“Donc, la personne que j’aime est une fille sensible et mélancolique ?”
Bien que Song Jincheng fût un fainéant, il avait bon cœur. Il répétait sans cesse qu’il attendait que le père de Song Qingshi vienne payer pour le récupérer, mais entre-temps, il utilisa les vingt et quelques pierres spirituelles pour payer son logement, lui acheter de bonnes herbes médicinales et des vêtements neufs, permettant à ses blessures de guérir peu à peu.
Pendant sa convalescence, Song Qingshi s'efforça de remettre de l’ordre dans ses souvenirs tout en triant les affaires de sa bourse-moutarde. Il essayait de faire correspondre les souvenirs dans sa tête aux informations que lui fournissait Song Jincheng, espérant, par une analyse rationnelle, trouver des indices sur son identité dans ce nouveau monde.
Il écarta d'abord l’hypothèse d’un grand maître.
Il n’était qu’un petit cultivateur au stade de la fondation, rien à voir avec un grand expert. De plus, les fragments de souvenirs concernant une figure puissante étaient extrêmement rares, au point qu’aucun visage n’apparaissait. Il pensait que c’était une erreur due à l’explosion du système — comme quelques haricots verts tombés par erreur dans un sac de soja jaune —, sans grande importance.
Ensuite, il confirma qu’il était bien Song Qingshi, un étudiant en médecine moderne.
Ce pan de mémoire était très complet. À l’exception d’un jour, à huit ans, où il avait mangé accidentellement un chocolat à la liqueur et en avait perdu connaissance, il se souvenait de tout : sa famille, ses professeurs, les internautes, les livres et toutes sortes de connaissances médicales modernes et de contenus d’expériences scientifiques. Cela devait donc être une identité réelle qu’il avait vécue.
Enfin, il hésitait au sujet de Song Qingshi, médecin du monde immortel.
Il se souvenait clairement être sorti seul d’une montagne reculée, avoir erré partout et obtenu l’héritage du Roi Médecin. Mais certains détails différaient : par exemple, il pouvait désormais, au stade de la fondation, contrôler parfaitement le feu spectral du monde souterrain et le feu mystérieux du lotus rouge grâce à l’art du Jade Glacé — ce qu’il n’aurait jamais pu faire dans ses souvenirs. Il se rappelait aussi des techniques d’alchimie et de médecine absentes de l’héritage, ainsi que de nombreux livres qu’il avait lus... Il semblait avoir tout le savoir professionnel, peut-être même un niveau de cultivation plus élevé auparavant, mais il avait oublié une partie des gens et des événements de sa vie.
Sur la base de cette analyse, Song Qingshi conclut qu’il avait voyagé dans le corps du Song Qingshi médecin du monde immortel, depuis sa vie d’étudiant en médecine moderne. En raison de blessures graves, sa cultivation avait chuté, provoquant une amnésie partielle — mais il ne savait pas si elle serait temporaire ou permanente.
Comme les personnalités, les modes de pensée et les habitudes de vie des deux Song Qingshi étaient très similaires, leurs âmes semblaient parfaitement compatibles. Il s’adaptait donc psychologiquement très bien à la situation et ne s’inquiétait pas de son identité. Mais…
Il dit, l’air triste : « J’ai l’impression de ne pas avoir de père. »
Song Jincheng en lâcha presque sa tranche de pastèque : « J’ai dépensé toute ma fortune pour toi et maintenant tu me sors ça ?! »
« Je suis orphelin, sans aucun proche, » déclara Song Qingshi après avoir digéré les souvenirs des deux corps. « Je suis plutôt solitaire… et je n’ai pas l’air d’avoir d’amis non plus. »
Voyant l’expression presque en pleurs de Song Jincheng, il s’empressa de le rassurer : « Ne t’en fais pas ! Même si je ne suis pas très doué pour gagner de l’argent, quelqu’un m’a sûrement déjà donné de l’argent de poche ! Peut-être un parrain ? Laisse-moi réfléchir encore un peu. Je finirai peut-être par me souvenir. »
Il sortit tout ce qu’il avait dans sa bourse et secoua le contenu : une foule d’objets hétéroclites. Par exemple, une boîte en bois contenant un gu venimeux mort, un roman intitulé Les Trois Frères Chasseurs de Tigres, une petite figurine en argile représentant un oiseau multicolore, quelques talismans faits à la main, des herbes médicinales courantes, ainsi qu’un tas de carnets de notes médicales, couverts de pensées expérimentales griffonnées à la va-vite.
Sur la boîte du gu, un petit bout de papier disait, de sa propre écriture : « Ne pas regarder en cachette ».
Après avoir lu le papier, il remit sagement la boîte en place, puis tendit les talismans et les herbes à Song Jincheng : « Je me souviens que ces trucs peuvent se vendre. »
Song Jincheng fut encore plus déprimé : « Les herbes, on peut les cultiver, et les talismans sont produits en masse… Tout ça vaut à peine deux pierres spirituelles. »
Song Qingshi, surpris : « Les talismans sont si bon marché ? »
« Tu viens vraiment de la campagne… tu es encore plus ignorant que moi, » soupira Song Jincheng. «Il y a plus de mille ans, Dame Nian a inventé une méthode de production en série pour les talismans. Les plus courants sont devenus des biens de consommation. Et regarde : ceux-là sont dessinés à la main ? Tu ne vas pas me dire que c’est toi qui les as faits ? »
Song Qingshi acquiesça. Son idée de vendre des talismans pour gagner sa vie s’envola. Il proposa de nouveau : « Une fois mes blessures guéries, je ferai de l’alchimie pour vendre des pilules. Je suis très bon en alchimie, tout le monde veut mes médicaments. Je pourrai vite rembourser. »
« Tu parles fort pour un petit cultivateur de la Construction des Fondations, » répliqua Song Jincheng en le regardant, puis, d’un ton docte, demanda : « Tu sais faire les Pilules d’Or Obscur Céleste ? Les Pilules de Pureté Profonde ? Les Pilules de Calme de la famille Xue ? Ou l’Onguent aux Herbes Zhi de Dame Li ? »
C’étaient là les pilules les plus populaires sur le marché : ingrédients simples, faciles à fabriquer.
Les élèves de la Vallée de la Médecine les faisaient souvent pour gagner quelques pierres spirituelles.
À l’écoute de ces noms de pilules inconnus, Song Qingshi perdit toute contenance. Sa confiance en lui en prit un coup...
« Ne fais pas le malin, » dit Song Jincheng, attendri de le voir au bord des larmes. « Notre Vallée de la Médecine suit une règle d’humanité et de bienveillance. Et puis… tu es mon tout premier patient… Bon, tu as déjà pris les médicaments. Tu peux me payer plus tard. Prends ton temps. Ma famille n’est pas pauvre, mes parents me donnent de l’argent. Cette fois, j’ai juste raté mes examens et je n’ai pas osé leur en demander... »
Song Qingshi, ému, répondit : « Tu es vraiment quelqu’un de bien. Je t’aiderai à étudier à l’avenir. »
Il décida de bien traiter ce fainéant à l’avenir : vingt fiches par jour pour en faire un élève modèle. Ce serait sa manière de lui rendre la pareille.
Song Jincheng le trouva attendrissant de naïveté, et répondit à la légère : « Très bien, très bien. Commence par entrer dans la Vallée de la Médecine. »
Tous deux continuèrent à trier les affaires. Song Jincheng tomba sur un carnet étrange, à l’écriture plus soignée. En le feuilletant, il vit qu’il contenait des notes sur les habitudes de quelqu’un : plats préférés, couleurs aimées, centres d’intérêt, date de naissance… Il le tendit à Song Qingshi en ricanant : « Ce serait pas la personne que tu aimes en secret, par hasard ? »
Song Qingshi prit le carnet, jeta un œil… et resta figé.
Une silhouette rouge réapparut dans son esprit, une douleur suffocante lui saisit le cœur, comme si une partie de lui avait été arrachée. C’était pire qu’une explosion de fourneau, plus douloureux que la mort de ses souris de laboratoire… une blessure que rien ne pouvait combler.
Des larmes se mirent à couler, incontrôlables.
Song Jincheng, paniqué, balbutia : « T-tu vas bien ? »
Song Qingshi, conscient d’avoir perdu le contrôle, se força à ravaler sa peine, essuya ses larmes, et affirma : « C’est quelqu’un que j’aimais. Mais je ne me souviens plus. »
Song Jincheng demanda : « Il y a un nom écrit dans le carnet ? »
Song Qingshi secoua la tête : « Non. J’ai juste noté des habitudes et des caractéristiques. Mais… »
« Tu as le nez collé dessus, laisse-moi analyser ça avec un regard extérieur, » proposa Song Jincheng, toujours aussi enthousiaste. Il feuilleta le carnet. « Regarde, là, tu as écrit : bon en cuisine, fait très bien à manger, ses desserts sont encore meilleurs, ses glaces sont les meilleures… Tu aimes les desserts ? »
Song Qingshi le regarda avec espoir : « Oui ! J’adore les desserts, surtout les glaces. »
Song Jincheng, envieux, dit : « Si ce n’est pas un cuisinier, c’est que cette personne t’aime beaucoup pour te faire autant de choses que tu aimes. »
Les paroles de Song Jincheng adoucirent la peine de Song Qingshi.
Puis Song Jincheng demanda : « Ce n’est pas ta mère, n'est-ce pas ? »
Song Qingshi secoua la tête : « Je n’ai pas de proches dans ce monde. »
« C'est tellement pitoyable., » remarqua Song Jincheng en lui tapotant la tête pour le consoler, puis il reprit son analyse : « Dans le carnet, c’est écrit que cette personne est intelligente, belle, gentille, adorable, attentionnée, douce… Elle aime le blanc et le rouge, est un peu fragile, a l’estomac délicat, aime s’entraîner à l’épée, faire des potions, lire, étudier… Laisse-moi réfléchir… »
Il se plongea dans ses pensées, et son expression se déforma peu à peu.
Song Qingshi le regardait avec espoir, attendant la réponse.
« Comment peux tu avoir autant de chance ?! » Song Jincheng, imaginant la personne décrite dans le carnet, devint fou de jalousie. Il attrapa Song Qingshi par les épaules et s’écria : « C’est forcément une fille belle et gentille ! Douce, vertueuse, bouleversante, et en plus elle sait cuisiner ! Mon dieu ! C’est la déesse de mes rêves ! Dis-moi ! Comment as tu fait pour attraper une fille pareille ?! Allez, apprends-moi ! »
Song Qingshi en resta hébété : « Une fille ? »
Il n’était pas très sûr de son orientation, il avait juste l’impression que tant qu’il aimait quelqu’un, c’était suffisant…
Song Jincheng poursuivit : « Regarde, ici c’est noté que cette personne est très sensible, qu’elle a besoin qu’on fasse attention à ses émotions. Ça ressemble pas du tout à un homme insensible, non ?»
Song Qingshi conclut : « Donc, celle que j’aime, c’est une fille sensible et mélancolique ? »
« Non, une déesse, » rectifia Song Jincheng avec conviction. « Et regarde ce que t’as griffonné sur les pages blanches : des mots comme “vertueux”, “beauté”, “envoûtant”… tu vas pas me faire croire que c’est pour un homme ? Et tuas écrit plein de fois “très belle”… Elle est belle à quel point, exactement ? »
Song Qingshi réfléchit en se remémorant l’ombre rouge dans sa mémoire : « À peu près… belle à en faire tomber un royaume ? »
« Tu racontes n’importe quoi ! Une beauté pareille, et elle serait tombée sur toi ? » Song Jincheng le fusilla du regard, furieux. Il le regarda de haut en bas : « Bon, tu as une tête correcte, mais tu es trop mince… Franchement, tu ne ressembles pas au genre qui serait populaire auprès des filles. Pourquoi un gars comme toi a une petite amie, alors que moi, beau, grand, je suis encore célibataire ?! »
Song Qingshi réfléchit : « Je suis plus entreprenant. »
Song Jincheng fronça les sourcils : « Entreprenant ? »
Song Qingshi répondit avec assurance : « Quand tu tombes amoureux, faut déclarer tes sentiments tout de suite, remettre tous tes biens, offrir plein de cadeaux, et surtout obéir. Si elle te dit d’aller à l’est, tu vas à l’est. Si elle te dit de t’agenouiller sur la planche à laver, tu t’agenouilles. Tout ce que dit ton amie est juste. Et si ce n’est pas juste, tu te réfères à la règle précédente. »
C’était ce que son père du monde moderne lui avait appris. Sa mère et sa sœur disaient que c’était un très bon enseignement.
Il savait qu’il avait un faible quotient émotionnel, qu'il n'était pas doué pour exprimer ses sentiments, alors il avait décidé que lorsqu’il tomberait amoureux, il suivrait ces règles à la lettre.
Ce carnet prouvait que sa méthode fonctionnait.
Song Jincheng hésita : « Et la dignité masculine, alors ? »
Song Qingshi lui demanda très sérieusement : « Tu préfères avoir une petite amie ou ta dignité ? »
Song Jincheng lui tapa l’épaule avec émotion : « Frère, t’es plus profond que je croyais. »
Song Qingshi déclara avec fermeté : « Même si je ne me souviens plus d’elle, je vais la retrouver. »
« Attends, » dit Song Jincheng, se rappelant soudain quelque chose. « Tu dis que tu n’as pas de proches, que tu es nul pour gagner de l’argent, mais quelqu’un t’en a donné beaucoup… »
Song Qingshi acquiesça.
Song Jincheng devint encore plus jaloux : « Dis, tu ne serais pas un petit mignon entretenu par une femme ? »
Le visage de Song Qingshi noircit immédiatement. Il voulut protester, mais ne trouva rien à dire. Tel un poisson-globe, il gonfla de rage et resta muet. Après un long moment, il se demanda si l’autre n’avait pas raison. S’il ne savait pas gagner d’argent, il était peut-être vraiment un bon à rien entretenu par une femme… Cette pensée le rendit profondément triste. Il se promit alors de se ressaisir, de travailler dur, de gagner de l’argent, pour ne pas que la femme qu’il aimait souffre…
Song Jincheng ouvrit la fenêtre et regarda dehors avec une mélancolie démesurée pour son âge. Il soupira : « Ce monde est vraiment injuste. »
Dehors, les oiseaux criaient à tue-tête.
Il avait l’impression que ces jours-ci, tous les oiseaux devenaient fous, volaient partout, piaillaient sans cesse, comme s’ils cherchaient quelque chose.
« Quelle cacophonie. » Il referma la fenêtre avec irritation et grommela : « Ce n’est même pas le printemps, pourquoi ils font tout ce raffut ? »
Song Qingshi approuva : « C’est vrai que c’est un peu bruyant. »
Traduction: Darkia1030
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