MISVIL - Chapitre 111 – Le destin du protagoniste

 

Il voulait savoir qui était exactement cette immortelle médecin qui se jetait dans ses bras.



Song Qingshi remercia sincèrement Dame Nian pour le cadeau et assura qu’il ferait de son mieux pour résoudre les exercices, afin de ne pas décevoir ses attentes.

Dame Nian, encore un peu perdue dans ses pensées, se retourna et aperçut le visage du Seigneur divin, qui réprimait un sourire. Elle comprit alors que cette vengeance planifiée depuis un millénaire n’était qu’une absurdité. Plus elle y pensait, plus elle se persuadait que les hommes séduisants n’étaient pas des êtres humains, et ressentit un profond étouffement au niveau de la poitrine. Elle se promit d’aller capturer quelques petits visages blancs (NT : jolis minets) pour les enfermer dans une pièce sombre afin de se défouler.

Les cultivatrices de l’île Xian Ling et les disciples de la secte Tianwu coopérèrent avec une remarquable fluidité, et, en l’espace d’une demi-heure, les formations furent installées dans tous les endroits prévus.

Dame Nian activa le grand réseau de pistage, et le Seigneur divin, percevant toutes les entités démoniaques présentes dans les formations, les éradiqua jusqu’au dernier à l’aide des vignes de sang. Tianwu compta plus de trente morts et de nombreux blessés, certains grièvement. Mais comparé aux désastres provoqués par les vagues démoniaques du passé, cela représentait une victoire éclatante.

Les survivants éclatèrent en sanglots, se serrant les uns contre les autres, débordants de joie. Seul Hao Long, qui venait de revenir, les larmes prêtes à jaillir, tenta d’appeler sa mère. Il fut immédiatement réduit au silence par Yue Wuhuan, puis expulsé sans ménagement pour garder la porte.

Yuwen Yan arriva en hâte. Après avoir remercié le Seigneur divin pour son aide, il demanda : « Où est mon fils ? »

Song Qingshi fut un peu pris de court. « N’était-il pas avec vous, avec Jincheng ? »

Il ne les avait pas vus au Pic Xunxian et avait supposé que ce garnement était parti retrouver Yuwen Yu, lequel cultivait presque toujours auprès de son père… Avec l’arrivée de la marée démoniaque, il pensait que Yuwen Yan aurait naturellement protégé son fils. Mais Yuwen Yan, lui, avait pensé que Yuwen Yu était parti jouer avec Song Jincheng, croyant les deux garçons en sécurité sous la protection du Seigneur divin. Finalement, aucun des deux n’était présent ?

La vague démoniaque s’était retirée, mais les enfants demeuraient introuvables. Ce n’était pas bon signe.

Yuwen Yan était si inquiet qu’il en piétina le sol de frustration, et Song Qingshi, profondément préoccupé, pressa Yue Wuhuan de partir à leur recherche.

Yue Wuhuan demanda à Dame Nian de modifier légèrement la formation de pistage, déploya une vaste étendue de conscience spirituelle et fouilla chaque brin d’herbe, chaque arbre de la secte Tianwu. Finalement, à huit cents lis de là, au pied d’une falaise du mont Yuxiu, il détecta leur présence. Leur situation semblait critique.

Tous embarquèrent précipitamment à bord du bateau magique de Dame Nian.

Au mont Yuxiu, tout près du ruisseau, les traces d’un combat féroce étaient visibles. Cinq cadavres de démons impurs gisaient en morceaux, éparpillés çà et là. L’épée de Yuwen Yu était brisée. Il tenait dans ses bras Song Jincheng, couvert de sang, avec un bras gauche sectionné et une profonde blessure à l’abdomen par laquelle ses entrailles s’échappaient. Il tentait désespérément de les remettre en place, mais plus il essayait, plus il s’aspergeait de sang, sans aucun succès.

Jeune et talentueux, Yuwen Yu n’avait jamais été confronté à une scène aussi terrifiante.

L’esprit vide, il palpait sans cesse le souffle de Song Jincheng, pleurant en suppliant : « Tiens encore un peu… Juste un peu… Quelqu’un viendra nous sauver… »

Song Jincheng cracha quelques filets de sang, puis son souffle s’arrêta lentement.

« Papa ! Aîné Wang ! Où êtes-vous ?! » cria Yuwen Yu en larmes, désespéré. « N’importe qui… je vous en prie, sauvez Jincheng ! Sauvez-nous ! »

Ils avaient tenté de fuguer à dos de cheval spirituel pour aller s’amuser en ville, mais en chemin, ils avaient été attaqués par cinq démons impurs puissants, surgis du ciel. Les chevaux furent décapités, et les deux garçons roulèrent au bas de la falaise, déjà blessés.

Les démons, ayant dévoré les montures, s’étaient mis à les traquer, attirés par l’odeur du sang.

Malgré ses talents précoces, Yuwen Yu ne pouvait tenir seul contre cinq ennemis. Il fut rapidement débordé.

À un moment critique, Song Jincheng le protégea, enfonçant une pilule purificatrice dans la gueule du démon principal, au prix de graves blessures.

La pilule ralentit le démon.

Profitant de l’occasion, Yuwen Yu dégaina son épée, et, rassemblant toute son énergie, finit par tuer les créatures.

Mais les blessures de Song Jincheng étaient bien trop graves. Même avec toutes les pilules hémostatiques et de survie qu’il avait, il ne parvenait pas à enrayer la perte de vie.

« Pardon, tout est de ma faute… je suis inutile… » sanglotait Yuwen Yu, anéanti. « Jincheng, ne meurs pas… On devait encore manger des baozi au Pavillon Ronggui, boire à la Taverne Taibai, aller voir les danseuses du Douzième Quartier, participer à la fête des Lanternes de la Ville Nanyue… Tu ne peux pas me laisser seul… Quelqu’un… sauvez-le… »

Il pleura, supplia, encore et encore.

*

Soudain, une rafale de vent souleva les feuilles mortes. Yuwen Yu leva la tête et aperçut avec stupeur un magnifique navire volant dans le ciel.

Song Qingshi, ayant déjà perçu la gravité de la situation, n’attendit même pas l’atterrissage. Il sauta du bateau et fendit les airs sur une mer de lotus rouges enflammés. Il écarta Yuwen Yu, qui pleurait comme un fou, le poussa dans les bras de son père, puis posa aussitôt ses aiguilles d’or et entama une réanimation d’urgence.

Yue Wuhuan, habitué à assister, s’approcha pour l’aider à recoudre les intestins et les blessures, les remit en place, les banda étroitement, et retrouva dans la gueule d’un démon le bras gauche broyé.

Song Jincheng recommença à respirer.

« Pilule de retour vital complet, poudre de renforcement du qi, dissous avec huit parts d’élixir spirituel. A-t-on la Pilule de Lotus de sang ou la Pilule du Soleil Ardant ? » demanda Song Qingshi. Une fois les premiers soins réussis, il soupira de soulagement, chargea Yue Wuhuan d’administrer les remèdes dilués. Les signes vitaux se stabilisèrent enfin.

Yue Wuhuan confectionna un brancard de fortune avec les vignes de sang et transporta Song Jincheng à bord du navire pour un retour immédiat à la secte Tianwu.

Là, Song Qingshi effectua lui-même une opération chirurgicale pour recoudre l’abdomen et le bras, rédigea une longue liste et ordonna à Yue Wuhuan de rapporter toutes les précieuses herbes nécessaires à la régénération des membres et à la restauration du corps. Il travailla sans dormir pendant deux jours, arrachant de justesse ce garnement à la mort.

Lorsque Song Jincheng se réveilla, il écouta le récit de ce qui s’était passé, examina ses bandages et son bras gauche temporairement inutilisable, puis réfléchit longuement avant de murmurer prudemment : « Avec des blessures aussi graves… papa et maman ne me frapperont pas pour mes résultats scolaires ou ma fugue, n’est-ce pas ? »

Song Qingshi : « ??? »

*

Yuwen Yu, quant à lui, n’avait subi que quelques blessures superficielles.

Son père le fouetta violemment, puis l’obligea à s’agenouiller trois jours durant dans le hall ancestral pour réfléchir à ses actes. Une fois sa punition accomplie, il courut immédiatement au chevet de Song Jincheng, lui apportant thé, eau, et satisfaisant le moindre de ses désirs.

Yuwen Yan, comprenant enfin toute l’histoire, n’eut plus vraiment le cœur à s’opposer. Il ferma les yeux sur les allées et venues de son fils avec cet enfant qu’il n’appréciait guère, du moment que cela ne dépassait pas les bornes.

Song Jincheng était passé maître dans l’art de donner des ordres : les poires devaient être tranchées et taillées en fleurs, les raisins pelés et épépinés. Dès le troisième jour, il se plaignait déjà de rester allongé, exigeait les derniers romans à la mode. Yuwen Yu chevaucha aussitôt une bête spirituelle pour dévaler la montagne, frappa à la porte de la librairie en pleine nuit, et apporta les livres à l’aube, juste à temps pour les déposer au chevet du malade.

Song Qingshi, une fois ses affaires en ordre, croisa Yuwen Yu rentrant de nuit. Il réalisa alors, stupéfait, que l’éclatante aura de protagoniste qui entourait le jeune homme… avait disparu.

Song Qingshi crut d’abord à une illusion. Il attira Yuwen Yu vers la lumière, l’observa attentivement… et dut se rendre à l’évidence : il ne s’était pas trompé.

Il y réfléchit longuement, sans parvenir à comprendre, et finit par en parler à Yue Wuhuan.

Yue Wuhuan, débordé par ses obligations, ne lisait jamais ce genre de littérature de bas étage. Il réfléchit un instant : « D’après les informations fournies par Zhao Ye, chaque protagoniste à sauver est lié à une intrigue mal ficelée issue d’un roman de pacotille. Je pense que cette marée démoniaque était un point charnière. Sans l’intervention du Pic Inextinguible, la secte Tianwu aurait été anéantie. Peut-être... cela aurait-il déclenché une destinée tragique pour Yuwen Yu. Mais ce n’est qu’un simple cultivateur au stade de la formation du Noyau ; quand bien même son destin serait dramatique, qu’en résulterait-il ? »

Ni l’un ni l’autre n’avait l’habitude de lire de tels récits. Ils abordèrent le sujet d’un point de vue rationnel, comme des scientifiques, sans aboutir à une conclusion claire.

Song Qingshi eut soudain une idée. Il se rappela que Song Jincheng, expert incontesté en romans de ce genre, en lisait constamment. Il entraîna Yue Wuhuan jusqu’à son lit, lui présenta toute l’affaire en occultant les noms réels, en remodelant le récit pour qu’il corresponde à un protagoniste fictif aux traits similaires à Yuwen Yu, et lui demanda : quel genre d’histoire cela évoquait-il ?

« Évidemment, une histoire de vengeance ! Très prenante », répondit immédiatement Song Jincheng en sortant sans hésiter un exemplaire de Chroniques de vengeance du chevalier à l’épée de sa pile de romans, et recommanda : « J’ai justement un ouvrage du même type. Le héros, enjoué et bienveillant, voit sa famille décimée dans une tragédie. Non seulement ses parents meurent, mais sa fiancée se sacrifie aussi pour le sauver… Il est alors consumé par la haine, jure de se venger, et, au fil de son périple, rencontre des occasions extraordinaires : trésors naturels, artefacts puissants, héritages secrets, bêtes magiques, et même une belle immortelle médecin qui lui tombe littéralement dans les bras alors qu’il est grièvement blessé… À la fin, il devient une puissance majeure du monde céleste et triomphe du grand antagoniste maléfique. »

Yue Wuhuan resta silencieux. Une telle progression défiait les lois de la logique.

Les coins des lèvres de Song Qingshi tressaillirent. Il se demandait ce qu’était exactement cette «belle immortelle médecin qui se jette dans les bras du héros » ?

Yuwen Yu entra à cet instant, apportant le repas du soir. En entendant cela, il s’indigna :,« Sa fiancée meurt pour le sauver, et lui, au lieu de lui rester fidèle et de se consacrer à sa cultivation, flirte avec d’autres femmes ? Ce prétendu épéiste n’a aucune moralité, c’est un être méprisable ! »

Il déposa le repas, aperçut Yue Wuhuan, et s’inclina avec sincérité : « J’avais autrefois quelques préjugés sur le Pic Inextinguible, mais aujourd’hui… j’ai honte. La bienveillance de Votre Seigneurie, je la garderai toujours en mémoire. Je promets désormais de cultiver avec rigueur, sans plus jamais prêter l’oreille aux rumeurs absurdes. Mon père l’a également affirmé : si le Pic Inextinguible émet le moindre ordre, la secte Tianwu lui prêtera toute son assistance. »

Song Qingshi demanda avec perplexité : « Ces rumeurs absurdes… de quoi s’agissait-il exactement ?»

Yuwen Yu baissa la tête avec embarras : « Beaucoup pensent que les démons impurs ont été créés par le Pic Inextinguible. Je… j’ai moi aussi cru à ces calomnies. Quelle idiotie ! Je le jure, désormais, si quelqu’un ose tenir de tels propos en ma présence, je le corrigerai sévèrement ! »

La marée démoniaque avait surgi, et le Seigneur divin avait anéanti jusqu’au dernier démon, protégeant la secte Tianwu. Comment un homme capable de tels actes aurait-il pu être lié à cette corruption démoniaque ? Même les sombres rumeurs du passé devaient être mensongères !

Submergé par la gratitude, Yuwen Yu jura fidélité éternelle au Pic Inextinguible. Personne n’avait le droit d’en dire du mal !

Pendant ce temps, Song Jincheng, sans la moindre gêne, se plaignait que la bouillie du repas était trop chaude et refusait de la manger. Yuwen Yu, oubliant tout le reste, s’empressa de la lui refroidir.

Profitant de l’agitation, Song Qingshi tira Yue Wuhuan à l’écart…

À ce stade, ils avaient à peu près compris les intentions du système quant au destin de Yuwen Yu : Song Jincheng fuguait pour venir s’amuser à la secte Tianwu. La marée démoniaque survenait, anéantissait la secte, et Yuwen Yu survivait par miracle, perdant ses parents et son plus proche ami. Le cœur empli de rancune envers le Pic Inextinguible, il s’engageait alors sur la voie de la vengeance.

Le manipulateur dans l’ombre, éternel ennemi de Yue Wuhuan, ne manquerait pas d’offrir à Yuwen Yu d’innombrables opportunités pour progresser rapidement, l’aidant à atteindre les sommets.

Quant à Song Qingshi, sa mission aurait probablement été de soutenir Yuwen Yu par ses connaissances en alchimie et en médecine, afin de vaincre Yue Wuhuan...

Mais le système avait été détruit, et les données originales anéanties. N’ayant plus de consignes, Song Qingshi avait à nouveau ignoré sa mission, Yue Wuhuan l’avait entraîné à la secte Tianwu, et tous deux, avec Song Jincheng, avaient dévié radicalement le cours du récit. Désormais, Yuwen Yu était devenu un admirateur fanatique du Pic Inextinguible. Il dégainerait immédiatement son épée contre le premier qui oserait importuner Yue Wuhuan…

Ainsi, Yuwen Yu perdit le destin réservé à un protagoniste.

Le maître de l’ombre ne pouvait plus se servir de cette pièce maîtresse pour ses manigances futures…

Mais il ne renoncerait certainement pas.

Alors qu’il poursuivait ses réflexions, Song Qingshi sentit soudain le sol vibrer légèrement. Il demanda aussitôt : « Un tremblement de terre ? »

« Non », répondit calmement Yue Wuhuan en fermant doucement les yeux, « c’est An Long qui devient fou. J’ai envoyé une incarnation vérifier. »

*

Dans l’abîme sans fin, le monstre enchaîné par les sceaux entra dans une frénésie destructrice. Un rugissement semblable à un cri de dragon résonna tandis que sa silhouette dégageait une brume noire chargée d’impureté démoniaque. Pris de douleurs insoutenables, il fouettait violemment les parois de pierre avec sa queue, les éclats rocheux tombant par blocs, fragilisant davantage le sceau déjà vacillant.

Yue Wuhuan forma une épée de flammes ardentes et l’abattit sur le crâne du monstre.

La créature hurla, mais la blessure guérit aussitôt.

Au fil des années, Yue Wuhuan avait tout tenté : incendie purificateur, papillons écarlates de la mort, ligature, malédictions, glace éternelle, venins violents, corrosion, pluie de flèches... Certaines attaques n’atteignaient même pas le corps, d’autres étaient immédiatement régénérées.

Il avait même, avec l’accord d’An Long, plongé ce corps monstrueux dans le feu sacré du phénix durant trois mois. Mais impossible de le réduire en cendres. Une fois le feu éteint, son corps, au lieu de se consumer, était devenu encore plus difforme et puissant. La folie d’An Long avait empiré, nécessitant plusieurs couches supplémentaires de sceaux.

À présent, Yue Wuhuan ne pouvait qu’enchaîner cette bête furieuse avec des milliers de lianes de sang pour le contenir, le sceller à nouveau et l’endormir.

Le monstre n’avait plus de raison, ses périodes de sommeil se raccourcissaient, et il ne rêvait que d’une chose : s’échapper de l’abîme pour tout anéantir.

Ce n’était pas bon signe…

Il fallait que lui et Song Qingshi trouvent au plus vite une solution.


Traduction: Darkia1030