EDLEM - Chapitre 57 – Vous avez tous les deux enduré des souffrances similaires, vous pouvez vous comprendre.
La guerre entre les immortels et les démons battait son plein, et Yin Wuhui était déterminé à entraîner tout le monde dans sa chute.
Pendant que Hua Che méditait, Chu Binghuan s'était absenté et revint avec les rapports de guerre de l’année écoulée.
« La voie des immortels comme celle des démons ont subi de lourdes pertes. À ce stade, soit les deux camps s’accordent sur un cessez-le-feu et concluent un match nul, soit ils continuent à se battre jusqu’à l’anéantissement complet de l’un d’entre eux. » rapporta Chu Binghuan. « Le Gardien de gauche est mort, et l’on ignore où se trouve le Gardien de droite. Yin Wuhui, sans ses deux bras, peine aussi à tenir. »
Hua Che, ayant manqué un an d’événements, fût momentanément perdu. Après un silence, il demanda : « Et mon maître, et les autres… ? »
« Ils vont tous bien. » Chu Binghuan sortit une robe de sa manche pour la poser sur les épaules de Hua Che, inquiet qu’il attrape froid après sa récente maladie. « Mais Mu Rongsa a été grièvement blessé. »
Le cœur de Hua Che manqua un battement, et il demanda précipitamment : « Qu’est-il arrivé à Sasa ? »
Chu Binghuan répondit : « Il va bien maintenant. C’est Maître Mu qui a été gravement blessé il y a une quinzaine de jours, lors d’un combat contre le Maître des Dix Directions. Il est toujours dans le coma. Mon oncle dit que même s’il se réveille, il devra dépendre d’un fauteuil roulant pour le reste de sa vie. »
Un goût amer monta dans la gorge de Hua Che, et les mots restèrent coincés dans sa bouche.
Il faut bien grandir un jour.
Le jeune garçon insouciant d’autrefois devait désormais porter sur ses épaules frêles le poids écrasant des responsabilités familiales.
« Rentrons ! » dit Hua Che en se relevant. Il fit quelques pas avec Chu Binghuan avant de soudain se rappeler quelque chose, puis fit demi-tour.
Chu Binghuan demanda : « Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Être venu jusqu’ici pour repartir les mains vides ? Ce serait du gâchis, non ? » dit Hua Che avec un sourire malicieux. « Tu sais combien de trésors il y a dans le Palais Fen Qing ? »
Chu Binghuan le tira en arrière : « Un homme de bien agit avec droiture ; il ne commet pas de fautes, même minimes. »
Hua Che resta bouche bée. Est-ce que Chu Binghuan, qui avait failli devenir un cultivateur démoniaque, était en train de lui faire la morale à lui, l’ancien Seigneur Démon, et lui dire de ne pas voler ?
Chu Binghuan lui-même sembla un peu gêné.
« Ce n’est pas du vol. » dit Hua Che très sérieusement. « C’est ce qu’on appelle ‘s’approprier le butin’. »
Chu Binghuan en resta sans voix.
Ainsi, le bon garçon Chu Binghuan fut corrompu par le malicieux Hua Che. Main dans la main, ils se glissèrent furtivement dans le trésor du Palais Fen Qing. Face à cette pièce remplie de trésors rares, Chu Binghuan n’y vit que de la poussière, tandis que Hua Che, fou de joie, tournoyait sur lui-même.
« Regarde, de l’Herbe Yuanling (NT : « origine de l'univers ». Herbe spirituelle souvent mentionnée dans les romans de cultivation) –inestimable! Et là, une Pilule Hunyuan (NT : pilule « essence originelle », améliore la cultivation) – d’une valeur incalculable ! » Hua Che ouvrit sa poche magique et commença à entasser.
Chu Binghuan secoua la tête, impuissant.
La cupidité fait partie de la nature humaine.
Hua Che dit joyeusement : « On est allé jusqu’au cœur du territoire ennemi. Tu veux qu’on parte sans rien emporter ? Et puis, notre Palais Lingxiao est si pauvre. Quelques pierres précieuses ne feront pas de mal pour embellir un peu l’endroit. »
Pauvre ?
Il ne fallait pas se fier aux apparences.
Le disciple aîné était la bête ancienne Qiongqi. Les disciples deux à cinq n’étaient peut-être que de simples personnages secondaires, mais le sixième disciple était soutenu par la Vallée Fengming, le septième par Yuntian Shuijing, et le huitième par le Manoir Yeyou. Avec de tels soutiens, qui oserait dire que Zhuo Tian n’était rien ou que le Palais Lingxiao était en bas de l’échelle parmi les sectes immortelles ?
Chu Binghuan ne pouvait que le réfuter en silence, mais il prit un certain plaisir à regarder les petites expressions gourmandes de Hua Che, les trouvant particulièrement attendrissantes.
Soudain, il ne put s’empêcher de se laisser aller à rêver. Si un jour ils se mariaient, et que Hua Che gérait les finances du foyer, il devrait lui faire une demande à chaque fois qu’il voudrait dépenser quelque chose. Hua Che tiendrait la clé du trésor, le sermonnant sur la frugalité tout en lui tendant à contrecœur quelques pierres spirituelles.
Alors que ses pensées s’égaraient, un sourire naquit naturellement sur les lèvres de Chu Binghuan.
Pour ne pas inquiéter leurs aînés, Hua Che et Chu Binghuan décidèrent de ne pas mettre le feu au Palais Fen Qing. À la place, ils rentrèrent main dans la main au camp principal de la Voie Immortelle.
De loin, ils virent Mu Rongsa et les autres en train de combattre des cultivateurs démoniaques.
Après six mois de séparation, Chu Binghuan avait l’impression qu’une vie entière s’était écoulée, d’autant plus que leur dernière séparation ne s’était pas bien passée.
« Nom de dieu, vous êtes vraiment vivants tous les deux ! » Mu Rongsa était au bord des larmes, se jetant sur eux pour les serrer dans ses bras.
Tout en s’essuyant les yeux, Mu Rongsa déclara avec arrogance : « Il y avait des rumeurs chez les cultivateurs démoniaques disant que vous étiez morts. Des conneries ! Mes petits frères ne mourraient pas aussi facilement ! »
Mu Rongsa était toujours le même, bavard comme jamais. En guidant Hua Che vers le camp, il raconta avec enthousiasme tout ce qui s’était passé au cours de l’année écoulée.
En voyant l’allure vive et pleine d’énergie de Mu Rongsa, Hua Che se rendit compte que ses inquiétudes étaient superflues. Après tout, qui était Mu Rongsa ? Ce genre d’épreuve pouvait-il vraiment l’abattre ? Même s’il avait vacillé au départ, avec Zhuo Tian, Lin Yan et Chu Binghuan autour de lui, il était impossible que Mu Rongsa reste à terre.
De retour au camp, les cultivateurs de la Voie Immortelle furent stupéfaits de voir Chu Binghuan. Il dégageait une aura éthérée et pure, totalement dépourvue de toute corruption. Il était parti un an plus tôt, enveloppé d’ombres, et revenait désormais pur et immaculé.
Les réactions furent variées — certains furent fous de joie, d’autres en larmes. Les cultivateurs de Yuntian Shuijing, en particulier, se ruèrent autour de leur jeune maître en jacassant sans fin.
« Le Maître Chu est incroyable, il a vraiment tué le Gardien de gauche du Palais Fen Qing ! »
« En effet, quel exploit remarquable ! »
Chu Binghuan alla ensuite retrouver Chu Changfeng. Ce dernier ne dit pas grand-chose, se contentant d’un hochement de tête et d’une tape sur l’épaule de Chu Binghuan. « C’est bien que tu sois rentré. »
Chu Binghuan répondit doucement : « C’est grâce à Hua Che. »
« Et le Gardien de gauche ? »
« Il m’a sous-estimé à cause de mon âge. Sans ça, ça n’aurait pas été aussi simple. »
« Tant que tu es sain et sauf. » dit Chu Changfeng, enfin rassuré.
Une brise légère soufflait, et le ciel s’éclaircissait doucement à mesure que le soleil se levait.
*
Lin Yan vint voir Hua Che le quatrième jour. Lui et Zhuo Tian s’étaient envolés à des kilomètres pour retrouver ceux qui avaient disparu lors des combats contre les cultivateurs démoniaques, afin de les ramener au camp pour qu’ils soient soignés par les guérisseurs de Yuntian Shuijing.
Ce ne fut qu’à son quatrième passage qu’il apprit le retour de Hua Che et Chu Binghuan.
Maître et disciple furent fous de joie. On rapportait que Wen Yuan avait retrouvé sa lucidité. Durant cette année, il avait suivi Zhuo Tian pour éradiquer les démons et protéger la Voie immortelle. Grâce à ses efforts et au soutien indéfectible de la Vallée Fengming, les cultivateurs avaient fini par l’accepter, même si certains continuaient à se méfier de lui. Il choisit donc de rester discret, ce qui avait permis une cohabitation paisible durant l’année passée.
Quant à Lin Yan…
Lin Yan était brisé de chagrin.
L’œuf qui refusait d’éclore avait enfin éclos. Il avait annoncé, tout excité, à ses frères seniors qu’il s’agissait probablement d’un oiseau Chongming. Tout le monde s’était rassemblé pour observer avec impatience… puis une petite créature mince était sortie, agitant la langue…
Le cœur de Lin Yan s’effondra.
Évidemment, il ne fallait pas trop en espérer. Un seul oiseau Chongming, c’était déjà un miracle. Il ne fallait pas être trop gourmand.
C’était la progéniture du maître du Pic Qingcheng. En tant que jeune serpent, il semblait ordinaire, mais une fois adulte, il deviendrait un dévoreur d’hommes.
Contrairement à Wen Yuan, cette créature n’avait aucune conscience spirituelle, incapable de distinguer le bien du mal. Pour elle, tous les humains, y compris son maître, n’étaient que de la nourriture destinée à assouvir sa faim.
Alors, Mu Rongsa avait levé son épée et avait abattu le petit serpent sans hésiter.
Lin Yan, accablé par la perte de son « enfant bien-aimé », resta morose pendant plusieurs jours.
En apprenant le retour triomphal de Hua Che et Chu Binghuan, Lin Yan pleura à en avoir les yeux gonflés, partageant toutes les joies et peines de l’année écoulée. Pendant ce temps, Zhuo Tian faisait les cents pas dans la cour. Chu Binghuan s’attendait à être grondé par son maître, mais Zhuo Tian se contenta de soupirer et lui caressa doucement la tête.
Contrairement aux reproches, à la déception ou à la colère que les autres avaient manifestés, Zhuo Tian serra simplement Chu Binghuan dans ses bras et dit doucement : « Mon enfant, tu as tant souffert. »
Ces quelques mots suffirent à faire monter les larmes aux yeux de Chu Binghuan.
« Toi et Qingkong avez un passé commun que nous ne connaissons pas et que nous ne comprenons pas. Mais ne te laisse pas accabler par tout ça. Même si tu ne veux en parler à personne d’autre, parles en au moins avec Qingkong. Vous avez tous les deux enduré des souffrances similaires, vous pouvez vous comprendre. Ces souvenirs, ces expériences, toutes ces joies et ces peines... n’appartiennent qu’à vous deux. »
C’est grâce à ces joies et ces peines que tu es devenu celui que tu es aujourd’hui, non ?
Chu Binghuan acquiesça légèrement.
Zhuo Tian sourit chaleureusement : « Heureusement, la tempête est passée et le ciel est à nouveau clair. »
*
Sept jours plus tard, Chu Binghuan livra un combat acharné contre les chefs des Dix Directions. Les chefs troisième, quatrième et cinquième furent tués, tandis que les sixième, septième et huitième furent grièvement blessés. Cette bataille lui valut le titre de Yunmiao-Jun (NT : (云渺君) litt. Seigneur des vastes nuages).
Les cultivateurs de la Voie Immortelle comme ceux du Palais Fen Qing subirent de lourdes pertes. Désormais, le Palais Fen Qing ne tenait plus que grâce à Yin Wuhui. Une fois qu’il serait mort, la chute du palais serait inévitable.
Par ailleurs, Hua Che reçut une joie inattendue.
Dans sa vie précédente, Chu Binghuan avait utilisé le Konghou pour sceller l’âme résiduelle de Hua Che, ce qui avait causé une naissance avec une âme incomplète dans cette vie, le condamnant à une faiblesse et des maladies chroniques. Chu Binghuan l’avait toujours regretté, pensant lui avoir fait du mal. Pourtant, cela s’était avéré être une bénédiction déguisée.
L’âme résiduelle de sa vie antérieure, par l’intermédiaire du Konghou, était retournée dans le corps de Hua Che, complétant ainsi son âme et guérissant naturellement sa fragilité.
De plus, cette âme résiduelle contenait la cultivation de sa vie passée !
Même s’il n’en restait qu’un dixième, la cultivation de sa vie antérieure était si profonde que cela suffit à briser le sceau du Noyau doré imposé par Yin Wuhui.
Ainsi, Hua Che se joignit au dernier groupe de renforts se dirigeant vers le Palais Fen Qing.
Il marcha d’un pas familier jusqu’à l’entrée de la grande salle. De loin, il aperçut Yin Wuhui assis sur le trône.
Un an avait passé, mais ce Seigneur Démon autrefois arrogant n’avait pas tellement changé, si ce n’est que son regard était devenu terne et vide, perdu dans ses pensées.
Hua Che entra lentement.
Entendant du mouvement, Yin Wuhui tourna la tête vers lui.
La lumière de la lune projetait une ombre allongée de Hua Che. Son visage était dissimulé par la pénombre, mais ses yeux de phénix brillaient d’un éclat intense.
Le cœur de Yin Wuhui trembla, et il appela instinctivement : « Sijin. »
Hua Che s’arrêta, sans avancer davantage.
Yin Wuhui se leva précipitamment de son trône, trébuchant sur un objet au sol dans sa hâte. Il chancela en avant, presque à quatre pattes, jusqu’à atteindre Hua Che. Comme dans un rêve, il s’exclama : « Sijin, c’est bien toi ! C’est vraiment toi, hahaha ! Tu es revenue, comme ce vénérable l’avait prédit ! »
Dans sa vie précédente, Yin Wuhui était déjà ainsi : le cœur mûr mais l’esprit fou.
Mais dans cette vie, cette folie était arrivée avec trois cents ans d’avance.
« Che’er. »
Une voix douce retentit derrière lui, et Hua Che s’arrêta, se retournant pour voir Xie Wanting.
Le regard de Yin Wuhui, d’abord empli d’affection, devint soudain sombre. Il tira Hua Che derrière lui et lança un regard féroce à Xie Wanting. « Sijin m’appartient ! Misérable insecte, comment oses-tu convoiter la femme de ce vénérable ! »
Xie Wanting l’ignora et dit à Hua Che : « La Secte Immortelle de Shangqing n’a pas encore capturé Lu Yao. Il doit encore se trouver dans le Palais Fen Qing. Va le chercher. Laisse-moi m’occuper de lui. »
Hua Che hésita. « Mais... »
« Ne t’en fais pas. » dit Xie Wanting avec calme, « Dans son état actuel, il n’est pas de taille. »
Hua Che sourit avec satisfaction. En effet, les cultivateurs démoniaques craignaient les cultivateurs spirituels, surtout quelqu’un comme Yin Wuhui. Avec une seule note du qin ancien de Xie Wanting, l’issue du combat était évidente.
Hua Che partit, l’esprit tranquille.
Il ne fallut pas longtemps avant qu’il n’entende les injures de Yin Wuhui, suivies du son du Qin des Neufs Enfers. Peu après, le rugissement furieux de Yin Wuhui résonna dans l’air comme celui d’un fou.
Traduction: Darkia1030
Edition: AymxLuna
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