SAYE - Chapitre 94 - J'ai un petit-ami.

 

 

Jiang Cheng ne voulait pas répondre à l'appel. Depuis son arrivée à cet endroit, non, depuis qu'il avait réalisé qu'il était adopté, il lui était difficile de faire face à Shen Yiqing, et il ne souhaitait pas le faire non plus.

Il n'y avait pas de conflit significatif entre lui et cette maison, mais les disciplines strictes, presque oppressives, l'atmosphère glaciale qui l'empêchait de se détendre vraiment même quand il était chez lui, ajoutées à la nature cachée de la génétique de Li Baoguo en lui...

Peut-être à cause de tout cela, il était entré dans une prétendue phase de "rébellion" probablement depuis qu'il avait commencé l'école élémentaire, et avait continué à "se rebeller", sans s'arrêter jusqu'à son départ.

Il ne savait pas quelle était la dynamique familiale chez lui quand il n'était pas là, mais dès qu'il passait la porte, il pouvait sentir l'irritation dans l'air, ce qui activait instinctivement toutes les épines autour de son corps.

La chaleur, la facilité et le sentiment d'être ancré que cette maison lui procurait étaient loin de ce que lui offrait la maison de Pan Zhi, avec ses parents qui passaient la plupart de la semaine à jouer au mahjong.

Mis à part les réussites académiques, il n'y avait probablement pas une seule chose à propos de lui qui satisfaisait ses parents. Sa relation avec eux était comme s'il avait été enrôlé de force dans une guerre, avec eux commandant l'autre côté, alors qu'il ne gagnait jamais une seule bataille.

C'est pourquoi il attachait une telle importance à ses notes. Peu importe combien il "se rebellait" normalement, il donnait toujours tout quand il s'agissait de tests et d'examens. Dans les presque vingt ans de cette guerre, cela avait représenté son unique bastion.

Hélas, cette dernière dispute explosive a finalement rompu le dernier fil qui le liait à cette maison.

Il avait toujours pensé que le séjour de son père... ou plutôt de Jiang Wei, à l'hôpital à cause d'une pneumonie n'avait rien à voir avec lui, c'était une coïncidence qui était survenue après leur dispute qui avait failli tourner à la bagarre physique. En ce qui concernait le sujet de cette dispute, il s'agissait simplement d'un autre cours qu'il avait séché. Il nourrissait beaucoup de ressentiment pour le fait que Shen Yiqing avait toujours attribué l'incident à sa faute.

Maintenant qu'il y pensait, peut-être que ce n'était pas totalement sans rapport. Peut-être que c'était le résultat d'une suppression chronique et d'une accumulation au fil du temps. Cela devait être épuisant que l'enfant qu'ils avaient adopté ne s'intégrait pas dans la famille, révolté sous leur tutelle comme une bombe qui pourrait exploser à tout moment.

Jiang Cheng prit son téléphone sur le lit, l'écran était déjà assombri. Il était silencieux.

S'il n’avait pas su qu'il n'était pas leur fils biologique, s'il n'était pas revenu dans cet endroit, peut-être qu'il continuerait comme avant, encouragé à lutter dans cette maison, à se rebeller farouchement.

Maintenant, c'était comme s'il était enfin sorti d'une partie de l'histoire. Quand il se tenait sur le côté et regardait en arrière sur le passé, il lui semblait qu'il y avait enfin une réponse à tout, que ce soit ses propres actions ou celles de tous les membres de sa famille.

Son téléphone sonna à nouveau, c'était encore Shen Yiqing.

Jiang Cheng prit le téléphone, le regarda un moment, puis glissa son doigt sur l'écran avec un doigt et décrocha l'appel, "Allô?"

"Est-ce que c'est Xiao-Cheng?" C'était la voix de Shen Yiqing.

"Oui." répondit Jiang Cheng.

Gu Fei se leva et sortit de la chambre, fermant doucement la porte derrière lui.

Jiang Cheng s'adossa à la chaise. Si on comptait les jours, cela n'avait pas été très long depuis leur dernier contact, mais la voix de Shen Yiqing de l'autre côté lui semblait soudainement étrangère.

D'un coup, il se sentit un peu abattu. Presque vingt ans et ils avaient échoué à construire une relation étroite, tandis qu'il était si facile de devenir comme des étrangers.

"Comment ça va pour toi en ce moment?" demanda Shen Yiqing.

"Plutôt bien." répondit Jiang Cheng.

"Alors... et Li Baoguo?" continua Shen Yiqing.

Jiang Cheng fronça les sourcils. Il ne voulait pas que Shen Yiqing sache cela, il avait peur qu'on lui demande de se rappeler : ce qui s'était passé, pourquoi, et puis ce qui s'était passé ensuite...

Lorsque Shen Yiqing n'obtint pas de réponse, elle mentionna, "S'est-il... suicidé ?"

"Mhm." répondit Jiang Cheng.

"Qu'est-il arrivé ?" Rien que par sa voix, il pouvait imaginer comment elle fronçait les sourcils en parlant.

"Je ne sais pas," Jiang Cheng ferma brièvement les yeux, puis les rouvrit. "Il a eu un cancer du poumon et n'a pas pu se permettre de se faire soigner."

Shen Yiqing resta silencieuse un moment, puis parla de nouveau, "Cela avait-il quelque chose à voir avec toi ?"

"Quoi ?" Jiang Cheng était stupéfait.

"Son suicide, cela avait-il quelque chose à voir avec toi ?" demanda Shen Yiqing.

"Qu'est-ce que tu racontes ?" Jiang Cheng n'avait jamais été aussi choqué.

Un soupir parvint à travers le combiné, exprimant le mécontentement de Shen Yiqing face à ses jurons, "Dis-moi la vérité, même si tu ne fais plus partie de cette famille, mais..."

"Quelle vérité ?" Jiang Cheng sentait peut-être que son cerveau était un peu embrouillé après avoir mémorisé des passages de texte toute la nuit, il ne pouvait rien comprendre du tout à la question de Shen Yiqing. "Quelle vérité devrais-je dire ? Quelle vérité veux-tu entendre ?"

"Xiao-Cheng," dit Shen Yiqing. "Ton frère aîné m'a déjà appelée."

"Qui est ce putain de frère aîné? !" s'écria Jiang Cheng. La confusion totale entre la réalisation et le fait de ne rien comprendre du tout le poussa à exploser en cet instant même.

"Calme-toi !" Shen Yiqing éleva aussi la voix. "Je ne veux plus t'entendre hurler de manière hystérique !"

Li Hui avait appelé Shen Yiqing. Ce n'était pas surprenant.

Qu'avait dit Li Hui à Shen Yiqing ? Aucune idée. Quoi que ce soit, cela ne serait pas surprenant.

Quoi que Li Hui ait dit, Shen Yiqing ne l'avait pas cru.

Mais ce qui avait fait exploser soudainement Jiang Cheng, c'était que Shen Yiqing ne le croyait pas non plus. Elle n'appelait que pour confirmer. Pourquoi, moins d'un an après son retour, Li Baoguo s'était suicidé.

Pourquoi Li Hui l'avait-elle appelée et que lui avait-il dit...

"D'accord, je vais me calmer." Jiang Cheng prit une profonde inspiration, tapota ses poches et ne trouva pas de cigarettes. Il se leva et ouvrit la porte de la chambre. Gu Fei se tenait près de la fenêtre du salon en regardant la lune, et au bruit de la porte, il se retourna.

Jiang Cheng s'approcha et trouva un paquet de cigarettes dans la poche de Gu Fei, puis en mit une dans sa bouche. Gu Fei sortit un briquet et l'alluma pour lui.

"Peux-tu d'abord me dire ce que Li Hui a dit ?" Jiang Cheng retourna dans la chambre et ferma la porte.

"Tu..." Shen Yiqing avait peut-être entendu le bruit du briquet et pouvait aussi deviner qu'il parlait avec une cigarette dans la bouche.

"Oui, je fume," dit Jiang Cheng. "Désolé, je ne peux pas m'en empêcher en ce moment."

Je suis désolé.

C'était probablement la chose qu'il avait le plus dite à la maison.

Chaque fois qu'il échouait à obtenir le dessus, il disait cela en premier. Avec le temps, et à mesure que le nombre de fois où il disait cela augmentait, les mots "je suis désolé" prenaient souvent une note de colère, comme ce jour-là au bord de la rivière quand il avait rugi un "je suis désolé" à Gu Fei, comme s'il se défoulait.

Comme en ce moment, où il disait à Shen Yiqing désolé alors qu'il était presque au bord de l'irritation. Dans certaines situations, "je suis désolé" était devenu une manière pour lui d'exprimer ses émotions. C'était risible.

"Li Hui a dit que tu as pris trente mille de Li Baoguo," Shen Yiqing cessa de tourner autour du pot et parla franchement. "L'argent qui aurait pu sauver sa vie. Est-ce vrai ?"

Bien que Jiang Cheng puisse à peu près deviner ce que Li Hui avait dit – cela ne pouvait être que de l'argent, de l'argent, de l'argent et encore de l'argent – entendre Shen Yiqing le dire à voix haute de cette manière lui serrait la poitrine. Un bourdonnement dans sa tête et une sensation de lourdeur dans sa poitrine, au point où il avait envie de rire.

Et puis il se sentit un peu nauséeux. Devant l'envie soudaine et intense de vomir, il prit rapidement la tasse sur le bureau et avala quelques gorgées d'eau froide.

"Ce n'est pas comme si tu n'avais jamais rencontré Li Baoguo,"

Jiang Cheng prit une inspiration et essaya de garder ses émotions sous contrôle. "Quand tu m'as adopté et quand tu as annulé l'adoption. Tu sais très bien quel genre de personne il était."

Shen Yiqing ne dit rien.

"Oublie s'il avait même trente mille yuans, mais est-il plausible qu'il aurait mis l'argent à portée de ma main ?"

Jiang Cheng tira deux longues bouffées de cigarette. "Même si tu ne sais pas quel genre de personne il était, au moins tu m'as élevé pendant dix-sept ans, même si tu élevais un chien, tu saurais quand il remue la queue et quand il mord les gens !"

"Xiao-Cheng," soupira Shen Yiqing. "Je comprends que poser la question de cette manière te met mal à l'aise. Mais il est important que certaines choses soient clarifiées pour que je puisse prendre position."

"Je n'ai jamais touché à son argent, et son suicide n'a rien à voir avec moi non plus. Quand il était malade, je lui ai donné de l'argent, et après sa mort, Li Hui m'en a demandé, je lui ai donné aussi." souligna Jiang Cheng.

Il se sentit soudain très désolé pour lui-même en prononçant ces paroles, son nez le piqua. Il devait expliquer à cette femme qu'il avait appelée maman pendant dix-sept ans, une vérité qu'il pensait qu'elle devrait déjà connaître.

Bien que c'était exactement le genre de personne qu'était Shen Yiqing. Pourtant, en cet instant précis, Jiang Cheng était une fois de plus profondément déçu.

Peut-être était-il trop naïf. Dans sa propre naïveté, il pensait innocemment que le lien de «mère et fils » de presque deux décennies resterait plus ou moins intact. Il supposait que l'endroit où une mère « se tenait » ne dépendrait jamais d'aucun préalable de vérité, que choisir de croire en son propre enfant était simplement une seconde nature.

Cependant, ce genre de seconde nature n'existait clairement pas entre lui et Shen Yiqing. Shen Yiqing exigeait logiquement une « vérité » avant de pouvoir décider de quel côté elle se trouvait.

Jiang Cheng comprenait, mais trouvait cela difficile à accepter. Toutes les amertumes accumulées au fil des ans, qu'il avait passé tant de temps à se forcer à arrêter de penser et à ruminer, remontaient une fois de plus à la surface.

"Xiao-Cheng, pour être honnête, même si tu... mais je pensais quand même qu'il était impossible que tu touches à son argent." Remarqua Shen Yiqing. "C'est seulement parce que Li Hui l'a dit si sincèrement, il a même pleuré, c'est pourquoi je voulais d'abord te poser des questions à ce sujet."

"C'est bon," Jiang Cheng laissa échapper un petit rire. "Tu ne connais pas du tout les gens d'ici. Si tu étais en face de lui, il pourrait même se couper les poignets pour prouver sa propre sincérité."

"Où vis-tu maintenant ? As-tu déménagé ?" demanda Shen Yiqing.

"Je loue mon propre appartement," répondit Jiang Cheng.

Shen Yiqing soupira légèrement et resta silencieuse un moment. Jiang Cheng avait l'impression de déjà deviner ce qu'elle voulait dire et pourquoi elle hésitait. Après tout, c'était la seule personne à qui il associait le mot "maman" dans son esprit, il la connaissait bien.

"Je vais bien en ce moment," dit-il en écrasant la cigarette dans le cendrier. "Je... je vais bien là où je suis."

"Tu es tout seul là-bas..." Shen Yiqing hésitait toujours.

Jiang Cheng l'interrompit. "Je ne suis pas seul."

Je suis un chien. [1] (NT : jeu de mot : ‘- bonjour je suis x (prénom) - bonjour x, je suis y (prénom) ; transformé en x devenant ‘seul’ et y ‘ un chien’. Assez intraduisible en français)

Il rassembla toute sa volonté pour ne pas laisser échapper cette dernière phrase.

Mais il eut soudain envie de rire.

Et c'est ce qu'il fit.

"Qu'est-ce qui est si drôle ?" Shen Yiqing était déconcertée par ce rire soudain, et sa voix refléta son mécontentement évident. "Pourquoi es-tu toujours aussi désinvolte envers ta propre vie ?"

"Désinvolte ?" Jiang Cheng arrêta de rire. "Non, je ne suis pas du tout désinvolte avec ma vie. En ce moment, je sais très bien ce dont j'ai besoin et ce dont je n'ai pas besoin."

"D'accord," Shen Yiqing ne voulait probablement pas continuer la conversation. "Si c'est ce que tu penses, je ne m'immiscerai pas."

"Merci," dit Jiang Cheng.

"Une dernière chose que je demanderai," Shen Yiqing reprit son attitude habituelle. "Tu as dit tout à l'heure que tu n'es pas seul ?"

"Mhm," Jiang Cheng jeta un coup d'œil à la porte de la chambre fermée. "Je ne suis pas seul."

Je suis un chien.

Jiang Cheng ne savait pas ce qui lui prenait, c'était comme si son cerveau avait été rempli de colle, il ne pouvait pas lâcher cette blague.

Bien qu'il soit en colère et agacé, il voulait toujours rire. Il avait tellement envie de rire qu'il devait se mordre les lèvres pour éviter de craquer comme un fou dérangé.

"Tu as une petite amie ?" demanda Shen Yiqing.

Petite amie.

Romance prématurée.

Shen Yiqing ne lui avait jamais dit explicitement que c'était interdit, mais ce qu'elle pensait à ce sujet était clair à travers les commentaires dédaigneux qu'elle faisait sur Pan Zhi, toujours au milieu de diverses "romances prématurées".

Jiang Cheng se leva, se dirigea vers la fenêtre de la chambre et contempla le paysage nocturne déjà teinté d'une mélancolie négligée, mais maintenant influencé par une touche d'air automnal.

Il ressentit soudain une impulsion de se débarrasser de tout ce qui le retenait. Bien qu'il ne sache même pas exactement ce qu'ils étaient. Néanmoins, il voulait crier, déchirer ses vêtements, faire un bond, faire un pas dans le vide.

"Non"

Il regarda la lune particulièrement ronde dans le ciel, ferma les yeux et prit une inspiration. "J'ai un petit ami."

 Il ne pouvait pas discerner la réaction de Shen Yiqing de l'autre côté, et il ne voulait pas l'entendre. Tout ce qu'il ressentait était une bourrasque de vent sifflant à travers son esprit, son corps, et dans les ombres changeantes qui devenaient de plus en plus sombres en contraste avec la luminosité de la lune dehors. La brise le rafraîchissait de partout.

"Merci de m'avoir élevé toutes ces années, pour toute l'énergie que tu as dépensée". Jiang Cheng ferma les yeux. "Mais je ne t'ai jamais apporté de bonheur, et je suis vraiment désolé pour ça. Même s'il n'y a aucun moyen de le réparer maintenant, avec tout ce qui s'est passé au fil des ans, ça ne peut pas être réparé. Je suis désolé. Tu n'as plus besoin de veiller sur moi, je m'en sortirai. Peu importe où je suis, j'ai des moyens de prouver ma propre valeur à moi-même."

Peu importe ce que Shen Yiqing dirait, il ne pouvait pas l'entendre, le vent était trop fort. "Tu devrais changer de numéro, je ne veux vraiment pas que tu sois harcelée à nouveau par des scélérats comme ça à cause de moi. Ne me donne pas non plus le numéro", dit Jiang Cheng. "Aussi, juste cette fois, j'espère que tu me croiras quand je dis que je peux vraiment vivre une très bonne vie."

*

Quand la porte de la chambre s'ouvrit, Gu Fei s'apprêtait à allumer une cigarette. Il avait déjà bougé à la vitesse de la lumière entre la porte de la chambre et la fenêtre au moins sept fois. À chaque fois qu'il pensait que Jiang Cheng allait sortir, il se dépêchait et se déplaçait vers la fenêtre, prétendant calmement allumer une cigarette.

Et quand il n'y avait aucun signe de mouvement, il s'approchait pour écouter, puis retournait à la fenêtre pour prétendre allumer une cigarette à nouveau. Bien que cette fois-ci, il avait vraiment l'intention d'en allumer une, et Jiang Cheng sortait réellement.

Il tenait même le thermos avec les ailes de poulet.

"Terminé avec l'appel ?" Gu Fei posa la cigarette et le briquet sur une table voisine.

"Mhm," Jiang Cheng hocha la tête. "J'ai oublié de refermer le couvercle avant, ça pourrait être un peu froid maintenant, devrions-nous le réchauffer ?"

"Tiens," Gu Fei prit le thermos. "Je vais simplement le verser dans la casserole pour le réchauffer."

Jiang Cheng le suivit dans la cuisine et s'appuya contre le mur en le regardant travailler. Gu Fei prit une petite casserole, la lava dans l'évier, puis y versa les ailes de poulet, avant de mettre la casserole sur la cuisinière pour chauffer.

Pendant tout ce temps, Jiang Cheng s'appuya contre le mur sans faire un bruit. Gu Fei ne posa pas de questions non plus. La raison de l'appel de Shen Yiqing était évidente, cela devait être à cause de l'appel de Li Hui. Personne ne serait de bonne humeur après une conversation comme ça.

"A partir d'aujourd'hui." Jiang Cheng dit soudain, sa voix calme.

"Ah." Gu Fei se tourna vers lui.

Il y avait une solennité dans l'air autour de Jiang Cheng, avec une expression comme s'il avait pris une grande décision importante.

"Je me coucherai une heure plus tard chaque nuit." Énonça Jiang Cheng.

"Hein ?" Gu Fei ne pouvait toujours pas suivre. "Te coucher une heure plus tard pour quoi faire ?"

"Pour étudier, bien sûr." dit Jiang Cheng.

"Oh !" Gu Fei ne s'attendait pas à ce que ce soit sa grande décision importante, et tout à coup ne savait pas comment répondre. "Oh !"

"Tu dormiras aussi plus tard, tu peux me faire passer des quiz, jusqu'à 1 heure du matin, c'est bien."  Ajouta Jiang Cheng.

"D'accord." Gu Fei hocha la tête.

"Merci pour le dur labeur," Jiang Cheng tapa sur son épaule. "Xiao-Gu."

Gu Fei tendit rapidement la main et toucha le front de Jiang Cheng. Pas de fièvre.

"Qu'est-ce qui ne va pas Xiao-Gu ?" demanda Jiang Cheng.

"Rien Xiao-Jiang," dit Gu Fei. "Les ailes seront prêtes bientôt, tu veux aussi une bouteille de lait ?"

"Okay." Jiang Cheng hocha la tête et se dirigea vers sa chambre.

Et puis, Gu Fei entendit le son du rire débridé de Jiang Cheng venant de la chambre. Il hésita un moment, éteignit la cuisinière, et se rendit également dans la chambre.

Jiang Cheng était allongé sur le lit, riant tellement qu'il ne pouvait pas s'arrêter.

"Ça va, Xiao-Jiang ?" Gu Fei s'accroupit avec un genou sur le lit et lui caressa le visage.

"Ça va, c'est juste que, sans savoir pourquoi," Jiang Cheng le regarda en continuant de rire. "J'ai soudainement vraiment eu envie de rire. J'avais du mal à me retenir pendant l'appel tout à l'heure."

"Si tu veux rire, alors ris," Gu Fei lui serra doucement le menton. "Et quand tu auras fini, tu pourras retourner étudier."

"Mhm." Jiang Cheng hocha la tête. Jiang Cheng a ri pendant au moins une minute entière, avant de s'arrêter soudainement et de s'asseoir en fronçant les sourcils. Avant que Gu Fei puisse dire un mot, il sauta soudain du lit et courut hors de la pièce sans même ses pantoufles.

Gu Fei cria "Qu'est-ce qui ne va pas ?".

"Vomir !" Jiang Cheng entra dans la salle de bain. Au moment où Gu Fei le suivit dans la salle de bain, Jiang Cheng était déjà plié en deux, une main contre le mur, vomissant comme s'il n'y avait pas de lendemain.

Gu Fei retourna rapidement dans la chambre et apporta la tasse de Jiang Cheng, attendant à côté de lui avec une serviette mouillée.

"Putain," Jiang Cheng parvint enfin à retrouver son calme après plusieurs minutes de vomissements. "Qu'est-ce que c'est que cette réaction chez moi."

"Je ne sais pas," Gu Fei pensa que sa voix semblait bien, alors il lui tendit la serviette. "Si c'était une émission de télévision, alors quelqu'un dans ta situation aurait probablement agrippé sa poitrine, perdu connaissance, puis craché une giclée de sang. Mais là, tu souffre de malnutrition, alors tu ne peux que vomir la nourriture récemment ingérée."

"Va te faire foutre," Jiang Cheng éclata de rire dans les toilettes, puis poussa un soupir long et traînant. "Ayyy——"

"Cheng-ge," Gu Fei le regarda. "Je suis un peu inquiet."

"Un peu ?" Jiang Cheng tira la chasse d'eau et se tourna pour le regarder.

"Je suis très inquiet." Gu Fei se corrigea immédiatement.

"Ça va, vraiment." Jiang Cheng se pencha sur le lavabo, ouvrit le robinet et se versa de l'eau sur le visage. "Je suis juste énervé, j'étais vraiment furieux, mais je ne l'ai pas refoulé, plus tard, j'ai parcouru et lissé tous mes canaux et méridiens tout seul."

"Li Hui les a appelés et a dit que tu avais pris l'argent de Li Baoguo ?" demanda Gu Fei.

"Mhm, parce que j'ai pris l'argent qui était censé sauver la vie de Li Baoguo, c'est pourquoi il a sauté du toit et s'est tué." dit Jiang Cheng en se rinçant la bouche. "Gu Fei, tu sais où habite Li Hui ?"

"Tu veux aller le trouver ?" Gu Fei cligna des yeux.

"Mhm, le trouver." dit Jiang Cheng. "Je dois éliminer tous mes obstacles."

"Quels obstacles ?" demanda Gu Fei.

"Les obstacles qui pourraient affecter ma mentalité pendant mes études." Jiang Cheng lui lança un regard.

" ... Oh !" Encore une fois, Gu Fei n'eut aucune réponse à cela, alors il hocha vigoureusement la tête.

Gu Fei ne pouvait pas se défaire de l'impression que Jiang Cheng semblait seulement calme en surface, que son état émotionnel était encore un peu instable. Bien que grâce à sa mémoire miraculeuse, il ait réussi à répondre correctement à chaque question lorsque Gu Fei l'a interrogé, il était encore un peu anormal.

Par exemple, il demanda à Gu Fei de l'emmener chez Li Hui à 1h30 du matin, apparemment pour se familiariser avec l'endroit.

"Tu n'as pas dit que ce n'était pas loin ? Que c'est toujours dans le quartier des aciéries." dit Jiang Cheng.

"Mhm," répondit Gu Fei, il sortit l'un des manteaux de Jiang Cheng du placard et le lui tendit.

"Mets ça, il fait froid." "Toi aussi, mets-en un." répondit Jiang Cheng.

"D'accord." Gu Fei sortit une autre veste, et tous deux sortirent.

La brise nocturne était déjà assez forte pour traverser deux couches de vêtements et atteindre le corps. Dès qu'ils franchirent la porte, tous deux zippèrent leur manteau jusqu'en haut par réflexe.

Il n'y avait pas de piétons ni de voitures sur la route à cette heure-ci. Ils marchaient sous les lampadaires qui fonctionnaient parfois et parfois pas, l'environnement austère donnait l'impression qu'ils marchaient dans une dimension parallèle.

L'immeuble de Li Hui était juste devant, il se trouvait parmi le groupe de petites maisons situées à l'extrême bord du quartier des aciéries.

"C'est là-haut", Gu Fei s'arrêta et pointa. "Celui avec le 7."

"Mhm." Jiang Cheng s'arrêta également et regarda dans cette direction.

Le vent était un peu plus fort à présent, Gu Fei se rapprocha en traînant son bras contre celui de Jiang Cheng.

"Honnêtement, je voulais juste venir jeter un coup d'œil", dit Jiang Cheng à voix basse. "Je n'avais pas l'intention de chercher querelle à Li Hui, je ne suis pas là pour le menacer, lui crier dessus ou le battre, il ne le vaut pas. Je voulais juste venir jeter un coup d'œil, comme une façon d'éliminer l'obstacle dans ma propre tête."

"Mhm." répondit Gu Fei.

"Un gars comme ça", dit Jiang Cheng. "C'est tout ce qu'il est. Je ne me laisserai plus influencer par ces gens. À partir de maintenant, je ne peux plus être perturbé."

"Mhm." Gu Fei frotta le bas du dos de Jiang Cheng avec sa main.

"Après tout, je suis le gars qui doit t'offrir pour 800 yuans de vermicelles plus 200 yuans de viande", continua Jiang Cheng. "Je dois rester concentré."

"Tu peux certainement le faire." Gu Fei sourit.

Il s'apprêtait à demander à Jiang Cheng s'il voulait aller se promener ailleurs pour se changer les idées, quand une vague de cris retentit en direction du bâtiment 7. On entendait des jurons d'un homme et des cris d'une femme, le bruit activa toutes les lumières du couloir des deux immeubles adjacents.

Jiang Cheng fit une pause et s'apprêtait à faire quelques pas en avant pour jeter un coup d'œil, mais Gu Fei, avec son radar excat des aciéries, le tira dans l'ombre du côté de la route.

Ils venaient à peine de s'arrêter quand ils virent une silhouette sortir en trombe du bâtiment 7.

Une masse pâle.

Un homme, nu de la tête aux pieds.

Il est sorti en courant comme ça, en criant et en pleurant, enveloppé uniquement par le vent.

"Li Hui", dit Gu Fei.

Jiang Cheng fronça les sourcils et ne parla pas.

Il y avait quelques autres derrière lui, tous habillés.

Ils portaient tous des armes à la main. Outre des bâtons et des matraques, Jiang Cheng remarqua également l'éclat métallique qui scintillait. Cela pouvait être une barre de métal, ou cela pouvait être un couteau.

Li Hui, en revanche, n'avait rien sur tout son corps à part les parties avec lesquelles il était né. Il parvint à faire quelques pas avant d'être poussé au sol par le groupe de personnes entièrement vêtues derrière lui.

Et puis il disparut de leur vue.

"J'AI APPELÉ LA POLICE ! J'AI DÉJÀ APPELÉ LA POLICE !" cria une femme en courant depuis la cage d'escalier, portant seulement une culotte et son soutien-gorge.

Les personnes qui entouraient Li Hui ne semblaient pas l'avoir entendue, l'un d'eux abattit sa main violemment.

"Allons-y", dit Jiang Cheng en tournant la tête. Ils le frappaient comme s'ils voulaient le tuer. "Allons faire une balade."

"D'accord", répondit Gu Fei.

*

Ils marchèrent le long d'une autre route pendant longtemps, jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus entendre les bruits derrière eux. Jiang Cheng leva la tête et prit une profonde inspiration, et chanta doucement : "Je veux, marcher dans l'inconnu, et traverser le temps..."

"Tu as dit que tu ne connaissais qu'une seule ligne, non ?" remarqua Gu Fei avec un sourire.

"Je mentais", répondit Jiang Cheng en arquant un sourcil. "Je veux, que tu sois à mon épaule gauche..."

Gu Fei se déplaça rapidement de son côté droit à son côté gauche. Jiang Cheng lui jeta un coup d'œil et continua en riant : "Un sourire..."

"Un sourire sur ta droite." Gu Fei revint rapidement à son côté droit et chanta avec lui en harmonie.

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

 

 

 

 

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