MISVIL - Chapitre 49 - Recherche culinaire

 

En capturant l'estomac de son disciple, on capture son cœur.

 

Le seigneur de la secte Chilong, Yan Yuan Xianjun, était grièvement blessé. De nombreux remèdes précieux avaient déjà été utilisés, et Song Qingshi avait même employé des aiguilles d'or pour guider son énergie spirituelle dans sa mer de conscience, effaçant ainsi les souvenirs terrifiants de l'incident. Il ne restait que quelques traumatismes psychologiques qui, tant que le Seigneur n'était pas confronté à des situations similaires, ne se manifesteraient pas.

Le meilleur médecin divin du monde immortel avait personnellement prodigué ses soins, en utilisant de nombreux élixirs spirituels. Cela devait coûter une fortune, non ?

La secte Chilong n'avait vraiment pas les moyens de payer une telle somme en pierres spirituelles et, extrêmement embarrassée, proposa de rembourser la dette petit à petit chaque mois.

Song Qingshi trouvait ces personnes plutôt sympathiques et, avec l'argent de poche généreusement offert par son petit ange, son habitude de fils de riche se manifesta. Il décida alors, avec une grande magnanimité, de réduire les frais de traitement. Toute la secte Chilong en fut extrêmement reconnaissante, émus jusqu’aux larmes. Lorsqu'ils apprirent que Song Qingshi aimait collectionner toutes sortes de livres, ils recopièrent volontiers pour lui les précieux manuscrits de formations de talismans conservés dans leur secte pour lui rendre cette immense faveur.

La fabrication de talismans ordinaires n'était pas très difficile, mais cela demandait beaucoup de temps et d'efforts. La plupart des cultivateurs préféraient les acheter tout faits.

La majorité des disciples de la secte Chilong étaient des orphelins recueillis par Yan Yuan Xianjun. Leur talent n'était pas exceptionnel, mais ils apprenaient avec lui l'art de fabriquer des talismans. Chacun travaillait selon ses capacités, respectait les règles et ne causait jamais de problèmes.

La jeune fille protégée par Yan Yuan Xianjun s'appelait Nian Nian. Son talent était exceptionnel, et elle était naturellement douée pour dessiner des talismans.

Song Qingshi examina l'amélioration qu'elle avait apportée au talisman de contrôle du feu et l'admira grandement. Il passa aussitôt commande de mille exemplaires auprès de Yue Wuhuan, puis lui recopia plusieurs anciens talismans rares conservés dans la vallée de la Médecine pour qu'elle les étudie. Nian Nian fixa l'un des symboles qui permettait de créer des illusions, semblant avoir eu une inspiration soudaine. Elle s'absorba alors totalement dans ses recherches, au point d'en oublier de manger et de boire.

Yan Yuan Xianjun, voyant cela, en fut très inquiet. Une fois sa blessure un peu guérie, il la gronda sévèrement.

Nian Nian se mit à le supplier en jouant les enfants gâtés, et ses frères et sœurs disciples s'en mêlèrent également, plaisantant avec affection. L'atmosphère était joyeuse et chaleureuse entre maître et disciples.

Yan Yuan Xianjun prit un air faussement sévère : « Si tu continues à ne pas te reposer comme il faut, je vais te marier pour m’en débarrasser. »

Nian Nian fit semblant de supplier : « Non, je veux rester ici pour toujours et prendre soin de mon maître ! »

*

En entendant cela, Song Qingshi ressentit un peu de jalousie sans trop savoir pourquoi...

Dans l'apprentissage, il n'y a ni avant ni après ; celui qui atteint la compréhension est maître.

Il décida alors secrètement de demander conseil à Yan Yuan Xianjun sur l'art d'être un bon maître. Il voulait savoir comment obtenir l'affection de ses disciples, pour qu'ils aiment leur maître et souhaitent rester à ses côtés pour toujours.

Yan Yuan Xianjun n'était pas un petit disciple naïf. Il connaissait la terrible réputation du Roi de la Médecine, qui contrastait fortement avec son apparence. Terrifié, il crut d'abord que Song Qingshi venait le chercher pour ne pas avoir payé sa dette et qu'il allait finir comme cobaye humain pour des expériences. Quand il entendit la véritable raison, il resta bouche bée, croyant encore être pris dans une illusion du Cœur Dévoreur de Cauchemars...

Song Qingshi sortit un carnet et un stylo, le visage sérieux : « Parle. »

« Je n'ai rien fait de spécial... J'ai juste enseigné mes compétences, c'est tout, » répondit Yan Yuan Xianjun, pensant que Song Qingshi voulait peut-être utiliser des méthodes spéciales pour mieux contrôler son disciple au visage défiguré. Mais, ne pouvant pas refuser à son bienfaiteur, il continua avec hésitation : « S'il y a bien quelque chose de particulier... peut-être que c'est parce que je leur prépare de bons petits plats ? Mes disciples adorent mes nouilles. Chaque fois qu'ils rentrent de mission, ils veulent en manger un grand bol, disant qu'ils ne trouvent nulle part ailleurs ce goût-là. Nian Nian les aime bien molles, Huang He préfère plus fermes, He Xiaoxiao demande toujours du piment, et Yue'er n'aime pas les oignons... »

Ce maître d'apparence ordinaire, en parlant de ses disciples, avait les yeux emplis de tendresse.

Song Qingshi en tira immédiatement les leçons suivantes :

Utiliser ses talents culinaires pour exprimer son affection.

Conquérir l'estomac de ses disciples, c'est conquérir leur cœur.

Apprendre à cuisiner.

Il réalisa que ne pas avoir pris la cuisine au sérieux était une erreur. À partir de ce jour, il devait s'y appliquer sérieusement.

Song Qingshi était un homme d'action. Il emmena immédiatement Yan Yuan Xianjun à la cuisine et, avec une rigueur scientifique, se mit à apprendre à faire des nouilles.

Maître en alchimie, il mesura chaque ingrédient au gramme près, nota la force de pétrissage, les tours effectués et la texture désirée. Il observa l'humidité de l'air, la température ambiante, l'épaisseur des ustensiles, la force du feu et même le temps de cuisson à la seconde près. Après avoir méthodiquement reproduit toutes ces étapes, il obtint enfin un bol de nouilles parfaitement réussi.

Yan Yuan Xianjun, abasourdi par cette méthode de cuisine si étrange, resta sans voix...

Song Qingshi goûta son plat, confirma qu'il était réussi, et tout joyeux, alla l'offrir à Yue Wuhuan.

Yue Wuhuan lisait tranquillement dns sa chambre. La Secte Chilong produisait des talismans depuis des décennies, et leurs méthodes étaient particulièrement uniques. Certains ouvrages, exclusifs à la bibliothèque de la secte, renfermaient des savoirs fascinants. Des connaissances et des techniques secrètes, introuvables ailleurs, se révélaient précieuses pour perfectionner ses marionnettes empoisonnées.

Soudain, Song Qingshi entra en courant avec un bol de nouilles qu'il lui tendit fièrement.

Regardant le bol de nouilles à la sauce soja, seulement décoré d’oignons verts, Yue Wuhuan hésita un instant avant de goûter. Les ingrédients étaient assez frais, le goût était simple, pas mauvais mais sans éclat non plus. Pourtant, voyant le regard plein d'attente de Song Qingshi, il comprit immédiatement...

Il fit semblant de ne rien remarquer et le félicita : « La cuisine de la secte Chilong est excellente, je n'avais jamais goûté de nouilles aussi délicieuses. »

Song Qingshi, ravi comme s'il avait affiné une pilule incroyablement difficile, répondit modestement : «Ce n'est pas si extraordinaire que ça. »

Yue Wuhuan, sans le décevoir, finit le bol de nouilles jusqu'à la dernière goutte du bouillon et ajouta : «C'est parce qu'elles sont faites avec le cœur. »

« Eh bien, j’ai déjà cuisiné. J’ai de l’expérience. » Song Qingshi, craignant que son plan ne soit dévoilé, se justifia avec insistance. Bien qu’il ait nourri Yue Wuhuan avec des pilules de jeûne et empoisonné le Malamute d’Alaska avec des boulettes de riz gluant, cela pouvait tout de même être considéré comme de la cuisine. Pourtant, une légère culpabilité l’envahit, et il changea de sujet en promettant : « Si tu aimes ça, je le ferai… enfin, pas tous les jours. Parfois, mes expériences m’accaparent. Mais… dès que j’aurai du temps, je cuisinerai pour toi. »

Yue Wuhuan eut du mal à comprendre. Pourquoi cette personne, qui oubliait même de manger lorsqu’elle plongeait dans ses recherches, était-elle soudain si enthousiaste à l’idée de cuisiner ?

« Yan Yuan Xianjun dit qu’un bon maître cuisine pour ses disciples, mais manger des nouilles tous les jours serait monotone, non ? » Song Qingshi réfléchit aux spécialités que Yue Wuhuan préparait habituellement et ajouta avec enthousiasme : « Tu aimes les raviolis, les wontons ou les crêpes ? Les pâtisseries ou les desserts ? Je peux tout apprendre… Ne t’inquiète pas, j’assimile vite et je ne gaspillerai rien. »

Le Maître semblait avoir mal interprété quelque chose d’important…

Yue Wuhuan observa son expression pleine d’attente, et le Gu verrouillant ses émotions commença à s’agiter en lui. Ses sentiments obsessionnels dépassaient la limite du contrôlable. Après que le Gu eut absorbé ces émotions excessives, il reposa le bol et déclara fermement : « Maître, tu n’as pas besoin de faire ça pour moi. »

Il appréciait ces attentions, mais seulement de temps en temps. Si cela devenait trop fréquent, ses véritables pensées risquaient de se révéler. Ces désirs insatiables, semblables à des braises sous la cendre, pouvaient facilement embraser tout sur leur passage et tout réduire en cendres. Tout deviendrait incontrôlable.

Et ce n’était pas ce qu’il souhaitait.

Alors, il ne fallait pas le tenter au point de perdre le contrôle…

Song Qingshi mit un moment à comprendre. Il réalisa alors que Yue Wuhuan refusait son offre. Il pensa à la maîtrise culinaire de Wuhuan, bien supérieure à la sienne. Son cœur, d’abord joyeux, se serra soudain, et une pointe de déception l’envahit. Il voulait offrir tout ce qu’il y avait de meilleur à cette personne devant lui, mais Yue Wuhuan était si talentueux et compétent. Il semblait capable de tout apprendre et de tout accomplir…

Il ne savait plus quoi lui offrir. Il ne savait pas comment le traiter mieux, comment le rendre plus heureux.

Et si Yue Wuhuan, une fois rétabli, en venait à détester la Vallée de la Médecine parce qu’ennuyeuse et décidait de partir ?

Lui-même reviendrait alors à l’époque où il contemplait seul les nuages…

Un instant, Song Qingshi fut submergé par cette pensée. Puis il se ressaisit rapidement. L’échec était pour lui une chose courante. L’essentiel était que Yue Wuhuan soit encore à ses côtés. Il n’y avait donc pas lieu de s’attrister pour une chose qui n’était pas encore arrivée. Il continuerait simplement à faire de son mieux.

Il saisit la main de Yue Wuhuan et y déposa le Sang de Phénix qu’il tenait depuis longtemps. « C’est un butin que j’ai obtenu dans les ruines de Mo Yuan, dit-il joyeusement. Je l’ai gagné face à An Long, et je te l’offre. »

La gemme rouge ardente laissait filtrer une lueur dorée semblable à des étoiles. La trajectoire de cette lumière donnait l’impression qu’un phénix resplendissant y était scellé, dégageant une aura chaleureuse.

Yue Wuhuan, absorbé par le combat à ce moment-là, n’avait pas prêté attention aux échanges entre les deux hommes concernant cette pierre précieuse.

La couleur du Sang de Phénix était éclatante, d’une pureté impeccable. Elle correspondait parfaitement à ses goûts, le genre de trésor qu’il pourrait chérir éternellement.

Il l’aimait tant…

Il imagina cette gemme ornant le corps de la personne devant lui, comme si sa propre couleur avait marqué ce territoire d’un blanc immaculé.

Yue Wuhuan contempla ce paysage magnifique, un bonheur secret emplissant son cœur tandis qu'un sourire se dessinait sur ses lèvres.

Voyant qu'il aimait cela, Song Qingshi fut ravi…
Même si sa tentative culinaire avait été un échec, le cadeau, en revanche, était une réussite.

Il continuerait à étudier la manière dont Yan Yuan Xianjun enseignait à ses disciples. Qu'il s'agisse de leur apprendre personnellement à fabriquer des talismans, de les appeler à se lever tôt pour pratiquer leurs compétences quotidiennement, ou de les accompagner dans leur apprentissage, il essaierait tout. Il n'avait pas peur de l'échec. Il ferait plus d'efforts, réfléchirait davantage, et finirait par trouver quelque chose que Yue Wuhuan aimerait. Ce dernier finirait par s'éprendre de la vie dans la Vallée de la Médecine et y resterait, parfaitement heureux.

Tous deux étudieraient ensemble, feraient des recherches ensemble, pratiqueraient l'alchimie ensemble, joueraient ensemble, partiraient à l'aventure ensemble…
Quelle vie taoïste heureuse cela serait !

*

Song Qingshi partit une nouvelle fois harceler le pauvre Yan Yuan Xianjun, bien décidé à extraire toutes les connaissances de son esprit. Yue Wuhuan le suivit, impuissant, puis se rendit à l'atelier des talismans pour rencontrer les disciples de la Secte du Dragon Rouge. Il souhaitait les interroger sur leurs techniques de dessin des runes et emprunter du matériel pour mener quelques expériences.

Les disciples ne cachèrent rien de ce qu'ils savaient et lui révélèrent tout sans réserve.

Yue Wuhuan trouva par hasard un établi inutilisé et se mit à fabriquer des talismans…

Soudain, il entendit les disciples de la Secte Chilong chuchoter : « Depuis que la secte Can Tong a été anéantie et que Gui Yuan Xianzun est mort, personne ne veut acheter le Talisman de la Joie en gros. N'en faites pas trop, nous ne pourrons pas tout vendre. »

(NT : Can Tong" (参同契, Cāntóngqì) : titre d'un ancien texte chinois ‘Le Traité de l'Union des Trois’, qui établit un lien entre le Taoïsme, l'alchimie et l'astrologie.)
« Gui Yuan Xianzun est mort de manière si misérable. Zhao Shixiong est allé livrer la marchandise et avait si peur qu'il n'a pas mangé pendant trois jours… »
« Heureusement que cette personne n'est pas venue, sinon Zhao Shixiong aurait pu faire pipi dans son pantalon. »
« Haha, c'est dommage. Il y a pourtant un bon profit à faire avec ce talisman. Et si tu essayais de le commercialiser ? »
« Va te faire cuire un œuf ! Tu veux que j'aille dans le quartier chaud pour promouvoir ce truc ? Tu veux que Shifu me casse les jambes ?! »
« Hahaha, tu t'es fait démasquer… »

Le clan Can Tong anéanti ? Le Vénérable Immortel Guiyuan tombé ?

Yue Wuhuan posa son pinceau à talismans et plongea dans une profonde réflexion.

Le Vénérable Immortel Guiyuan était un nom qu'il ne souhaitait absolument pas entendre, un souvenir qu'il détestait par-dessus tout et qu'il rêvait d'effacer. Ces dernières années, occupé à soigner Song Qingshi, il n'avait eu ni le temps ni les moyens de se venger en tuant. Ainsi, il avait délibérément évité de prêter attention à l'existence du clan Can Tong et à ce nom, de peur que cela n'affecte son état d'esprit.

Dans ses souvenirs, le Vénérable Immortel Guiyuan était un homme prudent, habile à ménager toutes les parties et à ne jamais offenser les puissants, un homme intelligent.

Comment avait-il pu mourir de manière si tragique ? Qui était ‘cette personne’ ?

Yue Wuhuan se retourna, un doux sourire aux lèvres : « Cela semble fort intéressant. Pourriez-vous m'en dire plus en détail ? »

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

 

 

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