Arc 2 : Garçon en bois
Cet enfant-là, porte-t-il ou non une jupe ?
Wen Shi se retourna et vit que l’intérieur du car était vide, empli d’un silence de mort.
C’était comme si, depuis le début, ils étaient les deux seules personnes venues pour accompagner le cortège funèbre; tout le reste n’était qu’illusion.
Tout autour flottait une odeur de poussière ancienne, les sièges de cuir semblaient avoir été laissés là depuis des années, craquelés et écaillés. Wen Shi s’appuya sur l’accoudoir pour se relever, mais ses mains ne rencontrèrent que de la rouille.
« Tout à l’heure, je n’ai pas tenu, je me suis assoupi un instant, et quand j’ai rouvert les yeux, c’était comme ça », dit Xia Qiao, la voix brisée par les sanglots. « Wen Ge, j’ai peur… »
Wen Shi posa un regard sur son visage « orné de larmes comme une fleur de poirier » (NT : idiome qui décrit un beau visage encore plus touchant parce qu’il est couvert de larmes), mais il ne dit rien et se dirigea droit vers la porte avant en s’aidant des dossiers de siège.
« Ne pars pas ! Wen Ge, ne pars pas, attends-moi, attends-moi ! » Xia Qiao, comme s’il craignait par-dessus tout d’être laissé seul, se précipita à sa suite.
Mais Wen Shi n’avait pas l’intention de l’attendre et descendit l’escalier du car.
Dehors, la pluie fine continuait de tomber, bruissant doucement. Wen Shi rabattit la capuche sur sa tête et s’apprêtait à avancer, quand Xia Qiao le retint par l’épaule et, terrifié, demanda : « Où vas-tu, Wen Ge ? Moi… moi, je n’ose pas m’aventurer seul. »
« Oh. » Wen Shi consentit enfin à répondre. Il s’arrêta et tourna la tête. Xia Qiao, resté les pieds à l’intérieur du car, n’avait que le buste dehors. Quelques gouttes de pluie avaient glissé sur son visage et venaient mourir sur la cicatrice à la commissure de son œil.
« En quoi cela me regarde que tu viennes ou non ? » dit Wen Shi en fixant la cicatrice à peine visible. « Tu n’es pas un être humain. »
Le Xia Qiao penché hors du car se figea brusquement et répondit à voix basse : « Wen Ge, que veux-tu dire ? Je ne comprends pas. »
Wen Shi désigna la cicatrice du doigt et remarqua : « La cicatrice est inversée. »
Le silence de mort s'abattit à nouveau.
Wen Shi soutint un instant le regard de « Xia Qiao », puis pressa du doigt l’interrupteur d’urgence situé à l’extérieur. La porte du bus se referma dans un grincement, écrasant la silhouette entre les battants.
« Xia Qiao » : « … »
Puis, tandis que Wen Shi s’éloignait sur la route, il ne resta derrière lui qu’un cri évanescent.
La route s’étendait droite, bordée de part et d’autre par des arbres disposés de manière régulière, tous de la même hauteur, si bien qu’on ne pouvait savoir s’il montait ou descendait. On eût dit un chemin sans fin.
Wen Shi ne s’en souciait pas et continua à marcher.
Cet endroit étroit et silencieux ressemblait à une longue ruelle déserte. Au bout d’un moment, même le bruit de ses propres pas résonna en écho.
Cependant, il ne tarda pas à se rendre compte que cet « écho » n’était pas en phase avec lui.
Il s’arrêta aussitôt. L’« écho », lui, continua, s’accélérant, se rapprochant…
Juste derrière lui !
Au moment où Wen Shi se retournait, une main vint frapper lourdement son épaule.
« Qui est là ? » Il fixa son regard et aperçut un autre Xia Qiao.
Cette fois, son grain de beauté et sa cicatrice ne présentaient aucune anomalie, et surtout, il semblait bien vivant : à peine arrivé, il s’effondra en larmes, les « entrailles déchirées ». (NT : idiome pour décrire une douleur extrême et poignante).
L’expérience aidant, Wen Shi comprit immédiatement que ce Xia Qiao-là était le véritable. Le seul problème était… que celui-ci ne pouvait pas parler.
Aux commissures de ses lèvres, deux traits avaient été tracés, allongeant la bouche en un faux sourire jusqu’aux oreilles. Deux croix venaient encore barrer ces traits, grotesques et sinistres à la fois.
C’était dessiné à l’aide de cendres d’encens, parfois remplacées par des branches desséchées. Une fois « vivifié », ce tracé pouvait interdire à la victime de parler, comme si la bouche était scellée, la réduisant au silence complet.
« Qui t’a fait cela ? » demanda Wen Shi en fronçant les sourcils. Il prit un peu de terre humide au bord de la route et en effaça les traits. « Voilà, maintenant tu peux parler. »
Xia Qiao renifla deux fois et retrouva sa voix. Il resta hébété deux secondes, puis s’affala à terre, frappant ses jambes en hurlant : « Salaud ! »
« Qui t’a réduit ainsi au silence ? » répéta Wen Shi.
Xia Qiao n’eut pas le temps de répondre : quelqu’un le fit à sa place. « C’est moi qui ai tracé cela. »
Wen Shi leva les yeux et aperçut Xie Wen, qui, sans qu’il s’en fût aperçu, les avait rejoints.
Il tenait en main une branche desséchée dont il se servait pour écarter les lianes qui barraient le chemin, afin que les feuilles mouillées ne tâchent pas ses vêtements. Sa méticulosité confinait à l’excès.
Dès que Wen Shi le vit, son visage se renfrogna.
Xie Wen, d’un ton posé, expliqua : « Je l’ai trouvé en chemin. Il criait si fort et si misérablement qu’il courait partout, affolé, sans se soucier d’où il allait. Dans un tel environnement, il n’était pas possible de se comporter ainsi. Alors je lui ai tracé deux lignes, histoire de l’aider. »
Sa voix douce et lente, en temps ordinaire, pouvait passer pour une marque d’élégance distinguée. Mais en cet instant, et aux yeux de Xia Qiao comme de Wen Shi, cela ne faisait qu’accentuer son côté insaisissable et dangereux.
Xie Wen continuait pourtant à sourire, comme s’il était d’une patience infinie. Il jeta un regard à Xia Qiao, puis demanda à Wen Shi : « Ne pas me remercier, soit. Mais le laisser m’insulter ? Il est ton frère cadet, n’as-tu pas à le corriger ? »
Xia Qiao le regarda, stupéfait.
Xie Wen ajouta : « Pourquoi me fixes-tu ainsi ? Ai-je dit quelque chose d’inexact ? »
Xia Qiao voulut protester, mais sous le regard de Xie Wen, il se sentit comme un petit démon de basse extraction cloué sur place par l’œil d’un grand esprit malfaisant. Il n’osa plus rien dire.
Wen Shi, quant à lui, comprenait parfaitement. Il savait bien que Xie Wen avait raison : dans un tel environnement, il était en effet interdit de pleurer ou de crier.
C’est comme lorsqu’il avait rencontré le faux « Xia Qiao » dans le car : s’il s’était effrayé sur le moment et avait réagi avec trop de violence, d’autres apparitions semblables auraient pu surgir, et ils risquaient de rester piégés là à jamais.
Bien sûr, Wen Shi comprenait parfaitement, mais il n’avait aucune envie d’acquiescer.
Xie Wen s’attendait à cette réaction et ne s’en offusqua pas.
Sur la route principale, il n’y avait plus ces lianes et ces branches qui barraient le chemin. Xie Wen jeta la branche desséchée dans les buissons, puis dit à Wen Shi : « Peu importe si tu ne veux pas t’en occuper. Tu as des lingettes humides ? Je voudrais m’essuyer les mains. »
Lingettes humides ? Qu’était-ce donc ?
Wen Shi, intrigué, répondit pourtant : « Non. »
Xie Wen demanda : « Alors qu’as-tu ? Des mouchoirs en papier feront l’affaire, du moment que je peux me nettoyer. »
Wen Shi sortit un briquet de la poche de son pantalon et lança : « Brûler, c’est ce qui nettoie le mieux. Tu veux essayer ? »
Xie Wen resta interdit, fixant le briquet sans un mot.
Au bout d’un moment, il tourna brusquement la tête et se mit à rire, mais à peine deux éclats s’étaient-ils échappés de ses lèvres qu’il fut pris par le vent humide et la toux étouffée revint aussitôt. En général, quand quelqu’un tousse, le visage se colore de rouge; le sien, en revanche, restait d’une blancheur maladive.
Une pensée jaillit soudain dans l’esprit de Wen Shi : il se dit que quelqu’un comme Xie Wen, avec cette pâleur maladive, vêtu de blanc, aurait des allures d’immortel ; mais vêtu de rouge… il aurait l’aspect d’un démon malfaisant.
Xie Wen balaya les alentours du regard et aperçut, un peu plus loin, une source de montagne presque tarie. Il s’y rendit et se lava les mains sous le mince filet d’eau.
Xia Qiao, enfin remis de ses émotions, suivit Wen Shi de près, tremblant, mais ne marcha pas à côté de Xie Wen. Ils gardaient toujours quelques pas de distance, avançant néanmoins dans la même direction.
Xia Qiao demanda : « Wen Ge, qu’est-ce que c’est que cet endroit ? »
Wen Shi répondit : « Cela s’appelle une Cage. »
« Une Cage ? » Xia Qiao croyait avoir déjà entendu ce terme.
Après avoir longuement cherché dans ses souvenirs, il se rappela enfin que c’était Shen Qiao qui lui en avait parlé.
Shen Qiao avait dit : « Tout le monde en ce monde a des regrets, des nœuds au cœur, certains grands, d’autres petits. Certains se dénouent vite, d’autres demeurent impossibles à défaire et finissent par enfermer celui qui les porte. Les plus fortes rancunes et obsessions proviennent de là.
Quand quelqu’un était frappé par une grave maladie, un grand désastre, ou au moment de sa mort, son apparence spirituelle devenait instable. Alors ces rancunes et entraves prenaient le dessus et formaient une structure : c’était cela, une Cage.
Si un malchanceux passait par là, il était facilement entraîné et pris dans la Cage.
Pour une personne ordinaire, entrer accidentellement dans la Cage d’autrui, c’est comme voir un fantôme en plein jour.
Mais pour un Panguan, c’était du travail : purifier les souillures, dissiper le karma, clarifier les causes et les conséquences, éveiller le maître de la Cage, puis l’envoyer dehors, pur et débarrassé.
« Alors… alors où allons-nous maintenant ? » demanda encore Xia Qiao.
Wen Shi répondit : « Vers le cœur de la Cage. »
« Le cœur de la Cage ? Qu’est-ce que c’est ? À quoi cela ressemble-t-il ? »
Wen Shi, orientant sa marche, répondit : « En général, c’est un bâtiment. »
Au même moment, Xie Wen leva la main et désigna une petite colline non loin : « Je l’ai vu. Derrière la colline, il y a une maison. »
Il semblait agir avec l’assurance de l’habitude, comme s’il n’en était pas à sa première expérience. Wen Shi fut surpris, mais se rappela vite que, même si le nom de Xie Wen avait été rayé du registre, il restait supérieur à Xia Qiao.
… quoique son niveau ne soit probablement pas très élevé.
Wen Shi et Xia Qiao accélérèrent le pas. Xie Wen, lui, restait égal à lui-même : calme et sans hâte. Ainsi, d’abord en tête de quelques pas, il se retrouva bientôt en arrière, sans chercher à les rattraper.
Wen Shi contourna rapidement la colline et arriva devant la maison.
C’était une maison de deux étages construite dans les années 1990, entourée d’un mur de pierre bleue, avec une petite cour où deux arbres dépassaient à l’extérieur.
« Cette maison… » remarqua Xia Qiao en l’examinant, « dans mon enfance, il y en avait beaucoup de semblables dans l’ancien quartier. »
« L’ancien quartier ? »
« Oui. » Xia Qiao hocha la tête. « Nous y vivions autrefois. Mais aujourd’hui, elles ont toutes disparu, rasées. »
Cette maison surgie de nulle part se dressait, incongrue et solitaire, dans le creux de la montagne, environnée par la brume et la fine pluie.
« Voilà donc le cœur de la Cage ? Et après ? » Xia Qiao était inquiet : ces vieilles demeures semblaient toujours exhaler une mort mystérieuse, il n’avait aucune envie de s’en approcher.
… Mais il ne pouvait s’opposer à la volonté de son grand frère.
« Après ? » dit Wen Shi. « Après, nous devons y entrer, bien sûr. »
Xia Qiao avala sa salive et pensa : Peut-être que tu veux que je meure.
« Et… et s’il y a des gens dedans ? » insista-t-il encore.
Cette fois, ce ne fut pas Wen Shi qui répondit, mais Xie Wen : « Et toi, crois-tu que ceux qui sont dedans soient vraiment des gens ? »
Wen Shi : « … »
Cet homme était décidément malade : dans une telle situation, il trouvait encore le loisir de plaisanter.
Xia Qiao éclata aussitôt en sanglots, terrifié : « Faut-il vraiment entrer ? »
Wen Shi ouvrait la bouche, mais Xie Wen sourit et dit : « Nous pouvons aussi entrer tous les deux, et te laisser attendre dehors. »
« ??? »
Xia Qiao redoubla de larmes.
Wen Shi en eut mal à la tête.
Xia Qiao hésita deux secondes, puis se dit qu’il serait encore plus terrifiant de rester seul dehors. Alors il demanda :« Comment faut-il entrer? Faut-il pousser directement la porte »
Xie Wen répondit : « Excellente idée. Va pousser pour voir. »
Wen Shi : « … »
À bout de patience, il désigna Xie Wen : « Tais-toi. » Puis, se contenant, il expliqua à Xia Qiao : « On ne peut pas pousser la porte. Moins il y a de bruit, mieux c’est. Il faut éviter de déranger ce qu’il y a dans la maison. »
« Comment peut-on ne pas déranger ? » Dans la tête de Xia Qiao, déjà, les images défilaient : eux franchissant la maison, puis se retournant pour tomber nez à nez avec un visage blême de fantôme.
« C’est possible », affirma Wen Shi, à bout de patience, sans plus d’explication.
Mais en voyant l’air misérable de Xia Qiao, il ajouta : « Trouvons un moyen de s’attacher à un autre objet. »
Quand les Panguans entraient dans une Cage, parfois volontairement, parfois non, leurs actions restaient semblables : ils utilisaient un objet pour pénétrer sans bruit au cœur de la Cage.
La plupart choisissaient des peintures, des photographies ou des miroirs, des objets liés aux êtres humains, faciles pour s’y attacher et pour observer ce qui se passait dans la maison.
Une fois qu’ils identifiaient le maître de la Cage et son nœud intérieur, ils pouvaient agir pour l’aider.
Xia Qiao, terrifié, demanda : « S’attacher ? Mais comment un être vivant peut-il s’attacher à un autre objet ? »
Xie Wen tourna légèrement la tête et lui dit à voix basse : « Qui t’a dit que nous étions des êtres vivants ? »
« ??? »
Xia Qiao avala de travers et resta sans voix.
« Les vivants qui entrent dans une Cage prennent tous une forme illusoire; si, en outre, ils sont effrayés, la réalité les rattrape souvent et ils tombent gravement malades. Xia Qiao, je crois, ne s’en sortira pas. »
Wen Shi fouilla dans ses poches, l’air agacé.
Autrefois, chaque fois qu’il sortait, il veillait à porter sur lui quelques objets : cendres d’encens, cire, fil de coton, papiers rituels jaunes, et autres. Ce matin, troublé par Xie Wen, il avait oublié — il ne lui restait qu’un briquet.
‘Comment veux-tu faire entrer quelqu’un dans la maison avec ça ?’ pensa-t-il, mécontent.
Après un instant de mécontentement, la pensée lui vint : Xie Wen, tant soit peu, avait l’allure d’un juge, même s’il avait été rayé du registre ; différentes maisons et branches utilisaient parfois des méthodes différentes — peut-être en savait-il assez.
Wen Shi demanda donc : « As-tu une solution ? »
Xie Wen fit un son bref, « hum », puis dit : « Ce n’est pas complètement impossible. »
Wen Shi, las d’écouter des circonvolutions, répliqua simplement : « Très bien, alors fais-le.»
« Tu es sûr ? » Xie Wen plia trois branches sèches qu’il trouva à portée, puis tendit la main vers Wen Shi. Sa paume était fine et nette ; ses phalanges longues et droites.
En regardant cette main, Wen Shi eut une seconde d’étourdissement ; ses doigts pendants se recroquevillèrent légèrement.
« Donne-moi le briquet. » dit Xie Wen.
Wen Shi pressa ses jointures, sortit le briquet et le lui tendit.
Wen Shi vit Xie Wen allumer les branches, puis les enfoncer dans la terre… Ces gestes se rapprochaient moins de la technique des Zhang que d’une sorte de marionnettisation, pensa-t-il.
Xie Wen leva les yeux vers Wen Shi et l’avertit : « Je le dis à l’avance.Tu as entendu ces rumeurs à mon sujet ? Je ne connais que quelques tours simples ; mon niveau est limité. C’est toi qui m’as demandé de t’aider ; retiens cela : s’il survient un problème, ne me fais pas porter la faute. »
Il souriait en disant cela. Puis, quand ses doigts se refermèrent et que les trois branches se heurtèrent, l’obscurité envahit la vision de Wen Shi.
À cet instant précis, il regretta sa décision.
Quand il rouvrit les yeux, il se trouva dans une pièce : il avait bien pénétré au cœur de la Cage. Il admira, malgré lui, la qualité de l’exécution de Xie Wen.
Il ne fit aucun geste précipité ; il examina la pièce. C’était une chambre d’enfant : outre le lit, le sol était recouvert d’un tapis de protection en plastique à motifs de dessins animés typiques des années 1990.
Dans un coin se tenait une petite chaise en bois et des blocs de construction éparpillés. Il était clair que l’enfant n’y prêtait guère attention : une fine pellicule de poussière flottait sur les jouets.
Wen Shi avait l’impression d’être perché en hauteur, sur un meuble — sans pouvoir dire s’il s’agissait d’une photo ou d’un tableau ; un miroir lui aurait permis de voir à loisir. Il voulut vérifier où se trouvaient Xia Qiao et Xie Wen, quand des pas résonnèrent à l’extérieur : un bruit de claquement de pantoufles.
Un enfant traînant des chaussons — voilà qui confirma la sensation.
La porte s’ouvrit et un petit garçon, habillé comme une figurine, entra en courant.
Les personnes prises dans une Cage n’avaient souvent pas des traits nets : certains aspects du visage ressortaient tandis que d’autres s’estompaient, comme des souvenirs fragmentaires. Sur ce petit garçon, ce qui sautait aux yeux, c’étaient des yeux énormes et d’un noir profond.
Il entra et s’arrêta net, puis fixa un point dans le vide, ses grands yeux prenant un air étrange.
Il resta immobile un instant, puis, sans avertissement, tourna la tête vers la direction de Wen Shi.
Wen Shi entendit un souffle très léger : Xia Qiao était là, tapi à proximité, mais n’osait émettre le moindre son.
Puis, l’enfant — aux allures sinistres — reporta son regard, trottina jusqu’à la porte et cria en bas : « Dans ma chambre, il y a plein de gens ! »
Wen Shi resta muet.
Peu après, un pas traînant monta l’escalier : celui d’un vieil homme dont l’âge devait être avancé. Vu d’en haut, Wen Shi voyait le sommet du crâne gris et incliné ; le visage était obscurci par la posture courbée.
Le vieil homme, découvrant la chambre vide, laissa échapper un soupir discret, passa la main sur la tête de l’enfant et demanda : « Où sont ces personnes ? Mes yeux ne sont pas bons, il faut que je cherche un moment. »
Le petit garçon pointa vers la direction de Wen Shi : « Par là ! »
Le vieil homme leva enfin la tête… et n’avait pas de visage.
Wen Shi sentit quelque chose frissonner à ses côtés, puis glisser lentement vers le sol : vraisemblablement, Xia Qiao s’était évanoui de peur. Mais il s’étonna : comment avait-il «glissé » ainsi vers l’extérieur ? Une photo ou un tableau ne s’expulserait pas de cette façon.
Dans quel genre de chose Xie Wen les avait-il introduits ?
Alors que Wen Shi s’interrogeait, Xia Qiao glissa tout entier hors du cadre.
On entendit un léger pouf : sur le plancher gisait une poupée vêtue d’une robe rose, la face tournée vers le sol.
Wen Shi resta interdit.
Le vieil homme sans visage se pencha, ramassa la poupée en robe rose, la secoua pour ôter la poussière et la reposa sur le lit. Il toucha la tête du petit garçon et, en regardant Wen Shi, demanda : « Les personnes dont tu parles, sont-ce ces poupées ? »
Wen Shi demeura sans voix.
Ces… ces poupées…
Une sensation d’étouffement le traversa, et deux pensées le travaillèrent d’un coup :
Est-ce que ma poupée porte ou non une jupe ?
Où se trouve Xie Wen ? Qu’il aille mourir.
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L'auteur a quelque chose à dire :
Une cage équivaut à un espace indépendant. C'est vraiment un petit roman mignon, et ce n'est pas sérieux… ne vous inquiétez pas.
Traduction: Darkia1030
Check: Hent-du
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