MISVIL - Chapitre 48 - Un beau joyau
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La formation Cauchemar Dévoreur de coeur fut brisée, et la scène se dissipa…
Song Qingshi ouvrit les yeux et réalisa qu'il était allongé dans les bras de Yue Wuhuan, leurs corps étroitement enserrés par d'innombrables lianes de Sang, les maintenant liés l'un à l'autre, incapables de se séparer.
Relevant la tête, il observa les alentours et vit qu’ils avaient été transportés par la formation dans une grotte de pierre. Tout autour d’eux, des personnes gisaient dans le même état, certaines affichant des expressions d’horreur ou de douleur, poussant parfois des cris perçants, prisonnières de cauchemars dont elles ne pouvaient s’éveiller. Non loin, un cultivateur d’âge mûr, grièvement blessé, tenait fermement une fillette d’environ huit ans dans ses bras, cherchant désespérément à la protéger.
Yue Wuhuan s’éveilla à son tour. Il rétracta lentement les lianes de Sang, libérant leur emprise, puis se redressa. Toutes ses blessures avaient disparu, et il semblait en pleine forme.
Song Qingshi, soucieux de son état mental, sortit un flacon de pilules médicinales de sa bourse dimensionnelle, insistant : « Tu vas bien ? Tu ressens une gêne quelque part ? Tu veux prendre une pilule calmante ? »
Yue Wuhuan secoua la tête. Il n’avait jamais été très affecté par la douleur physique, donc ce qui l’avait troublé dans la mare fétide n’était pas la souffrance, mais le dégoût profond.
Il trouvait cela étrange. Si ce piège était censé être son cauchemar… une simple mare nauséabonde ne semblait pas suffisante.
Sans lui laisser le choix, Song Qingshi lui fourra une pilule calmante dans la bouche, en avala une lui-même, puis fit circuler son énergie spirituelle pour accélérer l’absorption du médicament et apaiser la peur résiduelle qui lui tenaillait encore le cœur.
Soudain, An Long, qui se tenait à proximité, tendit la main et arracha le flacon entier, versant toutes les pilules dans sa bouche d’un seul coup.
Song Qingshi resta interdit quelques instants avant de réagir et de le réprimander : « Tu les prends pour des bonbons ? Ce n'est pas bon pour la santé. »
An Long lui lança le flacon vide, régula son souffle, et son teint livide s’améliora légèrement.
Song Qingshi finit par remarquer son mauvais état. Pourtant, cette fois-ci, il ne semblait pas en colère contre lui… Il n’avait même pas cherché à mordre. Peut-être était-ce simplement dû à l’écœurement causé par le cauchemar du marais ?
Se remémorant la scène du piège où An Long l’avait protégé, Song Qingshi s’inclina sincèrement : « Encore une fois, merci. »
An Long, contrôlant de force son véritable état d’esprit, sourit d’un air grimaçant et répondit : « Entre nous, il n’y a pas besoin de remerciements. »
Il ne pouvait commettre aucune erreur…
Song Qingshi tressaillit soudainement : il venait d’apercevoir un éclair rouge dans les yeux d’An Long, brillant faiblement dans l’obscurité… Il ouvrit la bouche pour poser une question, mais An Long baissa légèrement la tête. Lorsqu’il la releva, ses yeux étaient redevenus normaux.
Détournant la conversation, An Long suggéra avec un sourire sournois : « Démontons cette maudite formation, qu’en dites-vous ? »
Il était passé maître dans l’art de la destruction. « Attends. »
Song Qingshi se dressa sur la pointe des pieds et attrapa la tête d’An Long, scrutant attentivement ses yeux, cherchant une quelconque anomalie. Ne trouvant rien d’anormal, il se demanda s’il avait simplement mal vu…
Yue Wuhuan lui rappela doucement : « Maître, sauvons d’abord les autres ? »
« Bien. »
Song Qingshi abandonna An Long et s’agenouilla auprès des autres victimes du piège, vérifiant leur état. Tous étaient encore piégés dans leurs cauchemars. Leur conscience spirituelle avait été sévèrement endommagée, et les plus gravement atteints montraient des signes de fragmentation spirituelle. S’ils n’étaient pas traités immédiatement, ils risquaient de perdre l’esprit ou de se retrouver réduits à l’état de coquilles vides.
Déployant ses aiguilles dorées, Song Qingshi transféra délicatement son énergie spirituelle dans la mer de conscience des victimes pour stabiliser leur état, freinant ainsi l’aggravation des lésions mentales.
Pendant ce temps, Yue Wuhuan explora les parois de la grotte avec des lianes, identifiant les nœuds d’énergie liés à la formation.
An Long, lui, siffla silencieusement. En réponse, une myriade d’insectes vénéneux surgirent de nulle part et se mirent à ronger la pierre imprégnée de magie.
La formation riposta violemment, anéantissant les gus, mais ceux-ci, en mourant, sécrétaient un poison corrosif qui fragilisait la roche. Bientôt, d’autres gus montèrent sur les cadavres de leurs semblables, se sacrifiant encore et encore, jusqu’à ce que le point névralgique de la formation soit totalement détruit.
L’antique enchantement fut ainsi brisé de force, et tous ceux encore prisonniers de leurs cauchemars furent brutalement arrachés à leur torpeur.
An Long, anticipant les hurlements hystériques à venir, posa un gu soporifique sur chacun d’eux, les forçant à dormir avant même qu’ils n’aient le temps de paniquer.
Song Qingshi fouilla dans sa bourse, mais découvrit qu’il n’avait plus de pilules calmantes. Il lança un regard chargé de rancune à An Long, mais, n’osant pas se plaindre, il fouilla ensuite dans les affaires de Yue Wuhuan et trouva une poudre apaisante, qu’il dilua avec de l’eau pure avant de la faire boire aux victimes.
Puis, il demanda à An Long d’aller lever la barrière de gus qui bloquait l’entrée et d’appeler les sectes concernées pour qu’elles viennent récupérer leurs disciples.
À ce moment-là, Yue Wuhuan murmura soudain : « Maître, viens voir. »
Song Qingshi s’approcha et découvrit que, sous la mousse et les lianes, se dissimulait une paroi criblée de coups d’épée.
Chaque entaille, bien que fine, était d’une profondeur abyssale.
Chaque coup semblait porteur d’une haine infinie, d’une détermination à exterminer le monde entier.
C’était le style inimitable de l’illustre Mo Yuan, le désespoir de Mo Yuan, la folie de Mo Yuan…
Yue Wuhuan regarda ces coups d'épée, complètement fasciné.
Song Qing ne comprenait pas le maniement de l'épée et ne s'y intéressait guère. Il se tourna et trouva soudain une caisse en bois pourrie par terre. Dès qu’il la ramassa, la caisse s’effondra. À l’intérieur se trouvaient une magnifique pierre précieuse rouge et un morceau de papier pourri.
Song Qingshi fut extrêmement agréablement surpris. Cette gemme s’appelait Sang de Phoenix. C’était l’une des pierres précieuses les plus précieuses du royaume immortel. Le porter sur soi pouvait nourrir le Dantian et aider à la cultivation. Cette gemme devant lui était de la plus haute qualité, valant au moins cent mille pierres spirituelles de haute qualité.
Il en avait vu une semblable dans le Pavillon du Trésor. Il la convoitait depuis longtemps, voulant l'acheter pour la donner à Yue Wuhuan. Mais comment l’aurait-il fait alors qu’il n’avait pas d’argent ?
Maintenant, Yue Wuhuan gérait si bien la Vallée de la Médecine. Il avait de l'argent, mais il craignait que Yue Wuhuan pense qu’il dépensait de l'argent inutilement, dilapidant ainsi leur fortune. Il n’osa donc pas aller jusqu’au bout…
Il n’avait pas encore réussi à ouvrir le mince papier lorsqu'il se transforma en cendres à cause du temps…
Song Qingshi n’eut le temps d’y lire que deux mots : « Pas de solution ».
Cette écriture griffonnée… elle ressemblait un peu à la sienne. Probablement une coïncidence ?
Song Qingshi y réfléchit un moment, mais n’aimait pas faire des suppositions aléatoires. Il mit donc l’affaire de côté.
De bonne humeur, il alla trouver Yue Wuhuan avec le sang de Phoenix.
Mais il découvrit que l’autre partie cherchait encore à comprendre l’intention derrière le coup d’épée. Ce n’était pas le moment idéal pour l’interrompre. Il rangea donc la gemme. Il attendrait pour lui faire une surprise plus tard.
Yue Wuhuan chercha et réfléchit longtemps. Il se réveilla enfin après avoir examiné le coup d’épée et murmura : « Ces dernières années, j’ai lu beaucoup de livres sur le Maître de l’Épée Mo Yuan, mais il n’y a aucune trace de ce à quoi il ressemblait. Il n’existe pas non plus de trace de ses origines. Après la bataille pour vaincre les démons il y a huit mille ans, il sembla avoir disparu dans les airs, ne laissant aucune trace. »
Song Qingshi réfléchit aux livres qu'il avait lus et fut surpris de constater que c’était effectivement le cas.
Yue Wuhuan effleura doucement les marques d’épée sur la paroi et esquissa un sourire amer. « J’avais déjà émis cette hypothèse. Maintenant… en voyant ces traces de sabre, j’en suis encore plus certain. Le vénérable Mo Yuan a perdu la raison. C’est cette formation cauchemardesque qui a intensifié sa folie, le poussant à l’effondrement total… »
L’ère du vénérable Mo Yuan était lointaine, sans grand lien avec les gens d’aujourd’hui.
Song Qingshi ne comprenait pas pourquoi Yue Wuhuan accordait tant d’importance à ce sujet.
« Ce n’est rien, » Yue Wuhuan perçut son trouble et répondit avec légèreté. « Je suis simplement curieux du sort d’un Maître d’origine mortelle. Je veux juste en avoir le cœur net. »
Song Qingshi poussa un soupir de soulagement. « Je vais t’aider à enquêter. »
« Ce n’est pas la peine, » intervint An Long, qui était revenu à un moment indéterminé. Ayant entendu leur conversation, il ricana avec mépris. « Il y a des archives à ce sujet dans la secte des Dix Mille Insectes. Après la bataille contre les démons, le Maître Mo Yuan a sombré dans la démence, massacrant villes et innocents, commettant d’innombrables atrocités. Les grands maîtres bouddhistes, ainsi que les principales sectes, se sont alliés pour le tuer. C’est ainsi que tout s’est terminé. »
Yue Wuhuan resta figé, sans savoir quoi dire.
Song Qingshi, perplexe, demanda : « Le Maître Mo Yuan n’était-il pas un homme droit ? D’après les anciens textes que j’ai lus, il n’a accompli que des actes de justice et de bravoure. »
An Long expliqua : « La raison de sa corruption reste inconnue. L’information a été scellée. Même au sein de ma secte, ce sujet est classé parmi les archives secrètes accessibles uniquement au maître de secte. Les documents ne contiennent qu’une poignée de phrases. Il est dit que plusieurs patriarches de niveau Naissance de l’Âme y ont laissé la vie, et qu’il a fallu l’intervention d’un grand maître de niveau Division de l’esprit pour l’éliminer. Par la suite, il a été interdit d’évoquer cette affaire. »
Huit mille ans s’étaient écoulés.
Les anciens cultivateurs de niveau Division de l’esprit ayant participé à cet événement avaient soit transcendé ce monde, soit disparu dans la poussière du temps.
La vérité s’était noyée dans le long fleuve de l’histoire…
*
Song Qingshi repensa au Sang de Phénix de qualité suprême qu’il venait d’obtenir. Comme il était toujours équitable et ne cachait jamais ses butins, il attira discrètement An Long à l’écart et murmura : « Je sais que tu n’aimes pas ce genre de choses. Quand nous sortirons d’ici, je récupérerai les restes de la bête aquatique, j’y ajouterai de l’herbe Tianzi (NT : litt. herbe du fils du ciel, plante fictive des récits chinois de cultivation ou Xianxia) et je te concocterai une pilule suprême de bête spirituelle. Si cela ne suffit pas, je compléterai avec des pierres spirituelles. Ça te convient ? »
An Long assombrit son expression. « Et moi, je ne me souviens pas que tu aimes ce genre de choses. »
Song Qingshi sourit, un peu embarrassé. « C’est pour offrir. »
Comment An Long aurait-il pu ne pas deviner à qui cela était destiné ? Il ferma lentement les yeux et répondit d’une voix basse : « Hmm. »
La jalousie grandissait en lui comme une bête affamée.
L’envie de tuer se propageait à toute vitesse, et les voix hallucinées dans son esprit devenaient de plus en plus assourdissantes.
Il ne devait ni voir, ni entendre, ni penser.
Il ne pouvait pas commettre d’erreur…
*
Après avoir reçu les soins de Song Qingshi, les membres des différentes sectes payèrent leurs consultations avant de ramener leurs disciples. Les quelques cultivateurs errants restants furent pris en charge par des moines bouddhistes, qui acceptèrent de les soigner.
Les jeunes disciples de la secte du Dragon Rouge, après avoir retrouvé leur maître et leurs aînés, se jetèrent les uns dans les bras des autres, riant et pleurant à la fois, multipliant les remerciements avec une sincérité émouvante. On voyait bien la profondeur de leur lien maître-disciple, de quoi toucher même les cœurs les plus endurcis.
Le maître de la secte du Dragon Rouge n’était autre que ce cultivateur d’âge mûr qui protégeait une fillette. Grièvement blessé lors de l’affrontement avec la bête aquatique, il avait néanmoins réussi à préserver l’intégrité de ses disciples. Son comportement exemplaire en faisait un maître rare et respectable.
Song Qingshi jeta un coup d’œil furtif à son propre disciple précieux et bien-aimé, espérant qu’il serait touché par une telle scène de loyauté et d’attachement.
Mais, malheureusement, Yue Wuhuan ne prêta aucune attention à ce spectacle. Il était entièrement concentré à collecter les restes de la bête aquatique.
Song Qingshi se sentit légèrement frustré…
An Long, prétextant une envie d’alcool, quitta précipitamment le groupe dès leur retour sur la terre ferme.
Song Qingshi, habitué à son tempérament imprévisible, n’y prêta pas attention. Voyant que le maître de la secte du Dragon Rouge était grièvement blessé et admirant son intégrité, il décida de rester pour le soigner. Il en profita pour lui demander des conseils sur la manière dont un maître pouvait gagner l’amour et le respect de ses disciples.
Les disciples du Dragon Rouge, ravis d’apprendre sa décision, étaient prêts à l’accueillir en grande pompe, à presque vouloir le porter sur un palanquin.
Yue Wuhuan, constatant que Song Qingshi était heureux, choisit de rester pour l’aider.
*
Au cœur de la nuit, dans les profondeurs de la forêt, les cris lugubres des corbeaux résonnaient dans l’obscurité glaciale.
An Long était assis seul dans les ténèbres, ses doigts crispés sur sa tête en proie à une douleur insoutenable. Ses yeux injectés de sang semblaient prêts à pleurer des larmes écarlates.
Son visage était partiellement recouvert d’écailles sombres. Sous le tatouage des Cinq Poisons qui serpentait le long de son bras, des volutes de brume noire s’enroulaient sans cesse autour de sa chair. Son corps mutait sans cesse, déformé par une force incontrôlable, avant d’être brutalement réprimé par sa propre volonté.
Et dans son esprit, la voix qu’il croyait disparue depuis longtemps resurgit, inlassable. Chaque phrase résonnait comme une lame acérée, s’enfonçant profondément en lui.
Il ne voulait pas entendre…
Mais il ne pouvait pas ne pas entendre.
« Tu crois que si tu remues la queue et le flattes à l’extrême, il finira par t’aimer ? »
« Tu crois que si tu deviens puissant, capable de le protéger contre vents et marées, il finira par t’aimer ? »
« Tu crois que si tu effleures la mort mille fois, gravis les sommets du pouvoir, il finira par t’aimer ? »
« Tu crois que si tu t’effaces sans cesse, si tu lui offres ton cœur sur un plateau, il finira par t’aimer ? »
« Tu crois que cette nuit-là, quand il a frappé à ta porte, c’était pour répondre à ton amour insensé ? »
« Tu étais si pathétique à ce moment-là… Ridicule, misérable… »
« Tu as dû sacrifier un pion pour lui cacher la vérité, comme un imbécile. »
« À chaque fois, tu luttes avec tes illusions, t’accroches à des rêves impossibles… Mais as-tu seulement obtenu une seule fois la fin que tu voulais dans ces mirages ? »
« Pourquoi te réveilles-tu toujours en sursaut ? »
« Parce que peu importe ce que tu fais, peu importe les moyens, il ne t’aimera jamais. »
« Tu n’es qu’un ver hideux rampant dans la boue la plus immonde, enroulé dans une peau humaine, parlant comme un homme, essayant de ressembler à un homme… »
« Et tu oses rêver de toucher la lune ? »
« Oses-tu seulement ? En es-tu digne ? »
« Réveille-toi. »
« Abandonne cette âme humaine ridicule. »
« Réveille-toi. »
« Pillage, avidité, cruauté, meurtre… Voilà ta vraie nature. »
« … »
« Tais-toi ! Ferme-la ! »
An Long se rua contre un rocher, frappant son crâne avec une violence désespérée, comme s’il voulait l’éclater pour en expulser cette voix maudite.
« Sors de ma tête ! »
Il ne devait pas faire d’erreur…
Il ne devait pas…
Il ne…
Traduction: Darkia1030
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