KOD - Chapitre 55 - Les enfants disparus

 

Lauren

 

Quatorze personnes entrèrent successivement et se rassemblèrent sur la place du petit village.

Lin Qiushi profita du temps disponible pour observer les environs. Ce village semblait très délabré, la plupart des magasins disposés le long des rues étaient fermés. Par moments, une brise soufflait et soulevait la poussière au bord de la route, accentuant encore l’atmosphère de désolation du lieu.

À côté de la place se trouvait un panneau d’affichage. Lin Qiushi et Ruan Nanzhu s’en approchèrent pour jeter un œil et découvrirent trois avis de recherche d’enfants. Il s’agissait de garçons et de filles âgés d’environ sept ou huit ans, tous récemment placardés.

En voyant ces avis de recherche, Lin Qiushi pensa immédiatement à l’ombre mince et longue évoquée dans les indices. Bien que cette créature attaque aussi les adultes, sa première cible restait généralement les enfants. Il semblait donc évident que ces disparitions étaient étroitement liées à cette silhouette spectrale.

Alors que les gens murmuraient entre eux, un homme d’âge moyen au visage sévère arriva à l’extrémité de la place. Il se présenta brièvement comme le maire de la ville, puis leur expliqua leur identité dans ce monde derrière la porte.

« J’espère que vous pourrez nous aider à retrouver les enfants disparus », déclara le maire. « Tous ces enfants ont disparu au cours de la dernière semaine. Nous avons fouillé tout le village sans rien trouver. J’espère que vous pourrez accomplir la mission et retrouver les enfants perdus. »

Telle était la mission associée à cette porte.

Après son discours, le maire les emmena à l’auberge où ils séjourneraient.

Cette auberge correspondait bien à l’ambiance du village : extrêmement délabrée. Un vieil homme somnolait à l’entrée. Lorsqu’il vit le maire arriver avec des visiteurs, il ne se donna même pas la peine d’ouvrir les yeux pour les saluer. Il lança simplement une clé d’un geste négligent avant de refermer les paupières et de continuer sa sieste.

Le maire semblait habitué à ce genre de comportement. Il expliqua : « Les étrangers viennent rarement ici. Depuis la disparition des enfants, tout le monde est très sensible. Je vous prie de faire preuve de tact lors de vos interrogatoires. »

Les chambres étaient prévues pour deux personnes, et les participants s’organisèrent rapidement pour choisir leurs compagnons de chambre.

Sans surprise, Lin Qiushi se retrouva avec Ruan Nanzhu. Comme il jouait le rôle d’une jeune fille muette, il ne parla pas du tout. Lorsque certains posaient leur regard sur lui, il faisait comme s’il ne les avait pas vus.

Wang Tianxin semblait manifester un certain intérêt pour lui, mais le cachait plutôt bien. Lin Qiushi percevait cependant parfois ses regards insistants.

Il fit comme s’il ne remarquait rien.

Une fois les chambres réparties, le maire leur parla encore un peu du village.

Autrefois, ce village était un village de pêcheurs. Mais après la construction d’un barrage en amont, les poissons se firent rares, et le lieu sombra dans le déclin. Il n’y avait pas d’industrie, à l’exception d’une usine de conserves située à l’extrémité ouest. À l’est, on trouvait le cimetière du village. Le maire leur recommanda d’éviter cet endroit s’ils n’avaient rien à y faire.

Tous écoutèrent attentivement, certains prenaient même des notes. En général, les principaux indices étaient fournis par les PNJ, et parmi ces informations se cachait la clé de l’énigme.

Après ces efforts, tout le monde avait un peu faim. Ils descendirent donc au restaurant au rez-de-chaussée pour manger quelque chose.

La nourriture était franchement mauvaise. Le pain était dur et sec, au point de faire mal aux dents. À part ce pain, il y avait aussi du poisson frit à l’aspect peu engageant. Lin Qiushi jeta un coup d’œil à ce poisson qui le fixait de ses yeux morts, et n’osa pas y toucher. Était-il seulement comestible ?

Ruan Nanzhu ne goûta pas non plus au poisson, se contentant de grignoter un peu de pain. Depuis leur arrivée à l’auberge, il avait très peu parlé, semblant absorbé dans ses pensées.

Après ce repas médiocre, chacun retourna dans sa chambre pour se reposer et se préparer au lendemain.

Lin Qiushi fit de même. Après une toilette sommaire, il monta dans son lit.

C’était une chambre double avec deux lits. Le sien était près de la fenêtre, celui de Ruan Nanzhu près de la porte.

Ruan Nanzhu sortit de la salle de bain, torse nu, en train de se sécher les cheveux. Il demanda en s’approchant : « Qu’en penses-tu ? »

Lin Qiushi, recroquevillé dans son lit à jouer avec son téléphone, répondit : « Demain, allons d’abord interroger les parents des enfants disparus. Peut-être obtiendrons-nous des indices. » Il réfléchit un instant. « Puisque le maire a mentionné l’usine de conserves, nous devrions peut-être aller y jeter un œil. Ce village est petit, il n’y a pas beaucoup de lieux à explorer. Il y aura forcément quelque chose d’utile là-bas. »

Ruan Nanzhu demanda : « Quelles sont tes impressions ? »

Lin Qiushi crut qu’il parlait de la porte et répondit docilement : « Ça va, à part le repas qui était vraiment infect. »

Ruan Nanzhu haussa un sourcil : « Je parlais de ton rôle de fille muette. »

Lin Qiushi resta silencieux.

Ruan Nanzhu ajouta : « Cela ne te plaît pas ? »

Face à l’intimidation naturelle de Ruan Nanzhu, Lin Qiushi se transforma en un petit chien soumis et répondit avec un sourire forcé : « Si, si, j’aime bien. » Il se demanda pourquoi il avait eu la mauvaise idée de poser une certaine question à l’origine...

Il faut avouer que vêtu en fille, avec une telle expression gênée, Lin Qiushi avait l’air tout à fait attendrissant. Qu’il soit consentant ou non, sa réponse sembla satisfaire Ruan Nanzhu, qui esquissa un sourire subtil et dit d’une voix douce : « Tant mieux si cela te plaît. »

Lin Qiushi resta muet. Pourquoi avait-il un si mauvais pressentiment ?

Tous deux discutèrent encore un peu, puis allèrent se coucher.

À côté de Lin Qiushi, la fenêtre était une fenêtre à jalousies. On pouvait vaguement apercevoir les ombres des feuillages projetées dessus. Une brise légère soufflait, faisant bruisser les branches. Bien que l’auberge soit décrépite, l’intérieur était correct. Le seul inconvénient, c’était les moustiques, très gênants par un temps aussi froid. Allongé dans son lit, Lin Qiushi tenta de faire le vide pour s’endormir rapidement.

Mais alors qu’il était sur le point de s’assoupir, Ruan Nanzhu le toucha légèrement dans le dos. Il allait se retourner quand il entendit la voix basse de Ruan Nanzhu : « Ne bouge pas. Il y a quelque chose dehors. »

Le corps de Lin Qiushi se raidit instantanément. Il était pleinement réveillé.

En regardant attentivement, il remarqua qu’à un moment indéterminé, une chose difficile à décrire s’était accrochée à l’arbre à l’extérieur. Cette chose se fondait presque avec le tronc, ondulant comme un serpent. Fine, longue, elle passait facilement inaperçue.

L’entité étendit lentement une main et la posa sur la fenêtre à jalousies.

Lin Qiushi vit cette main soulever l’une des lamelles. Il s’attendait à croiser un regard noir, mais à la place, il ne vit qu’une pâleur effrayante… Cette créature n’avait pas d’yeux.

« Ferme les yeux », dit soudain Ruan Nanzhu.

Lin Qiushi ferma aussitôt docilement les yeux. Son ouïe était extrêmement fine, si bien qu’il entendit très clairement le bruit des vantaux de la fenêtre qui étaient manipulés.

Puis il y eut un bruissement de pas, comme si quelque chose marchait sur l’herbe.

Ruan Nanzhu ne lui permit toujours pas d’ouvrir les yeux. Au début, Lin Qiushi parvint à se contenir, mais il finit par ne plus tenir : « C’est bon ? »

Pas de réponse.

Le cœur de Lin Qiushi se serra. Craignant qu’il ne se soit passé quelque chose, il ouvrit les yeux et se retourna… pour découvrir que ce bonhomme de Ruan Nanzhu s’était déjà endormi.

Lin Qiushi : « … » Apparemment, ce somnifère étaitt efficace non seulement pour endormir les autres, mais aussi pour lui-même.

Le calme revint à l’extérieur. Lin Qiushi ferma les yeux et s’endormit.

*

Le lendemain, le temps était pluvieux et maussade.

Il faisait un peu froid, et la pluie tombait en fine bruine dans les airs.

Lin Qiushi et Ruan Nanzhu se levèrent de bonne heure et descendirent au restaurant du rez-de-chaussée. À peine entré, Lin Qiushi entendit les plaisanteries de Wang Tianxin et de cette jeune femme ; après une nuit passée ensemble, leur relation semblait s’être encore rapprochée. La jeune femme, charmée par les avances de Wang Tianxin, riait aux éclats tout en partageant le petit déjeuner avec lui, chacun donnant la becquée à l’autre.

Lin Qiushi le regarda un instant, admirant intérieurement cet homme. Parvenir à flirter joyeusement dans une atmosphère aussi sinistre, c’était tout de même un talent.

Ruan Nanzhu entra à sa suite. À peine les deux apparus, ils attirèrent les regards de presque tous ceux présents dans la salle. Certains regardaient le visage remarquable de Ruan Nanzhu, d’autres lançaient à Lin Qiushi des regards équivoques.

Au début, Lin Qiushi ne comprit pas pourquoi. Ce n’est qu’un peu plus tard, lorsqu’il se rendit aux toilettes et jeta un coup d’œil dans le miroir, qu’il ressentit quelque chose d’étrange…

Il allongea le cou pour bien examiner : à sa grande surprise, une marque rouge était apparue sous son oreille. Elle le démangeait un peu — une piqûre de moustique, sans aucun doute — mais ce que lui savait, les autres ne le sauraient pas. D’autant plus que l’endroit était plutôt… ambigu.

Lin Qiushi était partagé entre le rire et les larmes. Il se gratta légèrement, mais cela ne fit qu’empirer les démangeaisons.

N’ayant aucun moyen de faire disparaître cette marque pour le moment, il poussa un soupir résigné. Il se lava les mains et s’apprêta à sortir, quand il croisa Wang Tianxin entrant dans les toilettes.

Cette auberge était petite, et les toilettes du rez-de-chaussée étaient mixtes, et uniques.

Dans l’étroit espace, Lin Qiushi se déporta légèrement pour lui céder le passage.

Wang Tianxin lui adressa un sourire, puis demanda soudainement : « Pourquoi as-tu peur de moi ? »

Lin Qiushi fut surpris.

« Lui et moi faisons pourtant exactement la même chose. Pourquoi donc jouer au chat effrayé, comme si j’étais le méchant ? » La voix de Wang Tianxin n’était pas désagréable, et ses yeux en amande avaient ce charme enjôleur qui plaisait beaucoup aux femmes. Il tendit la main et attrapa le bras de Lin Qiushi. « Pas vrai ? »

Lin Qiushi comprit qu’il y avait malentendu. Il tenta de retirer son bras, mais redoutait qu’un geste trop brusque ne trahisse sa force et, donc, son identité. Il sortit alors son téléphone et tapa : « Ce n’est pas ce que tu crois. Tu fais erreur. »

Mais en voyant ces mots, Wang Tianxin ricana froidement : « Tu me prends pour un idiot ? Cette trace sur ton cou, tu vas me dire que c’est un moustique ? »

Lin Qiushi : Hé bien oui, c’est réellement un moustique…

Wang Tianxin jeta un œil vers l’extérieur, puis sourit d’un air mauvais : « Dis-moi, si je te prenais ici, dans les toilettes, tu crois qu’il s’en rendrait compte ? »

Lin Qiushi : « … » Il jeta un regard silencieux au corps pas si impressionnant de Wang Tianxin. Franchement, qui dominerait qui, ce n’était pas encore clair.

On ne savait pas ce que Wang Tianxin interpréta dans l’expression de Lin Qiushi, mais il se mit à sourire : « Quoi, tu as peur maintenant ? »

Les yeux de Lin Qiushi balayèrent rapidement les lieux. Il songeait déjà à la meilleure manière de le neutraliser pour se défouler un peu.

Mais alors qu’il s’apprêtait à passer à l’action, des bruits de pas se firent entendre à l’extérieur.

Wang Tianxin n’en desserra pas pour autant son emprise. Il ne relâcha le bras de Lin Qiushi qu’en voyant apparaître Ruan Nanzhu à l’entrée, dont le regard hostile le fixait. À contrecœur, il esquissa un sourire gêné et relâcha sa prise.

« Qiuqiu. » dit froidement Ruan Nanzhu. « Quelqu’un t’importune ? »

Lin Qiushi jeta un regard à Ruan Nanzhu, et à l’instant où leurs regards se croisèrent, ils se comprirent sans un mot. D’un coup, Lin Qiushi se jeta en sanglotant dans les bras de Ruan Nanzhu, prenant une attitude de pauvre victime humiliée.

Ruan Nanzhu leva alors les yeux vers Wang Tianxin.

Sans doute son regard était-il trop effrayant, car l’arrogant Wang Tianxin de tout à l’heure se ratatina sur place et s’efforça de sourire : « C’est un malentendu ! Un simple malentendu, je n’ai rien fait à Qiuqiu… »

Ruan Nanzhu dit : « Dernier avertissement. » Sa voix était glaciale. « Si je découvre encore une fois que tu essayes quoi que ce soit avec elle, je te tue. » Et ce « je te tue » ne ressemblait en rien à une menace vaine. Même Lin Qiushi, blotti dans les bras de Ruan Nanzhu, ressentit une menace de mort très réelle.

Ruan Nanzhu était tout à fait sérieux.

Lin Qiushi le savait. Et Wang Tianxin aussi.

Pris de panique, celui-ci bredouilla un acquiescement et s’enfuit précipitamment, même sans aller aux toilettes.

Lin Qiushi regarda son dos qui s’éloignait en courant, avec une envie folle de lui cracher dessus.

« Ça va ? » demanda Ruan Nanzhu.

Lin Qiushi secoua la tête, puis montra du doigt la trace laissée par la piqûre de moustique sous son oreille.

À sa grande surprise, quelque chose de chaud et doux se posa sur la marque pour la sucer un moment. Les yeux de Lin Qiushi s’agrandirent, et par réflexe il voulut repousser l’homme devant lui, mais Ruan Nanzhu se mit à rire doucement : « Petite muette, tu crois vraiment que je suis un homme bien ? »

Lin Qiushi : « … » Grand maître, jouer un rôle te rend donc si heureux ?

« Je ne suis pas quelqu’un de bien, moi non plus. » Les doigts de Ruan Nanzhu caressèrent la zone avec insistance, provoquant un frisson involontaire chez Lin Qiushi. Il ouvrit la bouche pour parler, mais Ruan Nanzhu lui fit un signe de silence, indiquant que les murs avaient des oreilles.

« Si tu m’obéis bien, je te sortirai d’ici. » dit Ruan Nanzhu. « Mais si tu n’es pas sage, ne viens pas te plaindre si je t’abandonne ici. »

Lin Qiushi : « … » Il serait peut-être temps de se calmer un peu…

« Tu as compris ? »

Lin Qiushi ne put qu’acquiescer.

Satisfait, Ruan Nanzhu prit sa main et l’entraîna dehors.

À cet instant précis, Lin Qiushi comprit enfin la perfidie du plan de Ruan Nanzhu : le faire passer pour une fille muette. S’il n’était pas censé être muet, il aurait au moins pu répliquer quelques mots et briser l’élan théâtral de Ruan Nanzhu. Mais là, il était un muet dans cette mise en scène. Le temps qu’il écrive quoi que ce soit sur son téléphone, Ruan Nanzhu aurait déjà fini de jouer sa scène.

Lin Qiushi termina le verre de lait devant lui, tout en soupirant intérieurement : les intentions humaines étaient décidément bien sournoises…

Les regards des autres dirigés vers Ruan Nanzhu et Lin Qiushi devenaient de plus en plus ambigus. Ils devaient les prendre pour un couple d’amants occasionnels.

Lin Qiushi, tel un muet avalant une potion amère, ne pouvait rien dire, juste jeter quelques regards furieux à Ruan Nanzhu.

Ruan Nanzhu, sans honte, déclara : « Ne me regarde pas comme ça. Continue et je deviendrai dur. »

Lin Qiushi : « ??? » C’est quoi encore cette histoire de “durcir” ?

Ils finirent enfin leur petit-déjeuner. Lin Qiushi tira précipitamment Ruan Nanzhu hors de la salle à manger. D’après leur plan de la veille, ils devaient aller interroger les familles des enfants disparus.

Il y avait peu d’habitants dans ce village. On disait qu’il n’y avait au total que huit ou neuf enfants. Alors en perdre trois d’un coup, c’était un événement majeur.

Ruan Nanzhu et Lin Qiushi arrivèrent rapidement devant la maison du premier enfant disparu. Avec eux se trouvaient également quelques membres plus âgés de l’équipe.

La famille qui les accueillit afficha une attitude froide, ne répondant que par monosyllabes, sans jamais offrir d’information spontanée.

Heureusement, ils acceptaient au moins de répondre. Ruan Nanzhu posa quelques questions clés : à quel moment l’enfant avait disparu, où cela s’était produit, qui il avait vu en dernier, et s’il y avait eu des signes avant-coureurs.

« Il a toujours eu un caractère étrange. » En tant que parents, ils auraient dû être profondément attristés par la disparition de leur enfant, mais leur attitude était curieusement distante, comme s’ils ne voulaient rien dire de plus. « Il ne rentrait presque jamais à la maison. Il a disparu il y a six jours, au crépuscule. Il est sorti et n’est jamais revenu. Avant de disparaître, il a vu sa sœur. Quant à des signes avant-coureurs… S’il y en avait eu, comment aurait-il disparu ? »

Chacun nota soigneusement ces éléments. La sœur du disparu se trouvait justement sur place. Ruan Nanzhu s’adressa donc à elle.

Il fallait croire que son apparence plaisait, car la jeune fille fut plus réceptive. Elle semblait avoir dix-sept ou dix-huit ans, pas particulièrement jolie, avec quelques taches de rousseur sur les joues, mais de longs cheveux blonds remarquables.

Elle dit : « Avant de disparaître, mon frère Lauren disait que quelqu’un le suivait. Mais ce village est si petit, il n’y a même pas d’étrangers ici. Qui suivrait un enfant ? À l’époque, nous n’avons pas pris ses paroles au sérieux… » Elle semblait quelque peu coupable, ses yeux s’humidifièrent.

« Accepteriez-vous que nous visitions sa chambre ? » demanda Ruan Nanzhu.

« Suivez-moi, je vous y conduis », répondit la sœur.

Lauren, l’enfant disparu, dormait dans une petite chambre sous les combles. Elle était exiguë et désordonnée. L’espace étroit contenait un petit lit, une quantité de livres et toutes sortes d’objets épars.

L’endroit étant trop étroit, tout le groupe ne pouvait pas entrer en même temps. Ils durent s’organiser en plusieurs groupes pour fouiller.

Lin Qiushi, Ruan Nanzhu et une autre jeune fille furent les premiers à entrer.

Ruan Nanzhu se dirigea aussitôt vers l’étagère tandis que Lin Qiushi inspectait le lit.

Très vite, Lin Qiushi fit une découverte : sous l’oreiller de Lauren, il trouva un carnet fermé par un cadenas. Il réagit immédiatement, le prit et le dissimula dans ses vêtements, l’air de rien. Ce fut à ce moment-là qu’il se rendit compte qu’être habillé en fille avait au moins cet avantage : les vêtements féminins permettent de cacher plus facilement des objets. En tant qu’homme, il aurait eu bien plus de mal.

Ruan Nanzhu, quant à lui, découvrit de nombreuses notes prises par Lauren sur l’étagère. Avant sa disparition, il faisait des recherches sur les légendes urbaines locales. Ces légendes étaient variées, et certaines évoquaient même la silhouette spectrale élancée dont parlaient les indices.

« On dirait qu’il avait un pressentiment », analysa Ruan Nanzhu. « Cette fois, les morts à l’intérieur de la porte s’annoncent par des signes. »

Lin Qiushi hocha la tête pour signaler qu’il avait compris, puis pointa la porte.

Ruan Nanzhu comprit aussitôt : « Allons-y, sortons. »

Ils sortirent de la maison sous prétexte d’aller prendre l’air. Une fois dehors, dans un coin à l’écart, Lin Qiushi sortit le carnet de Lauren de ses vêtements.

Ruan Nanzhu sourit en le voyant faire : « Tu es vraiment très doué. »

Lin Qiushi, au bord de l’explosion, répondit : « Ce n’est pas le moment, lis ce qu’il y a dedans. »

Ruan Nanzhu hocha la tête. Il ouvrit sans difficulté le cadenas du carnet et commença à lire.

Le début du carnet contenait les récits du quotidien d’un enfant : il s’y plaignait de ses parents, de l’école… De l’école ?

Lin Qiushi demanda : « Il y a une école dans ce village ? »

Ruan Nanzhu répondit : « Oui, sans doute. Mais pas ici même, probablement dans le village voisin. »

Lin Qiushi dit : « Ah… Pourtant, le maire n’en a pas parlé. »

Ruan Nanzhu dit : « Il n’était pas leur fils biologique. Ça explique l’attitude des parents. »

Lauren n’était pas le fils de son père actuel. Sa mère s’était remariée en l’emmenant avec elle, mais son beau-père ne l’avait jamais accepté, lui causait des ennuis et le frappait parfois. Après sa disparition, il ne montra aucune inquiétude, comme si la disparition de l’enfant ne le concernait en rien.

« Et sa mère ? » s’étonna Lin Qiushi.

« Elle est à peine mentionnée », répondit Ruan Nanzhu. « …C’est étrange. »

C’était effectivement très étrange. Lorsqu’ils étaient entrés dans la maison, ils n’avaient pas vu de maîtresse de maison. Personne n’avait évoqué sa présence non plus.

En tournant les pages, Lin Qiushi trouva des indices concernant la disparition.

Dans le carnet, Lauren se plaignait régulièrement qu’on semblait le suivre, que sur le chemin de l’école et du retour, quelqu’un l’épiait. Mais il n’avait jamais réussi à identifier cette personne.

Au début, Lauren s’exprimait avec colère et irritation, mais peu à peu, cette colère céda la place à la peur. Il semblait avoir découvert quelque chose…

« Il est encore apparu à la fenêtre. Je me suis caché sous le lit, en espérant qu’il ne me trouve pas. »

« Cette fois, je me suis caché dans le placard. Heureusement que je n’étais pas sous le lit. Je l’ai vu se pencher, tendre la main sous le lit, comme s’il me cherchait. »

« Personne ne croit ce que je dis. Ils pensent tous que je suis fou. Cette chose a failli se glisser par l’interstice de la fenêtre. Je ne sais même pas ce que c’est exactement. »

« Je connais maintenant son nom, mais il est trop tard. Je n’ai plus le temps... »

« Tout est fini. »

Ces lignes étaient les entrées les plus récentes du journal de Lauren. Il y a quelques jours, il y a écrit ses cinq derniers mots : « Tout est fini. »

Ce fut sa dernière note. Après cela, Lauren avait disparu, et le journal s’arrêtait là.

« On dirait que c’est cette chose qui a emporté l’enfant, » dit Lin Qiushi après avoir terminé la lecture. « L’Homme Élancé... »

« Où a-t-il bien pu l’emmener ? » murmura Ruan Nanzhu.

Les deux se regardèrent un instant, puis échangèrent un sourire gêné : « Il ne l’aurait pas emmené à l’usine de conserves, quand même ? »

Il fallait dire que c’était à peu près le seul lieu particulier de cette ville.

« Tu as mangé du poisson en conserve ce matin ? » demanda Ruan Nanzhu.

Lin Qiushi secoua vivement la tête. Rien qu’à l’odeur, ces conserves ne l’inspiraient guère ; il avait pris un petit-déjeuner léger et n’avait nullement été tenté.

Mais même s’il n’en avait pas mangé, beaucoup d’autres en avaient pris, en particulier Wang Tianxin, qui semblait avoir une vraie passion pour le poisson.

« Il ne faut pas trop y penser, » remarqua Lin Qiushi. « C’est écœurant. »

« Où veux-tu aller maintenant ? » demanda Ruan Nanzhu.

« Il reste encore quelques enfants disparus, non ? Allons voir chez eux. Ce serait bien s’ils avaient un point commun. »

Ruan Nanzhu acquiesça, acceptant la proposition de Lin Qiushi.

Ils prirent alors la direction des maisons des deux autres enfants disparus, tout en discutant en chemin de quelques détails à propos de la ville.

Bien sûr, afin de maintenir son personnage de fille muette, Lin Qiushi évita de parler et se contenta d’utiliser la fonction de synthèse vocale de son téléphone pour échanger avec Ruan Nanzhu.

Ce dernier, le regardant taper sur son écran, dit en souriant : « Qiuqiu, tu es vraiment adorable. »

Lin Qiushi : En quoi suis-je adorable ?

« En tout, » répondit Ruan Nanzhu. « J’ai envie de t’enfermer rien que pour moi, que personne d’autre ne puisse te voir. »

Lin Qiushi : « … » Ruan Nanzhu, tu sais que ce que tu dis est franchement inquiétant ?

« Haha, je plaisante, » dit Ruan Nanzhu.

Lin Qiushi : « … » Honnêtement, chaque fois que Ruan Nanzhu dit ça, il a l’air tout à fait sérieux.

 

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Note de l’auteur :

Certains lecteurs ont demandé pourquoi c’est la sixième porte. Je vais vous clarifier ça. Voici l’ordre dans lequel Lin Qiushi est passé par les portes :

Première porte : Rencontre avec Ruan Nanzhu.

Deuxième porte : L’oiseau de Philsha. Deuxième porte de Lin Qiushi, entrée avec Ruan Nanzhu.

Troisième porte : Les tambours d’Ajie. Il s’est faufilé avec Cheng Qianli dans sa cinquième porte, donc difficulté équivalente à une cinquième porte.

Quatrième porte : La dame sous la pluie. C’était une mission temporaire, une porte de Tan Zaozao. Comme c’est une porte de niveau inférieur à cinq, elle n’est pas comptabilisée.

Cinquième porte : Saku. Encore une porte de niveau inférieur, empruntée à Xia Rubei, donc non comptée non plus.

Sixième porte : Le Spectre Élancé. C’est la vraie sixième porte de Lin Qiushi.

Concernant les papiers (indices), un exemple : si A ne s’est jamais faufilé dans une porte, alors s’il entre dans la cinquième porte, il reçoit l’indice de la sixième.
Mais si A a utilisé des portes d’autres personnes, alors il recevra l’indice correspondant à la prochaine porte de celle dont il a emprunté l’accès.
En d’autres termes, s’il est sorti de la cinquième porte mais s’est faufilé dans plusieurs cinquièmes portes d’autres personnes, il peut cumuler beaucoup d’indices sur la sixième porte. Puisque les portes se déclenchent en fonction des indices, il peut donc choisir sa prochaine porte selon les indices obtenus.

C’est pourquoi Lin Qiushi n’a jamais été sûr de l’origine de son indice pour la sixième porte. Car cet indice venait en fait de portes empruntées par Ruan Nanzhu, et non directement d’une porte que Lin Qiushi aurait franchie lui-même.

(Allume une cigarette) … Je ne sais pas si vous avez tout suivi (expression mélancolique).

 

Traducteur: Darkia1030