(Temps modernes 3)

 

Jiang Suizhou ne s'attendait pas à ce qu'il pose une question aussi directe, et pendant un moment, il resta un peu déconcerté.

Après une pause, il sourit doucement à l'étudiant devant lui et dit gentiment : "Il me semble t'avoir vu il y a quelques jours, tu n'es pas un élève de notre classe, n'est-ce pas ?"

Huo Wujue pensa, oh, il se souvient vraiment de moi.

Pour Huo Wujue, ce n'était pas censé être quelque chose d'extraordinaire. Après tout, que ce soit à l'étranger ou en Chine, il avait été abordé par de nombreuses personnes, surtout avec ce genre "je t'ai vu quelque part".

Mais cet individu était différent.

Huo Wujue ne pourrait pas dire en quoi il était différent, mais son cœur battait la chamade, comme s'il voulait bondir de sa poitrine.

Huo Wujue se sentit extrêmement nerveux en entendant cette phrase, et il ne sut même pas quoi dire pendant un moment.

Après une pause, il répondit avec difficulté : "Oh, c’est vrai."

"Y a-t-il quelque chose que tu veux ?" demanda patiemment Jiang Suizhou.

Bien sûr qu'il n'y avait rien. Huo Wujue ne comprenait même pas pourquoi il était venu assister au cours aujourd'hui, encore moins pourquoi il était monté sur l'estrade.

Est-ce parce qu'il y avait trop de gens autour de lui tout à l'heure ?

Après une pause, Huo Wujue parvint enfin à sortir d'une voix rauque : "Ce n'est rien, je suis juste venu écouter votre cours, je l'ai trouvé intéressant."

"Oh vraiment ?" Jiang Suizhou sourit doucement. "C'est très bien alors."

Les yeux souriants de Jiang Suizhou rencontrèrent les siens, et Huo Wujue eut un hoquet dans la gorge.

Dans son subconscient, ce sourire semblait particulièrement familier, et c'était une sorte de familiarité exclusive pour lui. C'était une sensation extrêmement dominatrice, un peu comme un coup de foudre très sévère.

Huo Wujue se sentit un peu désemparé, puis trouva péniblement une excuse.

"Mais il y a un aspect que je n'ai pas tout à fait compris", dit-il.

"Dis-moi", l’invita Jiang Suizhou.

Huo Wujue choisit simplement un point clé qu'il avait entendu précédemment et demanda : "Comment le Huo Wujue de l'histoire aurait-il permis que le trône passe aux mains du Prince Jing ?"

Jiang Suizhou hocha la tête en entendant cela, indiquant qu'il avait entendu, puis sourit doucement en disant : "Eh bien. Comme je l'ai mentionné en cours précédemment, la raison principale est que l'empereur Zhao Yuan avait un édit de passation de pouvoir clair, transférant le trône au Prince Jing de Nanjing. Selon cet édit, ainsi que les enregistrements des paroles et actions de Huo Wujue après la publication de l'édit, de nombreux historiens ont également supposé que Huo Wujue était au courant de cette décision de l'empereur Zhao Yuan avant qu'elle ne soit rendue publique."

C’étaient des propos qu'il avait déjà tenus en classe, mais cette fois-ci, il les répèta sans aucune impatience, au contraire, d'une manière calme et douce.

La respiration de Huo Wujue suivit ce rythme, comme s'il avait été caressé dans le sens du poil.

Il se concentra, écoutant attentivement les paroles de l'autre, non pas parce qu'il était particulièrement intéressé par cette période de l'histoire, mais parce qu'il voulait inconsciemment trouver un sujet de conversation dans ce que l'autre disait, ne serait-ce qu'un peu.

"Mais, au départ, n'étaient-ils pas en conflit ?" souligna Huo Wujue.

"C'est pourquoi, ces dernières années, les chercheurs ont également étudié l'histoire pendant la période où Huo Wujue était prisonnier", expliqua Jiang Suizhou.

Lorsqu'il abordait ce genre de sujet, il avait tendance à être particulièrement concentré et engagé.

Il esquissa un sourire involontaire en continuant : "Si on fait l’hypothèse que Huo Wujue et le Prince Jing ont été en totale opposition pendant leur séjour à Nanjing, même s'ils ne s’entretuaient pas, ils se méfieraient l'un de l'autre. Cette méfiance aurait certainement été reflétée dans les faits historiques, mais il n'y a pas un seul mot à ce sujet dans tous les documents actuels. De plus, le fait que Huo Wujue ait pu trouver rapidement des renforts à Nanjing suggère que ce n'était pas nécessairement de son seul fait. C'est pourquoi de nombreux historiens supposent maintenant que pendant la captivité de Huo Wujue, il avait déjà conclu une alliance avec le Prince Jing pour réaliser ensemble l'unification du Nord et du Sud."

Sur ce, il sourit.

"Après tout, nous ne sommes pas des anciens, et toutes nos preuves proviennent de documents historiques. Ces suppositions ne sont donc que des spéculations pour le moment, et elles doivent être vérifiées par des preuves historiques."

Il sembla se rappeler quelque chose, sourit légèrement et ajouta : "Bien sûr, ces suppositions ne doivent pas être faites à la légère. Comme certains de mes élèves, qui, après avoir lu des biographies non officielles, croient que lorsque Huo Wujue a été capturé à Nanjing, il a épousé le Prince Jing comme concubine. Ce genre de spéculation est également inapproprié."

"…Concubine ?" Huo Wujue fut pris de court.

Il ne savait pas pourquoi, mais ce mot semblait avoir un pouvoir magique, explosant dans ses oreilles. Il semblait y avoir de nombreux souvenirs, bloqués dans son esprit, prêts à surgir à tout moment.

Cette révélation perturba Huo Wujue, le laissant étourdi, avec un bourdonnement dans les oreilles.

Jiang Suizhou ne sembla rien remarquer, il continua à sourire et dit doucement : "Oui, mais cela ne veut pas dire que ce qu'il a fait était complètement faux, cela signifie simplement qu'il n'était pas assez prudent et cela ne devrait pas être encouragé."

Huo Wujue se frotta les tempes avec sa main, mais cela ne fit rien.

"Mais bien sûr, tu n'es pas un étudiant spécialisé, alors lire l'histoire sera principalement pour le plaisir, tu n'as pas besoin d'être aussi rigoureux, sinon tu pourrais te limiter dans tes centres d'intérêt", continua Jiang Suizhou.

Après avoir dit cela, il regarda l'étudiant devant lui et réalisa alors quelque chose d'étrange.

"Camarade ?" Il contourna rapidement le pupitre et se dirigea vers Huo Wujue. "Qu'est-ce qui ne va pas, tu ne te sens pas bien ?"

Huo Wujue appuya sa tête avec une main, baissa la tête et secoua légèrement la tête.

"Tu as des vertiges ?" Voyant cela, Jiang Suizhou le soutint immédiatement d'une main. "Est-ce que c'est grave ? Dois-je t'emmener à l'infirmerie ?"

Huo Wujue secoua la tête, serrant les dents alors qu'il attrapait son sac abandonné à côté de lui, se retourna et sortit d'un pas décidé.

Les affaires de Jiang Suizhou étaient toujours éparpillées sur la table et il ne put rien faire d'autre que regarder l'étudiant partir.

...Il semblait marcher de façon assez stable, alors ça ne devrait pas être si grave, non ?

*
Cependant, de son côté, Huo Wujue sortit rapidement de la salle de classe. Le vent froid qui soufflait en face lui permit enfin de soulager quelque peu son étourdissement.

Il se rendit au parking près du bâtiment, monta sur sa moto.

Attachant son casque, démarrant le moteur ; le vrombissement de la moto résonna soudainement à ses oreilles.

Avec ce bruit de moteur, les souvenirs tumultueux affluèrent instantanément dans son esprit.

Les cachots sombres et humides de Lin'an, la résidence du Prince Jing éclairée par des bougies vacillantes, le Prince Jing feignant l'indifférence, et ensuite, d'innombrables sentiments et affections entrelacés.

Huo Wujue regarda droit devant lui, le moteur de sa moto grondant légèrement sous lui.

Après un moment, à travers son casque, Huo Wujue jura doucement.

Pas étonnant que son cœur ait battu follement dès le premier regard sur le professeur Jiang ; pas étonnant que dès que l'autre le regardait, il sentait ses jambes devenir faibles et il ne pouvait plus bouger ; pas étonnant que dès qu'il entendait l'autre parler, il se sentait parfaitement à l'aise de la tête aux pieds.

Ce n'était pas juste le professeur Jiang.

Merde, c'était sa femme.

 

Traducteur: Darkia1030