MISVIL - Chapitre 71 - Réponse parfaite

 

Un élève modèle doit obtenir la note parfaite dans tout ce qu’il entreprend.

 

Song Qingshi reçut les documents envoyés par l’Immortel Ye Lin, et resta silencieux.

Il avait suivi des cours d’éducation sexuelle, et pensait que les relations entre homme et femme étaient simples. Il ne s’attendait pas à ce que celles entre hommes soient bien plus complexes, qu’il faille autant de méthodes étranges pour satisfaire la partie pénétrante.

Un érudit-tyran se devait de viser le sans-faute dans tout ce qu’il entreprenait, aussi difficile cela soit-il.

Profitant du temps nécessaire à l’éclosion de la nouvelle génération de papillons de la Mort Noire, il sortit un nouveau carnet de notes, commença à feuilleter les ouvrages reçus, souligner les points importants et prendre des notes.

D’abord, il confirma que sa racine spirituelle était très adaptée à la transmission de cultivation par la méthode du four de cultivation. Si l’accident qu’il redoutait ne survenait pas, ou si son âme de niveau âme naissante n’était pas complètement brisée, il tenterait de convaincre Yue Wuhuan d’accepter une partie de son pouvoir spirituel, afin de renforcer ses capacités d’auto-préservation.

Yue Wuhuan réprimait ses désirs au point de se blesser lui-même.

C’était un signal dangereux, qu’il ne fallait surtout pas ignorer.

Mieux valait désamorcer plutôt que bloquer un problème psychologique. Plutôt que de laisser Yue Wuhuan fuir sans cesse dans l’angoisse, avec des conséquences de plus en plus graves, il fallait essayer une désensibilisation : le confronter directement à la source de son anxiété.

Yue Wuhuan devait comprendre que désirer la personne qu’il aimait n’avait rien d’effrayant. Ce qu’il souhaitait faire ne causerait aucune blessure. Certes, cela pouvait faire mal, mais si c’était consenti, alors cela pouvait aussi devenir un plaisir.

Cependant… Était-ce si difficile d’être celui qui recevait ? Les images montraient plein de positions complexes et de pratiques qui semblaient douloureuses rien qu’à les regarder.

Plus il lisait, plus Song Qingshi était tiraillé. Il ignorait ce que Yue Wuhuan aimait, mais il pensait qu’il valait mieux commencer par des choses simples pour les débutants, et essayer ce qu’il pouvait faire.

Il étudia également attentivement les romans, notant les termes professionnels à employer dans l’intimité, ainsi que les phrases qui plaisaient à la partie active. Dans de nombreux romans, la partie pénétrante aimait poser des questions pendant l’acte ; répondre correctement donnait des points bonus.

Il faut toujours être préparé à toute éventualité.

Et s’il arrivait que Yue Wuhuan pose une question, mais qu’il réponde à côté, que faire ?

Il fallait donc aussi prévoir une liste complète de questions potentielles et de réponses, et bien les mémoriser.

Il fallait aussi préparer toutes sortes de baumes et de médicaments. Même si cela tournait au désastre, il ne devait pas gémir de douleur, ni finir comme dans les romans où le personnage est blessé au point de ne plus pouvoir bouger. Ce serait une honte pour un cultivateur de niveau âme naissante, et cela ne ferait qu’aggraver l’ombre psychologique de Yue Wuhuan.

Après plusieurs jours de préparation, sûr d’avoir tout envisagé, il utilisa sa perception spirituelle pour localiser Yue Wuhuan. Puis, à la nuit tombée, il retourna dans sa chambre et partit à sa recherche.

Ne trouvant toujours pas de substitut au bambou du cœur céleste, Yue Wuhuan craignait que les câlins et baisers du Maître ne le fassent perdre le contrôle, et avait cherché un prétexte pour esquiver.

Song Qingshi, pris de panique, érigea une barrière de flammes pour bloquer la sortie. Il se lança, la voix tendue : « Parlons. »

Yue Wuhuan, acculé, demanda : « De quoi veux-tu parler ? »

Song Qingshi répondit sans hésiter : « Du bambou du cœur céleste. »

« Comme tu peux le voir, mon corps est pitoyable. Il réagit très facilement au désir, » avoua Yue Wuhuan, résigné. « J’ai peur de ne pas pouvoir garder ma rationalité, de perdre tout sentiment de honte et de te faire des choses sales et dégradantes. C’est pour cela que j’ai besoin du bambou du cœur céleste. »

Song Qingshi demanda, hésitant : « Sales et dégradantes ? »

Il avait toujours cru être un novice, alors que Yue Wuhuan, expérimenté, savait tout. Pour lui, "sale" avait un sens symbolique : cela représentait les traumatismes physiques et psychiques causés par la contrainte, la laideur de l’âme humaine. À présent, il comprenait enfin que Yue Wuhuan n’avait jamais reçu une véritable éducation en matière d’hygiène et de sexualité, et qu’il avait subi tant d’insultes, forcé d’admettre sa soi-disant débauche, qu’il en était venu à considérer une réaction physique normale comme une monstruosité, à rejeter ses instincts, de peur d’être à nouveau humilié par son propre désir.

Le désir est un besoin humain naturel, mais il doit s’exprimer dans le respect mutuel, et les activités pertinentes doivent être menées de manière disciplinée et méthodique.

Song Qingshi décida donc de lui faire un véritable cours, expliquant la structure du corps humain et les bases de l’hygiène sexuelle. Il partit de l’évolution humaine, dessina des schémas anatomiques, y ajouta des notions de sociologie et d’éthique, et parla pendant plus d’une heure, au point d’en oublier l’objectif initial de sa visite.

Yue Wuhuan était complètement perdu, à bout de forces. « Nous sommes différents… Mon corps… éprouve un désir très intense pour toi, mais toi, tu n’as pas de désir pour moi. Ton corps est si pur, tu ne comprends rien… »

Ce contraste était trop cruel…

Il ne pouvait l’accepter, et se dégoûtait encore plus.

Song Qingshi vit sa fuite, et l’embrassa profondément sur les lèvres.

Yue Wuhuan en fut étourdi.

Song Qingshi était doué pour apprendre. Depuis quelque temps, ils s’embrassaient matin et soir, et grâce aux conseils de Yue Wuhuan, il avait peu à peu maîtrisé l’art de donner du plaisir à deux. Ce soir, il rendait une copie parfaite.

Yue Wuhuan sentit son corps chauffer. Il craignait de se ridiculiser, voulut repousser celui qui se pressait contre lui, mais se rendit compte que son corps à lui aussi avait changé.

« Wuhuan, tu l’as senti ? » dit doucement Song Qingshi en le relâchant. « J’ai du désir pour toi. C’est juste que je suis lent à réagir, je ne savais pas comment l’exprimer. J’avais peur que tu n’aimes pas ça. »

« Mais moi, j’aime ça, » souffla Yue Wuhuan, haletant.

Song Qingshi l’embrassa à nouveau, respira profondément, et déclara fermement : « N’utilise plus le bambou du cœur céleste. Tu peux me faire tout ce que tu veux. Je n’ai pas peur de la douleur. »

« Tu sais ce que tu dis ? » Yue Wuhuan comprit parfaitement ce qu’il voulait dire. Luttant pour garder un peu de raison, il essaya de l’en dissuader : « Tu es un homme. Endurer ce genre de choses, tu ne trouves pas ça humiliant ? »

« Non, » répondit Song Qingshi après avoir réfléchi un moment, « je ne fais ces choses qu’avec quelqu’un que j’aime. Ce n’est pas honteux. »

Yue Wuhuan n’en croyait pas ses oreilles : « Tu m’aimes ? »

Song Qingshi le regarda droit dans les yeux, avec sérieux : « Wuhuan, je t’aime. »

Cette phrase, qu’il avait autrefois tant rêvé d’entendre, le ramena dans le plus beau de ses rêves illusoires.

Yue Wuhuan resta figé, les yeux perdus dans ceux limpides du jeune homme, où il ne vit que son propre reflet. Il lui sembla entendre les battements de son propre cœur.

Le monde réel se superposa à celui de l’illusion…

Les chaînes autour de son cœur se brisaient peu à peu, la bête du désir rugissait en lui, et l’artefact qui bloquait ses émotions semblait avoir perdu tout effet. Il oublia de réprimer ses sentiments…

Song Qingshi, sentant que son corps avait atteint sa limite, sortit quelques flacons de pommades et de baumes qu’il plaça dans sa paume : « N’aie pas peur, je ne serai pas blessé.»

Yue Wuhuan, rassemblant le peu de raison qui lui restait, murmura : « Qingshi, non… tu ne peux pas… »

Song Qingshi défit ses habits. Il était comme un cadeau, qu’on déballait couche après couche, dévoilant l’âme la plus pure, prêt à s’offrir entièrement à celui qu’il aimait, désireux de laisser en lui une empreinte indélébile.

Yue Wuhuan ne pouvait détacher ses yeux de lui.

« Wuhuan, dans quelle position veux-tu me faire ces choses ? » Song Qingshi se rappela les notes qu’il avait prises. Jetant un coup d’œil discret à ses antisèches, il trouva cela bien trop compliqué et, un peu hésitant, préféra laisser le choix à celui qui avait plus d’expérience : «Je dois m’allonger ? Me mettre à plat ventre ? À genoux ? Ou être attaché ? »

Le dernier fil de raison de Yue Wuhuan céda.

Des lianes de sang jaillirent de toutes parts, s’enroulant autour des bras et des jambes de Song Qingshi, l’attirant tout entier à lui et le maintenant fermement sous son contrôle. Il inspira doucement le parfum médicinal tant désiré au creux de son cou. Sa voix tremblait, rauque : « Il est trop tard pour regretter. Tu sais vraiment ce que tu es en train de faire ? »

« Oui, » répondit Song Qingshi après un instant, se souvenant de la réplique parfaite lue dans les romans, « je suis en train de rembourser ma dette. »

Dans les yeux de Yue Wuhuan, une folie terrifiante jaillit. Sa larme de beauté brillait d’un rouge presque sang sous l’effet du désir. La bête affamée, cachée depuis tant d’années, s’était enfin échappée de sa cage. Il avait tellement faim, une faim insupportable. Il devait dévorer lentement sa proie tant convoitée, la lécher de sa langue, la profaner de ses griffes, jusqu’à la déchirer et l’engloutir morceau par morceau sans laisser le moindre répit.

La blancheur immaculée du papier fut enfin souillée…

Et tout portait son odeur.

*

Le lendemain matin, Song Qingshi se réveilla dans les enchevêtrements des lianes de sang. Il essaya de bouger un peu, mais se rendit compte qu’il était étroitement enroulé contre la poitrine de Yue Wuhuan.

Celui-ci, après avoir relâché tous ses désirs refoulés et accompli tout ce qu’il avait à faire, n’avait plus fait de cauchemars. Son esprit, un peu apaisé, céda à une fatigue accumulée depuis des années, et il s’était profondément endormi.

Song Qingshi, ne voulant pas troubler ce sommeil rare et paisible, cessa de bouger. Collé à son cœur, il écoutait le rythme de ses battements, et repensait à sa propre performance de la nuit passée : avait-il au moins la moyenne ?

Il faisait mine d’être calme, mais au fond, il était plutôt nerveux.

Ce genre de choses était bien moins douloureux qu’il ne l’imaginait. C’était même plutôt agréable… Un sentiment étrange, difficile à décrire. Le seul problème, c’était que Yue Wuhuan avait un contrôle bien trop absolu. Son propre corps avait totalement perdu le sien, devenant terriblement sensible, intensément stimulé. Il n’avait pas pu retenir ses larmes, ce qui était un peu embarrassant.

Vers la deuxième moitié, son esprit était embrouillé, il n’arrivait plus à suivre. Yue Wuhuan avait dû lui demander s’il pouvait continuer ou s’il voulait arrêter. Heureusement, il se souvenait encore des réponses types du manuel, et avait balbutié :

« Encore… »,
« Tue-moi… »,
« C’est trop bon… »

Et ensuite, Yue Wuhuan était devenu encore plus fou…

Il n’avait plus aucun souvenir après ça. Le trou noir.

Song Qingshi y repensa longuement. Il estimait ne pas avoir fait d’erreurs majeures. Il avait prévu de se nettoyer et d’appliquer les baumes tout seul, mais Yue Wuhuan, le visage sombre, les lui avait arrachés des mains, refusant catégoriquement de le laisser faire.

Maintenant que cette affaire était réglée, il pouvait considérer qu’il n’était plus célibataire, non ?

Song Qingshi pensa cela avec une douce satisfaction.

*

Yue Wuhuan ne se réveilla que très tard. Avant d’ouvrir les yeux, il croyait encore avoir fait un rêve agréable. Même s’il avait fini par perdre le contrôle, le Song Qingshi du rêve était si doux… Peu importait à quel point il s’était montré terrifiant, il n’avait jamais fui, ni supplié, et l’avait même encouragé à se laisser aller complètement, jusqu’à la perte totale de contrôle.

Ce rêve ne laissait presque aucun remords. Il était… comblé.

Il espérait pouvoir recommencer.

Yue Wuhuan ouvrit les yeux. Il vit Song Qingshi allongé sur lui, le corps couvert de baisers et de morsures, constellé de traces rouges. Ses poignets et ses chevilles portaient encore les marques laissées par les lianes de sang lors de sa perte de contrôle.

Quand Song Qingshi le vit éveillé, il lui déposa un baiser et dit doucement : « Bonjour. »

Tout le corps de Yue Wuhuan se figea. Son esprit, d’ordinaire si lucide, sombra dans la confusion…

La folie de la nuit passée n’était pas un rêve. Qu’avait-il donc fait ? Il se souvenait vaguement d’être allé trop loin, d’avoir continué même lorsque l’autre avait pleuré, et d’avoir été excité à l’excès par cela. Il se rappelait aussi avoir dit des choses obscènes et sans aucune retenue.

Il méritait mille fois la mort si une seule flamme fantomatique venait à tomber sur lui.

Aussitôt, Yue Wuhuan rappela les lianes de sang, les faisant disparaître, et attendit, inquiet, le verdict final.

Song Qingshi se redressa et s’étira légèrement. Les romans disaient que, lorsque la nuit avait été trop intense, on ressentait des douleurs dans tout le corps. Il trouvait cela un peu exagéré. Les cultivateurs avaient une grande capacité de régénération, rien de si terrible. Yue Wuhuan avait aussi été très doux au début. Il n’avait que quelques lacérations superficielles, qui guériraient vite.

Le Seigneur Immortel Ye Lin lui avait bien recommandé d’être doux avec Yue Wuhuan, de ne pas lui faire de mal.

Mais lors de la pratique, il s’était rendu compte qu’il avait eu du mal à contenir une envie irrépressible de le mordre ou de le griffer, surtout dans les moments d’excitation. Il avait fait de son mieux pour se maîtriser, mais à la fin, il n’avait pu s’empêcher de lui laisser une morsure sur l’épaule.

Song Qingshi se pencha pour examiner la marque. Ce n’était pas profond. Il estima que cela méritait, au pire, une petite pénalité de deux points.

Voyant qu’il ne semblait pas en colère, Yue Wuhuan fut encore plus troublé. Il avait mal contrôlé sa force, et avait laissé sur la peau blanche comme neige de Song Qingshi de nombreuses traces, presque choquantes à voir.

Song Qingshi remarqua son regard, baissa les yeux sur son propre corps, et sourit : « Ce n’est rien. J’ai des capillaires très fragiles, au moindre contact une trace apparaît. Ça ne fait pas mal du tout. Avec un peu de baume, ça disparaîtra vite. »

Yue Wuhuan demanda prudemment : « Tu ne trouves pas que j’ai été trop… excessif ? »

Song Qingshi, enfilant ses vêtements avec aisance, répondit avec naturel : « Pas du tout. En fait, je pensais que ce serait plus effrayant. Mais Wuhuan a été très doux. Ce n’était pas douloureux. »

Yue Wuhuan, stupéfait par son air satisfait, resta figé. Soudain, il aperçut une petite fiche tomber de la manche de Song Qingshi. C’était apparemment une antisèche préparée en vue de cette nuit. Il y avait dessus une liste détaillée de diverses pratiques qu’il souhaitait expérimenter, certaines plutôt audacieuses — deux d’entre elles lui étaient même inconnues.

Il comprit…

Le gu d’illusion contenait forcément des éléments trompeurs.

Le jeune homme qu’il aimait n’était pas tant attiré par la douceur et la délicatesse de l’illusion, mais préférait plutôt les expériences nouvelles et… intenses ?

Alors, peu importait à quel point il devenait fou dans l’intimité, cela ne poserait aucun problème ?

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

 

Créez votre propre site internet avec Webador