L’épouvantail
Après plusieurs mois, Lin Qiushi allait bientôt faire face à sa sixième porte.
Il pensait que, comme la fois précédente, Ruan Nanzhuo le laisserait entrer avec Cheng Qianli, qui passait également sa sixième porte, mais il ne s’attendait pas à ce que cette fois Ruan Nanzhuo les sépare expressément.
Bien que la raison de cette décision ne soit pas claire, Ruan Nanzhuo avait toujours ses raisons, et Lin Qiushi ne posa pas davantage de questions.
Il restait environ une dizaine de jours. Cheng Qianli avait reçu ses indices en avance. Normalement, selon la coutume, tout le monde aidait à vérifier les informations liées aux indices, mais cette fois ce fut une exception : les indices de Cheng Qianli restèrent secrets, seuls lui et son frère à la villa en furent informés.
Cheng Qianli était assez content d’avoir reçu ses indices. Lin Qiushi lui demanda ce qui le rendait si joyeux, et Cheng Qianli répondit : « Héhéhé, mon frère ne me laisse pas en parler.»
Lin Qiushi : « … » Bien que Cheng Qianli soit parfois un peu naïf, il écoutait toujours bien son frère quand il s’agissait de choses importantes.
Après avoir ri bêtement, Cheng Qianli dit à Lin Qiushi : « Je te le dirai en secret quand je serai sorti. Toi, as-tu reçu tes indices ? »
Lin Qiushi secoua la tête : « Pas encore. » Ruan Nanzhuo ne lui avait pas encore donné ses indices, il semblait réfléchir à quelque chose.
Cheng Qianli dit : « Avec Ruan ge à tes côtés, ne t’inquiète pas, il ne t’arrivera rien. »
« Oui. » Lin Qiushi hocha la tête. « Espérons que tout se passera bien pour nous. »
« Que tout se passe bien. » Cheng Qianli continua de sourire sans se soucier de rien.
Quelques jours plus tard, Lin Qiushi reçut enfin ses indices pour la prochaine porte. Cette fois, les indices étaient en quatre caractères : « Slenderman ».
(NT : créature fictive issue d’une légende urbaine moderne, née sur internet dans les années 2000)
« Qu’est-ce que c’est ? » Lin Qiushi, qui venait de recevoir les indices, était un peu perplexe. « Est-ce une légende ? »
« C’est une légende urbaine étrangère, » répondit Ruan Nanzhuo. « Elle est aussi appelée ‘l’homme nouille’ par les gens. Tu en as entendu parler ? »
Lin Qiushi réfléchit un instant, puis hocha la tête : « Ça me dit vaguement quelque chose. » Il se souvenait avoir vu des films de ce genre.
Ruan Nanzhuo lança un dossier à Lin Qiushi : « Regarde d’abord ça. Bien que ce ne soit pas beaucoup d’informations, c’est mieux que rien. »
Lin Qiushi prit le dossier et commença à lire.
Le dossier décrivait en détail Slenderman. Il s’agissait d’une légende urbaine étrangère, parlant d’une créature humanoïde aux membres longs et fins, sans visage. Cette créature avait des bras et jambes très fins, ressemblant à une sorte d’araignée humanoïde à première vue. Elle errait généralement dans des lieux sauvages ou dans de petites villes, et sa proie principale était des enfants isolés, bien qu’elle s’attaquait aussi parfois aux adultes. Les enfants visés disparaissaient sans raison, tandis que les adultes présentaient des signes étranges tels que des saignements de nez constants, des cauchemars, voire des hallucinations de leurs pires peurs.
Le dossier expliquait aussi en détail certaines méthodes de meurtre et caractéristiques de ces silhouettes maigres : elles aimaient embrocher les victimes sur des branches, attendant qu’elles saignent à mort, ou encore extraire leurs entrailles pour les mettre dans des sacs plastiques… En résumé, cette légende populaire, même en dehors du monde des portes, ferait probablement peur à toute personne un peu timorée.
Lin Qiushi termina rapidement la lecture du dossier. Il pensait que les préparatifs s’arrêteraient là, mais Ruan Nanzhuo proposa soudain de l’emmener acheter des vêtements.
Lin Qiushi, perplexe, demanda : « Acheter des vêtements ? Quels vêtements ? »
Ruan Nanzhuo sourit : « Les vêtements que tu porteras à l’intérieur cette porte. »
Puis, sous les regards compatissants des autres habitants de la villa, Lin Qiushi, toujours perplexe, fut conduit par Ruan Nanzhuo au centre commercial. Les premiers habits étaient des vêtements masculins classiques, mais peu à peu ils arrivèrent dans le rayon vêtements féminins…
Ruan Nanzhuo semblait visiblement familier avec l’endroit, prétendant acheter des vêtements pour sa petite amie, mais ses yeux ne cessaient de jeter des coups d’œil à Lin Qiushi.
Au début, Lin Qiushi ne comprenait pas et demanda naïvement : « Nanzhuo, tu as une petite amie ? »
Ruan Nanzhuo : « Non. »
Lin Qiushi : « Alors pourquoi achètes-tu des vêtements féminins ? »
Ruan Nanzhuo : « Ce n’est pas moi qui achète, c’est toi. »
Lin Qiushi : « Mais je n’ai pas de petite amie non plus… »
Ruan Nanzhuo, portant plusieurs sacs, marchait devant lui. En entendant cela, il se retourna et répondit : « C’est toi qui les portes, pourquoi as-tu besoin d’une petite amie ? »
Lin Qiushi resta figé trois secondes, puis comprit enfin de quoi il s’agissait. Il afficha un regard terrifié : « Nanzhuo — c’est moi qui vais porter ? Moi ? Porter ? »
Ruan Nanzhuo : « Oui, c’est toi qui les porteras. »
Lin Qiushi : « Mais — est-ce que je peux vraiment porter des vêtements féminins comme ça — »
Ruan Nanzhuo avait une expression un peu étrange : « Que penses-tu de ton apparence ? »
Lin Qiushi : « Je ressemble juste à un monsieur lambda. »
Ruan Nanzhuo resta silencieux un moment, son regard sur Lin Qiushi devenait de plus en plus étrange. Lin Qiushi eut la chair de poule et n’osa plus poser de questions, suivant docilement Ruan Nanzhuo pour retourner à la villa.
Le troisième jour, Ruan Nanzhuo traina Lin Qiushi, qui se cachait dans sa chambre, pour commencer à lui changer ses vêtements.
Lin Qiushi travaillait depuis longtemps en bureau, son corps n’était pas particulièrement robuste, juste une constitution masculine ordinaire. Son visage était de ce type non agressif, élégant, avec des paupières doubles, des yeux pas très grands, mais un joli sourire. Ruan Nanzhuo demanda à Lin Qiushi de s’asseoir, sortit ses outils et commença à préparer son maquillage.
Lin Qiushi eut les yeux écarquillés de peur : « Nanzhuo… peut-on en discuter un peu ? »
Ruan Nanzhuo : « Discuter de quoi ? »
Lin Qiushi chuchota : « Peut-on ne pas faire ça ? »
Ruan Nanzhuo, impassible : « Tu ne me demandais pas si porter des vêtements féminins me rendait heureux ? Je t’ai dit que rien ne vaut l’expérience personnelle. » Il plissa légèrement les yeux, son sourire semblait faux, « Ne t’inquiète pas, je te protégerai bien une fois à l’intérieur. »
Lin Qiushi faillit pleurer.
Devant lui, il ne connaissait aucun des produits de maquillage ; il avait juste l’impression que Ruan Nanzhuo barbouillait son visage depuis une éternité. Juste au moment où il commençait à somnoler, Ruan Nanzhuo se redressa et tapa dans ses mains : « C’est bon. »
Lin Qiushi : « … »
Ruan Nanzhuo lui tendit un miroir : « Regarde d’abord, puis choisis la coiffure que tu préfères. »
Lin Qiushi prit le miroir, jeta un coup d’œil et fut un peu perdu. Le reflet montrait un visage de femme, pas éclatant de beauté, mais assez attirant. Ce visage avait une douceur dans le regard, une sorte de tristesse qui lui donnait un air fragile et attendrissant.
Lin Qiushi ne put s’empêcher de dire un gros mot.
« Une fille ne dit pas de gros mots, » le reprit Ruan Nanzhuo, « Tu préfères les cheveux longs ou courts ? »
Lin Qiushi : « Longs… » Il voulait dire qu’il aimait les filles aux cheveux longs, mais Ruan Nanzhuo saisit une perruque et la posa sur sa tête.
Lin Qiushi : « … »
Après avoir terminé, Ruan Nanzhuo acheva les préparatifs. Il voulait à l’origine que Lin Qiushi porte une jupe, mais voyant la terreur sur son visage et qu’il semblait sur le point de s’évanouir, il choisit de ne pas le brusquer dès la première fois et lui fit enfiler une tenue plutôt neutre.
Forcé de porter ces vêtements, Lin Qiushi avait envie de faire demi-tour et de fuir — il ne dit plus rien.
Tout fut prêt. Ruan Nanzhuo regarda la personne devant lui avec satisfaction. Lin Qiushi avait un visage plutôt élégant, aux contours doux, et le maquillage effaçait les détails discordants. Avec sa nature douce, tout cela lui allait très bien.
« C’est vraiment avec ça que je dois entrer ? » Face au grand patron, Lin Qiushi osait à peine protester et tenta péniblement de le convaincre : « Nanzhuo, je sais que j’ai eu tort, mais peut-être que… »
Ruan Nanzhuo haussa un sourcil : « Non. »
Lin Qiushi : « … »
Lin Qiushi : « Mais je ne sais pas faire de fausse voix. » La voix de Ruan Nanzhuo dans le monde des portes était un peu androgyne, mais on ne pouvait pas croire que c’était un homme.
Ruan Nanzhuo : « Entraîne-toi. »
Lin Qiushi : « Il reste juste une dizaine de jours avant d’y aller… »
Ruan Nanzhuo sourit à moitié : « Prends ton temps, pas d’urgence, tu auras plein d’occasions plus tard. Cette fois, si tu ne peux pas parler, fais comme si tu étais muet. »
Lin Qiushi : « … »
Ruan Nanzhuo tapota la table du doigt : « Un petit rôle de fille muette et fragile, ce n’est pas intéressant ? »
Lin Qiushi : « … » Tan Zaozao, viens l’emmener dans le monde du spectacle, le prochain Oscar sera sûrement chinois.
Bien que Ruan Nanzhuo dise cela, il donna finalement une option à Lin Qiushi : s’il ne voulait pas faire semblant d’être muet, il pouvait être un homme ayant une passion pour les vêtements féminins.
Finalement, Lin Qiushi accepta à contrecoeur de faire le rôle d’un muet ; il ne voulait pas attirer des regards étranges.
À cause de cette tenue féminine, Lin Qiushi subit aussi les moqueries des autres à la villa.
« Hahaha, Lin Qiushi, te voilà enfin. » Cheng Qianli était le plus moqueur, « Mais ça te va bien, c’est bien mieux que Chen Fei. »
Lin Qiushi : « Hein ? »
Chen Fei, à côté, fronça les sourcils : « Tu n’as pas honte de dire ça de moi, Cheng Qianli ? Regarde-toi dans un miroir. »
Cheng Qianli : « Hum, même si je devenais une fille, je serais une beauté sans pareille. »
Ruan Nanzhuo : « Ah bon ? »
À la voix de Ruan Nanzhuo, Cheng Qianli frissonna de tout son corps : « N-non, Ruan ge, je plaisante. »
Ruan Nanzhuo jeta un coup d’œil à Cheng Qianli et s’assit à la table : « Comment ça se passe, toi et ton frère ? »
Cheng Qianli : « Très bien. » Il mangea un peu, « Ce monde semble assez simple. »
Ruan Nanzhuo répondit distraitement, sans plus poser de questions. Il semblait avoir confiance en Cheng Yixie, mais Lin Qiushi ignorait toujours l’objet de la dispute qu’il avait entendue sur le toit ce jour-là.
Selon le caractère de Cheng Yixie, il ne ressemblait pas à quelqu’un qui se dispute facilement.
Mais Lin Qiushi n’en savait rien, et le moment d’entrer approchait rapidement.
Un après-midi, environ dix jours plus tard, Lin Qiushi mangeait des snacks avec Cheng Qianli dans le salon, quand soudain il se retourna et remarqua que Cheng Qianli avait disparu.
Sa première pensée fut que Cheng Qianli était allé aux toilettes, mais après un moment sans retour, il comprit que Cheng Qianli était entré dans la porte.
Environ une demi-heure plus tard, Cheng Qianli réapparut brusquement sur le canapé.
Il avait le visage pâle, tenait sa poitrine et respirait lourdement. Voyant cela, Lin Qiushi s’inquiéta : « Tu vas bien ? Qianli ? »
Cheng Qianli le regarda, paniqué, sans rien dire, puis courut à l’étage en toute hâte.
Lin Qiushi, voyant sa panique, le suivit rapidement.
Cheng Qianli se précipita vers la chambre de Cheng Yixie, sans frapper, et ouvrit directement la porte.
Derrière la porte, Cheng Yixie était assis sur le lit, semblant venir de rentrer lui aussi. Son visage restait impassible, il leva les yeux vers le Cheng Qianli paniqué : « Qu’y a-t-il ? »
« Frère — » Cheng Qianli se jeta sur lui, le tenant fermement, « Je croyais que tu ne pouvais pas sortir, je croyais que tu ne pouvais pas sortir — »
Cheng Yixie ne dit rien, tapota doucement le dos de Cheng Qianli pour le calmer.
On voyait clairement que Cheng Qianli était terrifié, son visage était plus pâle encore que celui de Cheng Yixie.
Les deux frères restèrent un moment enlacés. Une fois calmés, Cheng Qianli devint un peu gêné, se dégagea en hésitant du bras de Cheng Yixie, se frotta le nez et dit : « J’ai faim, je vais manger un peu. »
Cheng Yixie ne le retint pas, le regarda partir.
Lin Qiushi, voyant que tout allait bien, se préparait à partir, quand la voix de Cheng Yixie retentit derrière lui : « Lin Qiushi, si jamais il m’arrivait quelque chose, aiderais-tu Cheng Qianli ? »
Lin Qiushi fut surpris.
« Laisse tomber, ce n’est rien. » dit Cheng Yixie. « Tu peux y aller. »
Après ces mots, il ferma la porte, sans laisser à Lin Qiushi le temps de réagir.
À vrai dire, Cheng Yixie ne ressemblait pas du tout à un garçon de seize ans. Il était froid, posé, bien plus proche de Ruan Nanzhu dans son comportement. Peut-être était-ce cette sixième porte particulièrement dangereuse qui l’avait poussé à dire ce genre de choses soudainement.
Lin Qiushi ressentit une étrange peine dans son cœur.
De retour au salon, Cheng Qianli recommença à grignoter, mais cette fois-ci sans appétit, le visage marqué par une profonde fatigue.
Lin Qiushi lui posa quelques questions et apprit que, dans leur monde intérieur cette fois-ci, ils s’étaient retrouvés sur un champ de bataille ancien, tout juste sorti d’une guerre, et qu’ils avaient affronté de nombreux dangers.
Heureusement, ils étaient parvenus à s’en échapper.
« Mon frère et moi avons une maladie héréditaire. » dit Cheng Qianli en grignotant, abordant un sujet dont il n’avait jamais parlé auparavant. « On ne peut pas faire d’exercice physique. Dans les cas graves, on ne peut même plus marcher. Les médecins nous ont dit qu’on ne vivrait pas au-delà de dix-huit ans. »
Lin Qiushi l’écoutait attentivement.
« Ensuite, mon frère est entré dans les portes le premier. » poursuivit Cheng Qianli. « Son état a commencé à s’améliorer… Puis je suis entré à mon tour. » Il se gratta la tête et sourit. « Parfois, je me dis que ces portes ne sont pas si effrayantes. Sans elles, je n’aurais jamais pu vivre comme une personne normale, et je ne serais certainement plus en vie aujourd’hui. C’est déjà beaucoup. »
Lin Qiushi dit : « Ne pense pas comme ça, tu as encore de longues années devant toi. »
« C’est vrai, encore de longues années… » Le regard de Cheng Qianli devint un peu perdu. «Je me demande comment se terminera ma vie. »
En entendant cela, Lin Qiushi ressentit une grande tristesse. C’est seulement à ces moments-là qu’il réalisait que tous ceux qui vivaient dans cette villa étaient des personnes condamnées. Certains s’y étaient préparés mentalement, d’autres non, mais sans exception, tous avaient déjà senti l’odeur de la mort.
« Je te souhaite bonne chance pour ta prochaine porte. » dit Cheng Qianli en se levant. « Je vais aller me reposer un peu, je suis vraiment épuisé… »
Lin Qiushi hocha la tête et le regarda bailler et monter les escaliers.
Peut-être parce qu’il n’avait pas d’attachement particulier, l’humeur de Lin Qiushi était relativement calme à l’approche de sa propre entrée dans la porte. Il pouvait accepter la mort, et il était prêt à accueillir une nouvelle vie.
Sa porte ne tarda pas à s’ouvrir après celle de Cheng Qianli. Ce futmême le soir même du retour de ce dernier. En pleine nuit, Lin Qiushi se réveilla en sursaut. Lorsqu’il ouvrit la porte de sa chambre, il vit à nouveau les douze portes de fer alignées dans le couloir.
Les cinq premières étaient scellées, les six dernières ne pouvaient être ouvertes. Seule la sixième, la sienne, céda facilement lorsqu’il la tira.
Après le vertige désormais familier, Lin Qiushi se retrouva sur une route goudronnée. Autour de lui, rien d’autre qu’un panneau de signalisation noir indiquant la direction, sur lequel étaient inscrits trois caractères flous : ville de Tongshui. (NT : litt. Passage de l’eau)
Il faisait un peu froid. Lin Qiushi resserra ses vêtements autour de lui et se mit à marcher lentement vers l’avant. La route était large, enveloppée dans un brouillard épais. Il marcha environ six ou sept minutes avant d’apercevoir enfin une silhouette au loin. Elle lui semblait familière. Lin Qiushi s’éclaira le visage et appela : « Mengmeng ! »
La personne devant lui se retourna, révélant un visage inconnu, mais dont l’aura était familière. Elle dit : « Tu veux un bonbon ? »
Lin Qiushi répondit : « Oui, oui, j’aime les bonbons à la fraise goût menthe. »
L’autre rétorqua : « Pas moi. Ma quatrième dent me fait mal. »
L’échange de mots de passe confirma l’identité de la personne en face. Lin Qiushi poussa un soupir de soulagement et dit : « Je ne pensais pas qu’on se croiserait aussi tôt… Attends, pourquoi est-ce que tu portes des vêtements d’homme ? » Il écarquilla les yeux.
Ruan Nanzhu répondit : « Est-ce que j’ai dit que j’allais porter une robe avec toi ? »
Lin Qiushi resta sans voix.
Ruan Nanzhu porta un doigt à ses lèvres, faisant un geste de silence et sourit : « Une muette ne peut pas parler autant, tu sais. »
Lin Qiushi, mi-amusé mi-désespéré, dit : « Est-ce que je peux… »
« Non. » Ruan Nanzhu savait déjà ce qu’il voulait demander, et le refusa sans pitié. « Sois une gentille demoiselle. »
Lin Qiushi… tira sur ses longs cheveux, découvrant qu’ils étaient devenus bien réels. Et pour une raison inconnue, il était aussi plus courts qu’à l’extérieur.
« Allez, avançons. Il faut d’abord retrouver les autres. » Ruan Nanzhu regarda autour de lui. « Ce brouillard est vraiment désagréable. »
Ils reprirent donc leur marche.
Lin Qiushi, derrière Ruan Nanzhu, jeta un coup d’œil discret à l’intérieur de son pantalon. Lorsqu’il vit que certains attributs étaient toujours là, il poussa un soupir de soulagement.
Heureusement, seuls les cheveux avaient changé, pas le reste. Sinon, il aurait été au bord des larmes.
Ils continuèrent d’avancer, jusqu’à ce que, à travers le brouillard, apparaisse enfin un décor différent : une petite ville délabrée s’étendait devant eux. Elle était d’inspiration occidentale, mais la majorité des enseignes étaient écrites en chinois.
Pris d’une soudaine curiosité, Lin Qiushi demanda : « Tu es déjà tombé sur des décors étrangers ? »
Ruan Nanzhu : « Oui, le décor actuel en est un, non ? »
Lin Qiushi dit : « Mais les enseignes sont en chinois. »
Ruan Nanzhu : « Sans doute pour tenir compte du niveau culturel général, ils n’ont pas osé utiliser de l’anglais. » Il jeta un coup d’œil à Lin Qiushi. « Après tout, certaines personnes ne savent même pas lire le chinois. »
Lin Qiushi comprit qu’il faisait allusion à l’incident de la porte précédente, où il avait feint d’être illettré. Embarrassé, il répondit : « C’était une situation particulière… »
Ils entrèrent dans la petite ville et virent un groupe de personnes rassemblées sur la place, assez étroite.
Ruan Nanzhu balaya la scène du regard et déclara : « Huit personnes. »
Lin Qiushi avait déjà commencé à jouer la muette et ne disait plus un mot.
En sortant du brouillard, leur arrivée attira quelques regards. Certains se posèrent sur le beau Ruan Nanzhu, d’autres sur Lin Qiushi.
À cet instant, Lin Qiushi avait de longs cheveux. Comme son corps avait rétréci, ses vêtements paraissaient un peu amples. Son visage était très pâle et il semblait effrayé. Ses yeux noirs lançaient un regard empli de détresse vers Ruan Nanzhu — du moins, c’est ce que les autres pouvaient percevoir. En réalité…
Lin Qiushi : Nom de… nom de… ils sont tous en train de me regarder.
Ruan Nanzhu : Qu’ils regardent, tu ne vas pas en perdre un morceau pour autant.
Lin Qiushi : Et s’ils découvrent que je suis un homme ?
Ruan Nanzhu : Alors tu leur montres l’arme fatale et tu les fais mourir de peur.
Lin Qiushi : « … »
C’était le contenu de leur échange silencieux. Lin Qiushi estima qu’il n’avait rien à ajouter.
Quelqu’un se dirigea vers eux. Sans doute parce que Ruan Nanzhu avait l’air difficile d’approche, cette personne choisit pour cible Lin Qiushi, qui paraissait faible, fragile et démuni.
Avant même que Lin Qiushi ait le temps de réagir, Ruan Nanzhu leva la main pour l’arrêter : « Un problème ? »
« Aucun. » répondit l’homme, un jeune homme d’une vingtaine d’années, très séduisant, habillé de manière branchée. Il semblait très intéressé par Lin Qiushi. « Je voulais simplement savoir si vous aviez besoin d’aide. »
« Il semble qu’il ne parle pas. » dit Ruan Nanzhu, en se plaçant devant Lin Qiushi.
« Il ne parle pas ? » L’autre sembla trouver cela encore plus intrigant. Il dit : « Bonjour, je m’appelle Wang Tianxin. »
Ruan Nanzhu : « Lu Meng. »
Voyant que Ruan Nanzhu semblait protecteur, Wang Tianxin sourit : « Vous vous connaissez ? »
Ruan Nanzhu répondit : « Non, mais on s’est rencontrés dès l’entrée. Il doit bien y avoir un peu de destin là-dedans. »
Lin Qiushi sortit son téléphone et y tapa : « Je m’appelle Yu Qiuyu, enchantée de vous rencontrer. »
Les deux hommes lurent ce qu’il avait écrit. Wang Tianxin dit : « Oh, alors tu t’appelles Yu Qiuyu. C’est un nom adorable. » Il était légèrement plus petit que Ruan Nanzhu, et se pencha un peu, adoptant une expression douce. « Je m’appelle Wang Tianxin. Si possible, j’aimerais devenir ton ami. »
Lin Qiushi fit semblant d’avoir peur et se cacha légèrement derrière Ruan Nanzhu. Un homme qui se montrait aussi empressé auprès d’une parfaite inconnue, c’était forcément suspect. Il ne le craignait pas vraiment, mais n’était pas assez stupide pour se jeter dans ses filets.
Ruan Nanzhu ne se montra pas plus courtois : « On dirait qu’il a un peu peur de toi. Éloigne-toi un peu, d’accord ? »
Wang Tianxin jeta un coup d’œil à Ruan Nanzhu, puis se retourna et s’éloigna.
Lin Qiushi ne s’attendait pas à ce qu’il abandonne aussi facilement. Mais Ruan Nanzhu esquissa un rire froid, comme s’il avait deviné ce que Wang Tianxin avait en tête.
Peu à peu, tout le groupe arriva au complet.
Il y avait à nouveau deux nouveaux venus cette fois-ci, tous deux des hommes. L’un semblait relativement calme, l’autre perdit complètement le contrôle de ses émotions, pleurant et criant tout au long du chemin.
Heureusement, mis à part ses pleurs, ce nouvel arrivant ne fit rien de trop extrême.
Après avoir abandonné Lin Qiushi, Wang Tianxin se tourna très rapidement vers une autre jeune femme. En un rien de temps, elle et lui semblaient déjà bien s’entendre, discutant et riant ensemble dans une ambiance très détendue.
Lin Qiushi jeta un coup d’œil à Ruan Nanzhu.
Celui-ci comprit tout de suite ce qu’il voulait savoir, et murmura à voix basse : « Il y a toujours ce genre de personne à l’intérieur des portes. Ils aiment former des duos avec d’autres, mais le rôle du coéquipier dépasse parfois celui de simple compagnon. Ils peuvent servir à autre chose aussi. »
Lin Qiushi : Par exemple ?
Ruan Nanzhu le regarda en souriant, d’un air plein de sous-entendus, sans répondre.
Le sourire de Ruan Nanzhu fit frissonner Lin Qiushi de la tête aux pieds.
Wang Tianxin semblait particulièrement expérimenté dans ce genre de pratiques. Il savait exactement ce qu’il faisait et visait juste. Dès la réunion du groupe, il s’approcha avec une grande sollicitude des jeunes femmes qui semblaient les plus faibles, gagnant facilement leur confiance.
Quant à Lin Qiushi, dans son apparence de muette physiquement diminuée, il représentait visiblement une cible de choix pour Wang Tianxin. Mais comme Ruan Nanzhu avait ruiné son plan, il dut se tourner vers une autre proie.
Ruan Nanzhu dit : « Il va falloir bien rester près de moi. Ne te laisse pas avoir par quelqu’un d’autre. »
Lin Qiushi le regarda du coin de l’œil, songeant que même s’il se faisait avoir, il lui suffirait d’enlever sa robe pour comparer leur virilité…
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L’auteur a quelque chose à dire :
Ruan Nanzhu : « Il est impossible de ne pas jouer un rôle ici. Même si je ne joue pas moi-même, je dois regarder quelqu'un d'autre jouer. »
Lin Qiushi : « … »
Traducteur: Darkia1030
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