TTBE - Chapitre 16 - Xiao Nuonuo, arrogant, extravagant et débauché
Zhou Helan était parti de conditions modestes. Bien qu’il fût ensuite élevé au rang de maître national, il avait longtemps été critiqué en raison de ses origines, car sa mère était une habitante de Xiqiang (NT : peuple considéré comme marginal ou inférieur).
À l’époque actuelle, trois royaumes — Daye, Yuze et Xiqiang — se tenaient en équilibre. Mais il y a plus d’un siècle, ces trois royaumes provenaient en réalité d’une même lignée, issus de la chute du royaume Wei.
Après la chute de Wei, huit généraux du royaume s’autoproclamèrent seigneurs indépendants, et une longue guerre civile s’ensuivit. Plus tard, le chef des généraux, Xiao Yanhong, fut proclamé roi par cinq des autres généraux, établit la capitale à Yejing et devint le premier empereur de Daye.
Les deux autres généraux, Xue Chang et Huai Shuan, refusant de reconnaître l’empereur, se séparèrent et fondèrent leurs propres royaumes : Xue Chang s’allia aux nomades de Xiqiang et régna à Zaiguo, créant le royaume de Xiqiang ; Huai Shuan fonda Yuze.
Ainsi, plus d’un siècle après, Wei n’existait plus et Daye, Yuze et Xiqiang étaient trois royaumes distincts.
La mère de Zhou Helan était une Xiqiang. Après que Xue Chang se proclama roi à Zaiguo, il rompit l’alliance avec les Xiqiang et commença à les persécuter, les reléguant à un statut d’inférieurs, presque comme des bêtes à vendre.
Un enfant né d’une mère Xiqiang, avec un père inconnu, était au plus bas de l’échelle sociale, et pouvait être maltraité par n’importe qui.
Dans sa vie précédente, An Changqing ne savait que Zhou Helan avait été longtemps critiqué pour sa naissance. Le roi de Yuze l’avait soutenu et lui avait confié des responsabilités. Zhou Helan, reconnaissant, servit le roi comme stratège militaire et, au moment opportun, mena ses troupes au nord, élimina deux puissants généraux rivaux, pacifia les rébellions populaires et captura Yejing, permettant au roi de Yuze de s’imposer comme empereur.
Mais il ignorait qu’à ce moment précis, Zhou Helan serait à Yejing, et que par un heureux hasard, il allait le sauver. Il se souvint que dans sa vie précédente, Zhou Helan était venu au cimetière improvisé pour rendre hommage à Xiao Zhige, reconnaissant une faveur passée.
Dans sa vie précédente, Xiao Zhige avait probablement agi de la même manière : éloigner les paysans et laisser de l’eau et des médicaments pour sauver la vie de l’enfant. Mais cette fois, An Changqing était un facteur imprévu, et l’enfant fut réellement sauvé.
An Changqing observa Zhou Helan avec des yeux brillants, pensant que c’était peut-être l’occasion de changer le cours des choses.
La vie précédente avait montré que Zhou Helan était quelqu’un qui savait rendre la pareille, et doté d’un talent exceptionnel. La conquête de Daye par Yuze était due à moitié à la guerre civile et à moitié à Zhou Helan.
Un tel homme ne devait jamais retourner à Yuze pour devenir l’ennemi de Xiao Zhige.
An Changqing réfléchit rapidement et eut une idée. Il aida l’enfant à se relever et demanda : "Tu n’es pas de Yejing, n’est-ce pas ? Que s’est-il passé tout à l’heure sur la route ?"
Zhou Helan, pris sur le fait, pâlit et répondit en pressant les lèvres : "Je… je suis venu à Yejing avec ma mère pour chercher mon père, mais elle est tombée malade en chemin. Je n’avais pas d’argent pour acheter des médicaments, alors j’ai… j’ai volé leur nourriture…"
Rougissant de honte, il ajouta précipitamment : "Mais je la rendrai, quand ma mère ira mieux, je travaillerai dans une auberge pour la rembourser…"
Sa voix s’éteignit peu à peu, il baissa la tête comme un jeune plant fragile, mais ses traits restaient marqués et son nom correspondait exactement à celui qu’An Changqing connaissait. Ce jeune garçon, plus petit que lui, serait plus tard le maître national de Yuze, capable de trancher et commander.
An Changqing sentit sa détermination initiale faiblir, remplacée par une sincère compassion.
Il remarqua : "Tu dois avoir du mal à trouver du travail ainsi, n’est-ce pas ?"
Zhou Helan leva les yeux, avec détermination : "Je chercherai toujours. Je peux tout faire et endurer la souffrance…"
An Changqing soupira et sourit : "Alors viens avec moi. Je vais ouvrir plusieurs boutiques et il me manque des employés. Ton salaire sera le même que les autres, et tu pourras loger et manger au manoir. Qu’en dis‑tu ?"
Zhou Helan leva soudain les yeux, resta silencieux un long moment, puis mordit sa lèvre : "Si vous voulez bien m’accueillir, je vous en serai éternellement reconnaissant. Mais… je… je suis en réalité un Xiqiang."
Être Xiqiang signifiait non seulement être marginalisé dans ce royaume, mais même les habitants voisins de Daye le savaient. Il avait donc subi le mépris depuis son arrivée à Yejing, et personne ne voulait l’employer pour gagner de l’argent pour les médicaments de sa mère. Les Xiqiang étaient considérés comme portant une “aura inférieure”.
Mais An Changqing ne montra aucune répulsion. Il dit : "Xiqiang reste Xiqiang, ici c’est Daye, c’est différent."
Zhou Helan ouvrit grand les yeux et, après un instant, s’agenouilla et fit une révérence : "Je veux vous suivre, seigneur, et obéir à vos ordres à l’avenir."
An Changqing, surpris, l’aida à se relever : "Prends d’abord soin de toi. Quand tes blessures iront mieux, tu pourras me servir."
Puis, se rappelant que sa mère était malade, il demanda avec sollicitude : "Et ta mère, où est‑elle ? A-t-elle été vue par un médecin ?"
Zhou Helan, initialement enthousiaste, baissa la tête : "Oui, mais le médecin dit qu’il ne peut rien faire. Il faut juste maintenir sa vie avec des médicaments."
An Changqing comprit alors. Il dit : "Il y a un excellent médecin dans le manoir royal, le docteur Hu. Si tu veux, nous pouvons y amener ta mère pour qu’il la soigne."
Les yeux de Zhou Helan brillèrent et il répondit aussitôt : "Je le veux !"
An Changqing tapota son épaule :
"Peux‑tu marcher ? Si oui, nous retournons d’abord au manoir royal."
Zhou Helan acquiesça vivement. Le cœur encore suspendu par l’inquiétude pour la maladie de sa mère, il craignait qu’An Changqing ne l’empêche de partir. Il se leva aussitôt et fit deux pas pour prouver : « Ce n’est qu’une petite blessure, ce n’est pas un problème. »
An Changqing sourit et l’emmena avec lui en quittant la maison du médecin.
De retour au domaine rural, An Changqing fit venir le chef de l’exploitation et lui ordonna de sélectionner, parmi les familles paysannes voisines, quelques jeunes filles de l’âge convenable et suffisamment dégourdies afin de les former. Ainsi, lorsque sa mère et sa sœur viendraient s’installer, il y aurait déjà des servantes prêtes à être employées.
Après avoir donné divers ordres épars, Xiao Zhige arriva à son tour. An Changqing lui sourit et, désignant Zhou Helan, dit : « Voici Zhou Helan, désormais il me suivra. »
Xiao Zhige fronça légèrement les sourcils, jeta un bref regard à Zhou Helan sans rien dire, puis hocha seulement la tête : « Rentrons à la maison. »
Comme Zhou Helan était blessé, An Changqing insista pour qu’il prenne place dans son carrosse. En chemin, ils traversèrent un village. Zhou Helan indiqua que sa mère y demeurait. L’escorte bifurqua donc, mais fut menée jusqu’à un temple délabré.
Le temple s’était effondré de moitié, l’autre partie étant en ruine. À l’intérieur, des bottes de chaume et quelques branches avaient servi à ériger une maigre séparation, créant un abri de fortune. La mère de Zhou Helan y reposait, couchée sur le côté, tournant le dos, son visage invisible.
Zhou Helan prononça quelques mots en langue de Xiqiang, et la femme se retourna lentement, répondant avec joie.
Derrière lui, An Changqing observa ses traits : plus marqués encore que ceux de son fils, les orbites profondes, l’arête du nez saillante, les lignes du visage nettes et découpées. Sa peau pâle trahissait l’origine typiquement Xiqiang.
Avec précaution, Zhou Helan écarta les branchages et s’adressa à elle d’une voix douce. La femme s’efforça de se redresser et, chancelante, salua An Changqing d’une révérence solennelle, balbutiant en langue de Daye des remerciements maladroits.
Constatant sa faiblesse, An Changqing pria Zhou Helan de l’aider à monter dans le carrosse.
Zhou Helan lui adressa un sourire reconnaissant et voulut encore remercier, mais An Changqing l’arrêta d’un geste, disant avec une pointe de lassitude : « Cela suffit, il n’est pas nécessaire de t’attacher à ces formules de politesse. »
Alors seulement Zhou Helan se tut et aida sa mère à monter. Le temple, misérable, ne contenait guère d’affaires. Zhou Helan ne prit qu’un baluchon usé mais propre, qu’il chargea sur son dos. Il demanda ensuite à An Changqing une avance sur son futur salaire et alla rembourser, au village, la famille à qui il avait volé du grain. Alors seulement, le groupe reprit la route.
Comme le carrosse avait été laissé à l’usage de Zhou Helan et de sa mère, An Changqing dut chevaucher à deux avec Xiao Zhige.
Le grand cheval bai-roux agitait joyeusement sa queue, trottant d’un pas souple. An Changqing, songeur à l’idée des innombrables regards étranges qui se tourneraient vers lui dès leur entrée en ville, dit avec un soupir : « Prince, un autre jour, pourrais-tu m’apprendre à monter à cheval ? »
Xiao Zhige baissa les yeux. Devant lui, la nuque blanche d’An Changqing, dévoilée par quelques mèches noires éparses, brillait au soleil d’une beauté espiègle. Mais s’il apprenait à chevaucher… il n’aurait plus besoin de partager sa selle.
Xiao Zhige répondit : « Ces jours-ci, je n’ai pas le temps. »
An Changqing n’y prêta guère attention et dit distraitement : « Alors je demanderai à Tie Hu ou à Zhao Shi de m’apprendre. »
Zhao Shi, qui chevauchait derrière, sursauta, glacé de frayeur, les poils hérissés.
Aussitôt, la voix impassible de leur seigneur résonna : « Je t’enseignerai. »
An Changqing, surpris : « Mais le Prince n’a-t-il pas dit qu’il n’avait pas le temps ? »
Après un bref silence, Xiao Zhige lâcha : « J’ai du temps. »
« … » An Changqing se retourna, le regardant avec perplexité.
Xiao Zhige croisa un instant son regard, puis détourna les yeux avec naturel.
Pourquoi vouloir apprendre ? N’est-il pas préférable de continuer à monter avec moi ?
*
De retour au manoir princier, An Changqing fit conduire Zhou Helan et sa mère à l’aile des invités par l’intendant Wang, et appela Hu Shifei pour les soigner. Ensuite, il fit venir un notaire afin de signer l’acte d’achat du domaine rural.
Dès lors, le domaine de Qingyun lui appartenait.
Au moment de verser l’argent, An Changqing ressentit une gêne : ces fonds provenaient du budget du manoir princier. Certes, Xiao Zhige lui avait dit d’en user à sa convenance, mais comme il s’agissait là d’un bien personnel, il avait l’impression d’abuser.
Ainsi, après le départ du notaire, il s’approcha lentement de Xiao Zhige et dit à voix basse : « Considérons que j’ai emprunté cette somme au trésor commun. Lorsque j’aurai gagné de l’argent, je la rendrai. »
« … Il n’est pas nécessaire de la rendre. » répondit Xiao Zhige, le regard assombri.
An Changqing n’y prit pas garde et dit en riant, les yeux pétillants : « Si le Prince m’accorde une telle liberté, je risque de devenir arrogant, extravagant et débauché, et de gaspiller sans retenue. »
« Hm. » Xiao Zhige le regarda du coin de l’œil : « Les fonds du manoir suffisent largement pour être gaspillés. »
An Changqing resta un instant interdit, puis comprit et rit à nouveau, les yeux brillants : « Mais je n’ai guère envie d’être encore décrit dans ces petits récits populaires comme quelqu’un ne vivant que dans l’oisiveté et le luxe. »
« Ils n’oseraient pas. » Les lèvres de Xiao Zhige se relevèrent imperceptiblement, entraînées par sa bonne humeur.
« Nul n’oserait tourner en dérision la Wangfei du seigneur de guerre du Nord. »
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Note de l’auteur :
Song Song : « Est-ce que Nuonuo ne m’aime pas ? Pourquoi refuse-t-il de monter à cheval avec moi ? »
Traducteur: Darkia1030
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