MISVIL - Chapitre 51  - Liste de cadeaux et carte de visite

 

Il avait quelques questions à poser à ce petit idiot.

 

Soudain, on entendit des coups frappés à la porte avec précipitation.

Un jeune disciple de la secte Chiyun arriva en courant pour annoncer : « Quelqu'un du Pavillon du Phénix d'Or est venu demander à voir l'Immortel Médecin. Voici la liste des cadeaux qu'ils ont apportés. »

Song Qingshi faillit recracher la soupe sucrée qu'il avait dans la bouche. Inquiet, il jeta un coup d'œil à Yue Wuhuan, dont le visage était assombri, et aurait voulu jurer haut et fort.

Il n'avait vraiment aucun lien avec cette fichue secte ! Et il ne voulait surtout pas en avoir !

Cependant, le Pavillon du Phénix d'Or jouissait d'une grande renommée dans le monde immortel. Les disciples de la secte Chiyun, peu habitués à de telles visites, furent à la fois stupéfaits et effrayés par cette montagne de cadeaux. Pris de panique, ils se précipitèrent pour annoncer l'arrivée, confirmant ainsi tacitement que l'Immortel Médecin était bien leur invité. La liste des cadeaux et la carte de visite lui furent présentées sans lui laisser la moindre chance de trouver une excuse pour refuser.

Song Qingshi jeta un regard glacial à la liste des cadeaux et y vit une longue énumération de plantes médicinales rares, toutes précisément celles qui lui faisaient le plus envie, le rendant incroyablement nerveux.

Non, pour le bien de son petit ange, il devait fermement rejeter ces ordures !

Il repoussa la liste avec détermination, faisant mine de n'avoir rien vu, puis frappa la table en s'exclamant furieusement : « Je ne les recevrai pas ! »

Yue Wuhuan jeta un coup d'œil à la carte de visite et déclara calmement : « Ça ne coûte rien de les rencontrer. »

L'expression de colère de Song Qingshi s'effondra instantanément. Il se retourna, abasourdi, pour regarder Yue Wuhuan...

Celui-ci prit la liste des cadeaux des mains du disciple de la secte Chiyun, y jeta un coup d'œil et dit en souriant : « Puisqu'ils sont déjà là, il faut bien comprendre ce qu'ils veulent. Va préparer le lieu de réception, le salon des fleurs conviendra-t-il ? »

Le disciple de la secte Chiyun, voyant qu'ils avaient accepté la carte de visite et la liste des cadeaux, acquiesça vivement et partit en courant.

« Pourquoi veux-tu rencontrer ces gens ? » s'énerva Song Qingshi en tirant sur la manche de Yue Wuhuan, visiblement paniqué. « Ce sont des ordures, je les déteste ! Si seulement j'avais assez de pouvoir, je brûlerais cet endroit maudit... »

« Rassure-toi, Maître, » dit Yue Wuhuan en feuilletant la carte de visite. Il montra un nom et sourit : « Ce n'est pas Jin Feiren qui est venu, mais Bai Zihao, son ancien esclave. Non, à présent, il a été affranchi et est devenu le trésor chéri de Jin Feiren. Ce dernier s'est même fait mordre par un loup de feu dans le Domaine des Flammes Extrêmes pour le protéger. On dit qu'ils vont bientôt devenir partenaires taoïstes. »

Song Qingshi trouva ce nom familier et, après un moment de réflexion, se rappela qu'il s'agissait du jeune homme en vêtements blancs qu'il avait vu autrefois à la Plateforme de Langan.

Une liane de Sang s'enroula à nouveau autour de son poignet, se balançant doucement comme si elle quémandait de l'attention.

« Ce type n'est pas une mauvaise personne, » poursuivit Yue Wuhuan en souriant. « Maître, vas donc le rencontrer. Je suis curieux de savoir ce qu'il veut. »

Song Qingshi était complètement impuissant face aux demandes de son petit ange. Même si c’était à contrecœur, il ne pouvait qu'accepter...

Yue Wuhuan arrangea soigneusement les cheveux en désordre de Song Qingshi, lança deux sorts de nettoyage sur sa robe pour lui donner une allure digne de l'Immortel Médecin, puis l'encouragea vivement à se rendre au salon des fleurs pour accueillir les visiteurs. Il laissa également une liane de Sang le suivre discrètement afin de surveiller la situation.

Song Qingshi, le cœur lourd, arriva au salon des fleurs. Pour montrer son mécontentement d'avoir été dérangé dans ses expériences, il s'assit avec un visage fermé dans le fauteuil de maître, ses doigts tapotant nerveusement la table pour bien montrer qu'il n'avait aucune envie d'écouter des futilités.

Le disciple de la secte Chiyun introduisit alors l'envoyé du Pavillon du Phénix d'Or.

Quand Song Qingshi vit le visiteur, il ne put s'empêcher de rester figé un instant.

À ses yeux, Yue Wuhuan était de loin la plus belle personne au monde, mais le jeune homme nommé Bai Zihao lui avait tout de même laissé une forte impression, comme une lune brillante dans le ciel. Sans être d'une beauté époustouflante, il attirait néanmoins le regard de façon irrésistible.

Aujourd'hui, Bai Zihao semblait encore plus raffiné, avec une élégance subtile, presque envoûtante, comme une fleur délicatement taillée et arrangée dans un vase pour être admirée à loisir.

Bien qu'il fût toujours aussi beau, il semblait étrangement résigné à son sort…

Jin Feiren l'aimait vraiment, l’ayant fait passer d'un statut d'esclave à celui de futur partenaire taoïste du maître du Pavillon du Phénix d'Or, une ascension que tout le monde dans le monde immortel enviait.

Mais Song Qingshi ressentait un malaise indescriptible, comme si quelque chose clochait...

Sachant qu'il détestait les détours et les sous-entendus, Bai Zihao s'inclina respectueusement avant de demander franchement : « J'ai entendu dire que le Roi de la Médecine a obtenu des perles d'eau spirituelles du Monstre d'Eau de Dix Mille Ans. Jin Feng du Manoir du Phoenix doré souhaite en faire la demande. Pourrions-nous savoir si vous seriez prêt à vous séparer de ce trésor ? »

En plus de permettre la fabrication de la Poudre d’Eau Claire, les perles d’eau spirituelles possédaient des propriétés curatives exceptionnelles, notamment pour apaiser et soigner les blessures causées par le feu.

Bai Zihao avait une racine spirituelle de type eau. Pourtant, il n’avait pas demandé la Poudre d’Eau Claire pour lui-même, mais une perle d'eau spirituelle. Cela montrait clairement qu’il la réclamait pour Jin Feiren, ce misérable individu.

Song Qingshi bouillonnait de rage intérieurement, sans parvenir à trouver les mots pour l’exprimer. Alors, il tourna simplement les talons et s’éloigna.

Bai Zihao connaissait le caractère singulier de Song Qingshi et savait qu’il n’agissait jamais comme les autres. Il ne s’attendait pas à obtenir la perle d'eau spirituelle aussi facilement. Il choisit donc de se retirer pour s’installer dans la ville voisine, prêt à jouer la carte de la patience pour user son interlocuteur à la longue. Charmant et avenant, il savait se montrer généreux et sociable. Rapidement, il gagna la confiance de plusieurs disciples naïfs de la de la secte Chiyunqui lui rapportaient des informations en continu. Cela lui permit d'organiser plusieurs « rencontres fortuites » avec Song Qingshi.

Song Qingshi prenait très au sérieux son rôle de médecin. Avant de quitter un patient, il s’assurait toujours que son état soit stable et en phase de récupération.

Yan Yuan Xianjun n’avait pas un talent exceptionnel pour la cultivation. Âgé et en mauvaise santé, il souffrait de nombreux maux cachés qui s’étaient accumulés au fil des ans, provoquant des rechutes fréquentes. Song Qingshi décida donc de rester quelques jours de plus, fidèle à son éthique de « tout donner pour enseigner à ses disciples ». Il voulait s'assurer que son état ne dégénérerait pas après son départ.

Mais le harcèlement incessant de Bai Zihao le poussa à envisager sérieusement de partir…

Song Qingshi alla voir Yue Wuhuan pour se plaindre : « Cet animal de Jin Feiren sait sûrement que tu es mon disciple, non ? Alors pourquoi a-t-il encore l’audace de venir me demander la perle d'eau spirituelle ? Wuhuan, ne t'inquiète pas. Jamais je ne donnerai ce trésor à cet enfoiré ! Même s’il me supplie à genoux, je… »

Yue Wuhuan l’interrompit soudainement : « Donne-le-lui. »

Song Qingshi en resta bouche bée, presque suffoqué par la surprise. Il se ressaisit rapidement et, tel un ministre loyal réprimandant un empereur naïf, il répliqua avec véhémence : « Wuhuan, tu ne dois pas rendre le bien pour le mal ! »

« Ce n’est pas ce que je veux faire, » répondit Yue Wuhuan en réalisant le malentendu. Il expliqua calmement : « Jin Feiren a sciemment envoyé Bai Zihao pour demander la perle d'eau spirituelle. Bai Zihao… a vécu le même enfer que moi. Je n’ai aucune rancune contre lui, au contraire, j’ai même un peu d’affection pour lui. C’est une personne compatissante. Il m’a aidé en plaidant pour moi et en m’envoyant des médicaments. Je ne ressens donc aucune animosité à son égard. »

Song Qingshi resta un moment interdit. « Mais… il le demande pour Jin Feiren. »

« S’il repart les mains vides, il sera sûrement puni, » répondit Yue Wuhuan avec un sourire glacial. « Jin Feiren adore punir les gens et il sait s’y prendre avec une cruauté raffinée. Il ne montrera aucune pitié, même pour son compagnon. Maître, tu as dû remarquer les cicatrices sur le cou et les poignets de Bai Zihao ? Avec une sonde mentale, tu en découvrirais bien plus sur son corps. Il n’a pas le choix, il doit demander cette perle, sinon il subira un châtiment insoutenable à son retour. »

Song Qingshi ne comprenait pas : « Jin Feiren ne l’aime-t-il pas ? N’est-il pas censé être son compagnon taoïste ? »

Un compagnon taoïste devrait être quelqu’un que l’on chérit et que l’on protège de toute souffrance, non ?

Yue Wuhuan esquissa un sourire empreint d’amertume : « Jin Feiren traite ceux qu’il aime comme lui, et ceux qu’il n’aime pas… comme moi. »

Il n’y avait entre eux qu’une différence : être souillé par un seul homme, ou par plusieurs.

Song Qingshi comprit, et en fut écœuré au point d’en avoir la nausée, sans savoir quoi dire.

« Il n’est pas nécessaire de lui en vouloir. Ce n’est qu’un pauvre être qui n’a pas le choix de son destin, » déclara Yue Wuhuan, réfléchissant à sa propre situation, portant une peau de mouton (NT : cachant sa vraie personnalité). Alors qu’il parlait de Bai Zihao, une once de compassion parfaitement calculée teinta son visage, bien que son analyse demeurât d’une froide rationalité. « La blessure de la Flamme l’Extrême pourrait guérir sans la perle spirituelle, bien que ce soit plus compliqué et plus douloureux. Si Jin Feiren a envoyé Bai Zihao, avec qui j’ai un passé commun, pour demander ce remède accompagné de riches présents, c’est aussi un geste d’apaisement. Puisque nous ne sommes pas encore en mesure de défier Jin Feng, il vaut mieux accepter cette offrande en signe de bonne volonté, plutôt que de creuser le malentendu… »

Le Manoir du Phénix d’Or privilégiait parfois des esclaves qui, ayant gagné les faveurs de leurs maîtres, accédaient à une meilleure situation. Mais ces mortels, aussi choyés soient-ils, ne pouvaient provoquer de grandes vagues dans le monde des immortels. Yao Wang Gu vivait en retrait du monde, ce qui n'attirait d'habitude pas l’attention. Mais Yue Wuhuan avait causé beaucoup de remous ces dernières années, au point de devenir impossible à ignorer.

Bien qu’il se fût abstenu de toucher au Manoir du Phénix d’Or par prudence pour la sécurité de son maître, Jin Feiren restait méfiant envers Yue Wuhuan. Cette demande de perle spirituelle était sans doute aussi un moyen de sonder les intentions de Song Qingshi.

Si l’affaire était mal gérée, elle pourrait engendrer des problèmes sans fin.

Song Qingshi finit par se calmer en comprenant les implications politiques de l’affaire, mais il n’en demeurait pas moins profondément contrarié…

Mais la contrariété ne mène à rien.

Il fallait transformer cette frustration en motivation.

« Quand nous reviendrons de ce voyage, j'arrêterai les essais de médicaments que j'avais initialement prévus, » déclara Song Qingshi en prenant une profonde inspiration. Il était résolu à mettre de côté ses projets personnels pour se concentrer sur une priorité absolue. « J’ai déjà étudié le Nie Shi Du Jing. Les poisons de la Colombe Florale et du Papillon Noir pourraient être grandement améliorés. J’aimerais essayer de créer un poison capable de tuer un immortel au stade Division de l’esprit. Tu m’aideras… »

Il était déterminé à approfondir sa connaissance des poisons pour tuer ce monstre de Jin Feiren et venger Yue Wuhuan.

« D’accord, je t’aiderai. En passant par la ville de Nanhai, on pourra se procurer de l’herbe du Serpent Venimeux, » répondit Yue Wuhuan en voyant l’expression déterminée de son maître. Ne pouvant s’empêcher de le taquiner, il lui pinça la joue et ajouta : « Ne te mets pas dans cet état, Maître. Ça n’en vaut pas la peine. Laisse-moi donner la perle spirituelle à Bai Zihao. Après tout, nous nous connaissons depuis longtemps. J’aimerais discuter un peu avec lui. »

Le Manoir du Phénix d’Or n’avait pas assez d’importance pour que Yue Wuhuan lui en tienne rigueur.

Cependant, il avait des questions à poser à ce pauvre garçon

*

Song Qingshi ne faisait pas du tout confiance au Le Manoir du Phénix d’Or. Bien que Bai Zihao paraisse inoffensif, il était accompagné de plusieurs gardes du corps puissants. Yue Wuhuan pensait que Jin Feiren avait pris soin de choisir ceux qu’il n’avait jamais rencontrés autrefois, mais Song Qingshi craignait toujours un traître caché parmi eux.

Il insista pour accompagner Yue Wuhuan, refusant catégoriquement de le laisser y aller seul.

Yue Wuhuan, impuissant devant son obstination, finit par accepter et lui demanda de l’attendre au village voisin.

Bai Zihao logeait précisément dans la cour où ils avaient résidé quelques jours auparavant, ce qui facilita leur repérage.

Song Qingshi s’installa sur un arbre à proximité, déployant son esprit pour surveiller la sécurité de Yue Wuhuan tout en regardant distraitement les nuages.

Ses pensées furent interrompues par le brouhaha du village.

Le soleil déclinait, et les villageois rentraient chez eux après une journée de travail, échangeant rires et plaisanteries. Un jeune bouvier chantait une chanson d’amour en taquinant une fille qui rentrait les bras chargés de lotus. Elle lui lança une fleur en riant, le laissant couvert de pétales. Deux commères se disputaient bruyamment près de la rivière, échangeant des insultes crues, mais elles firent bientôt la paix, comme si de rien n’était.

Song Qingshi retint quelques insultes colorées, se disant qu’elles pourraient être utiles pour réprimander Alasi jia.

Sur le sentier, un paysan portait fièrement un cerf sur ses épaules, criant à ses amis : « Je l’ai trouvé au pied de la montagne, ce soir, amenez de bonnes victuailles et on festoiera jusqu’à l’aube ! » Ses compagnons s’émerveillèrent devant la belle prise, s’empressant de toucher le gibier pour s’assurer de sa fraîcheur.

Song Qingshi observa le cerf et tressaillit.

Il sauta immédiatement de l’arbre et arracha l’animal des mains du paysan. Une flamme de lotus rouge jaillit de sa paume, réduisant la bête en cendres.

Le paysan le regarda comme s’il venait de voir un fantôme.

Song Qingshi balbutia : « Ça… ça ne se mange pas, il ne faut pas le toucher… »

Song Qingshi attrapa précipitamment le fermier, faisant surgir le Feu Fantôme dans sa main. Le feu tourna autour de lui deux fois avant qu'il ne relâche le fermier. Ce dernier, tremblant de peur, se mit à pleurer abondamment et se prosterna en suppliant : « Je vous en prie, Ancien Immortel, épargnez ma vie. »

Song Qingshi, un peu perturbé, se sentit de nouveau étouffé par ses propres mots. Il était dans l'incapacité de trouver les bonnes paroles. Après avoir réfléchi un moment et préparé mentalement ce qu'il voulait dire, il attendit un instant pour pouvoir expliquer la situation clairement. Mais à l'instant où il se préparait, le fermier s'était déjà échappé, et les villageois aux alentours prenaient également la fuite.

Song Qingshi essaya de les rattraper pour leur expliquer, mais son feu spectral avait déjà effrayé tout le village.

Il resta là, désespéré, murmurant à la route déserte : « Ce cerf… il est mort après avoir mangé une herbe toxique. Sa chair et sa peau sont imprégnées de poison… »

« Je… je voulais juste te purifier du poison… »

« N’aie pas peur… je ne te veux aucun mal… »

Il resta longtemps immobile, regardant la route vide, le cœur lourd.

Puis il utilisa son esprit pour rechercher l’herbe toxique au pied de la montagne, la brûlant pour protéger les villageois.

Finalement, il retourna sur sa branche, levant les yeux vers le ciel.

Les nuages étaient vraiment magnifiques.

Un profond sentiment de solitude l’envahit.

Il pensa à Yue Wuhuan et ressentit une tristesse qu’il n’arrivait pas à expliquer…

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

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