KOD - Chapitre 65 - Docteur

 

Petite fille muette

 

Lin Qiushi vit bien que Ruan Nanzhu était très en colère. Il tapa sur son téléphone : Ne te fâche pas, cela ne vaut vraiment pas la peine de te disputer avec eux.

Ruan Nanzhu resta silencieux un instant, puis eut un rire froid, sans répondre aux paroles de Lin Qiushi. Il semblait déjà avoir gravé cette bande de personnes dans sa mémoire, attendant seulement le moment propice pour leur rendre la pareille sans aucune pitié.

Feng Yongle, debout à côté, regardait la plaque de porte « 502 » dans la main de Ruan Nanzhu avec une expression effrayée. Il demanda d’une voix tremblante : « Est-ce qu’on doit garder ça ici ? »

Ruan Nanzhu répondit froidement : « Bien sûr que non. » Cette plaque de porte devait attirer quelque chose ; même sans être accrochée à la porte, la garder sur eux n’était pas sûr.

« Alors, qu’est-ce qu’on fait ? » demanda Feng Yongle. « Il est presque huit heures. » Une fois huit heures passées, il était interdit de sortir.

Ruan Nanzhu ne répondit pas. Tenant la plaque de porte, il quitta la chambre et traversa le couloir.

En face d’eux se trouvait une pièce vide, inoccupée. La porte était verrouillée, mais Ruan Nanzhu l’ouvrit sans effort, y déposa la plaque de porte, puis referma soigneusement derrière lui.

« On la garde là pour l’instant, » déclara Ruan Nanzhu. « On la reprendra quand elle nous sera utile. »

Feng Yongle poussa un soupir de soulagement : « Ces gens sont vraiment trop odieux, avoir eu une idée pareille… »

S’il n’y avait pas eu l’ouïe fine de Lin Qiushi, ils auraient sûrement été perdus ce soir.

Ruan Nanzhu jeta un coup d’œil à la nuit noire dehors. « Dormons. »

Il était huit heures. Bien qu’il soit encore relativement tôt, le ciel était complètement obscurci.

Dans tout le sanatorium, on n’entendait plus le moindre bruit. Même les patients agités durant la journée semblaient craindre la tombée progressive de la nuit.

Allongé sur son lit, Lin Qiushi jouait avec son téléphone. Sur la couchette supérieure, Ruan Nanzhu demeurait silencieux ; on aurait dit qu’il dormait déjà.

Après un moment, Lin Qiushi sentit la somnolence l’envahir. Il allait poser son téléphone et s’endormir quand il sursauta soudain — il venait d’entendre frapper à la porte.

Feng Yongle, qui n’était pas encore endormi non plus, leva un regard empli de peur ; il avait entendu, lui aussi.

« Dong dong dong. » Les coups résonnèrent fortement, venant de la porte d’en face de la leur.

Lin Qiushi et Feng Yongle échangèrent un regard, y lisant la même expression de soulagement… Heureusement qu’ils avaient remis la plaque à sa place ; ce qui frappait à cette porte-là ne pouvait certainement pas être humain.

« Dong dong dong ! » Les coups devinrent plus violents, jusqu’à ce qu’un bruit de porte brisée retentisse. Lin Qiushi entendit très distinctement la porte d’en face s’ouvrir. Ensuite, peut-être parce que la pièce était vide, tout redevint silencieux pendant trois ou quatre minutes, avant qu’on entende dans le couloir le claquement aigu de talons sur le sol.

Ce bruit se rapprocha, puis s’éloigna lentement, jusqu’à disparaître. Lin Qiushi, le cœur suspendu, put enfin se détendre.

« Dors, dors, » se dit-il à lui-même. Il ferma les yeux, essayant de forcer le sommeil, mais eut beau se retourner, il ne parvenait pas à s’endormir. Peut-être son remue-ménage dérangea-t-il Ruan Nanzhu sur la couchette du dessus, car celui-ci parla soudain d’une voix basse : «Tu n’arrives pas à dormir ? »

Lin Qiushi leva les yeux vers la couchette supérieure, ne sachant que répondre.

Un instant plus tard, Ruan Nanzhu, vêtu d’une longue chemise de nuit, descendit tranquillement et s’allongea tout naturellement dans le même lit que lui.

Il portait une chemise de nuit longue, son teint paraissait un peu pâle. Lorsqu’il s’allongea, sa chevelure noire, semblable à une cascade, se répandit sur l’oreiller. Il tourna la tête ; ses yeux sombres fixèrent calmement Lin Qiushi, et celui-ci sentit son cœur se troubler.

En cet instant, Ruan Nanzhu paraissait fragile, presque délicat ; mais en l’observant mieux, on comprenait que cette fragilité n’était qu’une illusion.

Ses yeux noirs étaient d’une profondeur tranquille, comme un lac obscur ; il suffisait de croiser son regard pour sentir son propre cœur s’apaiser.

Lin Qiushi sentit alors deux bras entourer sa taille. Il bougea un peu, mal à l’aise, mais Ruan Nanzhu enfouit déjà son visage dans le creux de son cou.

« Arrête de bouger, » dit-il. « Dors. »

Lin Qiushi hésita un instant, puis cessa de résister et ferma les yeux pour tenter de s’endormir.

Trois minutes plus tard, tous deux dormaient profondément, ne laissant qu’un Feng Yongle au visage empreint d’un désespoir silencieux… Lui aussi aurait voulu partager le lit avec elles.

Mais il n’en était pas question ; s’il osait monter, il n’aurait sans doute pas survécu à la nuit. Il devait toutefois admettre que les deux jeunes femmes endormies ensemble offraient un spectacle d’une grande beauté.

Ruan Baijie avait une allure mûre, du genre yujie (NT : terme désignant une femme séduisante et autoritaire). Son visage était superbe, mais son tempérament laissait croire qu’elle n’était pas facile à approcher. Lin Qiuqiu, en revanche, appartenait au type opposé. Son visage, sans être parfait, attirait immédiatement le regard. Feng Yongle chercha un moment le mot juste : elle dégageait une douceur mêlée de compassion. Son visage était petit, semblable à celui d’un petit animal attendrissant, et comparée à la beauté flamboyante de Ruan Nanzhu, elle paraissait inoffensive. En raison de son handicap, il n’était pas surprenant qu’elle suscite la convoitise de certains aux intentions douteuses.

En pensant ainsi, Feng Yongle sentit lui aussi le sommeil le gagner ; il ferma les yeux, sa respiration se calma.

Au milieu de la nuit, le bruit d’un lourd objet tombant au sol résonna de nouveau.

Mais, forts de l’expérience de la veille, tous demeurèrent tranquilles dans leurs lits sans bouger. Lin Qiushi se réveilla un instant, puis referma les yeux et sombra de nouveau dans le sommeil. L’effet du « somnifère humain » qu’était Ruan Nanzhu était décidément redoutable : aucune trace d’insomnie ne subsistait.

Lin Qiushi dormit d’un sommeil profond jusqu’au lendemain matin. À son réveil, il se sentit l’esprit clair et le corps reposé.

Dès qu’il se leva, il croisa le regard plein de ressentiment de Feng Yongle, et resta un instant interloqué.

« Bonjour, » dit Feng Yongle. « Tu n’as pas entendu de bruit cette nuit ? »

Lin Qiushi hocha la tête, indiquant qu’il avait entendu.

« Alors pourquoi vous deux ne vous êtes pas réveillées ? » se plaignit Feng Yongle. « C’était vraiment terrifiant, ce truc n’arrêtait pas de sauter du bâtiment, je n’ai pas pu fermer l’œil.»

Lin Qiushi resta silencieux. En réalité, son ouïe était plus fine que celle de Feng Yongle, mais si ce dernier avait été dérangé tandis que lui dormait encore, c’était forcément grâce à Ruan Nanzhu.

Ruan Nanzhu dit paresseusement : « Tant qu’on est encore en vie, à quoi bon en demander plus. » Il se pencha et embrassa le pavillon de l’oreille de Lin Qiushi. « Lève-toi, mon trésor.»

Le frisson parcourut Lin Qiushi. Ses oreilles étaient extrêmement sensibles : un simple contact suffisait à le faire se raidir. Malheureusement, Ruan Nanzhu semblait avoir découvert cela, et s’en amusait avec de plus en plus d’aisance.

Lin Qiushi lança à Ruan Nanzhu un regard de reproche : Tu profites juste du fait que je ne peux pas parler.

Ruan Nanzhu lui répondit du regard : Tu te trompes. Même si tu pouvais parler, je ferais pareil.

Lin Qiushi : « … »

Sans mots à opposer, il resta muet, tandis que Ruan Nanzhu, le sourire aux lèvres, se levait pour se laver.

Feng Yongle, quant à lui, ne perçut rien des courants souterrains entre les deux, et demeurait ému devant ce qu’il croyait être leur « profonde affection fraternelle ».

Lin Qiushi soupira, renonçant à y réfléchir davantage.

Tous trois prirent leur petit déjeuner ensemble à la cantine, discutant des bruits de la nuit précédente.

Lin Qiushi et Ruan Nanzhu affirmèrent n’avoir rien entendu de spécial, tandis que Feng Yongle, le visage amer, disait : « Je crois que je comprends maintenant à quoi sert cette plaque de porte. »

« Que veux-tu dire ? » demanda Ruan Nanzhu en mordant dans un œuf dur.

« Les bruits de chute venaient d’en face, » expliqua Feng Yongle. « Alors je me demande si, chaque fois qu’on accroche cette plaque, une infirmière ne saute pas du bâtiment depuis cette chambre. » Quant à ce qui se passait avant le saut… inutile d’y penser, cela ne pouvait être rien de bon.

Ruan Nanzhu dit : « Oh, je vois. »

Feng Yongle : « Tu n’es même pas un peu surpris ? »

Ruan Nanzhu répondit, sans émotion : « Nous savons déjà qu’ils mourront, seule la manière change… pourquoi être surpris ? »

Feng Yongle resta sans voix.

En effet, cette plaque « 502 » représentait manifestement la mort. Le mode de décès importait peu.

En quittant la cantine après le repas, ils croisèrent le groupe de Jiang Yingrui. La jeune femme Xue Zhiyun, qui avait été prise la veille en flagrant délit et tremblait de peur, était également parmi eux.

Lin Qiushi s’attendait à ce qu’elle paraisse gênée, mais elle eut le culot de leur adresser un sourire et un salut.

Cette fois, aucun des trois ne lui répondit, l’ignorant comme si elle n’existait pas.

À voir l’expression de Ruan Nanzhu, Lin Qiushi avait même toutes les raisons de croire que, si tuer quelqu’un ici ne provoquait pas l’apparition d’esprits vengeurs, il aurait déjà tué plusieurs fois Jiang Yingrui.

Feng Yongle marmonna à voix basse : « Ces gens-là n’ont vraiment aucune honte… »

Ruan Nanzhu eut un léger sourire, mais ses yeux, eux, ne souriaient pas : « Pas d’empressement, le temps joue pour nous. »

Le sanatorium était immense. La veille, ils n’avaient parcouru que quelques étages, sans pouvoir tout explorer. Aujourd’hui, ils comptaient poursuivre leurs investigations.

Mais, à peine entrés dans le bâtiment, Ruan Nanzhu s’arrêta dans le hall du rez-de-chaussée et réfléchit un instant : « Vous n’avez pas l’impression qu’il manque quelque chose dans ce sanatorium ? »

Lin Qiushi : « Que manque-t-il ? »

Ruan Nanzhu souligna : « Hier, du début à la fin, nous n’avons pas vu un seul médecin, n’est-ce pas ? »

Sur cette remarque, Feng Yongle tapa dans ses mains, soudain éclairé : « C’est vrai ! Il n’y avait pas de médecins, seulement quelques infirmières — » Et toutes affichaient un comportement glacial, les ignorant comme si elles ne les voyaient pas.

« Alors, où sont les médecins ? » dit Ruan Nanzhu.

Lin Qiushi se remémora le plan des lieux qu’ils avaient vu au rez-de-chaussée et tapa sur son téléphone : Si je me souviens bien, le sixième étage abrite les bureaux des médecins, n’est-ce pas ?

Ruan Nanzhu : « Oui. »

Lin Qiushi : Ils étaient tous verrouillés hier. On devrait y retourner pour voir ?

« D’accord, » approuva Ruan Nanzhu.

En réalité, la majorité des pièces du sanatorium étaient verrouillées. Les inspecter une à une aurait été impossible. Ils devaient donc d’abord identifier les pièces importantes avant de tenter de forcer les serrures.

Lin Qiushi se sentit reconnaissant d’avoir Ruan Nanzhu à ses côtés, et commença sérieusement à envisager d’apprendre l’art du crochetage une fois sorti d’ici.

Aux autres étages, la plupart des chambres étaient occupées par des patients en uniforme d’hôpital : certains erraient sans but dans les couloirs, d’autres restaient assis, hébétés, dans un coin, d’autres encore marmonnaient comme s’ils parlaient à des êtres invisibles. Bien que ce lieu fût censé traiter des maladies pulmonaires, il ressemblait davantage à un vaste asile psychiatrique.

Mais le sixième étage, lui, était d’un calme absolu. Aucun patient, aucune infirmière. Le couloir baignait dans une lumière terne, semblable à celle d’un vieux film.

Ruan Nanzhu se dirigea vers le bureau du directeur, situé au centre du couloir.

La porte était fermée, impossible de voir à l’intérieur.

Ruan Nanzhu ordonna : « Écartez-vous. »

Lin Qiushi et Feng Yongle se décalèrent pour le laisser faire.

Deux à trois minutes plus tard, la serrure céda. Ruan Nanzhu n’ouvrit pas grand la porte : il l’entrouvrit prudemment pour jeter un coup d’œil à l’intérieur.

La pièce était silencieuse, sans signe de danger.

Il tâtonna le long du mur à la recherche de l’interrupteur, et, dans un petit « clic », la lumière blafarde inonda la pièce.

Lin Qiushi entra à sa suite. Dès qu’il franchit le seuil, son regard fut attiré par le mur d’en face.

Le mur entier était couvert de portraits funéraires serrés les uns contre les autres. Sur ces photos, les visages affichaient la même rigidité glaciale, et leurs regards froids semblaient percer hors du cadre. Tous avaient un point commun : ils portaient la blouse blanche des médecins.

Lin Qiushi remarqua bientôt qu’en haut du mur, un cadre était vide.

Les trois fixèrent ce cadre vide en silence.

« Pour qui celui-là est-il réservé ? » s’interrogea Feng Yongle avec un rire forcé.

Personne ne connaissait la réponse.

Ruan Nanzhu regarda le mur de portraits pendant un moment, puis détourna les yeux. Les trois commencèrent alors à fouiller la pièce. Très vite, ils firent une découverte : dans un coin de tiroir, Lin Qiushi trouva une photographie représentant un homme d’âge moyen. L’homme, plutôt séduisant, arborait de courts cheveux blonds et un sourire posé. Ce qui attirait le plus l’attention, toutefois, c’était sa tenue de médecin.

Lin Qiushi prit la photo et scruta le mur couvert de portraits ; comme il s’y attendait, il ne trouva pas celui de cet homme.

« Il n’y est pas, » affirma Ruan Nanzhu.

« Alors le cadre vide est pour lui… » dit Feng Yongle. « Peut-être que la clé est cachée dans le cadre. »

Ruan Nanzhu réfléchit un instant. « Enlève le cadre vide pour voir. »

Feng Yongle hocha la tête, déplaça une chaise et monta dessus. Il tendit le bras, décrocha le cadre du clou.

« C’est juste un cadre vide, » dit Feng Yongle. « Rien de particulier. » Il le retourna d’un côté puis de l’autre, sans rien remarquer d’étrange.

Lin Qiushi, penché sur le cadre, sentit soudain un frisson lui parcourir le dos : il percevait un regard étrange posé sur lui. Il leva les yeux, intrigué, et, en apercevant d’où venait ce regard, une sueur froide coula le long de son dos.

Ce qui le fixait, c’étaient les portraits funéraires accrochés au mur.

Leurs regards, qui d’abord semblaient droits, s’étaient décalés : maintenant, presque chaque portrait les observait du coin de l’œil. Les visages blafards et figés, combinés à ces regards morts, dégageaient une impression sinistre. Lin Qiushi eut un mauvais pressentiment. Il tira doucement sur la manche de Ruan Nanzhu.

Voyant le visage de Lin Qiushi se tendre, Ruan Nanzhu suivit la direction de son regard et aperçut à son tour le changement des portraits.

Et, à ce moment-là, la transformation s’accentua.

Les yeux des défunts commencèrent à bouger lentement, comme si les morts des photos allaient s’animer ; les cadres tremblaient légèrement. Lin Qiushi ouvrit grand les yeux : il vit l’un des personnages lever la main, comme pour ramper hors de la photo.

Quiconque aurait assisté à cette scène aurait paniqué immédiatement.

Mais Ruan Nanzhu, fort de son expérience, garda son calme. Il jeta un coup d’œil au cadre vide qu’il tenait, puis, sans hésiter, grimpa sur la chaise et raccrocha le cadre à sa place.

Une fois le cadre remis, tout mouvement cessa.

Les figures dans les portraits reprirent leur expression glaciale et leur regard vide, comme si ce qu’ils venaient de voir n’avait été qu’une illusion.

Feng Yongle essuya la sueur sur son front et jura à mi-voix : « Putain, j’ai cru mourir de peur. »

Lin Qiushi, lui aussi, se sentait le cœur battant.

Ruan Nanzhu dit : « Et si la clé était à l’intérieur du portrait ? »

« Mais on vient de vérifier, non ? » remarqua Feng Yongle avec un rire nerveux. « Il n’y avait rien sur ce cadre… »

Ruan Nanzhu le regarda : « Tu n’as pas remarqué qu’il manquait quelque chose ? »

Feng Yongle resta interdit.

Lin Qiushi comprit aussitôt : en effet, il manquait quelque chose au cadre — une photo funéraire.

« Une photo manquante ? » supposa Feng Yongle, comprenant à son tour.

Ruan Nanzhu acquiesça.

« Mais où va-t-on trouver cette photo ? » demanda Feng Yongle avec un sourire amer. « Ce sanatorium est immense… »

« On finira bien par la trouver, » répondit Ruan Nanzhu. « Partons. »

Ils quittèrent le bureau du directeur, Ruan Nanzhu refermant soigneusement la porte derrière eux.

Ils tenaient peut-être une piste pour la clé, mais aucune idée encore sur la porte. Ils fouillèrent tout l’étage, cherchant dans tous les recoins, sans trouver la moindre trace d’un tunnel.

Alors que Lin Qiushi commençait à penser qu’ils n’auraient aucun progrès, Feng Yongle fit une découverte : une pièce.

Elle était verrouillée à l’origine, mais le cadenas avait été brisé. Feng Yongle ouvrit donc la porte.

À peine l’eut-il fait qu’il sursauta violemment : la grande pièce était remplie de sacs noirs empilés les uns sur les autres — des sacs mortuaires, sans aucun doute.

« Putain… » appela-t-il à voix basse Lin Qiushi et Ruan Nanzhu. « Venez voir ça ! »

Lin Qiushi et Ruan Nanzhu s’approchèrent et virent, eux aussi, la montagne de sacs contenant des cadavres.

« Ils ne s’occupent donc pas de ces corps ? » marmonna Feng Yongle.

Ruan Nanzhu fronça les sourcils : « Qu’as-tu dit ? »

« Je dis qu’ils ne s’occupent donc pas de ces corps ? » répondit Feng Yongle, tandis qu’une odeur de putréfaction se répandait dans la pièce. « C’est écœurant… Quoi ? »

Ruan Nanzhu dit : « Peut-être que c’est là une piste. Si ces corps doivent être évacués quelque part… »

Lin Qiushi comprit immédiatement : Tu veux dire… le tunnel ?

Ruan Nanzhu hocha la tête.

Lin Qiushi tapa sur son téléphone : C’est une piste.

Selon les indices, le tunnel servait à se débarrasser des cadavres. Si ces sacs devaient être transportés, ils le seraient forcément vers ce tunnel. Il suffirait de les suivre.

Mais ce plan n’était pas simple à exécuter : ils ignoraient quand les corps seraient déplacés.

Ruan Nanzhu poursuivit son raisonnement : « Comme le cadenas a été cassé, d’autres ont sûrement découvert cet endroit. S’ils sont malins, ils auront remarqué la même chose que nous. »

Les méthodes pour traiter des cadavres sont nombreuses : l’enterrement ou la crémation. Ici, sans crématorium, l’enterrement était la seule option probable.

Or il n’y avait pas de cimetière à proximité du sanatorium ; quelqu’un de perspicace devinerait donc qu'il y avait un autre site pour l'élimination des cadavres.

Et si d’autres l’avaient compris, ils devenaient leurs concurrents.

« Je vais aller interroger les patients des environs, » proposa Feng Yongle. « Rester ici à attendre ne sert à rien. »

Ruan Nanzhu acquiesça, trouvant l’idée raisonnable.

Lin Qiushi, de son côté, proposa de rester seul ici en surveillance ; après tout, il ne pouvait pas parler, il n’aurait rien pu demander.

Ruan Nanzhu dit : « Très bien. Nous resterons dans les parages. Si quelque chose arrive, fais du bruit, et nous viendrons tout de suite. »

Lin Qiushi hocha la tête.

Les deux partirent explorer les alentours, tandis que Lin Qiushi se posta à un coin proche pour observer si quelqu’un approchait. Après un moment, à sa surprise, il aperçut une silhouette familière : Jiang Yingrui, celui qui leur avait déjà causé des ennuis.

En le voyant, Lin Qiushi eut un bref moment d’hésitation et voulut se cacher, mais Jiang Yingrui l’avait déjà remarqué de loin.

« Petite muette, » dit Jiang Yingrui en s’approchant avec un sourire ambigu. « Tu es seule ici? »

Lin Qiushi le fixa calmement, sans répondre.

« Et tes amis ? » poursuivit Jiang Yingrui en se plantant devant lui. « Ils ne t’accompagnent pas ? Dans un monde comme celui-ci, c’est dangereux de rester seule, tu sais. »

Si Lin Qiushi avait été réellement une jeune fille muette et sans défense, il aurait peut-être tremblé de peur devant les paroles menaçantes de Jiang Yingrui.

Mais Lin Qiushi ne l'était pas. Aussi, face à ses insinuations, il se contenta de cligner des yeux.

« Tu n’as pas peur ? » demanda doucement Jiang Yingrui.

Lin Qiushi ne réagit toujours pas.

« Pourquoi m’ignores-tu ? » Jiang Yingrui s’approchait de plus en plus, si près que Lin Qiushi eut l’impression que son espace personnel était envahi. Son expression se glaça ; il sortit son téléphone et tapa : Je n’ai rien à te dire.

« Vous avez vu cette pièce, vous aussi ? » dit Jiang Yingrui. « Elle est pleine de cadavres… »

Lin Qiushi afficha une expression du genre en quoi cela te regarde-t-il.

« Dis-moi, » murmura soudain Jiang Yingrui, « si je te mettais maintenant dans un de ces sacs et que je te jetais dans cette pièce, crois-tu qu’ils s’en rendraient compte ? »

Ces mots dépassaient vraiment les bornes. Lin Qiushi le regarda froidement, hésitant à lui donner une bonne correction, quand Jiang Yingrui changea d’expression et afficha un sourire : « Bien sûr, je plaisante. Après tout, petite muette, tu es si adorable, je n’aurais pas le cœur de le faire. »

Lin Qiushi pensa : Toi, tu n’en aurais pas le cœur, mais moi, si.

Jiang Yingrui, toujours souriant : « Vous venez du dernier étage, n’est-ce pas ? Qu’y avez-vous découvert ? »

Lin Qiushi le fixa, impassible.

« Peu importe si tu ne veux pas répondre. Nous comptions justement y monter, » dit Jiang Yingrui. « Je te laisse donc surveiller ici. »

Il lui fit un signe de la main, prêt à s’éloigner.

Mais Lin Qiushi bondit en avant et lui asséna un violent coup de pied dans le dos, sans retenue. Jiang Yingrui chancela, complètement pris de court.

« Qu’est-ce que tu fais… » dit-il, stupéfait : il ne s’attendait pas à ce qu’un Lin Qiushi à l’apparence si douce puisse avoir un geste aussi brutal.

Lin Qiushi, sans la moindre gêne, lui cracha dessus, puis lui fit un doigt d’honneur.

Jiang Yingrui : « … »

En voyant son visage ahuri, Lin Qiushi se sentit beaucoup mieux. Il pensa qu’il n’était pas vrai que les muets avaient moins de manières : répondre par des mots était inutilement faible — mieux valait agir directement.

Jiang Yingrui, furieux, éclata d’un rire nerveux : « Ne crois pas que je ne frappe pas les femmes… » Il se redressa à peine que, déjà, Ruan Nanzhu et les autres, alertés par le bruit, arrivèrent sur place. Lin Qiushi se jeta aussitôt dans les bras de Ruan Nanzhu avec une expression de victime.

Ruan Nanzhu s’écria : « Qu’est-ce que tu as fait à ma Qiushi ?! »

Jiang Yingrui : « … » C’est moi qui me suis fait frapper, pourquoi c’est lui qui a l’air si malheureux ?!

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

 

 

 

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