MISVIL - Chapitre 96 – Jeton du Phénix

 

« Ce soir, je viendrai te trouver. Nous allons... bien étudier ? »



Song Qingshi laissa un plan médical, confiant le suivi des patients blessés à la clinique du village, puis se rendit à la pharmacie pour acheter des herbes médicinales courantes, ainsi qu’un nouveau four à pilules, prêt à l’utiliser dès que possible pour raffiner des pilules. En tant que médecin, avoir des médicaments sous la main main le rassurait.

Feng Jun était parti chercher un bateau magique, qui emmena tout le monde à la secte Tianwu.

Lorsqu'ils partirent, le patron de l’auberge et sa femme vinrent les accompagner, renonçant à tous les frais, et préparant divers ingrédients. Des cultivateurs et familles de blessés soignés en ville vinrent aussi, offrant de nombreux présents en remerciement à Song Qingshi.

Ce dernier refusa poliment, ne gardant que quelques paniers d’œufs pour nourrir Xiao Bai.

Le bateau magique s’éleva lentement, guidé par une bête spirituelle. Song Qingshi se tenait près de la fenêtre, observant la ville et la campagne : partout, de la fumée s’échappait des foyers, montagnes, rivières, paysages semblables à ceux de ses souvenirs, mais avec des différences subtiles... Après réflexion, il réalisa que ce monde semblait désormais dépourvu d’esclaves.

Dans sa mémoire, la grande majorité des mortels étaient esclaves des cultivateurs, traités comme des des cochons et des chiens, sans esprit de révolte, menant une vie engourdie. Or, aujourd’hui, il voyait beaucoup de boutiques et restaurants dirigés par des mortels, de nombreux artisans mortels dans les ateliers, et des apprentis mortels dans les cliniques et pharmacies. La plupart paraissaient pleins de vie et d’espoir.

Autrefois, un mortel touchant par inadvertance la robe d’un cultivateur risquait la mort. Aujourd’hui, il voyait souvent cultivateurs et mortels boire et discuter ensemble, riant, en bonne entente apparente.

Comment ce changement avait-il pu se produire ?

« C’est Madame Qing Luan, elle a développé beaucoup de médicaments abordables, » expliqua Song Jincheng en voyant ses doutes, reprenant fièrement le récit de ses ancêtres, « après la diffusion des médicaments, la survie des mortels s’est améliorée. Madame Qing Luan a embauché beaucoup de mortels comme médecins à la Vallée de la Médecine, et ouvert des cliniques dans toutes les régions du monde des cultivateurs... Cette période fut sombre, avec beaucoup de morts et blessures, et un grave manque de personnel. Comme les médecins formés par la Vallée de la Médecine étaient très compétents, beaucoup de tâches furent confiées aux mortels : artisans, médecins, fermiers... Je ne sais pas trop, mais les mortels se sont multipliés et tout le monde s’y est habitué. Certains mortels avec un bon potentiel spirituel et une grande intelligence ont reçu des opportunités pour devenir cultivateurs. Ils ont trouvé des méthodes pour compenser les défauts des méridiens, et beaucoup ont atteint le stade du Noyau d’Or. L’Académie du Bihai, dans le Nord, fut fondée par des mortels, acceptant uniquement des apprentis mortels, et est devenue très importante. »

Song Qingshi s’émerveilla : « Madame Qing Luan était vraiment une femme remarquable. »

Song Jincheng répondit avec fierté : « Le seul problème, c’est qu’elle a écrit tellement de livres de médecine et de matériel d’étude que nous avons failli en mourir. Sinon, tout était parfait. »

« Qing Luan n’était pas si formidable, » intervint Feng Jun en riant doucement en voyant Song Qingshi entraîné par cet enfant, « elle a juste organisé et simplifié les données de ton... maître. Ton maître a laissé tellement de choses compliquées qu’elle n’a même pas tout appris. Elle a renoncé aux techniques et formules rares et difficiles, et s’est concentrée sur les maladies courantes et traitements ordinaires, créant ainsi un manuel accessible à tous, formant un grand nombre de médecins. »

Song Qingshi, doué et passionné par la médecine, avait hérité du savoir du Roi de la Médecine, accumulant des formules, ouvrages et données d’expériences sur mille ans, par exemple 84 méthodes pour traiter les fractures. Qing Luan n’en avait retenu que les huit les plus courantes, en avait simplifié les formules, et les avait inscrites dans son manuel.

La différence était donc probablement...

Song Qingshi pouvait guérir parfaitement cent personnes, sans séquelles, mais ses traitements étaient coûteux, difficiles à apprendre, et il n’avait formé qu’un seul disciple, Yue Wuhuan.

Qing Luan, avec sa méthode simplifiée, ne guérissait que quatre-vingt-dix personnes, avec un risque de séquelles, mais pouvait former des milliers de médecins rapidement, disséminés à travers le monde, soignant des centaines de milliers voire des millions de patients grâce à des prix bas.

On ne pouvait dire laquelle des deux méthodes était meilleure.

Cependant, les recherches de Song Qingshi étaient la base de tout cela.

Feng Jun s’appuya sur l’épaule de Song Qingshi et murmura : « J'ai fait tout ce que tu m'as demandé de faire. »

Qu’il s’agisse de protéger la Vallée de la Médecine, de suivre la volonté de leur maître, d’aider Qing Luan à devenir une bonne médecin, de promouvoir ses idées, ou même de faire preuve de clémence lors de la vengeance pour éviter la destruction du monde, il avait tout accompli... même cette réponse détestée mais juste, il en avait pris soin...

Il avait écouté chacune de ses paroles.

Song Qingshi pensait qu’il parlait du bateau magique, et serra sa main : « Merci. »

Feng Jun regarda ses doigts blancs sortant de sa large robe et demanda avec désir : « Puis-je recevoir une récompense ? »

Song Qingshi répondit franchement : « Oui, je te donnerai tout ce que tu voudras. »

Feng Jun lécha ses lèvres et dit d’un ton ambigu : « Ce soir, je viendrai te voir, nous allons... bien étudier au lit ? »

Song Qingshi, ravi, répliqua : « D’accord, je resterai toute la nuit avec toi, tu pourras étudier autant que tu veux. »

*

Song Jincheng, caché à côté, pensa que Song Qingshi était complètement ensorcelé par Feng Jun. Dans ses yeux et sa voix, il n’y avait que de l’amour...

Un homme seul et une « femme » célibataires, qui se donnent rendez-vous pour étudier le soir ? Bien qu’il fût encore un novice, il connaissait ce scénario : d’abord, on étudie la culture des plantes pour récolter des fruits, puis l’agriculture avec le labour, l’irrigation, le semis...

Voyant Song Qingshi si heureux, il devait sûrement ignorer qu’il n’était pas la charrue, mais la terre prête à être labourée.

Pauvre garçon...

Il comprenait les sentiments de Song Qingshi : un si beau partenaire comme Feng Jun, on ne pouvait résister. Cependant... Feng Jun n’était pas une femme, c’était un redoutable démon du Pic Inextinguible, sur le point de l’ascension, avec une puissance terrifiante. Quelles horribles lianes allaient encore sortir ? Si cette terre était totalement labourée, elle serait sans doute détruite.

Voir un ami en danger sans oser intervenir, quel genre de héros était-il ?

Song Jincheng s’éloigna dans un coin, se tourna vers le mur, ferma les yeux, et décida de ne plus regarder...

Song Qingshi et Feng Jun discutèrent un moment du problème du démon impur, puis remarquèrent Song Jincheng accroupi dans un coin, grognon, traçant des cercles tout en marmonnant quelque chose sur la loyauté entre amis. Pensant qu’il s’inquiétait pour son ami de la secte Tianwu, ils allèrent le consoler : « Ton ami va bien, ne t’inquiète pas trop. Je parlerai à monsieur Yue pour qu’il soit clément. »

Song Jincheng se retourna, regarda dans ses yeux sincères et gentils, puis songea à son avenir difficile, se sentant coupable, et finalement, il prit son courage à deux mains, sortit une petite boîte en porcelaine de son sac, et la tendit à Song Qingshi en disant gravement : « Je te l’ai achetée à la pharmacie, c’est tout ce que je peux faire pour toi. »

Song Qingshi ouvrit la boîte, intrigué, et découvrit un baume huileux au parfum d’osmanthus, enrichi en substances anti-inflammatoires et analgésiques. Cela ne ressemblait pas à un médicament ordinaire.

Il réfléchit prudemment : « A quel usage est destiné ce médicament ? »

Song Jincheng posa la main sur son épaule, d’un ton mélancolique : « Le moment venu, donne-le à Feng Jun, il va l’aimer. »

Song Qingshi, bien que n’ayant jamais utilisé ce type de baume, possédait une grande connaissance médicale, et après réflexion, comprit. Il jeta un regard discret à Feng Jun, doux et beau, et pensa que Song Jincheng le prenait pour un libertin, ce qui le gêna un peu.

Feng Jun était désormais son petit ami, ils se fréquentaient dans l’intention de devenir compagnons de Dao, et certaines choses, une fois mûres, arrivaient naturellement.

Ayant étudié la médecine des années durant, connaissant bien l’anatomie et la physiologie, il n’avait pas peur de la sexualité. Après un instant de réflexion, il rangea sans gêne la boîte en porcelaine et dit à Song Jincheng : « Tu n’avais pas besoin de m’acheter ça, je ferai mes propres préparations quand ce sera nécessaire. »

Song Jincheng resta bouche bée.

Feng Jun avait tout entendu.

Il réfléchit un instant, puis fit semblant de ne pas avoir entendu.

*

En début de soirée, le bateau magique descendit près de la secte Tianwu.

Song Qingshi regarda Song Jincheng, voulant lui demander comment ils allaient annoncer leur arrivée, mais le jeune homme, tout mystérieux, fit faire plusieurs détours au groupe avant de trouver un coin isolé. Après avoir vérifié qu’il n’y avait pas de terriers de chien dans les broussailles, il retroussa ses manches et commença à grimper au mur.

Le visage de Song Qingshi devint sombre. Il le saisit et demanda : « Que fais-tu ? »

« Le père de A Yu a dit qu'il allait me battre dès qu'il me verrait., » répondit Song Jincheng d’un ton grave, « ne t’inquiéte pas, j’ai la carte de la secte Tianwu, je sais où se trouvent les chambres des disciples. Dès que je serai entré, je me cacherai dans un coin et j’imiterai trois fois le cri d’un corbeau. A Yu saura que je suis là. »

Yuwen Yu était un prodige rare, formé son Noyau Doré à dix-huit ans. La secte Tianwu le considèrait comme un espoir, et avait investi tous ses efforts dans sa formation. Il avait toujours respecté les règles, travaillé dur, sans jamais causer de souci à ses aînés.

Pourtant, après six mois passés à se soigner à la Vallée de la Médecine, Song Jincheng l’avait corrompu ! Non seulement il lui apprit à grimper aux murs pour sécher les cours, à taquiner les jeunes filles, à se battre et à semer le désordre, mais aussi à boire en cachette. Après l’ivresse, ils eurent des comportements inconvenants... Quand le chef de la secte Tianwu est arrivé, ils ont tous deux reçu cinquante coups de fouet. Yuwen Yu avait protégé Song Jincheng, essayant de porter la faute à sa place, ce qui leur a valu trente coups supplémentaires pour leur insolence.

Song Qingshi dit sincèrement : « J’aimerais aussi te frapper. »

« Yu est vraiment malheureux, » répliqua durement Song Jincheng, « son père a placé l’avenir entier de la secte sur ses épaules. Yu n’a pas eu d’enfance, ni de vrais amis. Depuis ses trois ans, il s’entraîne tous les jours et reçoit des coups de fouet s’il fait une erreur. Malgré son âge, il parle toujours avec un ton sévère, impose la discipline en toute chose, personne ne veut s’approcher de lui. Je ne supportais pas sa rigueur d’écolier, alors je l’ai trompé pour sortir nous amuser. Il disait non, mais au final, il s’est amusé plus que moi… »

Le tyran érudit corrompu par le fainéant, devenu lui-même paresseux.

Song Qingshi comprenait le refus du chef de la secte Tianwu de laisser Song Jincheng approcher son fils. Son propre cœur de disciple était solide, mais il avait été séduit par Song Jincheng, passant des nuits entières à lire des romans. S’il n’avait pas été trop blessé, il aurait sans doute été entraîné dans une maison de plaisirs pour assister à un spectacle... On lui avait parlé d’une dame Gongsun, dont le luth était exceptionnel, capable d’émouvoir jusqu’aux larmes avec une mélodie intitulée «Nostalgie», jouée pendant trois jours de suite.

Il aimait la musique, voulait l’écouter, mais craignit de fâcher Feng Jun, et n’osa pas...

Song Qingshi était un peu inquiet : il n’avait ni statut ni invitation, il serait difficile d’entrer. Et s’il réussissait à entrer, il ne saurait pas mentir. Comment expliquer au chef de la secte Tianwu qu’il voulait voir son fils ? Il craignait qu’à peine le nom « Song Jincheng » prononcé, on le chasse violemment.

Feng Jun lui souffla : « J'ai vu un jeton dans ta petite poche. Essaie-le. »

Song Qingshi se rappela que ce jeton du phénix servait à retirer de l’argent, sans doute un peu comme une carte bancaire.

Ne trouvant pas d’autre solution, il tenta d e faire ouvrir la grande porte en montrant le jeton au gardien. Contre toute attente, celui-ci fut effrayé, et s’enfuit en courant prévenir à l’intérieur.

Un oiseau rouge traversa le ciel. En un instant, le chef de la secte Tianwu arriva en personne pour les accueillir avec un respect extrême, les conduisit au hall principal, invita à s’asseoir aux places d’honneur. Le thé spirituel et les fruits célestes recouvraient la table.

Cela ressemblait à un traitement de noble invité ? Trop cérémonieux...

Song Qingshi, honoré et ému, demanda précautionneusement à Feng Jun : « Est-ce qu’il me doit de l’argent ? »

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

 

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