Chenghua - Extra 7 - La famille Sui

 

La visite de Sui Zhou mit le père et la mère Sui dans un état de grande vigilance.

Bien qu'il ait souvent envoyé des présents à sa famille au fil des années, ses nombreuses obligations ne lui permettaient de rentrer que rarement. Le père et la mère Sui favorisaient indéniablement leur fils aîné, ce qui était un fait connu de tous. Maintenant que l’aîné avait des enfants, ils étaient absorbés par la joie de s’occuper de leurs petits-enfants, ce qui les poussait inévitablement à négliger leur second fils.

Mais Sui Zhou n’était pas un enfant avide d’attention. Depuis qu’il avait quitté la maison à 18 ans pour vivre seul et rejoindre les rangs des gardes Brocart, il avait gravi les échelons un à un grâce à ses propres efforts. Il était devenu le chef des gardes Brocart, et son lien avec la famille impériale, loin d’être un avantage, avait souvent été un obstacle à sa carrière.

Lorsqu’il montait en grade, on entendait fréquemment des murmures disant : « Cet homme a le soutien de l’empereur et de la Grande Impératrice Douairière, il est normal qu’il soit promu rapidement. » Mais Sui Zhou n’était pas du genre à perdre du temps à se justifier. Au lieu de débattre inutilement, il préférait prouver sa valeur par ses actes. C’est ainsi qu’il avait pris la tête des gardes Brocart. Et les personnes qui, à l’époque, murmuraient dans son dos, avaient depuis longtemps disparu.

En réalité, quelqu’un comme Sui Zhou ne prêtait aucune attention aux commérages, même si ceux-ci provenaient de sa propre famille.

Les Sui avaient une situation financière relativement confortable. Bien qu’ils ne puissent rivaliser avec les grandes familles nobles de la capitale, ils ne manquaient de rien. Le père Sui et l’aîné Sui An occupaient des postes fictifs qui leur permettaient de toucher des revenus sans avoir à travailler. En outre, la famille possédait des terres et des commerces, assurant des profits réguliers. Ils avaient de quoi se vêtir de soie et de brocart.

Cependant, en matière d’influence et de pouvoir, la famille Sui ne comptait guère, car à l’exception de Sui Zhou, aucun membre de la famille n’occupait de fonction publique.

Quant à Sui An, il avait toujours méprisé le métier de garde Brocart, le considérant comme celui de « chiens de l’empereur », une fonction dégradante attirant des regards critiques. Il avait voulu passer les examens impériaux pour entrer dans l’administration civile, mais, n’étant pas fait pour cela, il avait gaspillé des années sans rien accomplir.

Bien que la famille fût aisée, Sui An soupirait souvent sur son sort, regrettant de ne pas être né à une meilleure époque ou de ne pas avoir vu son talent reconnu. Voir son frère cadet, qu’il avait autrefois regardé de haut, réussir brillamment au sein des gardes Brocart, gravir les échelons jusqu’à devenir commandant et recevoir un titre de noblesse, ne fit qu’aiguiser son sentiment d’échec. La nuit, il se plaignait souvent de sa situation à son épouse, Mme Jiao.

Si Mme Jiao avait été une femme douce et raisonnable, elle aurait pu apaiser son mari, l’encourageant à accepter son sort et à trouver satisfaction dans ce qu’il avait. Mais elle était elle-même ambitieuse. Elle estimait que, en tant qu’aîné, son mari aurait dû avoir un avantage naturel sur Sui Zhou, surtout en ayant des enfants, alors que son beau-frère n’en avait pas. Elle partageait donc le ressentiment de son mari, convaincue que Sui Zhou avait bénéficié d’un traitement de faveur en tant que seul membre de la famille à avoir rejoint les gardes Brocart.

Le père et la mère Sui, gens simples et peu habiles avec les mots, ne savaient pas comment répondre à ces plaintes constantes. Bien qu’ils tentent parfois de conseiller leur fils aîné et leur belle-fille, leur partialité envers leur aîné les poussait souvent à demander à Sui Zhou d’aider son frère.

Mais que pouvait faire Sui Zhou ?

Sui An avait déjà plus de trente ans, ne savait pas manier les armes, et ne pouvait aspirer qu’à un poste administratif. Mais il n’y consentirait probablement pas. Quant à l’idée d'obtenir un poste sans passer par les examens impériaux, cela était tout simplement impossible. Non seulement Sui Zhou n’en avait pas le pouvoir, mais même l’empereur n’oserait pas accorder une telle faveur sans risquer de s’attirer les foudres des lettrés, ce qui aurait un effet désastreux, comme ce fut le cas avec l’ancien favori de l’empereur précédent, Li Zisheng.

Selon Sui Zhou, la meilleure option pour Sui An aurait été de se lancer dans le commerce. Mais son frère était trop fier pour envisager une telle carrière. Cela rendait toute discussion inutile. Sui Zhou, peu proche de son frère, ne voyait pas l'intérêt de provoquer une dispute en abordant ce sujet sensible. Si Sui Zhou le disait, Sui An l’interpréterait comme une moquerie.

Ainsi, chaque visite de Sui Zhou à la maison, s’il croisait son frère et sa belle-sœur, devenait un moment de malaise.

Bien qu’ils fussent liés par le sang, un gouffre semblait s’être creusé entre eux, rendant la communication impossible. Le frère aîné méprisait le cadet, et le cadet n’avait rien à lui dire. Quant au père et à la mère, pris entre les deux, ils ne savaient comment réconcilier leurs fils, ce qui rendait l’atmosphère de plus en plus pesante.

Lorsque Tang Fan était présent, les choses allaient un peu mieux. Grâce à son statut élevé, Sui An n’osait pas être discourtois, et Mme Jiao se faisait plus discrète. Mais en l’absence de Tang Fan, lorsque Sui Zhou était seul, Mme Jiao n’avait aucune raison de se retenir.

Comme à cet instant.

Sui Zhou était venu apporter des cadeaux. Il ne pouvait décemment repartir immédiatement après les avoir livrés. La mère Sui demanda à un domestique de lui servir du thé, et il s’assit, décidé à finir sa tasse avant de partir.

Puisqu’ils étaient là, il fallait bien parler de quelque chose. La mère Sui, toujours préoccupée par l’avenir de son fils, lui demanda s’il avait des projets de mariage. Elle lui reprocha doucement que la Impératrice Douairière — devenue maintenant Grande Impératrice Douairière — ne lui ait pas trouvé une épouse, ce qui faisait qu’il était toujours célibataire à son âge.

Sui Zhou répondit calmement : « Pour que vous le sachiez, mère, cela n’a rien à voir avec la Grande Impératrice Douairière. C’est moi qui ne veux pas me marier. »

La mère Sui, stupéfaite, demanda : « Pourquoi donc ? »

Avant qu’il ne puisse répondre, Mme Jiao intervint : « Serait-ce que les rumeurs sont vraies ? »

La mère Sui, perplexe, demanda : « Quelles rumeurs ? »

Mme Jiao lança un regard à Sui Zhou, un sourire lourd de sous-entendus sur les lèvres : «Tout le monde dit que le cadet préfère les hommes aux femmes, alors… »

La mère Sui, alarmée, se tourna vers son fils : « Guangchuan, ce que dit ta belle-sœur est-il vrai ? »

Sui Zhou, imperturbable, répliqua : « D’où viennent ces rumeurs dont parle ma belle-sœur ? Les garde Brocart ont des oreilles partout, et je n’ai jamais entendu parler de telles choses. En revanche, l’affaire des dépenses de ma belle-sœur, qui prend l’argent de la famille pour soutenir sa propre famille, est connue. Je me demande si mon frère en est informé. »

Sentant que tous les regards des membres de la famille Sui étaient soudain fixés sur elle, Mme Jiao rougit violemment et s’exclama, furieuse : « Toi… Qu’est-ce que tu racontes ? Ne me calomnie pas ! Quand aurais-je fait une chose pareille ?! »

Sui Zhou répliqua calmement : « Il y a bien des rapports conservés au Bureau du Bastion Nord. Les heures, les lieux… Je crains que tu ne puisses nier, grande sœur. »

Mme Jiao s’emporta : « Très bien, alors ! Tu es devenu un grand personnage, n’est-ce pas ? Et tu ne fais même pas un petit effort pour obtenir un poste pour ton propre frère. Maintenant, tu te mets même à surveiller ta propre famille... Mais… Que fais-tu ?! »

Sa voix s’éteignit brusquement alors qu’elle voyait Sui Zhou dégainer son épée. La lame effilée du sabre doré à ressort, étincelante sous la lumière, exhalait une aura meurtrière glaciale, comme si les nombreuses vies qu’elle avait prises imprégnaient encore son métal. L’absence de fourreau amplifiait son caractère menaçant. Terrifiée, Mme Jiao recula de deux pas, avant de se cacher précipitamment derrière son mari, craignant que Sui Zhou, dans un accès de colère, ne la tue sur place.

Sui Zhou jeta un regard froid sur elle, ses yeux dénués de la moindre trace d’émotion, glaçant Mme Jiao jusqu’à la moelle. Tremblant, elle serra encore plus fermement la manche de son mari, terrifiée à l’idée qu’il puisse passer à l’acte.

« Les affaires du frère aîné ne sont normalement pas de mon ressort, » dit Sui Zhou d’un ton glacial. « Mais quand la grande sœur se comporte de manière indigne et ose même critiquer arbitrairement la manière dont les gardes Brocart mènent leurs affaires… Veux-tu donc vraiment aller faire un tour en prison ? »

Un sourire ironique effleura ses lèvres, un sourire que Mme Jiao interpréta comme celui d’un démon venu réclamer son âme. Bien qu’elle brûlât de répliquer, sa peur l’emporta. Elle dut se taire, incapable de sortir la moindre parole.

Même Sui An, le frère aîné, n’était pas à l’aise en présence de son cadet. Toutefois, devant ses parents et son épouse, il se sentit obligé de sauver la face et fronça les sourcils pour dire : « Guangchuan, comme le dit le dicton : une belle-sœur aînée est comme une mère. Comment peux-tu parler ainsi à ta belle-sœur ? »

Sui Zhou répliqua sans se départir de son calme : « Mère est toujours en vie. D’où vient donc cette histoire de belle-sœur agissant comme une mère ? En parlant ainsi, frère, tu ne crains pas de blesser le cœur de notre mère ? »

Ces dernières années, en côtoyant Tang Fan, il avait appris quelques astuces dans l’art de la répartie.

Sui An, incapable de trouver une réponse, resta muet et embarrassé.

Discuter avec ces gens, même si cela menait à une victoire dans l’argumentation, n’apportait à Sui Zhou aucune satisfaction. Voyant leurs visages décontenancés, il ressentit une lassitude croissante. Constater que son thé avait refroidi acheva de l’agacer. Se levant, il fit ses adieux à ses parents et se prépara à partir.

« Guangchuan ! » À peine avait-il atteint la porte que Sui An le suivit en hâte. « Ce que tu as dit tout à l’heure à propos de ta belle-sœur et de l’argent envoyé à sa famille… Est-ce vrai ?»

Sui Zhou répondit sans se retourner :
« Vrai ou faux, frère, demande donc à ta femme. Pourquoi venir me questionner ? »

Sur ces mots, il partit sans un regard en arrière.

Une fois hors de la maison des Sui, il ne rentra pas directement chez lui, mais se dirigea vers la maison de sa grand-mère maternelle, située juste à côté.

Ces dernières années, Dame Zhou, en vieillissant, avait choisi de revenir à la capitale plutôt que de rester vivre avec son fils à l’extérieur. Entourée de servantes et de domestiques, avec des petits-enfants qui venaient souvent lui rendre visite, elle menait une vie agréable, loin des préoccupations et des querelles inutiles de la maison de sa fille.

Lorsqu’il arriva, une servante de Dame Zhou conduisit Sui Zhou auprès de sa grand-mère. À son grand étonnement, il trouva Tang Fan déjà installé dans le salon, en pleine conversation animée avec la vieille dame. Il ne savait pas ce qu’ils disaient, mais leurs échanges arrachaient des éclats de rire à Dame Zhou, qui riait à gorge déployée, au point que des larmes perlaient au coin de ses yeux.

Face à cette scène, l’aura glaciale et distante qui enveloppait Sui Zhou depuis qu’il avait quitté la maison familiale se dissipa immédiatement. Même la main qui tenait son sabre se détendit inconsciemment.

 

Traducteur: Darkia1030