MISVIL - Chapitre 42 - Guide touristique médaillé d'or

 

Quelle leçon avez-vous tirée de cette histoire ?

 

Si un voyage n'est pas bien planifié, au mieux, il ne sera pas agréable, et au pire, il peut mener à des disputes et à une rupture totale.

Song Qingshi était une personne sérieuse et responsable, il ne permettrait jamais qu'une telle tragédie se produise.

Il alla chercher toutes les informations disponibles sur la ville de Nanhai dans la bibliothèque et les relut attentivement. Ensuite, il écrivit à Ye Lin, lui demandant de rassembler des livres supplémentaires sur les coutumes locales, les légendes et la géographie des routes menant à Nanhai. Il voulait s’assurer d’être un guide d’exception et de prendre soin de ses deux compagnons de voyage de manière impeccable, afin qu'ils ne puissent trouver aucun défaut à son organisation.

Yue Wuhuan lui avait prescrit trois séances de massage par jour pour sa rééducation.

Song Qingshi était un bon patient qui suivait les instructions médicales à la lettre. Il s’allongea donc sous le soleil réconfortant du corridor du palais Fuling, serrant dans ses bras le docile et obéissant Xiao Bai, tout en recevant son massage et en écrivant frénétiquement :

Yue Wuhuan a une obsession pour la propreté, il faut faire attention à l’hygiène alimentaire en voyage et prévoir ses propres draps et couverts.

An Long aime faire des histoires après avoir bu, il vaut mieux boire dans un endroit calme et désert pour éviter d’impliquer des innocents.

Yue Wuhuan déteste être harcelé, il faut surveiller les regards des hommes louches aux alentours et intervenir immédiatement si nécessaire.

An Long aime flirter avec les beautés, il faut s’assurer qu’il ne dépasse pas les limites. Si une situation dégénère, éloigner immédiatement Yue Wuhuan pour éviter qu'il ne soit impliqué.

*

“Ah— !” Une douleur aiguë traversa le bras de Song Qingshi. Il se retourna et regarda d’un air maussade le coupable : un énorme chien de traîneau Malamute qui semblait trouver amusant d’arracher à Yue Wuhuan son travail de rééducation par la force. C’était ce chien qui venait de le faire tomber de son paradis douillet.

Song Qingshi se plaignit : “Tu ne peux pas y aller doucement ?”

Ses bras et ses jambes étaient déjà couverts d’hématomes, la douleur était insupportable. Il aurait aimé refuser les “massages attentionnés” d’An Long, mais par peur de raviver leurs rancunes et d’aggraver le sort de Yue Wuhuan, il n’eut d’autre choix que de serrer les dents et de supporter.

“Ne fais pas l’offensé alors que tu en profites bien.” An Long, ravi, lâcha son bras pour attraper sa jambe, la posant sur son genou et commençant à lui masser les orteils un à un. Avec son expression moqueuse, il n’avait rien d’un masseur sérieux. “Moi, le grand maître de la secte des Dix mille insectes, je m’abaisse à te faire un massage, tu devrais être honoré ! Avec la douceur de petit frère Yue, qui n’ose pas appuyer trop fort, quand est-ce que tu comptes guérir ?”

Song Qingshi, contrarié, protesta : “Moi, j’aime justement sa douceur !”

“Ah oui ?” An Long s’arrêta une seconde avant d’afficher un sourire malicieux et de glisser sa main vers la plante de son pied. “Voyons voir…”

Song Qingshi était extrêmement chatouilleux. Il recula immédiatement son pied et s’exclama : “Dégage ! Je t’interdis de me toucher !”

An Long répliqua d’un ton sérieux : “Regarde, tu as déjà retrouvé de la force dans ton pied gauche. Pour guérir, il faut insister sur les points douloureux, n’aie pas peur. J’ai l’habitude des blessures de combat, tu peux me faire confiance.”

Song Qingshi sentit qu’il trouvait simplement un prétexte pour le chatouiller. Il bondit et s’enfuit, rétorquant : “Je suis médecin moi aussi, je sais parfaitement ce qu’il faut faire !”

Yue Wuhuan arriva à ce moment-là avec une décoction médicinale fraîchement préparée. Voyant la scène devant lui, il prit une profonde inspiration et posa calmement le bol : “Le Seigneur n’est pas encore complètement rétabli et a besoin de repos. Nous ne sommes pas pressés, alors il peut récupérer lentement. Grand frère An, s’il te plaît, ne le taquine pas.”

Song Qingshi s’agrippa immédiatement à Yue Wuhuan, hochant la tête avec ferveur. Son petit ange était vraiment le meilleur, raisonnable et compréhensif.

Yue Wuhuan attrapa délicatement son bras et appliqua de la pommade sur ses ecchymoses avec une extrême douceur, de peur de lui faire mal.

An Long fit une moue dédaigneuse. “Vraiment trop indulgent.” Il méprisait cette attitude servile. À vrai dire, il avait toujours pensé que Song Qingshi, dans son coma, avait déjà été dévoré tout cru par ce “monstre envoûtant”. Pourtant, il découvrait à présent qu’ils étaient restés d’une pureté absolue. Ce qui prouvait que la patience de cet homme était impressionnante… Il décida donc de le tolérer un peu plus longtemps. Pour l’instant, il n’irait pas tuer quelqu’un sur un coup de tête.

Song Qingshi, de son côté, continua de prendre des notes avec une concentration absolue, écrivant des milliers de mots d’une traite.

Il travaillait vraiment dur, organisant chaque détail du voyage, anticipant toutes les éventualités. Il était convaincu que rien n’était insurmontable tant qu’on apprenait avec sérieux. Il alla même secrètement dans la salle de dissection pour s’entraîner à parler devant un cadavre, afin de s’assurer qu’il ne bégayerait pas pendant ses explications touristiques.

Voyant la quantité impressionnante de notes qu’il avait rédigées, les deux fauteurs de troubles échangèrent un regard et prirent une décision tacite : ils mettraient de côté leur rancune pour le moment et feraient semblant d’être en bons termes pendant le voyage, afin de ne pas gâcher tous ses efforts.

*

Après une dizaine de jours, Song Qingshi retrouva enfin toute sa mobilité du côté gauche. Il élimina complètement les poisons restants dans le corps d’An Long, renforça la santé de Yue Wuhuan, retira le sceau d’Acacia de Qing Luan, confia les affaires de la vallée de la Médecine à cette dernière et laissa un moyen de contact en cas d’urgence. Enfin, après avoir fait ses bagages et obtenu une généreuse somme d’argent de Yue Wuhuan, il partit joyeusement en voyage avec eux.

Habituellement, les déplacements dans le monde des immortels se faisaient à dos de bêtes célestes, rapides mais peu adaptées à la contemplation des paysages. De plus, ces montures étaient rares et réservées aux sectes de haut rang ou aux puissants cultivateurs, ce qui attirerait trop l’attention.

Après avoir consulté ses compagnons, Song Qingshi opta donc pour des chevaux, moyen de transport courant chez les cultivateurs ordinaires, parfait pour un voyage discret.

“Voici le rocher de Shuanglong (NT : des Dragons Jumeaux).” Song Qingshi jeta un coup d'œil discret à ses notes cachées dans sa manche pour confirmer l'endroit avant de réciter avec application : “D’après Les légendes mythologiques des Monts Nanyang de l’Immortel Yun Ying, deux dragons se sont battus par vengeance personnelle, provoquant des pluies torrentielles et des inondations. L’Empereur Céleste envoya alors un dieu qui les abattit, transformant leurs corps en ce rocher.”

Yue Wuhuan s'exclama sans hésitation : “Le Maître a raison, cette pierre est un chef-d'œuvre de la nature, majestueuse et empreinte de spiritualité.”

An Long, entendant cette flatterie éhontée, avala de justesse son commentaire initial—"On dirait juste un crapaud."—et finit par dire, à contrecœur : “Effectivement… On dirait un grand dragon.”

Song Qingshi, satisfait, se retourna pour examiner le rocher… Mais pourquoi, sous tous les angles, ressemblait il plutôt à un crapaud ?

Il jeta un regard discret aux deux personnes derrière lui, toujours absorbées dans l’admiration du puissant dragon. Peu sûr de son propre jugement et craignant qu’on ne se moque de son manque de sens artistique, il préféra garder le silence. Se conformant à l’ambiance, il prononça tout de même quelques mots d’éloge avant de finalement poser la question qui l’intriguait :

« Que comprenez-vous de cette histoire ? »

Le visage de loup d’An Long se détendit à ces mots. « Hein ? »

Yue Wuhuan réfléchit un instant avant de répondre : « Que la fraternité est essentielle et qu’il ne faut pas se battre entre frères ? »

Song Qingshi, ravi, hocha la tête. Comme il s’y attendait, c’était bien son petit ange qui comprenait le mieux ses intentions.

An Long, lui, sembla soudain frappé par une vague de mélancolie. Il tourna les yeux vers le ciel, comme s’il venait de perdre toute motivation à vivre. Un souvenir lui revint alors : dans un monde fantastique créé par le Gu de l’illusion, il s’était acharné à remodeler les paysages, modifiant même légèrement la conception de Song Qingshi. À l’époque, il avait réussi à le séduire et à le faire tomber entre ses griffes… Mais au final, même dans son lit, il s’était retrouvé assailli par une avalanche de questions sur l’éthique sociale et l’hygiène physique. Le flot incessant d’interrogations l’avait tant accablé qu’il en avait presque perdu la raison.

Quelle épreuve…

Même s’il exécrait Yue Wuhuan, il devait reconnaître sa patience hors du commun…

Il ne pouvait pas se permettre d’afficher une arrogance aussi insouciante…

« An Long, à quoi penses-tu ? » Song Qingshi, remarquant son inattention, l’interpella. Il était prêt à passer à l’explication suivante lorsqu’il leva les yeux vers le paysage et s’arrêta net, stupéfait.

« Hein ? Ce n’était pas comme ça avant… Pourquoi est-ce différent ? »

Intrigué, Yue Wuhuan suivit son regard et découvrit, perché sur la montagne, un temple majestueux aux poutres finement sculptées et aux murs richement décorés de peintures. L’édifice resplendissait d’or et de jade. À l’intérieur, l’encens brûlait en abondance, emplissant l’air d’une douce fragrance. Devant l’entrée, une rue commerçante regorgeait d’échoppes vendant des bâtons d’encens et toutes sortes de victuailles. Des fidèles, hommes et femmes, ainsi que des marchands et des colporteurs allaient et venaient dans une effervescence inhabituelle.

Yue Wuhuan demanda avec curiosité : « Y a-t-il quelque chose d’anormal avec ce temple ? »

Song Qingshi fronça les sourcils, perplexe. « Je me souviens qu’il n’y avait ici qu’un vieux temple délabré, complètement abandonné. Personne ne s’y rendait. »

Yue Wuhuan esquissa un sourire. « Quand le Maître est-il venu ici pour la dernière fois ? »

Song Qingshi prit un instant pour réfléchir. « J’ai vécu dans ce temple en ruine pendant un certain temps lorsque j’étais encore au stade de la Construction des Fondations… Cela remonte à plus de 800 ans. »

« Après tant d’années, il est normal que les choses aient changé », répondit Yue Wuhuan avec amusement. Sachant que Song Qingshi était souvent détaché du monde extérieur, il changea de sujet avec intérêt : « Mais pourquoi le Maître a-t-il choisi de vivre dans un temple en ruine ? Il y avait de nombreux endroits où loger dans le royaume immortel, et les loyers n’étaient pas excessifs. Même un pratiquant au stade de la Construction des Fondations n’aurait eu aucun mal à trouver un hébergement en ville. »

Song Qingshi réalisa qu’il avait commis une erreur et laissé échapper un détail par inadvertance. Embarrassé, il expliqua : « À l’époque, j’ai trouvé un enfant gravement malade. Il n’était pas pratique de séjourner en ville, alors j’ai dû rester dans un endroit isolé. »

Yue Wuhuan était encore plus perplexe : « Pourquoi ? »

Song Qingshi répondit : « Cet enfant était un demi-démon abandonné. »

Yue Wuhuan comprit immédiatement.

Dans le monde des immortels, les humains occupaient le rang le plus bas, mais ceux qui étaient le plus détestés étaient les démons. Ces derniers naissaient des pensées maléfiques dans les Terres Infinies, arborant souvent des apparences monstrueuses. Incapables de comprendre les émotions humaines, ils étaient dominés par une soif insatiable de sang et de destruction, laissant derrière eux des carnages partout où ils passaient.

Parfois, des démons violaient des femmes humaines, engendrant ainsi des enfants à moitié démons.

Les demi-démons portaient souvent des traits démoniaques. En grandissant, la plupart succombaient peu à peu à leurs instincts maléfiques, se transformant en véritables créatures infernales.

Dans le monde des immortels, ils étaient considérés comme des êtres maudits et rejetés par tous.

An Long lui lança un regard en coin et ricana : « Toujours à vouloir se mêler de tout… Et si tu avais sauvé un loup aux yeux blancs (NT :un ingrat) ? »

Song Qingshi expliqua sérieusement : « Cet enfant était empoisonné par trois toxines différentes. Leurs effets s’opposaient et son corps était en pleine décomposition… C’était un cas extrêmement complexe. »

Il savait bien qu’il était risqué de secourir un demi-démon. Mais en voyant ce petit corps agonisant, se débattant désespérément dans la boue, cherchant à s’accrocher à la vie, il n’avait pas pu s’empêcher de le recueillir. Comme il ne voulait pas que d’autres le découvrent, il s’était réfugié dans un vieux temple abandonné au fond des montagnes et avait passé deux ans à le soigner.

Par la suite, il avait voulu envoyer l’enfant auprès de l’Immortel Miséricordieux du clan des Dix Mille Voies. Ce dernier, lui-même issu d’un demi-démon, avait réussi à maîtriser sa nature maléfique grâce à son cœur compatissant et jouissait d’un grand respect. Il ne rejetait pas les enfants demi-démons et acceptait de les recueillir et de les éduquer. Grâce à son influence, la plupart d’entre eux conservaient leur humanité et n’avaient jamais sombré dans le mal.

Cependant, à peine arrivé là-bas, l’enfant s’était enfui.

Song Qingshi raconta son histoire en hésitant, et Yue Wuhuan l’écouta avec attention. Il se souvenait que l’Immortel Miséricordieux était tombé au combat il y avait trois cents ans lors de la Guerre d’Extermination des Démons, sacrifiant sa vie pour protéger le monde. Un personnage admirable sur lequel même Jin Feiren, cette ordure, osait à peine parler sans respect.

Song Qingshi soupira : « Heureusement que cet enfant n’y est pas resté, sinon il aurait été en grand danger. »

Bien qu’il n’ait pas participé directement à la bataille, il avait soigné de nombreux blessés et savait à quel point les combats avaient été terribles.

An Long ricana sans ménagement : « Tu te préoccupes vraiment de ce genre d’immondices ? »

« C’était mon tout premier patient gravement malade. Je l’ai soigné avec le plus grand sérieux pendant deux ans, expliqua Song Qingshi, plongé dans ses souvenirs. Mais à l’époque… je ne savais pas bien comment parler aux gens. Ce que je voulais dire ne sortait jamais correctement, je m’exprimais de travers… Je devais paraître très froid et maladroit dans mes soins. Il a dû me détester et partir sans un mot. »

Yue Wuhuan tenta de le réconforter : « Peut-être était-ce simplement sa nature mauvaise. »

An Long ajouta d’un ton sentencieux : « On ne peut pas lutter contre la nature démoniaque.»

« Il n’était pas si mauvais… c’est de ma faute, » insista Song Qingshi avec regret. « Quand je faisais des recherches ou préparais des médicaments, j’oubliais souvent le reste. J’omettais de préparer les repas, il devait se débrouiller seul, chassant des oiseaux ou pêchant du poisson. Puis, un jour… il a mangé mon fruit écarlate du serpent… »

Yue Wuhuan hésita : « Tu veux dire ce fruit rouge vif, qui met trois cents ans à mûrir et qui est hautement toxique ? »

« Oui, » répondit Song Qingshi en se prenant la tête, l’air abattu. « J’ai eu la peur de ma vie ! La situation était critique, alors j’ai dû employer des méthodes de soin brutales… Je l’ai pratiquement torturé au seuil de la mort. Après ça, j’ai eu trop peur de le garder près de moi, j’avais l’impression que j’allais finir par le tuer… »

Plus il parlait, plus il se sentait découragé. À cette époque, il manquait cruellement d’expérience et avait commis de nombreuses erreurs, causant bien des souffrances à son patient.

Mais il était encore pire dans sa communication. Son incapacité à s’exprimer correctement était bien plus prononcée qu’aujourd’hui.

An Long éclata de rire sans la moindre pitié : « Je me souviens que quand je t’ai rencontré, tu parlais encore plus comme un idiot qu’aujourd’hui ! »

Song Qingshi, furieux, lança une menace : « Tu exagères ! »

An Long, voyant le danger, leva aussitôt les mains en signe de reddition : « Mon erreur ! Maintenant, tu es fluide, tu es même capable de réciter des textes sans bégayer ! »

Yue Wuhuan resta pensif. Il avait l’impression d’avoir mis le doigt sur quelque chose.

 

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L'auteur a quelque chose à dire :

Yue Wuhuan : « Je trouve que le maître respecté a des goûts discutables, mais je vais l'aider à le dissimuler…… »
Song Qingshi : « Je pense que les goûts de Wuhuan sont irréprochables, je voterai toujours avec lui… »
An Long : « ??? (J’ai l’impression d’être un idiot.) »

 

Traduction: Darkia1030