KOD -Chapitre Chapitre 52 - Partir

 

La photo de groupe de Sachiko

 

Les deux photos étaient des clichés de groupe de la classe 2. L’une ne comportait pas Sachiko, l’autre n’avait plus Jiang Xinhong et son ami. Les positions des autres élèves étaient presque parfaitement identiques, mais en observant attentivement, on remarquait que les expressions des personnes sur les photos étaient légèrement différentes. Xia Rubei frissonna en s’en rendant compte : « Ces photos… sont des clichés pris au même endroit avec les mêmes personnes, mais à un autre moment ? »

« Oui » déclara Li Dongyuan. « En tout cas, ce n’est clairement pas un montage Photoshop. »

« Alors pourquoi Sachiko aurait-elle laissé cette photo ? » Xia Rubei n’osa plus la tenir, comme si elle s’était brûlée, et la reposa aussitôt. « Je… je ne comprends toujours pas… »

Mais en voyant les expressions des trois autres, elle comprit que tous, sauf elle, avaient saisi ce que cela signifiait.

Xia Rubei lança un regard suppliant à Li Dongyuan, qui lui tapota affectueusement la tête et dit : « Ne t’inquiète pas, tu comprendras peut-être bientôt. »

Xia Rubei : « … » Ce geste, c’était pour caresser un animal de compagnie ou quoi ?

Lin Qiushi, lui, avait bien compris le sens de la photo laissée par Sachiko. Il la regarda, ainsi que l’autre, et poussa un léger soupir.

Le harcèlement scolaire était quelque chose qui se produisait dans la plupart des écoles. Seulement, ça n’allait pas jusqu’à provoquer des morts. Et certains professeurs ne voulaient pas s’en mêler. Mais laisser faire, c’était précisément ce qui aggravait les choses.

« Allons-y » dit Ruan Nanzhu après avoir consulté l’heure. « Ils vont bientôt faire leur pause déjeuner. On pourra les coincer. »

« Allons-y » confirma Li Dongyuan en se levant.

La maison de Jiang Xinhong se trouvait juste à côté. À midi, il quittait aussi l’école pour aller manger chez lui. Ils trouvèrent un coin discret près de la grille de l’école et l’attendirent. Mais pour une raison inconnue, Jiang Xinhong ne vint pas. À la place, c’est son ami qui apparut en premier.

Après enquête, Lin Qiushi et les autres avaient appris que ce garçon s’appelait Mou Kai. Il avait été dans la même classe que Jiang Xinhong avant l’incident, puis avait été transféré ailleurs.

Mou Kai avait une carrure plus imposante que Jiang Xinhong, et un tempérament un peu plus explosif. Il dit : « Pourquoi me cherchez vous? Je ne sais rien du tout ! »

« Trouvons un endroit isolé pour discuter » insista Li Dongyuan. « Ce qu’on veut te dire, tu préféreras que personne d’autre ne l’entende. »

Mou Kai allait répliquer, mais Ruan Nanzhu sortit alors la photo de groupe et la lui montra. En la voyant, le visage de Mou Kai pâlit brusquement, il marmonna quelques mots, puis accepta finalement leur proposition.

Ils se rendirent donc tous ensemble dans le petit bois à l’arrière du bâtiment scolaire. Mou Kai avait le visage fermé ; sous son regard agacé se dissimulait une peur profonde.

Ruan Nanzhu entra directement dans le vif du sujet : « C’est toi qui as tué Sachiko, pas vrai ? »

Mou Kai sursauta, d’abord choqué, puis il explosa de colère : « Tu racontes n’importe quoi ! Je comprends rien à ce que tu dis. Elle est morte dans un accident de voiture, c’est tout — »

« Un accident ? Quel genre d’accident ? » demanda Ruan Nanzhu. « Ce n’est pas vous deux, toi et Jiang Xinhong, qui — »

Il allait continuer, mais Li Dongyuan lui fit signe de la main pour qu’il s’arrête. Il regarda Ruan Nanzhu : « Tu permets ? »

Ruan Nanzhu : « Cinq minutes ? »

Li Dongyuan : « Ça ira. »

Ruan Nanzhu attrapa la main de Lin Qiushi et tous deux s’éloignèrent aussitôt.

Lin Qiushi, un peu perdu d’être tiré ainsi, demanda : « Qu’est-ce qui se passe ? »

Ruan Nanzhu répondit : « Laisse cinq minutes à Li Dongyuan. Il va s’occuper de ce gars. »

Lin Qiushi n’en croyait pas ses oreilles : « … Il sait vraiment hypnotiser les gens ? »

Ruan Nanzhu : « T’as déjà oublié qu’hier, tu as failli être hypnotisé par lui ? Le chef du Cerf blanc connaît forcément quelques techniques spéciales, ce n’est pas si surprenant. »

Ils restèrent dehors, laissant un peu de temps à Li Dongyuan dans le bois. Après tout, même s’ils faisaient équipe, ils étaient aussi concurrents. Il était normal que Li Dongyuan ne veuille pas révéler ses cartes.

Cinq minutes, ni plus ni moins. Lorsqu’ils retournèrent enfin dans le bois, Li Dongyuan avait déjà obtenu ce qu’il voulait.

« Répète » dit Li Dongyuan.

Face à eux, Mou Kai n’était manifestement plus dans son état normal. Son regard était vide, il semblait avoir perdu conscience, et il répéta mécaniquement ce qu’il venait de dire : «C’est Jiang Xinhong et moi qui avons tué Sachiko. À l’époque, on voulait juste l’embêter, la pousser contre une poubelle en bord de route, mais on l’a poussée dans la mauvaise direction. Elle est tombée en plein milieu de la chaussée, une voiture est passée, et lui a écrasé la jambe jusqu’à l’arracher… »

Li Dongyuan : « Vous pouviez la sauver, à ce moment-là, non ? »

L’expression de Mou Kai se crispa un instant, comme s’il luttait intérieurement, mais il échoua et finit par avouer, décrivant exactement ce que Lin Qiushi avait entendu la nuit précédente : « Oui, on pouvait. Mais on ne l’a pas fait. On est partis… Jiang Xinhong m’a tiré par le bras. Il a dit que si quelqu’un découvrait ce qu’on avait fait, on finirait en prison. Je ne voulais pas aller en prison… »

En entendant ça, Lin Qiushi sentit monter en lui une colère sourde.

C’était sans doute le cœur de l’hiver à l’époque. Si Mou Kai et Jiang Xinhong avaient appelé une ambulance à temps, peut-être Sachiko aurait-elle survécu. Mais ils ne l’avaient pas fait. Ils avaient préféré fuir lâchement, abandonnant Sachiko, amputée d’une jambe, seule dans la nuit glaciale, jusqu’à ce qu’elle meure dans une solitude désespérée.

« C’est inhumain » dit Lin Qiushi en fronçant les sourcils.

Li Dongyuan laissa échapper un petit rire amer : « Ce n’est que le début. » Il jeta un coup d’œil à Mou Kai. « Et après sa mort, pourquoi votre classe a-t-elle inventé une chanson pour se moquer d’elle ? »

Au mot “chanson”, le corps de Mou Kai trembla. Son visage exprima une terreur encore plus intense qu’avant. Il ouvrit la bouche avec difficulté et répondit d’une voix hésitante : « Ce… ce n’était pas mon idée. Ce sont eux… qui ont insisté. Jiang Xinhong et moi avons essayé de les en empêcher, mais on n’a pas réussi… »

« Tu as chanté ? » Finalement, Ruan Nanzhu posa la question la plus importante.

Mou Kai secoua lentement la tête : « Non, ni Jiang Xinhong ni moi n’avons chanté, nous n’avons pas osé… pas osé… »

Après tout, étant les meurtriers de Sachiko, ils n’osaient pas chanter librement cette étrange chanson. Pourtant, tous les autres dans la classe l’avaient chantée, et eux, ils étaient morts.

Mais ces deux coupables, qui auraient dû payer en premier, avaient échappé à cette catastrophe par peur de la chanson.

Après avoir entendu toute l’histoire, Li Dongyuan sourit doucement. Il sortit lentement un carnet de sa poche, puis le tendit devant Mou Kai : « Allez, tu sais la chanter, non ? »

Mou Kai regarda les caractères écrits dans le carnet, une sueur froide perla sur son front, et la peur sur son visage s’accentua. Il voulut dire quelque chose, mais la voix de Li Dongyuan résonna dans son oreille : « Tu avais envie de chanter, pourquoi avoir peur ? Ne crains rien, ici c’est sûr, tu peux te sentir libre et la chanter. »

La gorge de Mou Kai bougea, ses lèvres s’ouvrirent enfin, et il entonna la chanson :

« Sachiko s’appelait elle-même Sachiko depuis toute petite, c’est tellement ridicule, elle aimait beaucoup les bananes mais ne pouvait manger qu’une demi-banane à chaque fois, c’est tellement triste, Sachiko est partie loin et elle devrait m’oublier, c’est si solitaire, Sachiko… »

Pendant qu’il chantait, Lin Qiushi entendit quelque chose ramper sous leurs pieds. Il dit : «Reculez de quelques pas, il y a quelque chose sous nos pieds. »

« Ma jambe est partie, tu peux me la rendre ? » — Dès les premiers mots de la dernière phrase, d’innombrables bras pâles surgirent du sol et agrippèrent fermement les pieds de Mou Kai.

Lin Qiushi pensait que ces mains allaient l’entraîner sous terre, mais il remarqua alors que Sachiko était apparue, sans qu’on sache comment.

Elle était couchée au fond de la forêt, puis rampa lentement verst Mou Kai, et saisit sa jambe…

Mou Kai sortit de l’état hypnotique imposé par Li Dongyuan, et face à la scène terrifiante, poussa un cri déchirant, son expression de peur se tordit en un cri : « Sachiko, pardon — pardon — pardonne-moi, Sachiko — »

Sachiko sourit largement, pencha la tête, et agrippa vigoureusement la jambe gauche de Mou Kai.

Un craquement retentit, et la jambe gauche de Mou Kai tomba net.

« Aaaahhhh !!! » Mou Kai hurla de douleur.

« Ça fait tellement mal, Sachiko a tellement mal… » Sachiko, baignait dans le sang, affichait un sourire satisfait. Elle dit : « Ça fait tellement mal, tu veux bien me rendre ma jambe, s’il te plaît ? »

La perte massive de sang affaiblit rapidement le corps de Mou Kai. Sachiko tenait la jambe dans ses bras, le visage rayonnant de bonheur. Elle ne regarda pas Lin Qiushi et les autres, mais tendit la main, montra une direction, puis leva un doigt en signe de un.

Puis tout disparut. Mou Kai, mort, fut emporté sous terre, et plus rien à part la mare de sang ne témoigna de son existence.

« Beurk — » C'était probablement la première fois que Xia Rubei voyait un spectacle aussi sanglant. Elle ne put s’empêcher de s’appuyer contre un arbre pour vomir violemment, tandis que les trois autres gardaient un visage relativement calme.

Profitant du moment où Xia Rubei vomissait, Ruan Nanzhu ressortit la photo que Sachiko leur avait laissée. Il la regarda un instant puis la tendit à Lin Qiushi.

En regardant la photo, Lin Qiushi ne fut pas surpris : sur la photo que Sachiko lui avait laissée, il y avait une personne en plus, c’était Mou Kai, qui venait de mourir.

Sur la photo, Mou Kai arborait un sourire figé, debout à côté de Sachiko.

Le sourire éclatant de Sachiko semblait à présent glacial, et à côté d’elle, il y avait une place vide…

« Puisqu’on ne pouvait pas faire la photo de groupe avec vous de son vivant, autant satisfaire ce vœu après la mort » récita Li Dongyuan. « C’était vraiment une fille romantique. » Il sourit tendrement.

Lin Qiushi avait toujours trouvé Li Dongyuan un peu bizarre, mais maintenant il réalisait que cet homme avait vraiment un problème. Il jeta un regard discret à Ruan Nanzhu, qui riait lui aussi… Ces deux-là étaient étrangement semblables, à leur manière.

Lin Qiushi s’avança d’un pas vers Xia Rubei, dont le visage était encore pâle de peur.

« Allons-y, il en reste un. » dit Li Dongyuan.

« N'allons-nous pas jeter un coup d'œil à la porte? » demanda soudain Ruan Nanzhu.

« La porte ? Où ça ? » répondit Xia Rubei, confuse. Elle avait l’impression d’avoir vomi seulement deux minutes, mais c’était comme si elle avait raté un siècle d’intrigues.

« Sachiko l’a montrée, non ? » rétorqua Ruan Nanzhu, « … Tu ne te soucies vraiment pas du tout de cette pauvre petite fille. »

Lin Qiushi : « … » Il avait vu aussi le geste de Sachiko, mais n’avait pas pensé à la porte. Heureusement que Ruan Nanzhu pouvait appeler Sachiko « petite fille » aussi calmement.

« Très bien. » sourit Li Dongyuan. « Allons d’abord voir la porte. »

Ils suivirent la direction indiquée par Sachiko, marchèrent un moment et se rendirent compte qu'ils se dirigeaient vers vers l’ancien bâtiment scolaire, la porte devait être là-bas.

Ils allèrent directement vers l’endroit où se trouvait la classe 2, et découvrirent qu’effectivement une porte de sécurité ordinaire avait été remplacée par une porte en fer. Apparemment, il suffisait maintenant de trouver la clé pour pouvoir sortir.

« Mengmeng, et si on faisait un pari ? » proposa soudain Li Dongyuan.

« Un pari sur quoi ? » demanda Ruan Nanzhu.

Li Dongyuan : « Un pari pour deviner où se trouve la clé. »

Ruan Nanzhu : « Et la mise ? »

« Si je devine juste, tu me diras qui tu es dans la réalité. Si je me trompe… je ne te collerai plus jamais. » dit Li Dongyuan.

Ruan Nanzhu sourit à moitié : « Li Dongyuan, tu n’es pas un peu trop rusé ? Tu ignores qui je suis, alors comment pourrais-tu me coller ? »

Li Dongyuan sourit sans répondre.

« Et si on faisait plutôt comme ça ? » poursuivit Ruan Nanzhu. « Quitte à jouer, jouons gros. Si je me trompe, je quitte Obsidienne pour aller au Cerf blanc. Si tu te trompes, tu quittes Cerf blanc pour venir à Obsidienne. »

Li Dongyuan ne souriait plus. Une lueur d’examen apparut dans son regard.

« Alors ? Tu oses jouer ? » Ruan Nanzhu releva légèrement le menton, avec une expression froide et un brin de mépris.

Cette expression, Lin Qiushi la connaissait bien. C’était celle que Ruan Nanzhu arborait toujours lorsqu’il était hors des portes.

« Je n’ose pas vraiment. » admit Li Dongyuan finalement, un peu penaud. « Je peux seulement deviner, je n’en suis pas encore sûr… Et toi, tu es sûr ? »

Ruan Nanzhu ne répondit pas et tourna les talons.

Li Dongyuan marmonna derrière lui, disant que Mengmeng était vraiment sans cœur. En disant cela, il jeta aussi un coup d’œil à Lin Qiushi.

Lin Qiushi ne comprit pas du tout pourquoi on le regardait.

Les cours de l’après-midi se poursuivirent, et Jiang Xinhong était dans la salle de classe.

Pour éviter qu’il ne s’enfuie, les quatre s’étaient postés à chaque cage d’escalier, prêts à lui tomber dessus à la fin du cours.

Peut-être craignait-on que Lin Qiushi se fasse encore hypnotiser par Li Dongyuan, alors cette fois-ci, Ruan Nanzhu faisait équipe avec Li Dongyuan, et Lin Qiushi avec Xia Rubei.

Xia Rubei n’avait vraiment pas l’air d’avoir traversé quatre portes. Elle tremblait sans arrêt ou avait l’esprit ailleurs.

Ding-ling-ling, la cloche sonna, et les élèves descendirent les escaliers en courant avec leurs sacs sur le dos.

Lin Qiushi regardait attentivement, de peur que Jiang Xinhong ne se faufile parmi la foule, mais même lorsque presque tout le monde fut parti, il ne vit toujours pas Jiang Xinhong. Il monta alors à l’étage pour voir s’il était avec Ruan Nanzhu et les autres.

Mais à peine arrivé, il croisa Ruan Nanzhu – eux aussi cherchaient Lin Qiushi. Jiang Xinhong avait disparu.

« Il n’est pas ici non plus. » dit Lin Qiushi. « Où pourrait-il bien se cacher ? »

Ruan Nanzhu parcourut la bâtisse du regard : « Il n’y a que deux escaliers ici. Xia Rubei, reste là et surveille. S’il se passe quelque chose, appelle-nous. Nous allons fouiller la salle de classe. »

Xia Rubei hocha la tête en frissonnant.

Ils se rendirent dans la salle de la classe trois, qui était déjà vide.

Ruan Nanzhu se dirigea vers le bureau de Jiang Xinhong et vit son sac à l’intérieur : « Il n’est pas rentré. »

« Je vais jeter un œil aux toilettes. » proposa Lin Qiushi.

Ils se séparèrent pour chercher Jiang Xinhong. Lin Qiushi alla aux toilettes des garçons à côté.

Il y avait plusieurs cabines dans les toilettes. Lin Qiushi jeta un coup d’œil rapide mais ne vit personne, il s’apprêtait donc à ressortir. Au moment où il atteignit la porte, un balai posé contre le mur tomba soudainement.

Lin Qiushi s’arrêta, se retourna.

« Il y a quelqu’un ? » Il sentait que quelque chose n’allait pas. En observant plus attentivement, il repéra enfin ce qui clochait… La fenêtre des toilettes avait été ouverte.

Elle semblait ne pas avoir été ouverte depuis longtemps, les verrous étaient rouillés, mais elle avait été forcée. Lin Qiushi s’approcha de la fenêtre, pencha la tête pour regarder dehors, et un bruit de vent siffla brusquement à son oreille. Il réagit au quart de tour, recula de deux pas. Un objet tranchant passa à un cheveu de son nez.

Il fixa l’endroit… et découvrit qu’il y avait quelqu’un à l’extérieur de la fenêtre. L’homme se tenait sur le petit balcon jouxtant la fenêtre, une dague acérée à la main. C’était précisément Jiang Xinhong, celui qu’ils cherchaient.

« Merde ! » jura Lin Qiushi à haute voix. « Je l’ai trouvé ! Il est ici !! »

À peine avait-il parlé que Jiang Xinhong, probablement effrayé par le cri, glissa du balcon. Il se rattrapa au rebord de justesse, hurlant : « À l’aide — »

Mais la seconde d’après, ses mains, accrochées désespérément au balcon, semblèrent être dépliées, un doigt après l’autre, comme si une force invisible les détachait une à une.

« Aaaahhh ! » Jiang Xinhong tomba du quatrième étage. Une telle hauteur était mortelle. Il atterrit sur l’arrière du crâne et mourut sur le coup.

Tout s’était passé trop vite. Lin Qiushi n’eut même pas le temps de réagir.

Quand Ruan Nanzhu et les autres arrivèrent, ils ne virent que le cadavre de Jiang Xinhong au sol.

Ruan Nanzhu lança à Lin Qiushi un regard surpris et dit : « Pas mal, Linlin, tu l’as carrément balancé, ça nous évite pas mal d’ennuis. »

Lin Qiushi : « … Tu crois vraiment que j’ai la force de jeter quelqu’un par la fenêtre ? »

Ruan Nanzhu : « Si c’est pas toi, alors il s’est jeté lui-même ? Pff, les élèves de troisième année devraient apprendre à relâcher la pression. Trop de stress, ça finit mal. »

Lin Qiushi, accablé : « Je t’en supplie, tais-toi. »

Alors que Ruan Nanzhu et Lin Qiushi discutaient de tout et de rien, Sachiko réapparut.

Elle se tenait silencieusement à côté du cadavre de Jiang Xinhong, sans rien dire, sans rien faire.

Lin Qiushi trouva qu’elle avait l’air un peu mélancolique. C’était compréhensible : quelqu’un qu’elle voulait tuer était enfin mort, mais il s’agissait d’un suicide. Cela pouvait laisser un certain goût d’échec.

Le corps de Jiang Xinhong commença à disparaître, tout comme celui de Mou Kai auparavant, tiré de force sous terre par les mains de Sachiko.

Ruan Nanzhu sortit à nouveau la photo de groupe de son sac. Sur l’image, une nouvelle silhouette venait d’apparaître : Jiang Xinhong, le visage vide d’expression, se tenait aux côtés de Sachiko.

Et le sourire de Sachiko était devenu encore plus éclatant.

Cette photo de groupe rassemblait enfin tous les élèves de la classe 2. Trente-quatre personnes, pas une de moins.

Alors qu’ils regardaient la photo, celle-ci prit soudain feu. Ruan Nanzhu, craignant d’être brûlé, la lâcha immédiatement. Au moment où les cendres tombèrent au sol, Lin Qiushi entendit un son métallique net résonner sur le sol.

Les autres l’avaient manifestement entendu aussi. Ruan Nanzhu se pencha et ramassa une clé familière parmi les cendres. Il haussa les sourcils : « Cette Sachiko est une personne plutôt honnête. »

Lin Qiushi : « Personneonnête ? »

Ruan Nanzhu : « Bon d’accord, un fantôme honnête. »

Lin Qiushi : « … »

La porte était là, la clé aussi. Ils pouvaient enfin quitter cet endroit.

Les quatre se dirigèrent droit vers l’ancien bâtiment scolaire, ne voulant pas rester ici une seconde de plus.

En chemin, Xia Rubei demanda : « Et les autres ? On leur dit que la porte est ouverte ? »

« Pas besoin, » répondit Li Dongyuan. « S’ils veulent continuer à enquêter, ils finiront bien par trouver la porte dans l’ancien bâtiment. Et puis, il n’y a pas de créature bizarre en train de monter la garde devant. »

Lin Qiushi repensa à leur sortie des autres portes : même si les portes s’étaient ouvertes, il y avait toujours des monstres qui en gardaient l’entrée. Il se demandait si les autres pourraient s’en sortir. Mais, à vrai dire, au moment de quitter les lieux, personne n’avait le temps de se préoccuper des autres. Sauver sa propre peau demandait déjà tous leurs efforts.

Cette fois, ce ne fut pas Ruan Nanzhu qui ouvrit la porte. Il tendit la clé à Li Dongyuan.

Li Dongyuan dit : « Vas-y, Rubei. »

Xia Rubei hocha la tête, saisit la clé et ouvrit sans attendre la lourde porte de fer qui se trouvait devant eux.

Un grincement retentit. La porte de fer s’ouvrit, dévoilant un tunnel baigné de lumière blanche. Au même moment, un morceau de papier tomba au sol. Xia Rubei se précipita pour le ramasser, puis s’élança dans le tunnel.

Li Dongyuan sourit : « Mengmeng, à bientôt. »

Ruan Nanzhu le regarda sans expression, sans répondre un mot.

Li Dongyuan ne s’en offusqua pas. Toujours souriant, il entra par la porte, tandis que Ruan Nanzhu tendit la main vers Lin Qiushi : « On y va. »

Lin Qiushi hocha la tête, prit la main de Ruan Nanzhu, et tous deux pénétrèrent ensemble dans le tunnel.

La lumière chaleureuse chassa le froid lugubre de la porte. En traversant le tunnel, Lin Qiushi effectua la transition entre les deux mondes.

Il quitta la terrifiante réalité de la porte pour revenir dans la villa ensoleillée. Toast et Chestnut, les deux chiens qui couraient et jouaient dans la maison, réapparurent aussitôt devant lui.

Lin Qiushi s’assit sur le canapé et prit un verre d’eau posé devant lui.

Cheng Qianli descendit de l’étage, le vit et demanda : « Tu es rentré ? »

« Oui. » répondit Lin Qiushi.

« Tout s’est bien passé ? » interrogea Cheng Qianli.

« Oui. » dit Lin Qiushi. « Nanzhu est à l’étage ? »

Cheng Qianli acquiesça.

Il s’était passé plusieurs jours dans la porte, mais à l’extérieur, seules quelques minutes s’étaient écoulées. Lin Qiushi se reposa un instant sur le canapé avant de monter à l’étage pour chercher Ruan Nanzhu.

Il frappa à la porte et constata qu’elle n’était pas verrouillée. Elle s’ouvrit dès qu’il la poussa.

« Nanzhu ? » À peine eut-il mis un pied dans la pièce qu’il s’arrêta net. Ruan Nanzhu venait tout juste d’enlever ses vêtements. À côté de lui, une robe était posée ; il était nu et en train de se changer.

Le visage de Lin Qiushi afficha aussitôt une gêne évidente. Il se tourna pour partir, mais Ruan Nanzhu dit calmement : « On est tous les deux des hommes, pourquoi réagir aussi fort? »

Lin Qiushi : « … Oh ! »

Il réalisa enfin. C’est vrai, après tout, Ruan Nanzhu et lui étaient tous deux des hommes. Il n’y avait pas de quoi être embarrassé. Mais même en pensant ainsi, un certain malaise persistait. C’était comme si l’identité de Zhu Meng à l’intérieur de la porte et celle de Ruan Nanzhu à l’extérieur ne s’étaient pas encore parfaitement superposées. En voyant Ruan Nanzhu ainsi, il ne pouvait s’empêcher de repenser au sourire lumineux de Zhu Meng.

Et plus il y pensait, plus ses joues s’empourpraient.

« Si beau que ça ? » demanda Ruan Nanzhu, qui venait de finir de s’habiller et remarqua son expression. « T’en es tout rouge. »

Lin Qiushi : « Non… Je… » Il ne savait pas du tout comment s’expliquer.

Ruan Nanzhu : « Non ? Alors tu veux dire que je suis pas beau ? » Il s’approcha de Lin Qiushi. Avec sa taille d’un mètre quatre-vingt-dix et son aura impressionnante, il dégageait une forte pression.

Lin Qiushi eut même envie de reculer, mais se força à tenir bon : « Ce n’est pas ça, je suis juste… pas trop habitué. »

« Oh. » répondit Ruan Nanzhu d’un ton neutre, avant de poser une question : « Alors, tu préfères Zhu Meng ou moi ? »

Lin Qiushi : « … » Vous n’êtes pas la même personne ? C’est quoi cette question absurde ?

Ruan Nanzhu : « Hein ? »

L’instinct de survie souffla à Lin Qiushi la bonne réponse. Il ravala de force la vérité qui voulait lui échapper et répondit avec un calme exemplaire : « Évidemment que je préfère Ruan ge. »

Ce n’est qu’alors que Ruan Nanzhu esquissa un léger sourire. En voyant ce sourire, Lin Qiushi se détendit enfin un peu.

 

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L’auteur a quelque chose à dire :

Lin Qiushi : C’est la première fois que je vois quelqu’un être jaloux… de lui-même.

Ruan Nanzhu : Hmph, de toute façon, tu n’as pas le droit d’aimer Zhu Meng.

Lin Qiushi : …………

En réalité, chaque personne a sa part de complexité. Tant qu’elle n’a pas commis d’actes véritablement extrêmes, il est injuste de la juger simplement en bien ou en mal. Li Dongyuan est ce genre de personne : il a ses propres convictions, peut faire de bonnes choses comme de mauvaises. Son affection pour Zhu Meng ne relève pas d’un simple attachement : elle est entachée d’intérêts et d’autres considérations.

À ce titre, Ruan Nanzhu et Li Dongyuan se ressemblent en un sens.

 

Traducteur: Darkia1030