : « Merci. »

Yan Kongshan me sourit. Il esquissa un geste comme pour ébouriffer mes cheveux, mais sembla se raviser, se rappelant que nous n’étions pas seuls, et laissa retomber sa main. « Tu viendras plus tard ? »

Je n’en avais pas l’intention, mais la manière dont il posa la question rendit tout refus impossible.

« Oui, acquiesçai-je. Je viendrai. »

Je le regardai regagner la voiture, puis grand-père et moi entrâmes.

La première chose que fit grand-père fut de se diriger droit vers la télévision. Je sortis les provisions du sac une à une, tout en fredonnant.

Les chips étaient si acides et salées qu’une seule bouchée me suffit. Le chocolat à la liqueur avait un goût trop puissant, qui ne me séduisait guère. Les biscuits au litchi, en revanche, étaient étonnamment bons, sucrés sans être écœurants. Quant à l’oolong aux prunes vertes, ni trop acide ni trop sucré, il exhalait un arôme délicat de prunes ; c’était un vrai régal.

Tandis que je goûtais les collations alignées sur la table, leurs saveurs se mêlèrent dans ma bouche de façon désordonnée, mais mon cœur s’emplit d’une douceur mielleuse, comme si je nageais dans un pot de miel.

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

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