MISVIL - Chapitre 105 – Bataille de répression des démons

 

Il extermina de nombreux démons, devenant un héros de la guerre contre les forces démoniaques.

 

Song Qingshi était resté de nombreuses années dans ce monde.

Le feu fantôme qu’il portait en lui s’intensifiait au fil de sa progression dans la cultivation. Pour mieux contenir ce feu venimeux, il avait abandonné sa méthode originelle pour cultiver à nouveau selon l’Art du Jade de Glace. Il devait également soigner toutes les blessures que Wuhuan accumulait au fil de ses combats.

Ainsi, lorsque Wuhuan défiait partout des cultivateurs de niveau Âme naissante, Song Qingshi venait à peine d’atteindre le stade Formation de base.

Le monde de l’Épéiste Mo Yuan regorgeait de plantes médicinales désormais introuvables dans le futur. Wuhuan avait remarqué son goût pour ces éléments rares, aussi partait-il régulièrement à la recherche d’herbes précieuses et d’ordonnances étranges pour les lui offrir. Il lui posait également des questions originales, qui touchaient toujours ses points faibles, l’attiraient inlassablement dans le piège de la recherche.

Song Qingshi se sentait comme un chat stupide attiré par un jouet : chaque fois qu’il essayait de sortir du gouffre des recherches pour aller accomplir sa mission auprès de Qu Yurong, il se laissait distraire par quelque chose d’encore plus fascinant que lui apportait Wuhuan. Et il y retombait aussitôt, la tête à l’envers, se plongeant dans ses expériences avec enthousiasme, finissant par oublier complètement sa mission…

Les jours passaient dans un bonheur tranquille.

Il avait été témoin de l’ascension de Wuhuan, qui, de simple mortel, était devenu le célèbre Maître de l’Épée Mo Yuan dans le monde de la cultivation. Son épée de trois pieds de long, aussi froide que la glace, ne tolérait aucune souillure. Il avait éliminé d’innombrables cultivateurs coupables d’actes abominables, contraignant les grandes sectes du monde de la cultivation à changer leurs règles : il devint interdit d’asservir des mortels ayant construit leur Fondation ou de les utiliser comme esclaves ou fourneaux.

Mais Wuhuan en voulait encore davantage…

Il avait dit plus d’une fois à Song Qingshi : « Je souhaite que les mortels puissent avoir les mêmes chances que les cultivateurs. Mais ce monde est répugnant. Il pue la corruption, il y a trop d’immondices pour qu’on puisse tout nettoyer. Qingshi, peux-tu sentir l’odeur de pourriture dans l’air ? »

Il ignorait si c’était parce qu’il avait été aveugle, mais son odorat semblait bien plus développé que la normale. Il se sentait sans cesse incommodé par les odeurs environnantes. Il n’arrivait jamais à s’y habituer. Chaque fois qu’il sortait longtemps, il devait revenir et respirer l’odeur propre de son compagnon pour retrouver un semblant de confort.

Song Qingshi secoua la tête. Il avait les sens engourdis et ne percevait rien.

Wuhuan aimait lui offrir des cadeaux : en plus des plantes médicinales et des formules alchimiques, il rapportait souvent toutes sortes d’objets brillants… Dès qu’il apercevait une pierre ou un joyau attrayant, il trouvait un moyen de s’en emparer et de le glisser dans les bras de Song Qingshi. Ainsi, ce dernier avait fini par accumuler une boîte entière de pierres précieuses et de bijoux : jade dragon, perles de sirène, pierre céleste émeraude…

Lorsque la réputation sanglante du Maître de l’Épée Mo Yuan se répandit, sa beauté se révéla également au grand jour : un talent extraordinaire, une beauté sans égale, une grâce impériale... On disait de lui qu’il était le plus susceptible de cultiver la voie de l’épée du cœur. Les éloges affluaient, les regards admiratifs se tournaient tous vers lui.

De nombreux cultivateurs, réputés pour leur beauté, vinrent lui déclarer leur flamme ou tenter de l’attirer dans leur lit.

Wuhuan détestait profondément ces sollicitations. Il restait froid, sans sourire, et refusait fermement ces avances en montrant le sceau de compagnon gravé sur le dos de sa main. Toute sa tendresse était réservée à celui qui l’attendait dans la Vallée des Fleurs de Pêcher. Il ne souriait que devant Song Qingshi : dans ses yeux dorés, semblables à ceux d’un phénix, brillait un ciel étoilé, éclatant comme la Voie lactée.

Le maître du Pavillon Zhuyu, célèbre pour sa frivolité et son œil exercé, n’avait eu qu’un bref aperçu du sourire du Maître de l’Épée Mo Yuan. Il en fut bouleversé pour la vie, affirmant que, depuis lors, tous les autres beautés du monde avaient perdu leurs couleurs.

Quand Wuhuan apprit cet éloge, il se mit à porter un demi-masque, pour écarter les regards curieux ou envieux. Peu à peu, le monde de la cultivation comprit que dans le cœur et les yeux du Maître de l’Épée Mo Yuan, il n’y avait de place que pour son épée… et son compagnon taoïste.

Il pénétrait des territoires dangereux pour y cueillir des plantes rares, transformait les trésors célestes en cadeaux, étudiait des choses farfelues, s’adonnait à des tâches que les grands maîtres jugeaient stupides — tout cela, simplement pour faire sourire son compagnon. Song Qingshi, quant à lui, menait une vie discrète, peu sociable, entièrement dédié à ses recherches et à ses missions. Peu de gens connaissaient vraiment son existence.

Au départ, tout le monde imaginait que celui qui avait su conquérir le cœur du Maître de l’Épée Mo Yuan devait être un brillant cultivateur issu d’un clan prestigieux. Mais lorsqu’ils rencontrèrent Song Qingshi…

« Hein ? C’est un muet ? »

Song Qingshi avait une apparence convenable, mais dans un monde de cultivateurs regorgeant de beautés, il ne sortait pas vraiment du lot. Son allure ne pouvait rivaliser avec celle de Wuhuan. Sa cultivation n’était que de niveau du Noyau doré. Il passait ses journées à préparer des remèdes, avait un tempérament étrange, une présence effacée, et même un handicap physique. Comment un tel homme avait-il pu ensorceler le Maître de l’Épée Mo Yuan au point de lui faire ignorer tous ces prétendants splendides, jusqu’à graver une marque d’âme éternelle pour lui ?

Wuhuan, très sensible à ces intentions malveillantes, les détestait. Non seulement il s’en prit à quelques audacieux, mais il expliqua également que son compagnon taoïste l’avait accompagné dès ses débuts, qu’il lui avait sauvé la vie. Plus il exprimait son attachement, plus les gens en étaient émus — et plus ils ressentaient une frustration latente : Song Qingshi ne méritait pas tout cela, il avait simplement eu de la chance. Mais puisqu’il était sous la protection du Maître de l’Épée Mo Yuan, même les plus jaloux ne pouvaient qu’offrir de fausses félicitations avec le sourire…

Song Qingshi, peu habitué aux relations sociales, passait son temps absorbé par ses recherches et ses missions. Il ne percevait pas ces sous-entendus. Il lui arrivait parfois de croiser une beauté qui contournait discrètement Wuhuan pour venir lui parler avec douceur, lui poser des questions aimables :

« Comment avez-vous séduit le Maître de l’Épée Mo Yuan ? Pourriez-vous nous enseigner ? »
« Est-ce que c’est parce que vous êtes particulièrement doué au lit qu’il vous adore ainsi ? »

Song Qingshi, pensant que toute personne acceptant de converser avec un muet devait être fondamentalement bienveillante, prit ces questions très au sérieux. Il répondit longuement, par écrit :

« Wuhuan dit que tout en moi lui plaît. Ce qu’il aime le plus, c’est quand je lis avec sérieux. Si vous lisez plus, vous pourriez l’attirer aussi. »

« J’ai étudié attentivement des manuels sur les techniques intimes. Wuhuan m’a félicité : il m’a dit que j’avais bien appris, que c’était irrésistible. »

Et… il n’ajouta rien d’autre.

Les beautés, sans que l’on sache pourquoi, s’en allèrent furieuses, le traitant d’impudent, jurant de ne plus jamais lui adresser la parole.

Song Qingshi, soupçonnant qu’il avait mal répondu à quelque chose, se sentit légèrement vexé.

La rumeur finit par se répandre. Wuhuan découvrit avec stupeur que beaucoup aimaient désormais lire un livre devant lui. Une fois qu’il eut compris l’origine de cette étrange tendance, il en fut à la fois agacé et amusé. Il devint encore plus indifférent aux avances de ces abeilles sauvages et ces papillons dévergondés (NT : séducteurs). De retour chez lui, il interrogea sérieusement Song Qingshi sur sa compréhension théorique des livres traitant de l’art du lit… et exigea une évaluation pratique.

Song Qingshi s’appliqua pleinement à cet examen. Il mit à profit tout ce qu’il avait appris, changea plusieurs fois de « salle d’examen » et passa de nombreuses sessions. Il estima pouvoir obtenir une note de quatre-vingt-dix sur cent.

Les dix points manquants étaient dus au fait qu’il ne pouvait pas parler, qu’il lui était donc impossible de répondre aux questions durant l’acte — ce qu’il regrettait un peu.

*

Song Qingshi menait une existence des plus heureuses, et l’humeur de Wuhuan devenait chaque jour plus sereine.

Puis, la grande bataille contre les démons éclata.

Dans le ciel, une lune de sang apparut soudainement. Le qi démoniaque s’agita, réveillant le sang démoniaque dans les veines de nombreux individus, les transformant en démons enragés. Dans le monde de la cultivation, les cultivateurs de sang pur étaient rares ; la majorité avait un héritage mêlé, contenant du sang de démon, de monstre ou même d’humain.

En temps normal, une infime quantité de sang démoniaque ne provoquait qu’un tempérament un peu plus froid, sans entraîner la perte de raison propre aux semi-démons. Le phénomène passait généralement inaperçu. Après des générations de mariages croisés, nul ne savait vraiment s’il portait en soi du sang démoniaque.

Mais après la nuit de la lune de sang, tout changea.

Certains se réveillèrent au milieu de la nuit, pour découvrir que leur épouse était devenue un monstre mangeur d’hommes. D’autres, encore plus tragiquement, furent trahis par l’être aimé : un petit ami amoureux un instant, arrachait le cœur de sa compagne le suivant. Maîtres tuant disciples, disciples assassinant maîtres… ces scènes devinrent fréquentes. Les démons, esclaves de leurs désirs, agissaient sous l’impulsion de l’instinct, entraînant dans leur sillage toutes sortes d’horreurs inhumaines. Le chaos s’installa. Chacun soupçonnait son voisin, nul n’osait faire confiance à quiconque.

Dans ce contexte, l’identité humaine du Maître de l’Épée Mo Yuan suscita l’unanimité : tous lui accordèrent leur confiance et leur respect.

Il extermina de nombreux démons, devenant un héros de la guerre contre les forces démoniaques.

Song Qingshi comprit que l’histoire avait atteint un tournant crucial. Pourtant, il était impuissant à empêcher l’accomplissement de cette partie du récit. Tous étaient inexorablement entraînés dans la tourmente.

Wuhuan n’était pas homme à fuir devant l’adversité. Perfectionniste, il nourrissait de grandes ambitions et des idéaux nobles. Il voulait affronter des ennemis redoutables, progresser dans la voie de l’épée, obtenir une place éminente et prouver sa valeur au monde ainsi qu’à son compagnon taoïste.

Song Qingshi, lui aussi un homme, comprenait ce genre d’aspiration. Ayant confirmé que la participation de Mo Yuan à cette guerre était un événement scénaristique inévitable, il se consacra au service médical en arrière-ligne, espérant qu’au moment fatidique, il pourrait infléchir le cours de la tragédie, ou du moins offrir une issue plus clémente au récit gravé dans la formation.

C’est à cette période qu’il retrouva Qu Yurong.

Au fil des années, Qu Yurong avait été balloté de bras en bras, devenu un jouet de désir, privé de pensée, d’honneur et de volonté, offert aux caprices de tous. Durant les temps de paix, il pouvait encore vivre comme un oiseau rare en cage dorée, recevant des soins hypocrites dans une illusion de bonheur. Mais à présent, dans un monde en proie au chaos et à la noirceur, où chacun croulait sous la pression, les faibles devinrent des exutoires. Il ne comprenait même plus pourquoi on le traitait ainsi, noyé dans les larmes jour après jour…

Son état était très grave. Il était totalement dépendant, tant sur le plan sexuel qu’émotionnel, de ceux qu’il appelait ses « amants ».

Song Qingshi dut déployer de grands efforts pour le ramener à ses côtés, entamer une thérapie psychologique. Qu Yurong crut d’abord qu’il allait devoir le servir et provoqua plusieurs quiproquos à la fois tristes et risibles.

Peu de temps après, Qu Yurong découvrit par hasard, dans les archives du Maître de l’Épée Mo Yuan, la vérité sur l’extermination de la famille Qu. L’un de ses anciens amants était en réalité l’ennemi responsable du massacre.

Sorti de sa torpeur, il profita d’une absence du Maître de l’Épée — parti tuer des démons — et de l’inattention de Song Qingshi, occupé à concocter des pilules, pour s’éclipser discrètement. Il attira son ennemi sur le champ de bataille, l’entraîna dans la horde démoniaque… et périt avec lui.

Lorsque Song Qingshi s’en rendit compte, il était trop tard. Il se précipita pour le sauver, en vain.

Qu Yurong était mort. Avant d’expirer, il avait souri et dit : « Merci… Ce n’est rien. Ma vie n’avait aucune valeur. »

Dans l’esprit de Song Qingshi s’inscrivirent les mots : Échec de la mission. Sanction démarrée.

Des taches sombres apparurent sur son visage. Son énergie spirituelle fut perturbée. Le feu fantôme devint incontrôlable, libérant une marée de flammes toxiques noires qui se répandit dans toutes les directions…

À cette période si tendue, cette métamorphose fut perçue comme une preuve démoniaque.

Song Qingshi utilisa le langage des signes pour tenter d’expliquer qu’il avait conservé sa raison, qu’il n’éprouvait aucun désir de meurtre. Les marques sur son visage n’étaient que les conséquences de l’échec de sa mission. Il avait juste besoin d’un peu de temps pour stabiliser son énergie spirituelle et réprimer le feu fantôme. Mais personne ne voulut écouter un muet couvert de poison. Animés de jalousie, de dégoût et de haine, ils se hâtèrent de tuer ce qu’ils croyaient être un démon… avant que le Maître de l’Épée Mo Yuan ne revienne.

Le seul réconfort fut que… tout cela faisait partie de la formation issue des souvenirs du Maître de l’Épée. Il n’avait pas le cœur de voir l’être qu’il aimait souffrir davantage. Avant que la douleur finale n’éclate, il arracha Song Qingshi à cette marée d’émotions. La suite, Song Qingshi l’observa d’en haut, tel un spectateur d’un vieux film… Un film dont la fin était tragique.

Le Maître de l’Épée Mo Yuan extermina encore de nombreux démons, sauva plusieurs villes, puis revint victorieux sous les acclamations, tenant dans ses mains la plus magnifique des gemmes rouges, destinée à celui qu’il aimait.

Mais ce qu’il vit, ce fut son compagnon, transpercé par d’innombrables artefacts magiques, à l’agonie.

Tous se pressèrent pour lui expliquer, s’attribuant les mérites, se vantant d’avoir tué ce démon venimeux.

Wuhuan ne les écouta pas. Il se précipita droit vers le jeune homme couvert de sang…

Le jeune homme le vit et, d’un geste, les flammes noires s’écartèrent de part et d’autre pour lui faire passage.

Depuis le début, le feu toxique n’avait blessé personne.

Le silence s’abattit. Tous comprirent qu’aucun démon n’aurait pu conserver une telle lucidité. Mais il était trop tard.

Wuhuan serra dans ses bras le corps de plus en plus froid du jeune homme, tenta tous les moyens pour lui redonner vie, sans succès.

Les larmes tombèrent goutte à goutte sur le visage de celui qu’il aimait.

Mais ce dernier ne pouvait plus lever la main pour écrire et le rassurer. Désemparé, il voulait désespérément exprimer ses sentiments. Il ouvrit la bouche, mobilisa toute sa force, et finit par briser le blocage qui l’empêchait de parler.

Il prononça enfin le nom le plus précieux de son existence : « Wu… Wuhuan… »

Il avait appris à parler. Tant de choses, tant d’amour à confesser… mais il était déjà trop tard.

Il agrippa une dernière fois la main de son aimé… jusqu’à ce qu’elle perde toute chaleur.

Le cauchemar le dévora, pour ne plus jamais se réveiller ….

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

 

Créez votre propre site internet avec Webador