SAYE - Chapitre 123 - Personne ne sait ce dont l'autre a besoin, seulement ce qu’on est prêt à donner

 

"Tu as trop de temps libre ?"

Gu Fei était accroupi sur le bord de la route, une cigarette dans la bouche, regardant les voitures passer devant lui. "Tu n’étais pas toujours en train de sortir en rendez-vous avant? Allez. Sors. Qu'est-ce que tu fais à me fixer jour après jour ?"

"Tu crois que j'ai envie de te regarder aujourd'hui ?" Li Yan se tenait contre un arbre à proximité. "Ta tête, on dirait que t'as un pied dans la tombe, ça me raccourcit la vie juste de te regarder."

"Alors fous le camp vite fait," râla Gu Fei. "

Tu veux checker ton WeChat ?" Li Yan regarda son téléphone. "Jiang Cheng te laissait un commentaire presque tous les jours. Juste en dessous de cette photo que tu..."

"Ne le mentionne pas." Gu Fei tira fort sur sa cigarette.

Li Yan finit rapidement sa phrase : "...Avais prise, avec un petit emoji soleil à chaque fois, mais ça fait quelques jours qu'il n'en laisse plus."

 Gu Fei se leva et se tourna vers lui.

"Je t'ai dit, si tu oses me toucher alors c'est fini entre nous." Li Yan le pointa du doigt.

"Et j'ai dit," Gu Fei s'approcha de Li Yan, le regardant droit dans les yeux, "ne mentionne pas Jiang Cheng devant moi."

"J'ai une dernière question. Après ça, je n'en parlerai plus jamais," dit Li Yan. Gu

Fei le regarda en silence.

"Pourquoi ? Même si tu voulais rompre, tu aurais pu choisir une façon plus douce, non ? En plus, j'ai toujours pensé que si l'un de vous deux devait laisser partir l'autre, ça aurait été lui," remarqua Li Yan. "Pourquoi l'as-tu laissé partir ? Jiang Cheng est un bon gars."

"C'est une question ?" demanda Gu Fei.

"Pourquoi n’en choisis-tu pas simplement une à répondre," répliqua Li Yan.

"Donc je devrais traîner un bon gars dans la boue ?" demanda Gu Fei.

Li Yan le regarda longuement sans parler, puis baissa les yeux sur son téléphone et commença à swiper frénétiquement. "Cet enfoiré de Liu Fan, où est-ce qu'il est passé !"

Cela faisait longtemps que les gars ne s'étaient pas réunis. Aucun d'entre eux n'avait quoi que ce soit de sérieux à faire en temps normal, mais rassembler tout le monde pour un repas nécessitait tout de même un peu de planification.

Quand Liu Fan arriva au volant de sa vieille bagnole, il avait déjà pris tout le monde en chemin. Sa voiture était pleine à craquer.

"Je vais y aller à pied." Gu Fei jeta un coup d'œil à l'intérieur et se retourna immédiatement pour partir. À chaque fois qu'ils étaient six à être coincés là-dedans, il avait l'impression que la voiture allait éclater en morceaux.

"Monte !" Liu Fan sortit la tête par la fenêtre. "T'es le maître après tout ! J'ai gardé le siège passager avant pour toi !"

Li Yan le tira en arrière et le fourra dans le siège passager, avant de se glisser à l'arrière lui-même. "Vous avez de la chance que je sois maigre !"

"Voilà une idée, pourquoi ne pas me financer une nouvelle voiture." Liu Fan commença à conduire. "Évitez de vous plaindre quand c'est moi qui conduit tout le monde."

"Tu peux retirer toute la banquette arrière et mettre des bancs en bois à la place," proposa Chen Jie. "On peut te financer de nouveaux bancs, pas de problème."

"Oh, va te faire foutre. La prochaine fois, tu marches jusqu'à là-bas," répliqua Liu Fan.

Gu Fei resta silencieux tout le temps, tournant son visage pour regarder dehors et écoutant les autres babiller. Rencontrer des amis, manger, boire, parler de rien, et prendre des emplois - une existence calme et sans histoire de jour en jour. Il était familier avec ce genre de vie.

Cependant, cette trace d'amertume dans son cœur ne s'apaisait pas  du tout avec le retour à sa trajectoire habituelle, mais devenait même plus aiguë. Elle l'étouffait, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer. Les vagues de douleur qui le rendaient incapable de rester tranquille continuaient d'être repoussées et de ressurgir, encore et encore.

Liu Fan se tourna vers lui et l’interrogea. "Qu'en penses-tu ?"

"Hm ?" répondit Gu Fei.

"Li Yan a dit non au Sichuanais, il a dit qu'on devrait aller manger une soupe de porc aux os. Qu'en penses-tu ?" répéta Liu Fan.

"D'accord," répondit Gu Fei.

"Allons-y alors. C'est plus proche, et personne ne nous contrôlera en chemin si on prend quelque chose à boire," dit Liu Fan.

"Boire et conduire, hein ?" lâcha Gu Fei.

Liu Fan lui jeta un regard, mais ne répondit pas. Gu Fei continua de regarder par la fenêtre. Combien de marques exactement Jiang Cheng avait-il laissées dans son esprit, et combien de souvenirs ? Gu Fei se souvenait de beaucoup de choses dès qu'il fermait les yeux, des choses qui persistaient et ne pouvaient être chassées même après qu'il les aient rouverts.

Combien de temps lui faudrait-il pour recommencer — ou plutôt, était-il possible de s'habituer à cette nouvelle réalité ? Il pensait autrefois qu'il n'y avait rien qu'il ne puisse endurer, tant qu'il le voulait. Tout pouvait être oublié.

Maintenant, il réalisait peut-être que l'amour était une exception à la règle.

"Rupture" était un mot qui signifiait non pas une fin, mais un commencement.

Désormais, la première inspiration qu'il prenait chaque jour en ouvrant les yeux serait douloureuse. À chaque heure, chaque minute et chaque seconde, on aurait dit qu'un feu brûlait en lui. L'agonie d'être brûlé à vif était fraîche à chaque instant qui passait.

*

"Tu ne peux pas leur dire que tu prends ce week-end de congé ?" Zhao Ke se tourna vers Jiang Cheng depuis son siège au bureau. "Tu ne peux même pas parler, comment es-tu censé donner des cours particuliers ?"

Jiang Cheng pointa l'ordinateur portable devant lui. À l'écran se trouvait sa présentation Powerpoint presque terminée. Il avait prévu de passer en revue l’éducation civique et politique ce week-end avec ses deux élèves, et les diapositives étaient suffisantes pour expliquer le matériel qu'il voulait couvrir.

Zhao Ke soupira en regardant Jiang Cheng, puis après un moment, il tira sa chaise et s'assit à côté de lui. "Je vais y aller."

Jiang Cheng cligna des yeux.

"Tu as refusé de rester à l'hôpital après avoir perdu connaissance il y a deux jours, donc au moins, ne te force pas à donner des cours particuliers. Je prendrai ta place pour les sessions de cette semaine," dit Zhao Ke. "De toute façon, je suis aussi un étudiant d'honneur, je remplis les critères."

Jiang Cheng rit et fit la moue.

"Quoi ? Ma note n'était pas tellement plus basse que la tienne," argumenta Zhao Ke. "Ce ne sera pas un problème de remplacer quelques sessions à la dernière minute."

Jiang Cheng secoua la tête. La saison des examens approchait, et tout le monde saisissait chaque minute libre pour étudier. Il ne pouvait pas permettre à Zhao Ke de prendre autant de temps sur son propre emploi du temps pour donner des cours particuliers à sa place. Ce n'était pas juste. Il ne voudrait pas le faire même s'ils n'étaient pas pressés par le temps.

Jiang Cheng ne pouvait pas se permettre de s'arrêter — il devait maintenir le rythme qu'il avait l'habitude d'avoir. Peu importe à quelle vitesse c'était ou combien de pression il ressentait, il devait le maintenir.

Une fois que certains nerfs tendus se détendraient, tout son être pourrait s'effondrer.

C'était son secret exclusif pour éviter de s'effondrer. Le secret de Jiang Cheng ne devait pas être utilisé à la légère, et lorsqu'il était utilisé, il ne devait pas être facilement connu.

Cependant, son esprit acharné à se frayer un chemin malgré la maladie émut les parents des deux élèves. Puisque Jiang Cheng prétendait avoir perdu sa voix à cause d'une inflammation de la gorge, il reçut une pile de médicaments et deux petits sachets rouges pour ses ennuis, en plus d'une journée entière de congé maladie payé.

Fuwa Chengcheng était son surnom pour une raison.

Quand Jiang Cheng revint sur le campus avec les sachets rouges dans sa poche, il était très impressionné par lui-même. Ses colocataires devraient être à la bibliothèque à cette heure, donc Jiang Cheng retourna vers les dortoirs tout en sortant son téléphone pour envoyer un message à Zhao Ke, voulant savoir s'il restait des places.

Il fut surpris de trouver Zhao Ke assis dans leur chambre, en train d'étudier. Entendant la porte, Zhao Ke se retourna. Jiang Cheng pencha la tête pour indiquer une question. "Comment ça s'est passé ? Avec succès ?" demanda Zhao Ke.

Jiang Cheng acquiesça en sortant les sachets rouges et en les agitant.

"Oh là là," rigola Zhao Ke, "une compensation, hein ?"

Jiang Cheng acquiesça. Il posa d'abord ses affaires, puis commença à tapoter sur son téléphone.

-Tu n'es pas allé à la bibliothèque ?

"Non," dit Zhao Ke. Il fit une pause avant de se tourner vers Jiang Cheng. "D'habitude, je ne me mêle pas des affaires des autres, mais..."

Jiang Cheng s'appuya contre le lit, le regardant.

"Tu es la seule personne avec qui je suis proche dans cette école," remarqua Zhao Ke. "Et la façon dont tu es... je suis un peu inquiet. Si ça ne te dérange pas, veux-tu me dire ce qui s'est passé ? Je ne vais pas te demander quoi que ce soit d'autre."

Jiang Cheng sourit. Il pensait toujours que Gu Fei était très doué pour garder les choses pour lui, mais maintenant il réalisait qu'il en était tout aussi capable. Il se demandait s'il avait été influencé par Gu Fei, ou si une compétence cachée s'était réveillée en lui. Cela faisait une semaine que Gu Fei l'avait contacté avec le téléphone de Li Yan, et il n'en avait parlé à personne.

Bien sûr, il n'y avait presque personne à qui il pouvait parler de toute façon. Il aurait pu en parler à Pan Zhi, mais Pan Zhi n'avait jamais pensé qu'ils allaient durer, et pour le moment, il ne voulait pas encore que Pan Zhi le sache.

Jiang Cheng n'était pas inquiet que Pan Zhi dise quelque chose à Gu Fei par impulsion ; il ne voulait tout simplement pas que Pan Zhi s'inquiète. Son petit-fils était toujours un inquiet quand il s'agissait de lui.

Et s'il ne pouvait pas le dire à Pan Zhi, il n'y avait que Zhao Ke à qui il pouvait le dire. Zhao Ke était un camarade de classe avec qui il était le plus proche à l'école, mais pas assez proche pour tout savoir entre lui et Gu Fei. Une connexion comme celle-ci était en fait très adaptée pour se confier.

La raison pour laquelle il avait gardé tout pour lui était que même un seul mot mentionné conduirait à une douleur aussi profonde qu'un abîme. Jiang Cheng prit son téléphone et tapa quelques mots dans son application de notes.

-Je ne pourrai plus taquiner les célibataires comme toi

Zhao Ke s'approcha pour lire la ligne de texte unique sur l'écran. Il fut surpris, et lança rapidement un coup d'œil à Jiang Cheng, avant de demander, "Tout à coup ? Ça allait bien pourtant ?"

-C'est une longue histoire

"Est-ce lui qui a voulu... rompre ?" Zhao Ke peinait à le croire.

Jiang Cheng resta immobile pendant un long moment. Puis, finalement, il acquiesça.

"Pourquoi ?" Zhao Ke fronça les sourcils. "Je pensais sincèrement que vous vous entendiez vraiment bien tous les deux. Pourquoi quelqu'un déciderait-il soudainement de renoncer à ça ?"

C'était vraiment soudain. Tellement soudain que Jiang Cheng comprenait maintenant exactement ce que cela faisait d'être pris au dépourvu, comme un coup de tonnerre dans un ciel clair.

"Et si... As-tu essayé..." Zhao Ke peinait avec ses mots. "Je n'ai jamais été en relation, donc je ne suis pas vraiment sûr de ce qu'il faut faire, mais, as-tu essayé de, peut-être, de sauver votre relation?"

Jiang Cheng secoua la tête.

"Pourquoi ?" demanda Zhao Ke.

-Il ne m'a pas abandonné, ou la relation, il s’est abandonné lui-même

Une personne peut abandonner beaucoup de choses dans la vie, et beaucoup de personnes.

Mais s’abandonner soi-même était le plus effrayant de tous.

Pour Jiang Cheng, ce n'était pas tant qu'il avait travaillé si dur et donné tout ce qu'il avait juste pour se retrouver dans le vide à la fin. Non, cette douleur - qui rendait si difficile le simple fait de respirer qu'il devait s'appuyer sur sa vieille routine et sa direction pour distraire son esprit ne serait-ce qu'un peu – venait de ce que Gu Fei avait refermé les yeux et sombré dans les ténèbres les plus profondes.

Ce qui l'avait maintenu éveillé toute la nuit, c'était d'entendre la voix de Gu Fei dans ses oreilles dire "oublie ça", à chaque fois qu'il fermait les yeux.

Oublie ça, Cheng-ge. Oublie ça.

Arrête de me retenir.

Oublie ça.

Il n'y avait pas de douleur plus intense ou plus désespérée que de regarder la personne que l'on veut désespérément retenir lâcher votre main.

Jiang Cheng n'avait pas d'autre choix que de se rappeler continuellement : Je ne dois pas m'arrêter.

Il ne devait pas aller retrouver Gu Fei. Il savait exactement ce que Gu Fei devait être en train de vivre en ce moment. Même s'il retournait là-bas, il ne pourrait peut-être même pas le voir.

Le mini-tyran de l'Usine d'acier était beaucoup plus sévère envers lui-même qu'envers quiconque, sinon il n'aurait pas survécu toutes ces années.

S'il était capable de dire "oublie ça", alors il n'avait laissé aucun espoir pour lui-même ou pour Jiang Cheng.

Et Jiang Cheng n'avait pas l'intention de retourner le voir non plus.

Il n'y avait aucun intérêt, à part demander "pourquoi".

Cela ne servirait à rien.

Il ne devait pas s'arrêter.

Pour Jiang Cheng, rien n'avait changé. Tout continuait comme avant - il allait à la bibliothèque, étudiait et se préparait aux examens, parcourait des manuels de psychologie et donnait des cours particuliers pour gagner de l'argent.

Il n'y avait que cette petite différence.

Quand il se couchait dans son lit superposé le soir avec son téléphone, il n'y avait plus cette demi-heure de conversation.

C'était tout.

Pas de quoi fouetter un chat.

Il y a vingt-quatre heures dans une journée. Trente minutes pouvaient passer en un clin d'œil.

Il a fallu près d'un mois à Jiang Cheng pour être capable de faire quelques sons avec sa voix à nouveau, bien que cela ne résonnait toujours pas très bien.

*
"Je me dirige vers chez toi. Arrête d'essayer de m'éviter avec tes excuses, sale gosse !" Après avoir enfin réussi à joindre Jiang Cheng au téléphone, la première phrase de Pan Zhi était teintée d'inquiétude. "Tu me caches des trucs, putain."

Jiang Cheng a eu du mal à répondre avec sa voix rauque. "Je ne le fais pas,"

"Nous nous connaissons depuis des années," dit Pan Zhi. "Tu ne me dis certainement pas la vérité. Il y a définitivement quelque chose qui ne va pas avec toi, c'est mon huitième sens"

"Sixième," corrigea Jiang Cheng.

 "Quoi ?" Pan Zhi fit une pause.

"Sixième sens," répéta Jiang Cheng avec difficulté. "Idiot."

"Eh bien, ce que j'ai, c'est un putain de huitième sens. J'ai plus de sens que les autres," affirma Pan Zhi. "Et après avoir utilisé mon huitième sens, je vais utiliser mon neuvième. Si tu ne me dis pas la vérité, alors je t'attends avec mon dixième sens."

"Je n'ai pas envie de parler," dit Jiang Cheng. C'était vrai. Il n'avait pas envie de parler. Il ne trouvait pas cela si agonisant quand il ne pouvait pas parler, puisqu'il n'avait de toute façon pas envie de parler. Tout garder pour lui le faisait même se sentir un peu mieux. C'était comme s'il était silencieusement tout enfermé dans une boîte.

Il ne bougeait pas, ne pensait pas, ne parlait pas—coupé du reste du monde.

Cela le faisait se sentir en sécurité.

"Est-ce à cause de Gu Fei ?" demanda Pan Zhi.

"Hm ?" Le cœur de Jiang Cheng a fait un bond. Le nom resterait dans son esprit chaque jour, comme un petit os coincé dans sa gorge, impossible à avaler ou à cracher. Il ne le ressentait pas tant qu'il n'y pensait pas, mais chaque fois qu'il le faisait, c'était une douleur qu'il ne pouvait ignorer. Cela faisait bien trop longtemps qu'il n'avait pas entendu les mots "Gu Fei".

À l'instant où Pan Zhi prononça ces mots, une déchirure apparut dans la coquille soigneusement construite de Jiang Cheng, déchirant sa plaie pas encore guérie. Il réalisa alors avec stupeur que la plaie n'avait pas changé d'un iota. Elle était exactement la même que la première fois qu'elle était apparue ; aussi fraîche et aussi vivide.

"Je me demandais pourquoi aucun de vous n'avait posté de Moments récemment," nota Pan Zhi. "Bon. Si tu ne veux pas en parler, alors je ne poserai pas de questions. Dis-moi juste quand tu seras libre, je t'emmènerai manger."

"Après les examens," proposa Jiang Cheng.

"Cheng-er," soupira Pan Zhi, "ne sois pas trop triste. Je te l'ai dit, le premier amour fait toujours mal, parce que nous sommes tous encore naïfs, et aucun de nous ne sait comment entretenir une relation."

Jiang Cheng fit la moue.

"Mais c'est aussi la partie la plus belle. Personne ne sait de quoi l'autre a besoin, seulement que tu es prêt à donner," dit Pan Zhi. "Et quand nous serons tous matures, nous ne vivrons jamais quelque chose comme ça à nouveau."

Jiang Cheng fit la moue à nouveau.

"Considère-le simplement comme un souvenir," suggéra Pan Zhi. "Si rien d'autre."

Jiang Cheng monta dans son lit superposé, s'assit face au mur, baissa la tête et ferma les yeux.

*
"Alors appelle-moi quand tu arrives là-bas," dit Xu Xingzhi, "il ne me faut qu'une minute pour descendre."

"D'accord," dit Jiang Cheng, sa voix se fissurant immédiatement.

Après être arrivé à la porte du complexe résidentiel de Xu Xingzhi, Jiang Cheng lui passa un coup de fil.

Xu Xingzhi a plutôt raccroché immédiatement.

Peu après, il est sorti à la porte, l'air un peu stupéfait en voyant Jiang Cheng. "Qu'est-ce qui t'est arrivé ?"

"Rien," dit Jiang Cheng.

"Allons, trouvons un endroit pour s'asseoir et parler," suggéra Xu Xingzhi en se retournant et en sortant. Jiang Cheng le suivit.

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas marché dans la rue comme ça. Jiang Cheng se sentait peu habitué à cette sensation et risquait presque de trébucher. Il ne savait pas où diriger ses yeux et, en même temps, il n'y avait rien d'autre que du bruit dans ses oreilles. De plus, il commençait à avoir du mal à respirer.

Après plusieurs détours, Xu Xingzhi l'a conduit dans un petit café, où ils se sont assis dans un coin près de la fenêtre. Ce n'est qu'alors que Jiang Cheng put pousser un soupir de soulagement et enleva l'écharpe autour de son cou.

Il n'y avait qu'une autre table occupée à côté d'eux.

À ce stade, Jiang Cheng ne pouvait se détendre que dans un environnement sans autres personnes. Il se sentait comme une personne âgée fragile, incapable de supporter le moindre bruit ou toute forme de désordre.

Il s'apprêtait à poser son écharpe sur le rebord de la fenêtre à proximité, quand le coussin multicolore moelleux sur le rebord de la fenêtre bougea soudain.

"Ah !" Jiang Cheng poussa un cri rauque avec un sursaut. Sa voix cassée effraya également le coussin multicolore moelleux, qui sauta immédiatement. A ce moment là, Jiang Cheng réalisa que le coussin était en fait un chat.

"Tu n'as pas peur des chats, n'est-ce pas ?" Xu Xingzhi prit le chat tigré et le posa sur ses genoux.

"Non, je les aime," dit Jiang Cheng. "Viens-tu souvent ici pour jouer avec les chats ?"

"Mhm, c'est apaisant." Xu Xingzhi prit le chat tigré et le mit sur la table devant eux. "Tiens, tu peux le caresser."

Le chat tigré avait un tempérament très doux et aimait se coller aux gens. Dès que la main de Jiang Cheng toucha sa tête, il s'est affalé à côté de lui et montra son ventre. Jiang Cheng caressa doucement son ventre. Le chat était à poil court et son pelage d'hiver était dense et doux. La sensation agréable du poil entre ses doigts lui permit de se détendre soudainement.

Il se sentait à l’aise.

Jiang Cheng se pencha et enfouit son visage dans le ventre du chat, et le chat posa doucement sa patte sur son oreille.

"En fait, j'avais l'intention de te demander des nouvelles de ta petite sœur aujourd'hui, si tu en avais discuté avec ton ami," dit Xu Xingzhi d'une voix lente et douce. "Mais maintenant… Si tu veux, nous pouvons parler de toi."

"À propos de moi ?" Jiang Cheng sourit dans le ventre du chat. "Est-ce ton sens professionnel qui est à l'œuvre ?"

"Depuis combien de temps es-tu comme ça ?" demanda Xu Xingzhi.

"Comme quoi ?" Jiang Cheng inclina la tête, montrant un de ses yeux.

“Cela…” Xu Xingzhi le regarda, “état d'anxiété — depuis combien de temps cela dure-t-il ?”

“Je ne suis pas anxieux,” répondit Jiang Cheng en posant ses bras sur la table et en serrant le chat dans ses bras. “Je suis calme comme l'eau. Encore deux semaines et je pourrai monter droit au paradis.”

Xu Xingzhi sourit sans dire un mot. Le serveur passa et il demanda une carafe de thé aux fruits à voix basse. Lorsque le thé aux fruits arriva, il versa une tasse et la poussa à côté de la main de Jiang Cheng.

Alors que la chaleur rayonnait de ses doigts, Jiang Cheng sentit soudain un picotement dans son nez. Il attrapa rapidement la tasse avec ses mains. “Peux-tu me faire une séance de thérapie ?” finit-il par dire d'une voix basse après un moment.

“Es-tu tombé sur quelque chose qui te tracasse ?” demanda Xu Xingzhi.

“J'ai des examens la semaine prochaine,” dit Jiang Cheng, “mais je n'arrive pas à absorber quoi que ce soit en ce moment. Je n'arrive pas à me concentrer quand j'étudie, et je n'arrive pas à m'endormir la nuit. Je reste éveillé jusqu'au lever du soleil, et seulement alors je parviens à dormir un peu. Je n'ai pas envie de parler…”

Sa gorge lui faisait mal, alors parler était difficile. Jiang Cheng toussa quelques fois avant de continuer, “En gros, je n'ai pas envie de parler, de manger, ou de bouger.”

“Quand cela a-t-il commencé ?” demanda à nouveau Xu Xingzhi.

“Cela a commencé…” Jiang Cheng serra fermement la tasse, la serrant si fort que ses mains commençaient à trembler.

Finalement, il dit doucement, “Le jour où j'ai été largué.”

“Oh.” Il y avait une note de surprise dans la voix de Xu Xingzhi.

“J'ai été largué,” dit Jiang Cheng.

Le moment où il l'a dit à voix haute, il a soudain trouvé cela drôle.

Abandonné.

J'ai été largué ?

Sans savoir pourquoi, le terme lui semblait très étranger. Il savait qu'il et Gu Fei avaient rompu ; cela avait commencé dès que Gu Fei avait dit “oublie ça”.

Cependant, il n'avait jamais associé le mot “largué” à lui-même. Le dire à voix haute comme ça lui fit réaliser à quel point le mot était ridicule, au point qu'il avait envie de rire.

*

“Peut-être que tu ne devrais pas lui en parler cette année.” Liu Li parlait à la mère de Gu Fei dans la cour arrière. “Il traverse une mauvaise passe en ce moment.”

“C'est pourquoi j'allais y aller moi-même. Je n'en ai pas parlé l'année dernière non plus, alors qu'il se préparait pour les examens d'entrée,” dit-elle. “Je voulais y aller un peu plus tôt cette fois, juste une fois avant le nouvel an lunaire. Tu penses que j'ai envie d'y aller ? C'est seulement pour ma tranquillité d'esprit, sinon chaque année, autour de la date de sa mort, je rêverai de me faire battre.”

Gu Fei savait qu'ils parlaient de son père. Ce n'est qu'après avoir entendu les paroles de sa mère qu'il réalisa avec un sursaut — il n'était pas allé au lac l'année dernière. Il ne s'en était même pas souvenu.

L'hiver dernier. Il avait été avec Jiang Cheng tout le temps.

Il se souvenait de nombreuses choses, et en oubliait beaucoup d'autres.

L'humeur de sa mère changeait constamment. Gu Fei n'était pas sûr si elle irait vraiment au lac. Elle pourrait, ou pourrait ne pas, tout dépendrait de son humeur.

Cependant, Gu Fei décida de faire cette visite. Cette fois, il était en avance de presque deux mois. Avant cela, il avait toujours attendu jusqu'au dernier moment et était venu à contrecoeur à la demande de sa mère.

Bien que cela ne fasse aucune différence en cette saison de toute façon, où il n'y avait que de la neige et des roseaux desséchés.

C'était un chemin solitaire.

Gu Fei suivit le chemin le long du bord du lac, marchant de plus en plus loin sans s'arrêter.

Le concurrent Jiang Cheng décide une fois de plus de relever les enchères ! Il décide une fois de plus de relever les enchères ! Wowww—— Oh, c'est trop dommage. Instructeur X, pensez-vous que c'était une erreur de jugement ou que ses techniques n'étaient pas tout à fait là ? Je pense qu'il a encore des progrès à faire. Peut-être qu'il doit passer à un mode de défi différent… S'il doit baisser la difficulté à ce moment-là ou continuer…

Gu Fei s'arrêta, un regard perdu dans ses yeux. Il se rendit soudain compte pourquoi il continuait à avancer plus profondément, comme s'il avait un but en tête. Il se retourna et fixa longuement les roseaux qui atteignaient sa taille au bord du lac.

Mais Jiang Cheng n'était plus là.

Le beau Jiang Cheng, marmonnant tout en montrant ses compétences au lance-pierre, ne réapparaîtrait probablement jamais.

Les roseaux étaient denses cette année, des étendues d'herbes jaunissantes brillaient dorées sous le soleil. Il ne pouvait même pas trouver l'endroit exact où Jiang Cheng avait été debout ce jour-là, quand il avait tiré avec son lance-pierre.

Il ne pouvait plus le trouver.

C'était bien. C'était même une bonne chose qu'il ne puisse plus le trouver…

Il avait peur de ressentir la présence de Jiang Cheng.

Gu Fei n'était pas retourné à l'appartement depuis après l'appel téléphonique ce jour-là. Il avait peur de voir quelque chose en rapport avec Jiang Cheng.

Il avait peur de percevoir quoi que ce soit qui lui donnerait l'impression que Jiang Cheng disparaissait progressivement.

S'en allait.

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

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