MISVIL - Chapitre 114 - Économies d'énergie
Ce démon impur… se pourrait-il que ce soit un humain ? »
Pendant plusieurs jours consécutifs, le vent violent et la pluie torrentielle ne laissèrent pas filtrer un seul rayon de soleil, l’air était lourd et humide.
Huang Abao était un paysan du village Huang, situé dans la montagne du Pin Noir. Leur village était peuplé uniquement d’hommes ordinaires, vivant de l’agriculture et de la chasse, dans une grande pauvreté.
Une quinzaine de jours auparavant, sa mère tomba malade. Au début, quelques taches noires et fines apparurent sur son bras, puis elles s’assombrirent peu à peu, se répandirent, jusqu’à envahir tout son corps.
Dans le monde des cultivateurs, où l’énergie spirituelle était abondante, les mortels tombaient rarement malades, et la plupart des petits maux guérissaient d’eux-mêmes. Sa mère pensait avoir mangé quelque chose de mauvais et refusait de dépenser de l’argent. Après bien des supplications de la part de son fils et de sa belle-fille, elle fit venir un guérisseur du village qui lui donna deux remèdes bon marché, sans résultat. La nuit de l’avant-veille, en se levant pour boire de l’eau, elle s’effondra devant la table et ne se releva plus. Sa femme et sa fille présentaient elles aussi de légères taches noires sur les mains. Huang Abao comprit enfin que la situation était grave.
Le guérisseur du village déclara que cette maladie dépassait ses compétences et lui indiqua la clinique du Roi de la Médecine à la ville de Tongyang.
La clinique du Roi de la Médecine, appartenant à la vallée de la Médecine, possédait une excellente réputation pour ses compétences médicales, ses tarifs équitables, et organisait parfois des consultations gratuites pour les pauvres.
Sa femme, A Cai, ôta son bracelet d’argent et resta auprès de la mère évanouie, tandis que Huang Abao portait leur fille sur le dos, emportant tous leurs biens pour aller chercher un remède à Tongyang.
La distance entre la montagne de Pin Noir et Tongyang était de trois cents li. Huang Abao marcha sans sommeil pendant trois jours et trois nuits, ses pieds couverts d’ampoules sanglantes, gonflés au point qu’il ne pouvait presque plus enfiler ses chaussures. Épuisé, il parvint enfin à la clinique du Roi-Médecin, tenant dans ses bras sa fille dont la maladie s’aggravait, et il s’agenouilla devant un jeune médecin.
Ce médecin, du nom de Cheng, venait de finir ses études à la vallée de la Médecine et débordait d’ambitions.
Il prit immédiatement en charge cette famille pauvre. Après un diagnostic préliminaire, il pensa à une infection par des impuretés, essaya divers traitements comme la pilule de purification et la poudre d’élimination du mal, mais rien n’y fit. Les taches sur le bras de la fillette devenaient de plus en plus sombres. Ne parvenant pas à déterminer la cause, il décida de retourner au village Huang avec eux en chevauchant un cheval spirituel.
À midi, le village Huang était d’un silence mortel, même les bruyants coqs et chiens avaient disparu.
Partout dans le village, il y avait du sang et des cadavres…
Le médecin Cheng sentit un mauvais présage : « Y a-t-il des brigands dans le coin ? »
Mais en disant cela, il trouva lui-même cette hypothèse douteuse. Le village Huang était si pauvre qu’il n’y avait rien à piller.
Huang Abao était déjà paniqué. Il confia sa fille au soin du médecin et retourna précipitamment chez lui. En ouvrant la porte, il vit sa mère, tenant des ciseaux dans la main, morte, criblée de coups d’armes blanches. Dévasté, il chercha sa femme partout et vit que même les poules et les cochons étaient morts. Sa femme, habituellement si douce, était accroupie dans un coin sombre, tremblante, tenant un couteau de cuisine ensanglanté.
Son corps était couvert de taches noires et ses yeux étaient rouges.
Huang Abao demanda en hâte : « A Cai, que se passe-t-il ? »
« Maman… elle est devenue folle, elle voulait me tuer, » sa voix tremblait dans l’obscurité, comme si elle se retenait, « elle voulait me tuer, me tuer, alors… »
La mère et la belle-fille s’entendaient bien, elles plaisantaient souvent, se chamaillaient peu. Huang Abao n’en croyait pas ses yeux, il s’avança pour tirer sa femme hors de l’ombre afin de mieux comprendre.
Soudain, une douleur aiguë lui déchira l’épaule : sa femme, avec un sourire étrange, lui asséna un coup de couteau.
« A Cai ? » Huang Abao, qui connaissait sa femme depuis l’enfance, n’avait jamais vu ce visage. Malgré la douleur, il tenta d’arrêter le couteau qui revenait vers lui. « Es-tu devenue folle ? »
Les yeux de sa femme étaient vides d’émotion, ses mouvements rigides, comme une marionnette contrôlée.
Cette femme frêle possédait une force terrifiante. Huang Abao ne parvenait pas à lui faire lâcher son couteau.
Soudain, une flamme jaillit, c’était le médecin Cheng qui brûlait A Cai avec un talisman de feu. Mais elle ne sembla pas ressentir la douleur, attaquant de plus belle, prête à tuer son mari bien-aimé. Ne pouvant faire autrement, le médecin dégaina son épée, trancha la main qui tenait le couteau, puis la lança, la clouant au mur.
Huang Abao s’effondra, hébété.
À ce moment, le médecin vit des taches noires sur son propre bras. Ses yeux commencèrent à se troubler…
Une douleur aiguë lui transperça l’épaule : la petite fille sur son dos mordit sauvagement, arrachant un morceau de chair. Le médecin lâcha l’enfant, qui rampait néanmoins vers lui, tentant de mordre de nouveau.
Le médecin sentit le danger et voulut dégainer un talisman pour se défendre, mais il constata avec horreur que des taches noires apparaissaient aussi sur ses mains…
*
Après avoir examiné les cadavres du village Huang, le médecin s’enferma dans une pièce vide grâce à un cercle magique, observant quotidiennement l’évolution de sa maladie et rédigeant un rapport médical : il s’agissait d’une maladie infectieuse inconnue, au début les symptômes étaient légers, indolores, facilement ignorés, puis la propagation s’accélérait. Le patient développait d’abord des taches noires striées, puis, une fois ces taches recouvrant tout le corps, il perdait conscience. À son réveil, il devenait une marionnette meurtrière et cruelle, tuant toutes les créatures vivantes sans distinction, puis mourait au bout de trois à cinq jours. Les symptômes de la mort étaient…
Avant de perdre connaissance, il envoya par oiseau messager ses notes et ses espoirs à la vallée de la Médecine.
Un médecin a le cœur compatissant, il espérait que ses confrères trouveraient la cause de la maladie et sauveraient le monde.
Jeune et plein d’ambition, il ne réalisa jamais ce rêve.
Ce fut sa dernière étude, son testament.
Car il n’avait plus d’échappatoire…
*
Au Pic Inextinguible, la nuit.
Le Seigneur Divin offrit une forte récompense. Le Pavillon des Techniques Célestes utilisa des matériaux précieux sans compter les dépenses. Le maître du pavillon, lui-même intéressé par ce projet généreusement financé, travaillait avec ses disciples jusqu’à en blanchir leurs cheveux. Finalement, ils fabriquèrent l’instrument magique demandé par le Roi-Médecin : une cage entièrement close en os de cachalot fantôme, dont la porte comportait une petite fenêtre d’observation en cristal de météorite, suffisamment claire pour voir l’intérieur.
Après inspection, Sòng Qīngshí fut très satisfait, chercha mille éloges et loua abondamment le maître du Pavillon des Techniques Célestes.
Puis, il introduisit le démon impur préparé, y injecta le poison.
Le démon impur mourut sans encombre.
Sòng Qīngshí et les médecins de la vallée de la Médecine passèrent leurs nuits à veiller sur les changements du cadavre dans la cage. Après environ quinze jours, le corps du démon se dissipa lentement en une fumée noire, puis, dans un coin de la cage, il se reconstitua, formant un nouveau démon impur qui cognait furieusement contre la cage.
Les médecins, stupéfaits, prirent frénétiquement des notes, discutant de cette transformation incroyable.
Sòng Qīngshí réfléchit longuement et émit prudemment une hypothèse : « La loi de conservation de l’énergie. » (NT : 1è des 3 lois fondamentales de la thermodynamique)
L’énergie ne peut être ni créée ni détruite, elle se transforme seulement d’une forme à une autre, ou se transfère d’un corps à un autre, tandis que la quantité totale d’énergie reste constante.
Le démon impur était constitué d’énergie maléfique, qui était une forme d’énergie.
Donc, lorsqu’on éliminait un démon impur, son énergie renaissait ailleurs, formant un nouveau démon. C’est pourquoi on ne pouvait jamais s’en débarrasser totalement.
C’était un doute qui le taraudait depuis longtemps, désormais enfin confirmé.
Mais d’où venait donc le tout premier démon impur ?
Grâce à l’aide de Yue Wuhuan, il consulta l’histoire des temps obscurs et le processus de naissance des démons impurs.
Yue Wuhuan demanda : « Après le déclenchement de la guerre au Pic Inextinguible, les démons impurs sont apparus. Ne serait-ce pas la manifestation du ressentiment? »
Sòng Qīngshí secoua la tête : « Le ressentiment est une émotion, il n’appartient pas au domaine de la conservation de l’énergie. Dans le monde des cultivateurs, il existe aussi des démons créés par la rancune, comme les femmes vengeresses ou les âmes errantes. Une fois détruits, ils ne renaissent pas, ce ne sont pas des démons impurs. »
Yue Wuhuan hésita : « Ce démon impur… se pourrait-il que ce soit un humain ? »
Sòng Qīngshí resta silencieux…
C’était une vérité qu’ils ne voulaient guère affronter, mais la plus proche de la réalité.
« À l’époque de Mo Yuan, durant la bataille contre les démons, nous avons tous vu de nombreux humains se transformer en créatures démoniaques. À ce moment-là… tout le monde pensait que c’était parce qu’ils avaient du sang démoniaque, » expliqua Yue Wuhuan avec difficulté. « Peut-être que la bataille contre les démons n’est pas terminée, que les démons existent encore, tapis silencieusement dans le corps des humains, éveillant leurs désirs les plus vils. C’est pourquoi le monde des cultivateurs est partout rempli de cruauté, de brutalité, d’indignité… de déchets. »
Au Pic Inextinguible, on avait massacré une quantité énorme de ces déchets, et le qi démoniaque, privé de porteur, s’étaitt alors transformé en ces démons impurs qu’on ne pouvait exterminer ni purifier.
N’était-ce pas parce qu’An Long avait des désirs intenses qu’il fut possédé par le qi démoniaque, modifié sans cesse, tombant toujours plus profondément, jusqu’à ne plus pouvoir s’en libérer ?
Yue Wuhuan demanda doucement : « Est-ce ma faute ? »
Song Qingshi répondit avec assurance : « Non. »
Une pluie torrentielle s’infiltra dans la pièce. Yue Wuhuan, profondément agacé, se leva pour fermer la fenêtre, mais aperçut alors d’innombrables éclairs dans les nuages noirs. Au loin, le tonnerre grondait, des milliers de lampes à âmes vacillaient sous la pluie, produisant un tumulte chaotique qui l’agaçait sans raison. Il murmura : « Je déteste ce monde impur. Il vaudrait mieux qu’il disparaisse… »
Song Qingshi le consola : « Ne perds pas espoir, peut-être que ça ira mieux. »
Yue Wuhuan ricana froidement : « Cela m’est égal. »
Song Qingshi hésita un instant : « Tu es le souverain du Pic Inextinguible, peut-être… peux-tu sauver ce monde. »
« Il ne le mérite pas, » répondit Yue Wuhuan sans la moindre hésitation. « Ce monde ne m’a jamais témoigné la moindre pitié, seulement mépris, humiliation, douleur et haine. Pourquoi devrais-je le plaindre ? Si je pouvais trouver le manipulateur secret qui contrôle le destin, je le déchirerais en mille morceaux et le tourmenterais pour l’éternité. »
Song Qingshi réfléchit longuement, puis demanda avec précaution : « Pourquoi te méprise-t-il au lieu de te tuer directement ? »
Yue Wuhuan ferma douloureusement les yeux, refusant de répondre.
Song Qingshi murmura : « En fait, tu l’as deviné, n’est-ce pas ? Même si tu ignores ce qu’est ce manipulateur et pourquoi c’est toi… ce qu’il veut, c’est ta haine. La haine qui t’empêche de te libérer, de t’élever… »
Yue Wuhuan esquissa un sourire amer : « Et alors ? »
Sans cesse humilié, sans cesse torturé, perdant sans cesse ceux qu’il aime, sombrant sans cesse dans la folie, mourant sans cesse dans la douleur… mille cycles de souffrance sans fin.
Même en connaissant le but du manipulateur, il ne pouvait contrôler son cœur.
Qui, dans cette situation, ne ressentirait pas de haine ?
Une haine qui transperçait le cœur, empêchant de dormir la nuit…
Soudain, une multitude d’éclairs s’abattirent furieusement au même endroit. La terre trembla, les montagnes vacillèrent.
Les talismans gravés sur la paroi de l’abîme sans fin se détachèrent sous le tremblement. Les éclairs frappèrent sans ordre au même point, finissant par briser le sortilège. Les chaînes retenant la créature se relâchèrent… Elle ouvrit ses pupilles verticales rouges comme du sang, étendit ses griffes acérées et lutta de toutes ses forces pour briser sa prison.
Yue Wuhuan sentit le danger et envoya à nouveau une incarnation pour réparer la barrière, tandis que son corps réel se précipitait vers l’abîme.
Mais c’était trop tard…
Les secousses devinrent plus violentes, les éclairs plus sauvages, des rochers s’effondrèrent, et les chaînes affaiblies furent brutalement brisées par la créature. Ses yeux écarlates fixèrent sans raison la forme incarnée de Yue Wuhuan, puis elle se rua sur lui sans retenue…
L’incarnation se brisa, se transformant en une myriade de points lumineux rouges qui disparurent.
La créature réussit enfin à s’échapper de sa cage et s’envola vers le ciel obscur, son esprit meurtrier ne contenant plus que deux mots : « Qingshi… »
Traduction: Darkia1030
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