MISVIL - Chapitre 73 - Cadeau de fiançailles

 

Song Qingshi estimait qu’il était un bon gong.



« Wuhuan, je t’aime bien. »
« Wuhuan, je t’aime bien. »
« Wuhuan, je t’aime bien. »

Song Qingshi se détestait de ne pas aimer la poésie ni la musique, de ne pas avoir préparé de discours romantique pour cette déclaration si importante. À cet instant crucial, il ne faisait que répéter ces mots secs et ennuyeux, comme un vieux disque rayé. Dans un autre monde d’explosion d’informations, un raté comme lui aurait été rejeté par son dieu ou sa déesse cent fois sans appel.

Wuhuan écoutait cette voix et ces mots qu’il n’aurait jamais osé rêver, et les scènes de bonheur du sortilège halluciné défilaient encore devant ses yeux.

Le jeune homme lui avait déjà dit ça sous une pluie de fleurs, alors qu’il s’entraînait à l’épée.
Le jeune homme lui avait déjà dit ça dans la cuisine du jardin, en cuisinant avec lui.
Le jeune homme lui avait déjà dit ça dans un repaire démoniaque secret, en l’accompagnant dans l’aventure.
Le jeune homme s’était allongé sous lui, répétant ces mots encore et encore.

Dans ses yeux clairs, il ne voyait que lui.

Mais qui était ce jeune homme devant lui ? Le jeune alchimiste solitaire de la montagne ? Le vénérable roi de la Médecine de la Vallée de la Médecine ?

Tous étaient Song Qingshi, la personne qu’il aimait…

Illusion et réalité se mêlaient sans fin dans son esprit, ses sentiments se détendaient peu à peu. Il ne voulait pas contrôler cette douceur, il voulait s’y noyer, conserver à jamais cette sensation merveilleuse.

Mais Song Qingshi l’enlaçait fermement par la taille, il ne pouvait pas sombrer, il ne pouvait pas mourir…

La respiration de Wuhuan s’emballa, il couvrit son visage de ses mains. Ces mots doux étaient comme un poignard, ouvrant son cœur, creusant la folie et l’obsession au-dedans, le forçant à révéler sa véritable nature.

Song Qingshi persistait : « Wuhuan, je t’aime. »

Le rire de Wuhuan s’échappa peu à peu entre ses doigts, terrifiant et réprimé.

Il leva lentement la tête, fixa intensément la personne devant lui, s’approcha, s’arrêta à ses lèvres et murmura, haletant : « Qingshi, je ne suis pas aussi bien que tu le crois, tout le monde dit que je suis fou. »

Song Qingshi cessant sa déclaration, répondit : « Je sais. »

« Tu ne sais pas, » la voix de Wuhuan devint confuse, « parce que moi-même je ne comprends pas pourquoi mes sentiments sont différents. Je veux te posséder, t’enfermer dans la Vallée de la Médecine, t’interdire tout contact avec l’extérieur. Je veux que tout le monde, tout ce qui m’entoure, suive mes désirs. Je veux détruire tout ce que je n’aime pas dans ce monde, le refaire à mon image… Qing Luan dit que c’est mal, tout le monde dit que j’ai tort, mais je ne ressens pas où est l’erreur, peut-être que je suis vraiment fou. Qingshi, tu ne peux pas devenir mon compagnon de dao si tu es avec un fou, je pourrais te blesser sans même m’en rendre compte… »

Song Qingshi répondit calmement : « Tu n’es pas fou, tu es malade. »

« Malade ? » Wuhuan fut surpris, réfléchit un moment, puis refusa avec panique : « Non, je ne suis pas malade. Je ne ressens aucun malaise, que ce soit en cultivation ou dans ma vie, je fais tout très bien… »

Song Qingshi posa doucement sa main sur sa poitrine, d’une voix tendre : « Wuhuan, ton cœur est malade. »

Wuhuan posa sa main sur la sienne, baissa la tête et demanda : « Mon cœur ? »

Son cœur battait plus vite, son corps chauffait, comme s’il appelait quelque chose.

Song Qingshi leva les yeux : « Ça fait mal tous les jours ? »

Wuhuan le regarda longuement, puis acquiesça : « Oui, ça fait mal. »

Song Qingshi le prit dans ses bras, tapota doucement, le consola d’une voix douce : « N’aie pas peur, je souffrirai avec toi. »

Dans cette étreinte douce, Wuhuan baissa enfin toutes ses défenses, exposant sa fragilité et sa douleur. Il sanglota : « Qingshi, je vais bien me soigner, que ce soit avec des médicaments ou de l’acupuncture, je serai sage… Ne m’abandonne pas, d’accord ? »

La corde qu’il utilisait pour maintenir sa raison était faite de milliers de fils d’araignée très fins, prêts à se rompre à tout moment, pour une destruction totale.

Il avait besoin d’un nouveau pilier pour soutenir sa vie.

Sans hésiter, Song Qingshi déclara : « Je ne t’abandonnerai jamais. »

Wuhuan demanda doucement : « Que dois-je faire ? »

« Le traitement demandera de nombreuses tentatives, il y aura peut-être des échecs, de la douleur, du désespoir, » Song Qingshi prit son visage entre ses mains, plongea dans ses yeux, supplia de toutes ses forces : « Peu importe la situation, ne baisse pas les bras, d’accord ? Si tu persévères, même dans le pire des cas, la chance finira par venir. »

Wuhuan demanda : « La chance ? »

Il pensa encore à la vigne de sang, à la chance extraordinaire au sommet de l’immortalité.

Song Qingshi sentit que ce n’était pas le moment d’en dire plus.

Il croyait en l’intelligence de Wuhuan, convaincu qu’à son heure il comprendrait.

*

Song Qingshi était fou de joie, la personne qu’il aimait venait enfin d’accepter sa demande en mariage.

Wuhuan, lui, fut très tourmenté après coup. Il avait un caractère fort et avait l’impression de tout gérer dans cette demande, tandis que Song Qingshi semblait doux, mais était en réalité très têtu, surtout sur les choses qu’il décidait fermement, inflexible jusqu’au bout...

De plus, il trouvait que Song Qingshi avait une compréhension un peu étrange des relations entre hommes, et l’avait interrogé à tâtons sur la vigne de sang.

Song Qingshi, encore un peu confus, prit le temps d’expliquer la situation à Wuhuan.

Il comprenait ce qu’était le yaoi : celui qui domine est le « gong », celui qui est plus joli est le « shou », le gong est responsable de chérir le shou.

Dans les récits du monde des immortels, c’était pareil : le côté fort chérissait le côté faible.

Lui, maître cultivant de rang Âme naissante, était un boss autoritaire ! Wuhuan, la beauté incomparable, unique au monde !

Lui, menant une vie simple, n’aimait pas se pomponner, agissait avec sérieux et fiabilité, aimait prendre soin des autres, c’était clairement le gong. Wuhuan, éclatant et flamboyant, avec du charme et du goût, ayant divers problèmes physiques, nécessitait des soins attentifs, c’était clairement le shou.

Même si certains détails différaient du récit, parce qu’il compatissait avec le passé traumatisant de Wuhuan et se plaçait en rôle de soutien, il faisait de son mieux pour le chérir, pour le rendre heureux.

Song Qingshi se considérait comme un bon gong.

Wuhuan comprit immédiatement où était l’erreur et voulut corriger, mais en voyant les traces sur tout le corps de Song Qingshi et son air adorable, il avala aussitôt ses reproches. De toute façon, il n’avait pas cette réputation, et avait déjà tiré son avantage au lit. Mieux valait préserver la dignité de l’autre.

Ils confirmèrent harmonieusement leur relation « gong-shou ».

Wuhuan cessa de rejeter les médicaments et le traitement, devint docile, reprit l’attitude de bon patient d’au début de son entrée dans le vallon.

Song Qingshi se sentait beaucoup mieux avec son traitement. Chaque jour, il essayait différentes potions pour stabiliser les émotions et aider au sommeil. Il remarqua qu’après que Wuhuan ait pu exprimer ses désirs, ses cauchemars nocturnes avaient diminué considérablement, et il dormait beaucoup plus paisiblement. Il ne trouvait pas d’exemple médical précis à ce sujet, il ne pouvait que classer cela dans la thérapie comportementale en psychologie.

Tout ce qui pouvait aider à guérir Wuhuan, il s’efforçait de le faire, y compris grimper dans son lit tous les jours.

Il abordait ce genre de choses avec une attitude très ouverte, sans aucune pensée trouble, le considérant comme un besoin physiologique normal.

L’attitude de Song Qingshi influença Wuhuan, qui se libéra peu à peu de ses poids psychologiques, laissant libre cours à ses instincts, devenant de plus en plus déchaîné.

Song Qingshi se sentait bien ainsi.

Wuhuan aidait aussi beaucoup à préparer des pilules de cultivation et des analgésiques puissants. Il ne supportait pas que Song Qingshi souffre chaque jour de douleurs liées à son stade Âme naissante. Il lui conseilla de se retirer en méditation prolongée, et de lui confier le reste des affaires. Wuhuan avait déjà veillé sur la Vallée de la Médecine pendant que Song Qingshi était inconscient, connaissait bien les lieux, pouvait s’occuper de la fabrication des pilules, utiliser les nuages toxiques et les pièges pour protéger la vallée, permettant ainsi à Song Qingshi de se concentrer sur sa cultivation, reconstruire rapidement son noyau d’or et sortir de sa situation difficile.

« Tu peux te retirer en méditation, » conseilla Wuhuan, « je n’ai aucun problème à gérer tout seul. »

Song Qingshi sourit : « Pas encore, il y a encore beaucoup de choses à régler. »

Wuhuan insista : « Laisse-moi m’en occuper. »

« Pas de précipitation, » réfléchit Song Qingshi, puis demanda, « Wuhuan, pourrais-tu m’aider à fabriquer quelques marionnettes empoisonnées ? Mets-y tous les poisons et mécanismes que tu peux, plus c’est puissant, mieux c’est. Je veux aussi des talismans défensifs, offensifs, de sceau… De plus, je voudrais une grande quantité de papillons de la peste noire ordinaires, le plus possible. Je veux aussi commander une nouvelle robe magique à l’atelier Tian Gong, peu importe le prix, il faut la meilleure pour compenser ma faiblesse au combat rapproché. »

Wuhuan hésita un peu.

Song Qingshi expliqua rapidement : « Je ne veux pas me faire malmener. »

Bien qu’il soit tombé au stade Âme naissante débutant, la force dans le monde des immortels n’est pas simplement une question de niveau. Sinon, il suffirait de montrer son niveau et celui qui était le plus fort gagnerait sans combat. Ce serait trop simple. Depuis la fondation, il avait voyagé partout et rencontré d’innombrables dangers. S’il avait mis sa vie entre les mains du seul niveau de cultivation, il serait mort cent fois.

Il était un cultivateur indépendant, sans règles, utilisant toutes sortes de ruses, poisons et talismans, apprenant et utilisant tout ce qu’il pouvait…

Il avait étudié en profondeur tous les poisons du « Classique des poisons de la famille Nie », maîtrisait chaque mécanisme et talisman.

Qui avait inventé les marionnettes empoisonnées ? Qui avait conçu le nuage toxique ?

S’il était armé jusqu’aux dents, qui pourrait le malmener ?

Wuhuan réfléchit un instant, puis comprit : « Il y a quelque temps, le Pavillon Bi Hai a vendu un vêtement spirituel rare, le manteau Bi Yue Lingyin (NT : litt. Lune émeraude spirituelle cachée). Je vais le prendre à n’importe quel prix, puis l’envoyer à l’atelier Tian Gong pour modification. Si je trouve d’autres artefacts appropriés, je les achèterai aussi pour toi. Je demanderai aussi au Pavillon Ye Yu de m’envoyer une cargaison de cadavres sans problèmes légaux pour fabriquer des marionnettes empoisonnées. Les talismans, je peux demander à la secte du Dragon Rouge de faire une production accélérée. Le Seigneur Immortel Yan Yuan doit une faveur à la Vallée de la Médecine, il faudra bien qu’il rembourse un peu. J’ai pas mal de papillons noirs en stock, je te les enverrai plus tard. »

Song Qingshi était très satisfait.

Il tapa sa poitrine en jurant : « Je ferai de nouveaux papillons de la peste noire, que je t’offrirai comme cadeau de fiançailles ! »

Wuhuan hésita un instant, puis, nerveusement, sortit un collier en sang de phénix. Le talisman d’âme sur ce collier était déjà terminé. Il avait voulu le mettre en secret autour du cou de Song Qingshi, le liant à lui pour l’éternité. Mais maintenant, conscient de ses problèmes psychologiques, il doutait que ce soit sain, et hésitait à passer à l’acte.

Il décida de demander l’avis de Song Qingshi : « Le sang de phénix aide à la cultivation, je veux te l’offrir en cadeau. J’ai ajouté une marque d’âme sur la pierre précieuse, je ne sais pas si ça pose problème. Si ce n’est pas approprié, je l’enlèverai, et je changerai pour… »

Wuhuan s’arrêta à contrecœur, il ne voulait rien modifier.

La vigne de sang s’enroula autour de la cheville de Song Qingshi, oscillant doucement.

Il avait un peu peur… Si Song Qingshi n’était pas bien attaché et gardé près de lui, son bonheur disparaîtrait.

Il ne voulait pas que ce ne soit que pour cette vie. Il voulait que Song Qingshi lui appartienne à chaque vie future, proprement, sans folie ni douleur, chéri et aimé, comme dans l’illusion, sans ces complications.

Tant que le sang de phénix ne serait pas détruit, il pourrait retrouver quelqu’un grâce à la marque d’âme.

« C’est un design complexe, avec beaucoup de matériaux précieux, un chef-d’œuvre, » admira Song Qingshi en examinant le talisman, puis, joyeux, le mit sous ses vêtements. «Merci, j’aime beaucoup. »

Wuhuan poussa un soupir de soulagement, ce n’était pas un acte malsain.

Il regrettait un peu, car le sang de phénix lui avait aussi été offert par Song Qingshi. Offrir ce cadeau de fiançailles manquait un peu de sincérité. Il était frustré de ne pas avoir fait attention aux belles choses durant ses dix ans de dévotion aux herbes, et de voir ses pierres précieuses pâlir devant le sang de phénix, incapables d’être offertes.

L’argent de la Vallée de la Médecine appartenait à Song Qingshi, il n’était que gestionnaire. Utiliser cet argent pour un cadeau semblait déplacé…

Wuhuan se sentait de plus en plus embrouillé.

Song Qingshi comprit son état d’esprit et proposa en souriant : « Tu n’allais pas bientôt élever ces souris spéciales ? J’aime beaucoup celles-là. »

Wuhuan demanda, hésitant : « Tu veux une souris blanche en cadeau de fiançailles ? »

Song Qingshi fut ravi : « Oui ! »

Les oreilles de Wuhuan rougirent un peu, il baissa la tête et dit : « Je m’en occuperai bien. Quand j’aurai élevé les souris spéciales, alors… veux-tu bien devenir mon compagnon de Dao ? »

Song Qingshi sourit : « D’accord ! »

 

Traduction: Darkia1030

 

 

 

 

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