EDLEM - Chapitre 36 - Parce qu'il savait qu'à ce moment-là seulement, son maître prendrait le temps de boire cette tasse de thé.

 

Lu Mingfeng résistait désespérément, tentant de sceller le royaume secret et d’entraîner tout le monde dans sa chute. Heureusement, au moment critique, Xie Wanting joua une mélodie qui plongea l’esprit de Lu Mingfeng dans le chaos. Profitant de cette opportunité, Chu Changfeng et Mu Qiniang intervinrent, scellant tour à tour le noyau doré de Lu Mingfeng.

Cependant, Lu Mingfeng devint encore plus désespéré et planifia de se faire exploser. Chu Changfeng, réagissant avec l’instinct d’un guérisseur, poussa Mu Qiniang de côté. Bien que cela ait épargné Mu Qiniang, Chu Changfeng fut blessé gravement par l’attaque fatale de Lu Mingfeng.

Grâce aux efforts combinés de tous, ils réussirent à capturer Lu Mingfeng vivant avec le Lien Immortel, l’emprisonnant dans le royaume secret en attendant son sort. Lorsque tout le monde reprit ses esprits, ils réalisèrent soudain que Lu Yao avait disparu.

*

Hua Che était adossé à la tête de lit, tenant un bol de médicament. Une mèche de cheveux noirs tombait sur son front, et son expression restait impassible. « En fuite ? »

Mu Rongsa acquiesça. « Il a dû s’échapper. Après tout, il était complice. L’aîné Qianyang est furieux et a ordonné aux disciples de Shangqing de le rechercher dans les neuf provinces. »

Hua Che, humant l’arôme amer du médicament, semblait pensif.

Mu Rongsa devina ce à quoi pensait Hua Che et tenta de le réconforter. « Ne t’inquiète pas. Quel genre de problème un gamin de seize ans pourrait-il causer ? Son père est parti ; où pourrait-il aller ? C’est un criminel maintenant, persona non grata dans le monde des immortels. »

Hua Che fut surpris. « Persona non grata dans le monde des immortels, alors que dans le monde des démons... »

« Hé, hé, hé, tu ne penses quand même pas que ce gamin de Lu Yao va chercher refuge au Palais de Fen Qing, n’est-ce pas ? » La bouche de Mu Rongsa s’ouvrit d’incrédulité. « Hua ge, es-tu si fiévreux que tu perds la tête ? Qu’est-ce qui pourrait bien qualifier Lu Yao pour attirer l’attention de Yin Wuhui ? Il ne tiendrait pas trois jours dans l’environnement impitoyable du monde démoniaque ! »

Hua Che murmura pour lui-même : « Mu Rongsa, stupide Mu Rongsa. »

« Hé ! » Mu Rongsa fit semblant d'être agacé. « Ne pense pas que je ne t'ai pas entendu juste parce que tu l'as chuchoté ! »

À ce moment-là, Chu Binghuan poussa la porte. Hua Che demanda rapidement : « Comment va ton oncle ? »

Chu Binghuan évita de répondre à la question de Hua Che. En voyant le bol de médicament dans les mains de Hua Che, son visage changea. « Pourquoi ne l'as-tu pas encore bu ? »

Pris sur le fait, Hua Che trouva une excuse avec désinvolture : « Il est trop chaud ; je le boirai quand il aura refroidi. »

Chu Binghuan sembla croire à son mensonge, fit deux pas en avant et posa un paquet de fruits confits sur la table.

Les yeux de Hua Che s'illuminèrent aussitôt et il tendit instinctivement la main pour l'attraper, mais Chu Binghuan la lui tapa à mi-chemin, disant impitoyablement : « Bois d'abord le médicament. »

N'ayant pas le choix, Hua Che but à contrecœur une gorgée de l'amer breuvage.

Le goût familier, la recette familière.

Hua Che se dit soudain que mourir d'une forte fièvre serait plus agréable que de boire les médicaments de Chu Binghuan.

Chu Binghuan pensait que trop de sucreries étaient mauvais pour la santé. Ainsi, même s'il savait que Hua Che adorait les fruits confits et les douceurs, il essayait de limiter sa consommation, n'accordant quelques friandises que lorsque Hua Che buvait son médicament.

Voyant l'air pitoyable de Hua Che, Chu Binghuan ne put s'empêcher de s'adoucir.

Tant pis, qu'est-ce qui pourrait être plus important que de le voir heureux et satisfait ?

Chu Binghuan observa Hua Che boire tout le bol de médicament, s'assurant qu'il n'en restait pas une goutte, avant de lui donner tout le paquet de fruits confits.

Hua Che, qui faisait auparavant la grimace, prêt à tout pour éviter le médicament, s'illumina aussitôt de joie. Il se mit à manger les fruits confits un à un, les joues gonflées comme celles d'un écureuil.

Chu Binghuan ne put s'empêcher de sourire, son expression douce et tendre.

*

Dès que Hua Che put se lever et marcher, la première chose qu'il fit fut de se rendre dans le domaine secret pour rendre visite à Lu Mingfeng, l'homme qui s'était autrefois tenu au sommet du monde de la cultivation, dominant tous les êtres de haut.

La veille encore, Lu Mingfeng était un ancien de haut rang vénéré, loué par d'innombrables cultivateurs comme un sage. Qui aurait pu imaginer qu'en moins de douze heures, il deviendrait un criminel notoire, un prisonnier haï de tous.

Dans les souvenirs de Hua Che, Lu Mingfeng avait toujours été sévère et digne, impeccablement soigné, avec ses cheveux noirs attachés avec soin et ses robes luxueuses sans la moindre tache. La seule fois où il avait semblé débraillé, c'était dans sa vie précédente, lorsqu'il avait été agenouillé aux pieds de Hua Che, couvert de sang et de boue, juste avant que Hua Che ne lui ouvre son noyau doré et ne disperse son âme.

Pourtant, même à ce moment-là, Lu Mingfeng était resté imposant.

Pourquoi ? Malgré son apparence extérieure en désordre, sa détermination intérieure était inébranlable, son regard perçant et arrogant. Il ne montrait aucune peur de la mort, riant au contraire avec une folie débridée, utilisant le langage le plus abject pour proférer les malédictions les plus venimeuses.

——J'ai placé une malédiction sur Lu Yao, offrant mon âme en sacrifice, vous maudissant tous deux à être inséparables ! S'il meurt, tu meurs. Si tu meurs, il vit ! ——Me tuer ne change rien, mais la lignée de ce maître perdure dans le monde ! C'est ce maître qui triomphe, et c'est ce maître qui vivra à jamais !

Cette fois-ci, Lu Mingfeng était tout aussi débraillé. Mais contrairement à la vie précédente... Lu Mingfeng n'était plus fier et dominateur. Il ressemblait à un tigre privé de ses crocs, piégé dans un espace confiné par de nombreux enchantements, léchant en vain son corps criblé de plaies ; c'était décadent, ironique et pitoyable.

À cause d'une perte de sang excessive, il était grièvement blessé, son teint plus terrifiant que celui d'un esprit malveillant ; les lèvres craquelées et pelées, ses cheveux secs et semblables à de la paille retombant derrière lui. De lourds liens serrés attachaient ses os, et le moindre mouvement faisait jaillir les épines coniques cachées dans les cordes pour percer chair et sang. Un être autrefois fier réduit à cet état.

« Qu'est-ce que ça fait d'être détruit ? » La voix de Hua Che resta claire et calme. Si l'on écoutait attentivement, on pourrait déceler une légère douceur irréelle dans son ton.

« Pourquoi ? » Après ce qui sembla être une éternité à se fixer et se jauger, Lu Mingfeng parla enfin, peut-être un bâton d'encens ou une heure plus tard.

Sa voix était sèche et rauque, comme s'il allait cracher du sang à tout moment.

Le teint pâle, Hua Che s'assit en tailleur à trois pieds de Lu Mingfeng et répondit : « Devine pourquoi ? »

Sans hésitation, Lu Mingfeng ouvrit la bouche et demanda : « Qui est An Yu ? »

En entendant cela, Hua Che eut un léger rire. « Tu penses que je cherche à me venger pour An Yu ? »

« N’est-ce pas ça ? »

« Il n'est qu'une des nombreuses dettes de sang accumulées au cours de ta longue vie. » répondit Hua Che. « Il y a aussi les cent vingt-six disciples, et les treize mortels innocents morts injustement dans la vallée de Mingyue. »

Lu Mingfeng fut pris de court. « Alors, tu savais à ce moment-là... »

Hua Che l'interrompit calmement, « Même si tu étais vêtu de noir à l’époque, même si tu étais réduit en cendres, je te reconnaîtrais toujours. »

Lu Mingfeng se mit à trembler de tout son corps, ses dents grinçants bruyamment, et il se jeta soudain en avant, heurtant de tout son poids la barrière !

Aussitôt, le Verrou d'Entrave Immortel émit une lumière spirituelle, et d'innombrables pointes s’enfoncèrent densément dans chaque point d'acupuncture de son corps. La profonde énergie spirituelle parcourut ses veines, provoquant une douleur atroce qui força Lu Mingfeng à s'agenouiller au sol. Il ressemblait à un poisson mourant, haletant pour atténuer l'agonie. Ses yeux étaient injectés de sang, et ses orbites semblaient prêtes à éclater. « Quand t’ai-je offensé, Hua Qingkong ? Quand t’ai-je offensé au point que tu me fasses tant de mal ! »

Hua Che baissa les yeux, une légère moquerie flottant sur ses lèvres. « Si tu ne veux pas que les autres sachent, ne le fais pas. Te faire du mal ? Qu’ai-je fait pour te nuire ? Toutes ces choses, n’est-ce pas toi qui les as commises ? Maintenant que la vérité éclate et que ta réputation est en lambeaux, ce n’est qu’une juste rétribution ! »

Lu Mingfeng sembla devenir fou. Ignorant complètement la douleur de son corps, il hurla d'une voix enrouée à Hua Che : « Comment connais-tu la chambre secrète du Pavillon de Shangqing ? Comment connais-tu le passage souterrain sous cette chambre secrète ? Comment as-tu pu ouvrir la barrière autour du passage secret ? Comment as-tu brisé la Formation des Neuf Palais et Huit Trigrammes ? Comment es-tu entré dans le royaume secret ? Comment connais-tu les Arts Immortels de Shangqing !!! »

« Qui es-tu vraiment, réponds à ce maître !! »

Hua Che le fixa simplement d'un regard glacial.

Le visage de Lu Mingfeng devint livide, proche de la frénésie. « Qui es-tu ! Qui es-tu ! Tout est faux ! Es-tu Wei’er ? Ou es-tu Kai’er ! Es-tu revenu pour te venger, as-tu pris possession du corps de ce jeune nommé Hua Che, comme An Yu, rampant depuis le monde des fantômes pour te venger de moi ! »

« Wei’er, Kai’er... » Hua Che soupira tristement, murmurant pour lui-même. « Grand Frère et Seconde Sœur, soit ils se sont réincarnés il y a longtemps, soit... peut-être qu’au moment où ils ont sombré dans le monde des morts, ils étaient déjà dévorés par les âmes gardant l’entrée de l’au-delà ! »

Lu Mingfeng se raidit de tout son corps : « Tu— »

« Laisse-moi te raconter une histoire, Maître Lu. » Hua Che leva les yeux vers le ciel, ses yeux perdus dans le lointain. « Il était une fois un enfant qui, par pure obstination, rejoignit la secte la plus prestigieuse et glorieuse du monde de la cultivation immortelle. Il eut la chance de réussir l'évaluation d'entrée, et encore plus de chance d'être remarqué et accepté par le chef de la secte. Beaucoup l'enviaient et le jalousaient, et lui-même était plein d'admiration et de crainte, s’agenouillant devant des tombes ancestrales d'où s'échappait une fumée verte, sauvant le continent des Neuf Provinces dans sa vie antérieure. »

« À cette époque, il était jeune et ignorant, espiègle et causant souvent des ennuis. Pour cette raison, son maître le punissait souvent, l'obligeant à s'agenouiller et à copier des livres. En réalité, trente pour cent de cela était délibéré de sa part. Il prenait volontairement un air obstiné, indiscipliné et désobéissant, dans le seul but d'attirer l'attention de son maître. Chaque fois que cela arrivait, il pouvait utiliser l'excuse de 's'excuser auprès de son maître et reconnaître ses torts' pour remettre en personne le thé de ginseng rouge qu'il avait infusé pendant un jour et une nuit. »

« Parce qu'il savait qu'à ce moment-là seulement, son maître prendrait le temps de boire cette tasse de thé. »

Invisible, Lu Mingfeng semblait être écrasé par une force invisible, s'effondrant au sol, regardant Hua Che d'un air hébété : « Que... que dis-tu ? »

Hua Che sourit faiblement. Il ferma les yeux et les rouvrit après un moment : « Dans ce monde, il y avait peu de personnes qu’il chérissait vraiment. Si on les comptait, il n'y en avait que quatre. Grand-mère Jiang en faisait partie, le compagnon taoïste auquel il était promis en faisait partie, le petit frère martial innocent et naïf en faisait partie. Le dernier était le maître qu'il considérait comme son père biologique. »

« Alors, lorsque ce soi-disant père biologique frappa à sa porte, lors de sa chute soudaine en disgrâce, quand son maître intervint pour le défendre... il pensa que la chose la plus juste qu'il ait jamais faite dans sa vie était de rejoindre la Secte de Shangqing, de devenir un disciple sous la tutelle de Lu Mingfeng. »

Lu Mingfeng fut frappé comme par la foudre. « Quoi... que dis-tu ? Quelles bêtises racontes-tu ! »

Hua Che répondit calmement : « Mais comment aurait-il pu anticiper la réalité ! La raison pour laquelle son maître bien-aimé l’aidait, l’aimait, le protégeait, était simplement pour s’assurer que ses années d’efforts ne soient pas gaspillées. Il ne voulait pas voir le ‘bétail’ qu’il avait cultivé tomber entre les mains de quelqu’un d’autre. »

« Ce jeune finit par découvrir le secret de son maître. Alors, son maître le fit taire. Malheureusement, il ne s'attendait pas à l’intervention de celui du Palais de Fen Qing qui le sauva. Encore moins à ce que ce jeune revienne seul, osant pénétrer audacieusement dans cette tanière du tigre ! Et il n’avait jamais imaginé que, dans sa folie, ce jeune puisse tromper son maître et même impliquer Lu Yao... »

« Arrête ! Arrête ! » Lu Mingfeng cria enfin comme un fou, le sang jaillissant en torrent de sa bouche. Il le fixait de ses yeux injectés de sang, la haine brûlant comme s'il voulait déchirer Hua Che en morceaux !

« Que racontes-tu ? Je ne comprends pas ! Qu’est-ce que tu dis, qui es-tu !!! »

Hua Che pinça légèrement les lèvres. Après un moment, il se releva lentement, s'appuyant sur ses genoux. Son regard limpide rencontra directement celui, frénétique, de Lu Mingfeng. Soudain, il esquissa un léger sourire, aussi lumineux que le soleil du matin. « Ce n’est qu’une histoire, je parle au hasard, et tu écoutes de la même façon. Ne le prends pas trop à cœur. »

« Arrête-toi là, ne pars pas, tu ne peux pas partir ! » hurla Lu Mingfeng d'une voix rauque, « Où est Lu Yao ? Où est Lu Yao ? »

« Il a fui de peur, n'est-ce pas ? » dit calmement Hua Che. « Un lâche comme lui, devine combien de temps il peut survivre ? Toutes les grandes sectes le traquent dans le monde entier. Où peut-il se cacher ? Le Royaume des Démons ? Hé hé hé... »

Les dents de Lu Mingfeng tremblaient, son cœur envahi par le désespoir.

Hua Che : « Comparé à s'introduire dans le territoire de Yin Wuhui et chercher la mort de lui-même, peut-être que trouver un coin reculé pour se suicider serait la façon la plus simple de mourir, tu ne penses pas ? »

Chaque mot transperçait le cœur, chaque syllabe brisait l'âme.

Lu Mingfeng s'effondra au sol, silencieux.

Hua Che avait raison. Si Lu Yao ne se rendait pas au Royaume des Démons, mais s'il le faisait...

Yin Wuhui avait toujours été son ennemi juré. Si son fils s'aventurait dans le territoire de Yin Wuhui, tout le monde pouvait imaginer la réaction de Yin Wuhui même en pensant avec ses orteils.

« Au lieu de t’inquiéter pour Lu Yao, tu devrais davantage te soucier de toi-même ! Faire face aux centaines de sectes immortelles et aux dizaines de milliers de cultivateurs du monde de la cultivation, une exécution publique... quel goût cela a-t-il ? » Hua Che lui jeta un dernier regard avec un sourire étrangement envoûtant. « C’est au-delà de la satisfaction ! »

 

Traduction: Darkia1030

Edition: AymxLuna