MISVIL - Chapitre 120.1 - Extras : Petits fragments (1)

 

Plus aucun regret dans la vie

 

1.

Il y a de très nombreuses années, lorsqu’un petit monde de cultication nouvellement formé s’est détaché de l’Arbre-Monde, plusieurs incidents se produisirent. Contaminé par une aura démoniaque, le Feu du Monde Souterrain jaillit soudainement au pied du mont Song. Il se déversa en torrents, ravageant villes et villages, menaçant de réduire ce jeune monde en cendres.

L’Empereur Céleste choisit alors au hasard une pierre bleue. Il y insuffla l’énergie spirituelle de plusieurs mondes, puis la plaça dans un four à pilules. Il la raffina à l’aide du Feu du Lotus Rouge durant de longs jours. La pierre, après transformation, devint blanche, brillante, et fut utilisée pour colmater la fissure d’où jaillissait le feu infernal.

Le nom du dieu Phénix était Yue Wuhuan. Il avait un goût raffiné et son passe-temps favori consistait à collectionner les pierres précieuses rares venues de tous les coins du cosmos.

Ce jour-là, lorsqu’il reçut l’ordre de l’Empereur Céleste d’aller poser cette pierre, Yue Wuhuan découvrit soudain… que cette pierre avait été raffinée avec un soin exceptionnel. D’un blanc pur, elle dégageait une lueur spirituelle douce ; sa texture était plus tiède que n’importe quel jade, et elle possédait le pouvoir d’apaiser l’esprit.

Plus il la contemplait, plus il en tombait amoureux. Il l’aimait énormément. Il souhaitait tant l’emporter dans son nid, la garder près de son chevet, pour pouvoir la regarder chaque jour.

Mais le feu du monde souterrain continuait de se répandre. Yue Wuhuan réprima son envie de collection et plaça la pierre au pays de Song, colmatant la fissure, absorbant et scellant le feu infernal.

L’Empereur Céleste savait que Yue Wuhuan aimait les pierres. Il tenta plusieurs fois de reproduire cette pierre, mais sans jamais parvenir au même résultat : ses tentatives paraissaient toujours trop artificielles, toujours entachées de défauts imperceptibles.

Cela rendit Yue Wuhuan d’autant plus amer.

L’Empereur Céleste lui fit une promesse : une fois le Feu Infernal maîtrisé, il lui offrirait cette pierre splendide.

Mais ce feu ne serait pas éteint avant des centaines de millions d’années.

L’Empereur Céleste oublia rapidement cette promesse.

Wuhuan, lui, attendit patiemment. Tous les quelques siècles, il s’envolait discrètement jusqu’au pays de Song pour observer cette pièce tant convoitée pour sa collection. Il en profitait pour retirer les mousses et branches mortes, la nettoyant avec soin pour lui rendre tout son éclat.

Peu à peu, des légendes naquirent au pays de Song autour de cette pierre. On racontait qu’elle avait autrefois été un immortel tombé en disgrâce dans la cour céleste. Trompé par l’amour, il aurait été transformé en pierre, et le phénix, le cœur brisé, serait venu le veiller.

Les versions de la légende se multiplièrent : celle du jeune homme qui surprit la déesse-phénix lors de son bain ; celle du couple puni dans le palais céleste ; ou encore celle de la pierre cherchant sa bien-aimée…

Bref, chacun était convaincu que cette magnifique pierre était un immortel métamorphosé. On y brûlait de l’encens, on s’y prosternait, on l’adorait. Plus tard, un temple fut même édifié autour d’elle.

Avec le temps, le pouvoir du mérite et de la foi accumulés devint de plus en plus fort. Lorsque le feu du monde souterrain fut enfin totalement absorbé, la pierre s’éleva vers les cieux et se transforma en un jeune homme d’une grande beauté…

L’Empereur Céleste en resta stupéfait.

À ce moment-là, Yue Wuhuan était occupé à l’intérieur de l’Arbre-Monde. Lorsqu’il en ressortit, il apprit que les incendies infernaux du pays de Song avaient été éteints. Tout joyeux, il alla trouver l’Empereur Céleste pour lui réclamer sa pierre.

Mais avant même d’atteindre la porte du palais, il entendit les dieux discuter d’un certain Immortel Qingshi, récemment ascensionné.

Un mauvais pressentiment le saisit.

L’Empereur Céleste se souvint soudain de sa promesse. Gêné, il s’excusa auprès de Yue Wuhuan et lui raconta toute l’histoire.

Le phénix eut l’impression d’être frappé par un éclair venu de nulle part… Cette pierre précieuse qu’il avait attendue pendant des millions d’années avait... fait pousser des jambes et s’était enfuie d’elle-même ?

Il devait aller la voir de ses propres yeux.

Ce « regard » dura plus de dix mille ans.

L’immortel Qingshi était véritablement splendide. Son tempérament rappelait celui de la pierre : pur, clair, immaculé. Tout correspondait parfaitement à l’esthétique du phénix. Son air sérieux lui donnait une forme de sagesse candide. Yue Wuhuan n’aspirait qu’à une chose : ramener cette pierre dans son nid et la poser… sur… la poser sur son lit…

Mais comment capturer une pierre sans cœur ?

Alors, il attendit avec patience, encore.

 

2.
Yue Wuhuan avait beaucoup souffert dans ce petit monde.
Toutefois, il avait depuis longtemps laissé derrière lui toute haine à son égard. À son réveil, il confirma que le corps souillé qu’il avait habité n’était qu’un simulacre créé par les démons. Une fois retourné à son véritable corps, il eut l’impression de sortir d’un jeu de réalité virtuelle : la sensation d’avoir vécu ces épreuves en personne s’était estompée, rendant l’expérience bien plus supportable.
D’autant plus que, fort d’une existence millénaire, son âme avait atteint une puissance peu commune. Ses souvenirs et ses expériences s’étaient accumulés comme les étoiles dans l’immense océan cosmique. Une simple goutte d’impureté fondue dans cette mer ne suffirait jamais à en troubler la surface.

S’appuyant sur cet événement comme catalyseur, il choisit de s’en servir pour affronter sa propre faiblesse. Il voulait en triompher, afin que jamais plus les démons ne puissent profiter d’une faille. Son objectif était de réduire sa mysophobie aiguë à un niveau plus tolérable, comparable à celui de Song Qingshi, qui se contentait de se laver et se désinfecter régulièrement les mains. Il ne souhaitait plus perdre le contrôle au contact de ce qu’il considérait comme impur, ni retomber dans le piège de ses anciennes terreurs.

Song Qingshi coopéra pleinement dans cette démarche de guérison psychologique.
Plus tard, Yue Wuhuan découvrit un léger effet secondaire lié au fragment d’âme souillé. À chaque fois que son désir s’intensifiait… le grain de beauté en forme de larme sous son œil réapparaissait.
Cela ressemblait à un résidu du sceau démoniaque, sans réelle incidence physique.

Qu’il soit au lit ou ailleurs, Song Qingshi était un être d’une dévotion inébranlable. Lorsqu’il lisait, son esprit ne contenait que des livres. Lorsqu’il menait ses expériences, rien d’autre n’existait que son laboratoire. Peu réactif, doté d’un quotient émotionnel assez bas, il peinait à décrypter les expressions et, lorsqu’il était absorbé par ses travaux, il en oubliait tout sentiment, tout besoin. Par inadvertance, il laissait souvent son compagnon taoïste dans l’attente…

Ce n’est qu’après plusieurs mois passés dans la salle d’élevage de souris que Yue Wuhuan remarqua, dans un miroir, la réapparition du grain de beauté. Une courte réflexion lui permit de comprendre la situation dans son ensemble.
Il s’agissait d’un problème simple à résoudre : il lui suffisait de consulter un dieu spécialiste des sceaux pour le faire disparaître. Il en parla d’ailleurs à Song Qingshi sur un ton léger, projetant de régler cette affaire une fois ses responsabilités auprès de l’Arbre-Monde accomplies.

À cette remarque, Song Qingshi sembla prendre conscience de son oubli. Après s’être excusé avec douceur, il le rejoignit immédiatement dans son lit, lui consacrant toute son attention jusqu’à ce que le grain de beauté disparaisse.

Yue Wuhuan se sentit parfaitement apaisé. Mieux que cela : comblé.
Les jours suivants, Song Qingshi fit preuve d’une plus grande attention encore. Il prit ce grain de beauté pour un signal précieux. Dès qu’il réapparaissait, il retirait ses vêtements sans attendre et se montrait pleinement disponible, prêt à répondre à tous les désirs de son compagnon.

Sur le bureau, à la bibliothèque, dans le laboratoire, le jardin ou encore les sources chaudes…
Yue Wuhuan vécut de nombreux moments intenses, empreints de bonheur et de plénitude.

La suppression du grain de beauté fut sans cesse repoussée…
Il pensa : « Cela peut bien attendre. »

 

3.
Song Qingshi était un tyran érudit rigoureux, méthodique dans tous les aspects de sa vie. À ses yeux, le désir relevait de l’instinct naturel, tandis que les plaisirs étaient affaire de psychologie. Tant qu’aucun tort n’était causé à autrui, il n’existait, selon lui, aucune raison de restreindre quoi que ce soit.

Ainsi, il n’éprouvait aucun tabou concernant les activités de la chambre à coucher, ni ne comprenait pourquoi il devrait en ressentir de la honte. Dès lors qu’il s’agissait d’un scénario que Yue Wuhuan souhaitait explorer, il acceptait toujours de s’y prêter avec bonne volonté.

Mais après avoir subi plusieurs déceptions, Yue Wuhuan conservait une légère insécurité. Couplée à un besoin impérieux de posséder entièrement son compagnon, cette insécurité l’incita à placer un avatar à ses côtés en permanence. Et lorsqu’ils s’abandonnaient à des ébats particulièrement passionnés, il ressentait le besoin irrésistible de le marquer sur chaque parcelle de peau. Ce n’était qu’ainsi qu’il parvenait à retrouver une pleine sérénité.

Chaque fois qu’il proposait une nouvelle mise en scène, Song Qingshi y consentait avec enthousiasme. Et plus il était choyé, plus il devenait audacieux, avide de découvrir toute la palette des fantasmes.

Yue Wuhuan, chargé de la supervision d’innombrables petits mondes, s’y rendait fréquemment sous des formes variées, les observant et les explorant. Il y avait ainsi développé une véritable expertise dans l’art du jeu de rôle, qu’il affectionnait particulièrement.

Il emmenait souvent Song Qingshi en voyage dans des mondes fascinants. Par exemple, celui des bêtes, peuplé de cultivateurs yao, où il lui offrit des oreilles et une queue de lapin en fourrure. Il leur trouva une tanière douillette, propice à l’isolement, et adopta tour à tour différentes apparences d’hommes-bêtes selon les traditions locales. Là, ils s’abandonnaient librement à leurs envies partagées.

Song Qingshi avoua préférer l’apparence du renard roux. Yue Wuhuan, avec de grandes oreilles écarlates et une queue foisonnante, était si séduisant qu’il en fut bouleversé.

Il appréciait également le monde des ondins. Yue Wuhuan lui façonna un corps muni d’une queue de poisson blanche, tandis qu’il se transformait lui-même en triton rouge. Leurs deux queues s’enlacèrent tandis qu’ils se roulaient dans un amas de perles scintillantes, grisés par l’excitation.
Ils pouvaient aussi prendre la forme de mages humanoïdes pour voyager à terre, découvrir de nouveaux lieux et assister à des histoires de chevaliers et de princes.

Les mondes immatures affichaient généralement un faible niveau technologique. À l’inverse, les univers stellaires ou de haute technologie faisaient partie des mondes pleinement développés. Une fois leur demande acceptée, ils purent également s’y rendre en vacances. Ils y trouvèrent de nombreuses avancées dans les domaines des méchas et de la médecine, particulièrement stimulantes.

Même durant ses congés, Song Qingshi poursuivait ses recherches avec passion. Cette joie nouvelle le remplissait d’un émerveillement sincère. Il en vint à regretter ses anciennes habitudes casanières, ignorant jusqu’alors l’existence d’endroits aussi captivants.
Incidemment, il coopéra aussi pleinement avec son compagnon pour jouer des scénarios interstellaires — notamment celui où, après une défaite, il était capturé par des Voleurs d’Étoiles.

Ce que Song Qingshi redoutait par-dessus tout, c’était que Yue Wuhuan soit de mauvaise humeur et déclenche à nouveau le « mode harem ».

Ce type de scénario survenait principalement lorsqu’il s’immergeait dans ses recherches pendant plusieurs mois, oubliant jusqu’à l’existence de son compagnon taoïste. Dans ces moments-là, Yue Wuhuan l’accompagnait d’abord avec douceur afin de terminer toutes ses expériences. Ensuite, il l’entraînait au palais, désormais transformé. Celui-ci était rempli d’hommes et de femmes d’une grande beauté, incarnant tous différents styles, mais ayant tous un point commun : chacun d’eux n’était autre qu’une facette de Yue Wuhuan lui-même, avec des tempéraments cependant bien distincts. Leurs regards affamés et brûlants ne laissaient aucune échappatoire à Song Qingshi. Il n’était autorisé à quitter les lieux qu’une fois chacun d’eux pleinement satisfait.

C’était une véritable épreuve…

Mais le plus terrifiant survenait ensuite. Lorsque tout semblait terminé, ces beautés invoquaient le champ d’Asura et posaient à Song Qingshi une question redoutable : « Lequel as-tu préféré ? »

Jusqu’à ce jour, il n’avait jamais su fournir la réponse attendue. Chaque tentative se soldait par une «punition ». Ce n’est qu’après avoir prononcé des centaines de fois la phrase « tu me plais », et montré une parfaite connaissance des préférences de son compagnon, qu’il était enfin relâché.

Aussi, aujourd’hui, faisait-il preuve d’une extrême vigilance. Il avait même commandé à un artisan un artefact magique destiné à lui rappeler les moments opportuns. Ainsi, même absorbé par ses travaux, il prenait soin de regagner leur lit au moins une fois tous les deux mois, veillant non seulement à l’équilibre affectif de son compagnon, mais aussi à la santé de sa propre voix, évitant d’avoir à recourir aux pastilles pour la gorge.

Grâce à ces efforts, les incidents liés au harem avaient pratiquement disparu.

Cependant… il arrivait encore, très rarement, qu’il oublie même l’existence de l’artefact.

Alors, Yue Wuhuan se voyait contraint de réagir : « Tu persistes à ne rien changer, malgré les multiples remontrances. Recommençons. »

 

4.

Song Qingshi souffrait d’une légère anxiété sociale. L’idée d’organiser une cérémonie fastueuse devant tous les dieux pour leur union taoïste était pour lui une épreuve insurmontable. De plus, il ne connaissait guère les amis de Yue Wuhuan. Le seul qu’il eût croisé était An Long, mais ce dernier avait déjà scellé sa mémoire, devenant pour ainsi dire un étranger. Bien des choses devraient être réapprises.

Song Qingshi en était tellement embarrassé qu’il avait l’impression de pouvoir s’enfouir sous une montagne entière. Il redoutait profondément les événements solennels de grande envergure.

Heureusement, Yue Wuhuan avait compris ses sentiments. Il refusa poliment toutes les propositions de ses amis enthousiastes et opta pour une cérémonie sobre, à laquelle il invita seulement l’Empereur Céleste à agir comme témoin.

L’Empereur Céleste, fort de son expérience et de sa sagesse, n’avait que faire des considérations de genre. Toutefois, en pensant au Phénix et à la pierre qu’il avait lui-même raffinée, il ressentit une légère gêne.

Yue Wuhuan lui rappela alors, avec une voix calme mais assurée : « N’étais-tu pas censé me remettre cette pierre ? »

L’Empereur Céleste réfléchit un instant. En effet. Une promesse divine ne souffre d’aucun manquement. Le fait que la pierre se soit transformée en homme et ait fui d’elle-même était un incident imprévu, sur lequel il n’avait eu aucun contrôle. Mais à présent, il était temps de réparer les choses.

C’est ainsi qu’il organisa, avec joie, une cérémonie pour unir les deux êtres. Il leur offrit de magnifiques pierres précieuses ainsi que de curieux matériaux de recherche, puis envoya un avis officiel à tous les dieux du royaume.

Parmi ces derniers, nombreux étaient ceux qui vouaient un culte au dieu Phénix. Cependant, en tant qu’êtres régis par des principes moraux plus élevés, ils avaient déjà vu leurs membres les plus fanatiques se faire corriger dans le petit monde, certains en gardaient encore des séquelles douloureuses. Tous reconnaissaient désormais les efforts inlassables de Song Qingshi dans le monde inférieur et admiraient sa ténacité semblable à la pierre. De surcroît, il avait sauvé le royaume divin. Ajoutez à cela l’obsession naturelle du Phénix pour les pierres… en somme, l’ensemble des dieux exprima son approbation et envoya une avalanche de présents pour bénir leur union.

À l’origine, Yue Wuhuan envisageait de s’installer avec son compagnon dans le Temple du Phénix.

Celui-ci, somptueux et spacieux, regorgeait de trésors venus de tous les mondes. C’était l’un des lieux les plus splendides du royaume divin. Toutefois… il s’avéra rapidement trop vaste, trop peuplé de messagers, de servantes et de serviteurs divins.

Song Qingshi ne s’y sentait guère à l’aise.

Yue Wuhuan lui-même finit par reconnaître l’inconfort de la situation. Ainsi, lorsque son compagnon taoïste se levait en annonçant vouloir simplement « faire un tour dans le jardin », il pouvait errer pendant trois jours sans en avoir exploré la moitié. Quant à leur gigantesque lit doré, il était si large que Song Qingshi, en se retournant durant son sommeil, ne parvenait plus à retrouver ses bras. Yue Wuhuan en était réduit à étreindre sa propre couette pour dormir.

Il ne comprenait plus pourquoi il avait construit un temple d’une telle ampleur. Trouver quelqu’un à l’intérieur tenait du miracle. De plus, les affaires divines qui exigeaient son attention étaient trop nombreuses, ce qui nuisait à une vie conjugale paisible.

Finalement, tous deux décidèrent de s’installer dans la petite cour céleste de Qingshi, nichée parmi les nuages. Rebaptisée « Pavillon des Nuées », elle fut réaménagée selon les principes de la Vallée de la Médecine, comprenant divers laboratoires, entrepôts de remèdes et bibliothèques. Ils y convièrent quelques jeunes dieux intelligents et passionnés de médecine pour les assister.

Un avatar de Yue Wuhuan resta au Temple du Phénix afin d’assurer les fonctions administratives. Lors des grandes cérémonies ou des événements importants, le couple y revenait ponctuellement. De temps à autre, ils partaient en vacances dans des mondes intéressants.

Leur quotidien s’écoulait désormais sans tumulte majeur.

Toutefois… ils se retrouvaient souvent fort perplexes face à l’éducation de leur fils.

 

5.

Song Qingshi éprouvait depuis toujours des difficultés à nouer des liens avec les animaux. C’est pourquoi il avait développé une affection toute particulière pour Hao Long, qui, contre toute attente, avait accepté de s’attacher à lui.

Ce dernier les appelait tous deux « papa », créant ainsi un lien filial clair et profond entre eux.

Yue Wuhuan fit sortir Hao Long du petit monde et le reconnut officiellement comme fils adoptif, l’élevant ainsi au rang de divinité et l’intégrant au panthéon. Il le rebaptisa en conséquence : Song XiaoBai.

Soucieux de lui offrir les meilleures conditions, Yue Wuhuan alla trouver le dieu de la sagesse afin d’obtenir le fruit de la sagesse ainsi que ses feuilles sacrées. Par la suite, il se rendit dans un monde de haute technologie où il acquit des traitements génétiques destinés à améliorer le quotient intellectuel. Il versa l’ensemble de ces ressources dans le corps de ce petit serpent quelque peu limité… et finit par faire progresser son niveau d’intelligence de « déficient » à simplement « sous-performant ».

Song Qingshi se montra tout à fait enthousiaste à l’idée d’apprendre à lire à son fils.

Tous deux, Song Qingshi et Yue Wuhuan, étaient des divinités illustres dans le domaine académique. Ils élaborèrent donc un programme rigoureux, combinant devoirs à profusion et discipline stricte, qu’ils maintinrent pendant trois longues années. Hélas, malgré tous leurs efforts, Song XiaoBai se montrait incapable de maîtriser les bases. Non seulement il confondait faisans et lapins en cage, mais il commettait fréquemment des erreurs dans des calculs élémentaires portant sur des nombres inférieurs à cent. Il pleurait, protestait bruyamment, et préférait subir trois punitions quotidiennes infligées par son père plutôt que de faire ses devoirs.

L’enseignement de XiaoBai en vint à ébranler la confiance de Song Qingshi en ses propres capacités…

Ce fut Qing Luan qui identifia le cœur du problème. Elle observa avec discernement : « Bien que le jeune maître XiaoBai ait désormais un quotient intellectuel équivalent à celui d’un enfant ordinaire, il existe des méthodes pédagogiques adaptées à la petite enfance. L’éducation doit suivre une progression cohérente. Peut-être… vos divinités pourraient-elles envisager de l’inscrire dans une école de mortels, où un enseignant spécialisé pourrait l’accompagner pas à pas dans son développement ? »

Song Qingshi estima cette suggestion fort judicieuse. Il entraîna Yue Wuhuan dans une vaste étude comparative des établissements éducatifs répartis à travers les différents mondes.

Il faut savoir que le langage des dieux contenait intrinsèquement une force divine, lui conférant une universalité telle qu’il transcendait les langues de tous les mondes. Ils n’avaient donc nul besoin d’apprendre spécifiquement une langue étrangère.

Ils commencèrent par exclure les mondes dominés par la guerre ou dont les systèmes académiques étaient jugés médiocres. Puis furent écartés ceux dont l’éducation était encore balbutiante. Finalement, après avoir étudié de nombreux plans à la pointe de la technologie, ils découvrirent un monde particulièrement avancé et satisfaisant.

Il s’agissait d’un monde peuplé d’hommes-bêtes, où les technologies avaient atteint un tel degré d’évolution que même les couples de même sexe pouvaient concevoir des enfants. Il était tout à fait commun que deux pères forment une famille. De plus, la lignée du serpent spirituel dont XiaoBai était issu ne constituait nullement un motif de rejet parmi ses pairs. Yue Wuhuan utilisa sa puissance divine pour sélectionner un jardin d’enfants particulièrement réputé. Les enseignants y faisaient preuve d’une grande bienveillance envers les élèves, la gestion de l’établissement était irréprochable, et les repas étaient adaptés aux particularités biologiques de chaque race.

Dans ce monde technologique des hommes-bêtes, l’espérance de vie moyenne était considérable. Un enfant mettait environ vingt ans pour achever le cycle complet, de la maternelle jusqu’à l’université.

Song Qingshi nourrissait pour son fils des aspirations élevées. Il souhaitait qu’il poursuive des études supérieures jusqu’à l’obtention d’un doctorat. Il n’était pas particulièrement exigeant ; un seul doctorat lui suffisait. Il n’en réclamait ni deux, ni trois.

Yue Wuhuan, quant à lui, se manifesta dans ce monde sous une incarnation bien distincte : celle d’un important actionnaire dans une célèbre entreprise de joaillerie. Il restait discret, apparaissant rarement en public, et ne participait pas à la gestion quotidienne. Il se contentait de collectionner les pierres précieuses les plus rares, tant dans ce monde que dans les galaxies avoisinantes. De temps à autre, il concevait quelques modèles de bijoux en édition très limitée, provoquant l’enthousiasme de toute la haute société.

Après l’arrivée de Song Qingshi, tous deux contractèrent un acte de mariage dans ce monde et achetèrent une demeure à proximité du jardin d’enfants.

Leur fortune et leur statut social leur importaient peu.

Tous deux concentrèrent leurs efforts sur l’éducation de leur fils, se relayant pour l’accompagner à l’école. Ils allèrent jusqu’à l’inscrire à huit cours extrascolaires : arts plastiques, échecs, chant, instruments de musique, logique, robotique, étiquette et philosophie.

Face à cette pression éducative, Song XiaoBai entra en rébellion. Il séchait les cours, provoquait des bagarres… et allait jusqu’à mordre ses camarades.

Était-ce là le chemin que chacun devait emprunter pour grandir ?

Le dieu de la création et son compagnon taoïste — l’un, un érudit intransigeant, l’autre, une divinité encore en phase d’apprentissage — furent convoqués au bureau de la direction de l’école maternelle.

Une jeune enseignante appartenant à la famille des moutons, spécialisée en psychologie de la petite enfance et animée d’un profond sens des responsabilités, leur adressa une sévère remontrance quant à leurs méthodes éducatives, qu’elle jugea totalement inappropriées. Elle critiqua en particulier l’attitude de Yue Wuhuan, qui n’hésitait pas à recourir à la punition corporelle à la moindre occasion. Elle proposa alors plusieurs plans d’intervention éducative et insista avec fermeté sur la nécessité d’une coopération étroite entre la famille et l’école pour réformer Song XiaoBai avec amour et bienveillance, le guidant ainsi vers le droit chemin.

Yue Wuhuan demeura silencieux : « … »

Song Qingshi, lui aussi, fut décontenancé : « …… »

Ils devaient se rendre à l’évidence : ils ne savaient absolument pas comment élever un enfant aussi lent d’esprit.

Cependant, le choix avait été fait. L’enfant était adopté, il avait été intégré au panthéon des dieux : il n’était plus question de revenir en arrière.

La vie mouvementée d’éducation parentale menée par les deux hommes dura vingt-deux années entières. (XiaoBai ayant redoublé deux niveaux.)

Peu importait la rigueur de son travail ou la somme d’efforts fournis, les résultats scolaires de Song XiaoBai ne parvenaient jamais qu’à effleurer la moyenne.

À chaque réunion de parents d’élèves, ils ne pouvaient que baisser la tête, pleins de gêne…

Finalement, les notes de Song XiaoBai se révélèrent insuffisantes, même pour être admis dans l’université la plus médiocre. Cependant, lors du test de capacité, il révéla une puissance spirituelle de rang SSS ainsi qu’un physique de niveau SSS. Il fut immédiatement recruté dans la classe d’élite de la plus prestigieuse académie militaire, inscrite sur la liste des futures réserves de commandement général.

Song Qingshi fut abasourdi face aux éloges que lui adressèrent les autres parents, envieux.

Bien que leur fils ait été accepté dans un établissement d’élite, Song Qingshi ne put s’empêcher de ressentir un certain malaise.

Yue Wuhuan le rassura avec calme : « Ce n’est rien. Nous le ferons nommer officier dans la division d’An Long. »

 

  1.  

Yue Wuhuan possédait un don remarquable pour la fermentation du vin. Il savait élaborer des crus d’une qualité exceptionnelle.

Chaque fois qu’An Long revenait du champ de bataille, il avait coutume de rendre visite à Yue Wuhuan afin d’y déguster un verre de vin — gracieusement offert, cela va sans dire.

Autrefois, il se rendait au Temple du Phénix, mais désormais, il se présentait au Pavillon de la Résidence Céleste. Pour lui, du moment qu’il y avait du vin, le lieu importait peu. Toutefois, ce qu’il trouvait sur place le laissait souvent déconcerté : Yue Wuhuan et son compagnon taoïste, manifestement très épris l’un de l’autre, ne cessaient de se témoigner des marques d’affection. La scène était si constante, si appuyée, qu’An Long avait l’impression d’être gavé de nourriture pour chien à chaque visite.

(NT: Idiome signifiant qu’une personne célibataire (le ‘chien’) est forcée d’assister à des démonstrations d’affection publique entre un couple)

Il en venait à penser que son frère avait profondément changé depuis son mariage. Auparavant, ils s’échangeaient volontiers des coups au visage lors de leurs entraînements ; aujourd’hui, cela ne semblait plus permis.

Ce jour-là, An Long venait à peine d’achever une mission d’extermination de plusieurs grands démons. Il dégageait une aura martiale éclatante, empreinte d’un héroïsme flamboyant. Avide de repos et de réconfort, il se hâta de venir savourer quelques verres de vin fort.

Contre toute attente, il trouva Yue Wuhuan assis sous un arbre en fleurs, épluchant méticuleusement des grappes de raisin, retirant les pépins un à un avant de porter chaque grain à la bouche du Shenjun Qingshi.

Ce dernier, absorbé par l’écriture, marmonna doucement : « C’est suffisant, je ne veux plus rien manger. »

Attentif, Yue Wuhuan déposa les raisins et se tourna vers une bouteille de vin soigneusement sélectionnée. « Tiens, bois plutôt un peu de cela. »

……

An Long eut l’impression que ses yeux allaient se fermer à jamais.

Était-ce donc cela, la vie des grands maîtres ?

Où était passé son frère autrefois si ferme sur le champ de bataille, inflexible et intrépide, cet être fier et inébranlable de la tête aux pieds ?

« Mon amour »… Ces scènes étaient proprement toxiques. Elles aveuglaient à leur simple contact — et pas seulement soi-même, mais aussi tous les amis environnants.

Pendant un long moment, il but plusieurs verres de vin, accompagnés à chaque gorgée d’un surplus de nourriture pour chien.

Yue Wuhuan, qui le connaissait depuis tant d’années, n’eut aucun mal à deviner ce qu’il avait en tête. À demi en plaisantant, il déclara : « Peut-être as-tu connu un épisode similaire dans le petit monde. »

« Quelle idée absurde ! Je ne me serais jamais égaré de la sorte ! » s’exclama An Long, l’alcool lui déliant la langue. « Même si, par accident, j’avais éprouvé des sentiments dans ce monde parallèle, cela n’aurait pu être qu’envers une femme vertueuse et douce, certainement pas comme vous deux… Deux hommes constamment enlacés, échangeant des regards langoureux, incapables de se séparer ne serait-ce qu’un instant… »

Song Qingshi venait à peine de poser son stylo lorsqu’il entendit ces paroles. Tout son être demeura pétrifié de stupeur. « Une femme vertueuse? »

Aussitôt, il se remémora ces odieux vêtements féminins de la formation du cauchemar dévoreur de coeur. Bien que Yue Wuhuan lui eût longuement expliqué la situation, il n’avait jamais vraiment compris pourquoi, dans le cauchemar d’An Long, celui-ci l’avait affublé d’une tenue de femme. Désormais, la vérité éclatait : au fond de son cœur, An Long avait toujours désiré… être une femme !

Song Qingshi eut soudain l’envie irrésistible de déchiqueter ce Malamute d’Alaska !

Mais, après tout, les événements du petit monde appartenaient désormais au passé…

An Long s’était égaré, au point de perdre toute orientation. De plus, il avait volontairement scellé sa mémoire. Il n’y avait donc plus aucun intérêt à raviver cette querelle.

Song Qingshi inspira profondément. Qu’il en soit ainsi. Mieux valait préserver la paix — elle était en soi une bénédiction. Il reprit donc calmement la rédaction de ses notes de recherche.

Qui sait ? Peut-être ce Malamute d’Alaska finirait-il un jour par guérir, et ramènerait-il un jeune homme du champ de bataille pour former un couple…

Tout en écrivant à une vitesse fulgurante, il le « bénit » intérieurement, en silence.

Yue Wuhuan, amusé, jeta un regard à Qingshi Shenjun, haletant et irrité, avant de se tourner vers An Long : « Il ne reste plus de vin fort. »

Le visage d’An Long se figea dans l’incrédulité. « Tu ne m’en mets pas de côté chaque année ? »

« Depuis notre retour du petit monde, les réserves sont épuisées », répondit Yue Wuhuan avec un léger sourire. « Ce que j’ai récemment fermenté, ce n’est que du vin médicinal… Aigre et astringent.»

An Long réfléchit un long moment, puis, comprenant enfin, s’exclama avec un air contrarié : « Je me contenterai de ma nourriture pour chien, alors ! Ne dis plus rien ! »

La cécité émotionnelle n’était qu’un détail. Mais l’absence d’alcool, voilà un véritable fléau.

Il poussa un juron, se frappa la poitrine, et s’écria intérieurement qu’il était un noble dragon noir, un général aguerri, ayant traversé les pires champs de bataille. Quelques poignées de « nourriture pour chien » ne sauraient l’ébranler.

Constatant que Yue Wuhuan ne cèderait pas, il se hâta d’aller supplier l’Immortel Qingshi. Ce dernier n’était pas rancunier de nature. Après quelques instants de lamentation sincère de la part d’An Long, il se calma.

Yue Wuhuan l’attrapa aussitôt, lui fourra deux jarres de vin dans les bras, puis le repoussa hors du Pavillon de la Résidence Céleste.

Le plan d’An Long avait fonctionné. Il se transforma en dragon noir dans les airs et s’éloigna, riant de bon cœur. Il restait encore bien des démons à la frontière ouest qui menaçaient la paix.

Quant à l’amour, cette source perpétuelle de contrariétés, il n’en voulait pas, même si on la lui offrait.

La véritable romance d’un homme, c’était le champ de bataille ! C’était le sang versé !

 

7.

Après que le Dieu Phénix eut retrouvé sa place légitime, les dieux et envoyés divins tombés dans le petit monde recouvrèrent leurs souvenirs et se retirèrent progressivement.

Kong Muhua, autrefois l’un des adjudants du Shenjun (NT: l’Immortel), aurait dû retourner dans le royaume divin avec les autres. Cependant, après de longues et difficiles recherches, il avait enfin retrouvé l’élu de son cœur et lui avait arraché un consentement pour le mariage. Même au prix de sa vie, il refusait désormais de quitter ce monde.

Il se présenta devant le dieu et pleura pendant trois jours entiers, faisant une scène lamentable, suppliant, geignant et se montrant misérable à souhait. Finalement, il obtint un permis et un laissez-passer temporaire lui permettant de circuler librement entre le petit monde et le royaume divin. Il fut chargé d’y maintenir l’ordre et de surveiller le fil du destin.

En principe, le Dieu Phénix n’intervenait jamais dans le cours autonome du destin propre à chaque petit monde.

Cependant, l’impact du Pic Inextinguible sur cet univers-ci s’était révélé trop profond pour qu’il puisse s’en désengager immédiatement.

C’est ainsi que Bai Zihao devint l’agent du Pic Inextinguible, héritant de l’autorité laissée par le dieu. Il prit en charge la résolution des problèmes touchant toutes les régions du monde. Au départ, nombreux étaient ceux qui doutaient de sa force. Mais le Dao Céleste — encore sous le contrôle du Dieu Phénix — veillait secrètement sur lui, le gratifiant de plusieurs opportunités exceptionnelles qui firent immédiatement progresser sa base de cultivation de deux niveaux. Quelle que soit l’entreprise, tout semblait lui réussir.

Il prit également pour compagnon taoïste un ancien grand yao.

Le monde se plia rapidement sous sa domination.

Quant à Bai Zihao, il savait parfaitement que Kong Muhua affectionnait le regard des foules et rêvait d’une grande cérémonie de compagnonnage taoïste, grandiose et inoubliable.

Kong Muhua débordait de joie, mais lorsqu’il aperçut sa queue déplumée, son être tout entier, pourtant glorieux oiseau, fut saisi d’un profond malaise. Il s’effondra immédiatement en sanglots et se réfugia dans la tour de broderie, refusant toute visite. Jour après jour, il brossait avec soin ses rares plumes dorées, inondant son visage de larmes. Il s'était résolu à attendre que les plumes de sa queue aient repoussé et que sa splendeur fût rétablie, avant d’envisager la cérémonie.

Durant cette période, il ne reprit même pas sa forme féminine. Il conservait chaque jour son apparence masculine. Ses cheveux, brûlés, avaient été coupés court. Deux cicatrices marquaient même ses joues. Les plumes caudales du Paon Yao, dotées d’un pouvoir d’exorcisme, se régénéraient lentement. Chaque nuit, il se glissait dans le lit de Bai Zihao, empli de pitié pour lui-même et de mépris pour ce qu’il était devenu. Il se lamentait sur sa propre laideur, sur la dette immense qu’il contractait envers son compagnon taoïste qui ne l’avait jamais abandonné, et sur son incapacité à lui rendre sa bonté. Il ne pouvait, disait-il, que le servir de son mieux par son propre corps, le combler et le satisfaire en tout…

Bai Zihao demeurait sans voix : « … »

Kong Muhua mit une ardeur extrême à le satisfaire, allant jusqu’à recourir à la double cultivation pour lui transmettre son énergie. Bai Zihao peinait à endurer une telle ferveur, d’autant plus que le bruit de leurs échanges était difficile à contenir.

Au Pic Inextinguible, la plupart des oiseaux yao qui connaissaient Kong Muhua étaient partis avec le dieu. Nombre de disciples des sectes affiliées, nouvellement affectés, ignoraient tout de son passé.

C’est ainsi que circula bientôt une rumeur : il enfermait une beauté inégalée dans une pièce obscure, qu’il tourmentait jour et nuit…

Bai Zihao : « … »

Il s’adaptait fort bien à ces racontars, peu soucieux des propos infondés venus de l’extérieur.

Autrefois, lorsqu’il avait tué Jin Feiren, non seulement il ne s’était pas imposé de deuil, mais il s’était même réfugié au Pic Inextinguible. On le surnomma alors le mari le plus venimeux du royaume immortel. L’histoire fut relayée à travers d’innombrables romans populaires, déclenchant l’indignation générale. Il n’y avait nul moyen de laver sa réputation : l’image publique de Jin Feiren avait été soigneusement bâtie, et ses turpitudes privées ne pouvaient être dévoilées.

Par la suite, Bai Zihao devint maître du Pavillon de Givre et de Glace, assassin du Pic Inextinguible, responsable de nombreuses exécutions. Plus personne n’osait évoquer ces récits en sa présence. D’autant que Shenjun avait expressément exterminé ceux liés au Manoir du Phénix d’Or, ce qui effaça peu à peu toute association de son nom avec l’affaire. Néanmoins, quelques romans sentimentaux de l’époque continuaient de circuler sur le marché. Ces ouvrages classiques restaient prisés, accusant à demi-mot un « homme cruel » d’avoir tué son époux. Publiés sous pseudonyme, nul ne savait qu’il s’agissait de lui.

Bai Zihao cultivait la Voie de la Glace. Son cœur de Dao était ferme ; il ne prêtait aucune attention à ces vétilles.

En revanche, Kong Muhua, découvrant un jour ces romans, entra dans une colère noire. Il interdit leur diffusion, investit une fortune pour engager plusieurs auteurs renommés, les chargeant de réécrire entièrement l’histoire. Le personnage principal devint ainsi… XiaoBai Hua, une beauté mélancolique et tragique, maltraitée par son mari, mais sauvée in extremis par un héros éclatant ayant traversé mers et flammes pour le secourir.

Bai Zihao : « … »

Le Dao Céleste lui avait octroyé tant d’opportunités qu’il lui était désormais impossible de toutes les assimiler. Il décida qu’il lui fallait entrer en retraite fermée, concentrer tout son esprit sur sa cultivation et atteindre le prochain stade aussi rapidement que possible.

Lorsque les plumes de Kong Muhua eurent enfin repoussé, tout son être d’oiseau s’en trouva revivifié. Sa beauté resplendissait plus que jamais. Enivré de bonheur, il traîna son compagnon taoïste pour organiser une cérémonie d’un faste inégalé. La célébration fut éblouissante : le Dieu Phénix, Qingshi Shenjun et leurs pairs du royaume divin leur offrirent des présents prestigieux. Le ciel se couvrit de nuages de bon augure, et les dieux envoyèrent leurs bénédictions. Cette cérémonie somptueuse fut consignée dans les annales du royaume immortel, et longtemps, on en parla avec admiration.

Tous s’accordaient à louer la bonne fortune de Bai Xianzun, qui avait su conquérir une épouse aussi belle, douce et dévouée.

Bai Zihao : « … »

Il allait devoir se retirer pour plusieurs décennies afin de fortifier son cœur.

 

Traduction: Darkia1030