MISVIL - Chapitre 83 – Difficulté de la mission

 

« Tu aimes ce genre de fille ? »

 

Song Qingshi dormit profondément. Lorsqu’il se réveilla, il faisait déjà nuit. Il découvrit qu’il reposait sur les genoux de ce Monsieur Yue, qui prétendait le connaître. Un peu embarrassé, il sentit que ses lèvres étaient légèrement enflées sans raison apparente. Il s’essuya rapidement le coin des lèvres pour vérifier s’il avait bavé.

Heureusement, il n’y avait pas eu d’incident aussi honteux...

Grâce à l’effet puissant de la Pilule d’Essence Osseuse de dixième niveau, son corps avait déjà guéri en grande partie. En essayant de se relever, il constata que ses blessures avaient été soignées avec des médicaments spirituels encore meilleurs, contenant un composant analgésique : la douleur intense s’était volatilisée, ne laissant qu’une légère démangeaison.

Monsieur Yue ouvrit les yeux, mettant fin à sa fausse sieste, en voyant qu’il était réveillé.

Song Qingshi lui adressa un sourire reconnaissant, puis aperçut Song Jincheng agenouillé dans un coin, face au mur en train de réfléchir à ses fautes. Bien qu’il ne soit pas approprié de se mêler de l’éducation des disciples d’un autre maître, il avait un certain lien avec ce garçon et ne pouvait se résoudre à l’ignorer.

Alors qu’il réfléchissait à ce sujet, Monsieur Yue attrapa sa pochette et se mit à y verser des tas et des tas de pierres spirituelles. Song Qingshi sursauta, s’empressa de l’arrêter : « J’ai déjà accepté un précieux élixir, je ne peux pas accepter davantage. »

Après tout, ce n’était ni son père biologique, ni son parrain : comment pouvait-il accepter autant de pierres spirituelles ?

« Ces choses t’appartiennent déjà » répondit Monsieur Yue, craignant qu’il ne parte encore sur des idées absurdes. Il lui tendit un médaillon finement sculpté, orné d’un motif de phénix, et expliqua : «Tu avais laissé certaines pierres spirituelles chez moi. Je les ai investies pendant longtemps, et elles ont porté leurs fruits. Avec ce médaillon, tu peux te servir librement dans la Vallée de la Médecine ou dans tout magasin portant ce symbole, sans aucune limite. »

Song Qingshi prit le médaillon et demanda, ravi : « J’ai combien d’argent ? »

Monsieur Yue réfléchit un instant à l’ampleur de l’empire qu’était le Pic Inextinguible. Après avoir éradiqué plusieurs sectes corrompues, il avait confisqué tous leurs biens. Afin d’éviter le chaos et la montée des ténèbres, il avait investi une partie de son temps et de son énergie et instauré de nouvelles règles et relancé toute l’économie.

Par exemple : les maisons de vente aux enchères ne pouvaient plus vendre d’esclaves ni d’objets volés ; il avait revalorisé les professions comme les artisans ou les médecins ; interdit le commerce d’êtres humains ; établi des contrats de travail ; interdi les meurtres pour voler les trésors, etc. Il avait aussi imposé des règles strictes comme l’interdiction de de détritus sales dans les lieux publics…

Les cultivateurs avaient mis plusieurs siècles à s’y plier. Mais à force de voir les têtes des rebelles et des contrevenants exposées, les contestataires furent peu à peu réduits au silence. Les jeunes générations naquirent dans ce système et les règles devinrent des habitudes.

Les ténèbres n’avaient pas complètement disparu, mais ne pouvaient plus s’exposer à la lumière du jour : personne n’osait toucher à l’écaille inversée du Pic Inextinguible.

Aujourd’hui, son empire commercial s’étendait à travers tout le monde. Chaque année, les sectes et les villes lui offraient des trésors et spécialités locales. C’était devenu une tradition…

Cela faisait longtemps que Yue Wusheng n’avait pas vérifié combien il possédait, ni ce que contenait son trésor. Mais tant que Song Qingshi acceptait, il était prêt à tout lui donner. Il savait toutefois que ce dernier avait beaucoup d’amour-propre et détestait déranger les autres, il fallait donc trouver de bons prétextes pour lui remettre petit à petit cette richesse.

Il y réfléchit donc et dit : « Tu avais investi un peu plus de deux millions de pierres spirituelles dans la Vallée de la Médecine au moment où elle a traversé la pire des crises. Aujourd’hui, cela s’est transformé en plusieurs dizaines de millions. J’ai aussi investi pour toi dans d’autres domaines. Les revenus augmentent chaque année. Je te donnerai les comptes plus tard. »

Il comptait faire préparer un faux registre par ses subordonnés pour y insérer quelques millions inépuisables, comme s’ils étaient générés par des intérêts.

Song Qingshi, dans sa vie d’avant, était un jeune héritier de bonne famille. Même s’il était un peu naïf, il comprenait les bases du commerce. Il n’avait jamais vu quelqu’un fabriquer un faux registre uniquement pour donner de l’argent à quelqu’un d’autre… Pour quelle raison ?

Donc… c’était vrai ?

Il avait fait un investissement à succès durant sa perte de mémoire ?

Plus jamais il ne manquerait de fonds pour ses recherches ?

Song Qingshi était fou de joie comme un petit chien, prêt à tourner en rond au sol en jappant de bonheur. Il dressa aussitôt la liste dans sa tête de toutes les herbes médicinales qu’il rêvait d’acheter. Il avait envie de sauter au cou de son dieu de la fortune pour lui faire deux baisers.

Il attrapa la manche de Monsieur Yue : « J’ai fait quoi d’autre pendant le temps que j'ai oublié? »

Monsieur Yue sourit : « Tu m’as appris à élever des souris blanches. Je m’en sors très bien maintenant. J’ai obtenu plein d’espèces spéciales. Si tu rentres avec moi à la Vallée de la Médecine, je te les offrirai en… cadeau. »

Il y avait une ambiguïté dans ce mot.

Song Qingshi ne l’avait pas bien entendu, mais il releva un détail : « Il faut longtemps pour élever des souris spéciales avant de les faire évoluer en de nouvelles espèces… On se connaît depuis combien de temps ? »

Il avait l’impression d’avoir perdu bien plus de souvenirs que ce qu’il pensait…

Monsieur Yue répondit en souriant : « Nous avons été ensemble pendant une dizaine d’années, mais séparés pendant plus d’un millier. Je suis resté coincé dans un monde étroit, ignorant tout de ce que tu as vécu… »

Song Qingshi resta figé. La durée de sa perte de mémoire dépassait largement ce qu’il aurait imaginé. Se pouvait-il que son corps d’ici ait échoué dans une tentative de fermeture en isolement total, et que cela ait permis à son âme d’un autre monde de venir ici ?

Cette pensée l’égara. Il ne comprenait pas comment il pouvait fusionner aussi naturellement les souvenirs de deux corps en un seul esprit, sans rejet… Était-ce parce qu’ils se ressemblaient trop ?

Le système avait explosé. Il ne pouvait plus en obtenir la moindre réponse.

« Maître, vous plaisantez » s’exclama Song Jincheng, n’y tenant plus. « Qui mettrait autant de temps pour atteindre le stade de la Construction de la fondation ? »

Même lui, un bon à rien, y était parvenu à dix-huit ans. Et un cultivateur au stade de la Construction de la fondation ne vivait que trois cents ans. Madame Qing Luan avait utilisé d’innombrables trésors pour prolonger sa vie, mais mourut à cinq cents ans. Elle fut enterrée dans la Vallée de la Médecine. Le maîre d’épée Immortel Minghong, ayant atteint la Grande Perfection de la Formation de Noyau, s’était construit une cabane près de la tombe de sa bien-aimée, qu’il protégea pendant mille ans.

Aujourd’hui, les disciples masculins de la Vallée de la Médecine aimaient y emmener les jeunes filles pour leur déclarer leur flamme. Le lieu était devenu un site romantique célèbre.

Monsieur Yue estimait ne pas avoir été assez sévère. Il sourit doucement et déclara : « Qingshi a régressé dans sa cultivation à cause de ses blessures. Tu as pourtant étudié de nombreux exemples similaires dans les traités de médecine… Évidemment, tu ne les as pas retenus. Demain, en rentrant à la Vallée de la Médecine, tu seras consigné à l’arrière-montagne. Tu ne pourras en sortir qu’après avoir récité les cent quatre-vingts volumes de médecine de base laissés par Qing Luan. »

Le visage de Song Jincheng vira au vert. Il n’avait plus envie d’avoir une ancêtre aussi sévère. De plus… il voulait vraiment aller au Pavillon Tianwu pour retrouver un ami. Il se traîna à genoux jusqu’à Monsieur Yue, pleurant et tentant de marchander : « Maître grand-oncle martial, laissez-moi juste aller jeter un œil au Pavillon Tianwu. Après ça, j’accepte le confinement... »

Le sourire de Monsieur Yue s’adoucit encore davantage.

Song Qingshi jeta un coup d’œil à Monsieur Yue et sentit confusément que cet enfant était en danger. Il prit son courage à deux mains pour essayer de le sauver : « Tu as une bonne raison d’aller au Pavillon Tianwu ? »

Song Jincheng renifla et répondit : « Je soupçonne qu’il est arrivé quelque chose à A-Yu. Je veux juste vérifier… »

A-Yu, de son vrai nom Yuwen Yu, était le fils d’un ancien du Pavillon Tianwu. De constitution fragile à la naissance, il avait passé quelques années à la Vallée de la Médecine pour s’y soigner. Song Jincheng l’avait entraîné à grimper dans les arbres pour dénicher des œufs d’oiseaux, à plonger dans les rivières pour attraper des tortues, à faire l’école buissonnière en escaladant les murs. Ils étaient devenus très proches.

Une fois que Yuwen Yu avait retrouvé une santé correcte, il avait quitté la Vallée de la Médecine, tout en gardant le contact par courrier chaque mois. Mais depuis trois mois, il n’avait plus montré aucun signe de vie. Inquiet, Song Jincheng avait profité d’un échec à un examen pour planifier une fugue vers le Pavillon Tianwu. Il avait croisé Song Qingshi en chemin, ce qui avait retardé ses plans…

« Peut-être qu’il est en isolement pour cultiver, » proposa Song Qingshi en se massant les tempes. Il voulait dire que c’était courant chez les cultivateurs de ne plus donner de nouvelles pendant des années, voire des décennies. Mais il se rappela soudain qu’il avait lui-même commis une erreur terrible dans une amitié, ce qui l’emplit de doute. « Tu as essayé de demander à ses parents ? »

Song Jincheng répondit avec gêne : « Son père me déteste et m’interdit de l’approcher. On communique en cachette. »

Monsieur Yue intervint : « Il y a quelque temps, le Pavillon Tianwu tenait ses examens annuels pour les disciples. Il a probablement été envoyé dans le Royaume secret de Yuanming… »

Il s’interrompit brusquement. Il venait de se souvenir d’étranges mouvements récents dans cette région : des apparitions fréquentes de démons. Peut-être fallait-il envoyer quelqu’un vérifier.

« Il est peut-être blessé et ne veut pas t’inquiéter, » dit Song Qingshi, en cherchant un compromis. «Je peux aller au Pavillon Tianwu à ta place. »

Il se souvenait que selon les livres, le Royaume secret de Yuanming abritait une herbe métallique aux feuilles aussi tranchantes que des lames. Une plante peu utile mais rare, qu’il avait toujours voulu collecter pour ses recherches.

Song Jincheng fut profondément ému : « Xiongdi (NT : frère cadet), tu es trop loyal. Je n’ai pas risqué ma peau pour rien en te sauvant. »

Monsieur Yue broya le coin de la table.

« Pardon, j’ai oublié ton âge, » s’excusa rapidement Song Jincheng en se reprenant. Il chercha à se faire pardonner : « Qingshi, c’est toi mon Ge (NT: grand frère). »

Monsieur Yue lui fit remarquer : « Qingshi a un rang générationnel bien supérieur au tien. »

Song Jincheng fronça les sourcils, essayant de recalculer la hiérarchie.

Voyant son expression, Song Qingshi sentit un mauvais pressentiment et le coupa net : « Interdiction de m’appeler grand-père ! »

La moitié de son âme était encore celle d’un jeune étudiant à la peau lisse et à l’esprit frais. Se faire appeler "grand-père" par quelqu’un qui semblait avoir son âge était tout bonnement insupportable.

« Je ne suis même pas un disciple de la Vallée de la Médecine. Même si je repassais l’examen d’entrée, je ne serais qu’un camarade de classe, pas un aîné. » Song Qingshi prit la question au sérieux. « Je pense qu’on devrait se baser sur le niveau de cultivation, pas sur l’âge, pour établir les hiérarchies. »

Song Jincheng leva des yeux pleins d’espoir vers Monsieur Yue : « Maître grand-oncle martial… »

Rien qu’à l’entendre prononcer cette appellation, Monsieur Yue sentit à nouveau une oppression à la poitrine.

Il décida qu’à son retour, il ferait disparaître cette incarnation pour en créer une autre, plus jeune, afin d’accompagner Qingshi dans sa reconstruction. Être traité comme un ancêtre rendait toute approche… problématique.

*

Song Qingshi était de bonne humeur en planifiant son voyage vers le Pavillon Tianwu. Il discuta avec Song Jincheng des moyens d’approcher Yuwen Yu et de recueillir des informations.

L’examen d’entrée à la Vallée de la Médecine n’aurait lieu que dans trois ans. Même en organisant un recrutement spécial, il faudrait plusieurs mois de préparation.

Et Song Qingshi refusait catégoriquement de recourir à un passe-droit.

Monsieur Yue savait que lorsque Song Qingshi avait pris une décision, rien ne pouvait le faire changer d’avis. Ce n’était pas encore le bon moment pour l’emmener de force. Toutefois, créer une nouvelle incarnation prenait un peu de temps. Il craignait que Song Qingshi, ignorant des réalités actuelles du monde de la cultivation, se retrouve lésé ou blessé. Après mûre réflexion, il accepta finalement que Song Jincheng l’accompagne au Pavillon Tianwu. Il lui ordonna de bien s’occuper de lui, de sorte que "l’aîné" ne souffre aucun affront.

Song Jincheng n’était pas doué pour les études, mais il savait instinctivement comment flatter et deviner les intentions des autres. Il se mit même à suspecter que Song Qingshi n’était pas le fils adoptif de Monsieur Yue, mais plutôt son enfant illégitime — un secret honteux. Il jura alors de le traiter comme un ancêtre à chérir.

Ravi, il le bénit : « Frère Qingshi, t’es vraiment génial. Je ne suis pas jaloux que t’aies une déesse ! »

Song Qingshi sourit : « J’espère la croiser sur la route. »

Monsieur Yue fut aussitôt sur le qui-vive : « Une déesse ? »

« Qingshi cherche une fille, » expliqua Song Jincheng, retrouvant toute son énergie grâce à la permission implicite de son maître. Il vit bien que celui-ci s’intéressait à la future "belle-fille", et s’empressa de faire l’éloge de l’élue de son cœur, de peur qu’elle n’ait à subir un jour le jugement des aînés. « Elle est douce, vertueuse, jolie, adorable, vive, gentille, innocente, attentionnée, respectueuse, et elle cuisine super bien. »

Song Qingshi, un peu gêné, ajouta : « Elle est assez fragile, elle a besoin de soins… »

Monsieur Yue réprima avec peine l’incendie de jalousie qui enflammait son cœur, et demanda doucement : « Tu... aimes vraiment ce genre de fille ? »

Il savait que beaucoup de cultivateurs ne faisaient pas de distinction de genre… mais il ne s’y attendait pas, pas maintenant…

Song Qingshi repensa à l’émotion qu’il avait ressentie en lisant ce carnet et confirma avec assurance : « Oui. Je vais la retrouver. »

Monsieur Yue lui demanda encore, d’une voix douce : « Et si elle ne t’aimait pas ? Tu serais quand même bon avec elle ? »

« Ce n’est pas grave, » répondit Song Qingshi avec détermination. « Du moment que je la retrouve, je lui offrirai toutes les meilleures choses, je la traiterai bien, et je ferai tout pour qu’elle m’aime. »

Il donnerait tout, et poursuivrait cet amour avec tout son sérieux.

Monsieur Yue comprit clairement ses intentions, et lui adressa un sourire de bénédiction : « Tu la retrouveras, j’en suis sûr. »

Même si le rôle que cette "mission" lui imposait dépassait tout ce qu’il avait imaginé.

Mais... ce ne serait pas si difficile.

Il pensa un instant à faire toutes ces choses honteuses avec cette apparence, à voir Song Qingshi pleurer de plaisir dans son lit... et trouva cela... plutôt intéressant...

Monsieur Yue posa sur cette innocence délicieuse un regard avide. Ses lèvres et sa langue en devenaient sèches, tant son désir débordait.

Il fallait se contenir. Ce n’était pas encore le moment de se dévoiler.

Il allait exécuter son plan à la perfection.

Il allait tout reconquérir.

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

 

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