Volume 3 : Immobile comme la montagne
(NT : 不动如山, bù dòng rú shān. Métaphore pour décrire une personne calme, résolue et inébranlable.)
"Attendez ! Tout le monde, arrêtez-vous !"
Au Palais Huanmo.
Un érudit tenait un bol en verre dans une main, rempli de sang visqueux. Le sang semblait vivant, remuant lentement à cet instant.
Sur la plate-forme devant lui gisait le corps carbonisé de Sima Wei.
Non loin de là, trois boules de flammes noires ardentes flottaient ; à l’intérieur de ces flammes, on distinguait Chang'an, Xiangyang et une montagne verdoyante.
« Comment se déroule le plan ? » demanda le Dieu Diable, situé au centre.
« Très bien, tout se déploie sans encombre », répondit l’érudit.
Le cœur ricana. « Sans encombre ? Les trois armes cruciales — le miroir Yin Yang, le tambour Zheng et la larme du cerf — sont toutes tombées entre les mains de l’ennemi. Zhou Zhen a perdu la vie, et le ressentiment que nous avions mis tant d’efforts à rassembler à Yaoguang, Kaiyang et Yuheng s’est dissipé. Non seulement l’armée des démons de la sécheresse n’a a pas ugmenté, mais elle a même diminué de jour en jour. Deux des huit princes chargés de garder le schéma sont partis. Wang Hai, qu’entendais-tu par "sans encombre" ? »
L’érudit nommé Wang Hai répondit avec sincérité : « Mon Seigneur, ne vous inquiétez point.»
Il inclina légèrement le bol en verre qu’il tenait. Le sang, semblable à une pâte visqueuse, tomba sur les restes de Sima Wei, se tortillant avant de s’infiltrer et de commencer à réparer son corps.
« Au moins, ils n'ont pas encore découvert le réseau des dix mille esprits », déclara Wang Hai avec assurance. « Bien que le nombre de soldats de notre armée de démons de la sécheresse ait considérablement diminué, nous pourrons en transformer autant que nous le voudrons à l’avenir. Les humains sont partout. Pour l’instant, nous devons rester discrets et éviter d’éveiller leur vigilance… Quant aux trois armes démoniaques, nous les récupérerons la prochaine fois. Les sept réseaux des dix mille esprits s’activeront comme prévu. »
Le cœur émit un « hmph » dédaigneux.
Wang Hai observa le corps de Sima Wei se reconstituer et murmura : « Les exorcistes se croient intelligents, ils se leurrent en pensant qu'ils peuvent contrôler les trésors magiques du monde grâce au Qi du massacre provoqué par les armes. Cependant, ils ignorent qu’ils finiront par être victimes de leur propre ingéniosité. Le ressentiment finira par se retourner contre eux un jour… mon Seigneur. »
Alors que le corps de Sima Wei, brûlé par la foudre, se rétablissait, Wang Hai se tourna et marcha vers le cœur géant. « La guerre dans le Nord m’a permis de formuler une hypothèse cruciale. Si cette spéculation s’avérait exacte, le trésor magique qui reconstruira votre corps au cœur du réseau dans la Terre divine sera d’une puissance inégalée. Vous n’aurez alors plus besoin d’utiliser la lampe du cœur. »
Le cœur resta silencieux, comme s’il doutait.
Wang Hai poursuivit : « Mon Seigneur, je vous en prie, jetez un œil à ceci. La perle Dinghai que vous cherchez depuis plus de 300 ans est peut-être déjà apparue. »
Wang Hai agita sa manche, et une petite horloge en cuivre, de la taille de sa paume, apparut dans sa main. Au son d’un tintement, des flammes noires surgirent autour de son corps, et une scène fantastique se matérialisa devant lui.
Dans un monde de glace et de neige, au bord de la rivière Xarusgol quelques mois auparavant, de nombreux corbeaux se posèrent tranquillement près du campement de la tribu Akeles. L’un d’eux se tourna vers une tente.
« Le fils de Xiang Yuyan… où est-il ? »
Le cœur se mit aussitôt à battre plus vite, et le palais Huanmo s’emplit d’une lumière magenta.
Une autre flamme noire jaillit, révélant les silhouettes de Xiang Shu, Chen Xing, du roi Akele et de son épouse dans la tente royale.
« Quand est-elle allée au lac Barkol ? »
« Il y a 22 ans, avant votre naissance », répondit l’épouse du roi Akele. « La première fois que je l'ai rencontrée, elle se dirigeait vers le Nord, disant qu’elle cherchait quelqu’un. Un homme. »
« Amenez-moi cette femme », ordonna le Dieu Diable.
Wang Hai répondit : « Elle était l’épouse de la tribu Akele, mais elle est déjà décédée.. Elle a été tuée par Che Luofeng, et son corps réduit en cendres par l’exorciste. »
« Imbécile ! » rugit le cœur du Dieu Diable. « Trois cents ans ! Trois cents ans de recherche, et nous tenons enfin un indice ! »
« Mon Seigneur, soyez sans crainte », répéta Wang Hai. « Xiang Yuyan est la mère de Shulü Kong, et la réponse est sur le point d’être révélée. Je consacrerai tous mes efforts à retrouver la perle Dinghai. Si mes modestes attentes se confirment, votre nouveau corps possédera un pouvoir immense, surpassant même celui des anciens dieux. La fin de la bataille de Banquan pourra même être réécrite. »
Soudain, le cœur éclata d’un rire rauque et frénétique.
*
Mars à Jiankang.
Les saules abondaient, et les cris des oiseaux printaniers résonnaient. Une douce brise se mit à souffler. Les pièces du palais resplendirent, et la beauté de la cour impériale parut divine.
La première pensée de Chen Xing, en posant pied à terre, fut : ‘Je suis enfin de retour chez moi.’
Le Jiankang devant lui possédait véritablement la beauté décrite dans un extrait de la «Rhapsodie des deux capitales » de Ban Gu.
« Les officiers rituels ordonnent les cérémonies,
Et l'entourage impérial sort alors.
Puis ils élèvent l'étendard,
Et frappent la cloche gravée.
L'empereur monte sur le carrosse de jade,
Accroche les dragons saisonniers,
La canopée du phoenix est luxuriante et abondante ;
Les cloches de la barre transversale et du simurgh tintent et retentissent.
Les officiers impériaux suivent comme des ombres,
Dans une splendide démonstration de dignité et de décorum. »
Près de 70 ans s’étaient écoulés depuis le désastre de Yongjia qui avait ravagé les plaines centrales. Le peuple Han avait migré vers le sud, emportant dans sa mémoire le paysage florissant des deux capitales – Chang'an et Luoyang.
Il semblait que tous les fonctionnaires du gouvernement Jin serraient un magnifique rouleau d'images sous leur bras lorsqu’ils arrivaient, puis ils le déroulaient sans hâte vers la rive du fleuve Yangtze. Ce rouleau d’images se déroula instantanément comme s’il avait une vie propre, ainsi des milliers d’années d’un splendide patrimoine culturel réapparurent dans toute leur splendeur.
Depuis l’ère des Wu, Jiankang était la demeure de l’empereur. Lorsque Sima Yan, l’empereur de Jin, unifia le monde, Sun Hao, l’empereur de Wu, capitula et rendit la ville. Jiankang n’avait jamais connu la guerre, et maintenant, des millions de familles vivaient dans la ville.
La migration à grande échelle vers le Sud apporta des livres, ainsi que des technologies agricoles. Des poèmes, des livres et des peintures furent introduits, ainsi que la technique du moulage. À partir de ce moment, la ville de Jiankang, située sur la rivière Huai avec son côté est face au mont Zhong, devint le centre de la Terre divine. Avec les villes de l’ouest – Bancheng, Moling et Fushe, le comté de Danyang au sud, le comté de Langya et d’autres villes similaires, puis s’étendant jusqu’à la Terre divine à dix mille miles au sud du fleuve Yangtze, la région englobait tout le sel, le fer, le charbon et la soie produits dans le monde. On y trouvait un marché tous les cent pas et une ville tous les dix milles. Les soins médicaux, les médicaments, les livres, les peintures, la musique et les divertissements, l’économie et le commerce, ainsi que de nombreux artisans étaient tous extrêmement prospères.
Depuis les dynasties Qin et Han, la région de Jiangnan était une terre de poisson et de riz. Les livres et l’encre étaient chers, tandis que les céréales et le riz étaient bon marché. À cette époque, sous le règne du Fujian, un dou (NT: volume de 1 litre) de riz dans le Nord coûtait douze yuans, tandis qu’un dou de riz à Jiankang coûtait trois yuans.
Jiankang était encore plus peuplée et riche qu’une province céleste comme Bashu. Personne ne mourait de faim et le son et les céréales étaient utilisés pour nourrir le bétail. Si chaque comté avait une récolte exceptionnelle, il y avait tellement de céréales qu’on les laissait pourrir dans un entrepôt et nourrir les rats. Un prix aussi bas du riz nourrissait naturellement de nombreuses familles et commerçants.
Dans les premières années de la dynastie Taiyuan, il y avait beaucoup de gens talentueux dans le Sud. En incluant les érudits issus de la migration à grande échelle, en plus des érudits locaux, il y avait maintenant près de 100 000 érudits au total qui passaient leur temps parmi les millions de familles de la ville. Le gouvernement Jin n’avait plus de postes officiels à proposer, de sorte que les érudits ne pouvaient que discuter de politique toute la journée pour passer le temps.
C'était la première fois que Xiang Shu entrait officiellement dans le monde des Hans, et il fut instantanément stupéfait. Il avait entendu parler du « Sud » que les Hu vantaient, mais c'était encore plus glorieux que dans leurs histoires. Après que Xie An les accueillit tous les deux, il les conduisit délibérément le long de la rivière Qinhuai dans une calèche à toit ouvert pour une visite de la ville, alors qu'ils se dirigeaient vers leur logement.
Lorsque Chen Xing vit le regard de Xiang Shu, il sut qu'il avait été secoué par l'atmosphère de Jiankang, et il ressentit un léger sentiment de fierté inexplicable. C'était la première fois que Chen Xing venait ici, et même lui fut un peu surpris.
"J'ai reçu votre lettre en chemin et j'ai deviné que vous arriveriez aujourd'hui, alors je suis venu vous accueillir, même si cela aurait pu être un peu présomptueux", dit Xie An avec un sourire.
"Ça ne l'est pas ! Ce n'est pas présomptueux du tout !" Chen Xing était très satisfait. Xie An n'avait vraiment pas été présomptueux du tout, et la réception de bienvenue qu'il organisa était assez grande, de sorte qu'il pouvait frimer un peu devant Xiang Shu. Il était très content.
Mais il réalisa soudain que les érudits qui les accueillaient semblaient les regarder, lui et Xiang Shu, avec des regards différents. Le regard avec lequel ils scrutèrent Chen Xing était rempli de curiosité et d'appréciation, tandis que celui qu'ils posèrent sur Xiang Shu était plein d'étonnement et d'admiration. Lorsqu'ils montèrent dans la voiture, il entendit des gens discuter à voix basse : "Un si bel homme existe réellement..."
"Vous êtes trop bruyants !" dit Chen Xing avec agacement. "J'entends tout !"
« Petit Shidi, comment Jiankang se compare-t-il à Chang'an ? » Xie An changea de sujet en posant cette question avec désinvolture.
"Hum..." Chen Xing parut un peu déconcerté. Il déclara : « Oh, d'accord, je voulais poser cette question en descendant du navire. Seigneur Xie, quand sommes-nous devenus compagnons disciples ? »
Chen Xing s’efforçait de s’en souvenir. Xie An avait étudié avec le célèbre érudit Huan Yi, qui, à sa connaissance, n’avait pas le même maître que son propre père, Chen Zhe. Si l’on devait insister sur un lien, c’était peut-être simplement parce qu’ils étaient tous deux érudits ?
« Le héros Baili avait promis autrefois de me prendre comme disciple », expliqua Xie An avec un sourire. « Tu étais encore jeune à l’époque, alors tu l’as probablement oublié. »
« Cela c'est passé ainsi ? » Chen Xing, perplexe, sentit ses doutes monter en flèche. Il avait bien un Shixiong nommé Wang Meng, mais il ne se souvenait pas que son Shifu eût jamais accepté Xie An comme disciple. Mais puisque Xie An insistait, autant l'appeler ainsi, il n'y perdait rien après tout.
Xiang Shu jeta un regard à Xie An. Chen Xing enchaîna avec un sourire désinvolte : « Bien que Fu Jian gouverne plutôt bien Chang’an, il n'est pas à la hauteur de Jiankang. »
Comment pourrait-il simplement être « à la hauteur » ? Chang’an ne pourrait même pas rattraper Jiankang, même en poussant son cheval à galoper à toute vitesse. Le désavantage de Fu Jian venait des règnes chaotiques de ses prédécesseurs. Liu Yuan, Ran Min, Shi Chong et bien d'autres avaient tué trop de gens et chassé les Hans. En conséquence, lorsque Fu Jian prit le pouvoir, Chang’an était dépeuplée et il dut tout reconstruire à partir de rien.
Chen Xing expliqua brièvement cette situation, ce qui impliquait que Xie An n'était pas un exorciste. Xiang Shu ne répondit pas et se contenta d'observer les maisons bordant la rue. L'une des rangées de bâtiments longeant le chemin comptait des centaines de grandes demeures, bien plus imposantes que la résidence de Tuoba Yan à Chang’an.
Chen Xing constata que l'architecture de Jiankang était bien plus luxueuse que celle de Chang’an. Il demanda alors : « Quel est cet endroit ? »
« Je n'en sais rien », répondit Xie An avec désinvolture. « Ce sont des maisons de gens moins fortunés, ne vous en faites pas. Nous vivons rue Wuyi. »
Chen Xing : « ... »
Xiang Shu : « ...... »
Xie An, malgré ses quarante ans passés, semblait remarquablement bien entretenu. Quelques brins de barbe hérissaient son menton, et il portait un ancien pendentif en jade noué à la taille. Contrairement aux Hu, qui affectionnaient les ornements excessifs, son apparence était d'une sobriété impeccable. Toujours souriant, il participait aux conversations avec une aisance naturelle. Généralement, lorsqu'un homme de son âge conservait une allure aussi vive et élégante, cela reposait sur deux éléments : les études et l'argent.
« Ce frère... »
« Je suis muet », déclara froidement Xiang Shu.
Alors que Chen Xing commençait à se sentir mal à l'aise, Xie An éclata soudain de rire. Il sembla vouloir tapoter l'épaule de Xiang Shu, mais se retint avec une attention particulière, puis déclara avec un sourire : « La grande musique a les notes les plus subtiles, et un homme de grande sagesse semble souvent lent d'esprit. Tels sont les principes du monde. »
Chen Xing observa le geste de Xie An et comprit aussitôt que ce dernier avait deviné que Xiang Shu était un Hu. Les hommes Hu n'aimaient pas que l'on touche leurs épaules. Presque aussitôt, Xie An sembla plongé dans une réflexion profonde. Il jeta un regard à Chen Xing, son expression empreinte de mystère.
« Xiang Shu est mon protecteur », expliqua Chen Xing.
« On dirait que ton voyage s'est très bien déroulé», déclara Xie An avec approbation.
« En quelque sorte, je suppose », confirma Chen Xing, partagé entre amusement et lassitude. « Cela illustre bien l'adage : ‘la vie est trop courte, c'est une longue histoire’... »
Xie An poursuivit : « Shixiong devine que vous allez probablement rester un bon moment à Jiankang. Prenez donc votre temps pour tout raconter, ne vous inquiétez pas. Venez, nous sommes arrivés, organisons d'abord une réception de bienvenue pour vous ! »
La voiture s'arrêta devant la rue Wuyi. La porte, bien que modeste, portait un linteau de jade d'un demi-zhang de long, extrait du mont Kun. Sur la porte vermillon étaient inscrits, avec une calligraphie droite et élégante, le caractère « Xiè ». Chen Xing ne put s'empêcher d'admirer cette œuvre. (NT : xiè 谢, qui veut aussi dire ‘merci’, est un caractère complexe comportant 12 traits) (1)
Xie An se retourna en souriant et déclara : « Youjun ? Mon Shidi te félicite pour ta belle écriture. »
Derrière lui se tenait celui qui avait tracé ces caractères : Wang Xizhi. Ce dernier joignit immédiatement les mains dans un geste humble avant de répondre : « Je vais d'abord rentrer chez moi pour me changer. Je viendrai plus tard pour le thé. »
La résidence Wang se trouvait juste en face de celle des Xie. Chen Xing pénétra joyeusement dans la demeure de Xie An. Ce dernier, ayant assumé une fonction officielle à la cour impériale, avait acquis sa propre résidence, se séparant ainsi du reste de la famille Xie.
Les érudits venus accueillir Xie An entrèrent en bon ordre dans la demeure. Si la porte paraissait modeste, l'intérieur était vaste et somptueux. On y trouvait tout : pavillons, étangs, rocailles… La résidence principale s'étendait sur plusieurs mu. Il était difficile d'imaginer qu'une si grande demeure se cachât derrière une entrée si discrète.
Xie An aménagea d'abord des chambres pour que Chen Xing et Xiang Shu puissent se reposer, avant de les inviter à prendre le thé dans le hall principal.
Xiang Shu inspecta son environnement. Chen Xing s'avança et frappa à la porte.
« Vous vous connaissiez très bien tous les deux ? » demanda Xiang Shu, les sourcils froncés.
« Non », admit Chen Xing avec un sourire. Il devinait ce que Xiang Shu pensait : pour qu'un homme offrît une hospitalité aussi chaleureuse, il devait sûrement avoir une arrière-pensée. En reliant cela à ce qu'il avait vécu à Chang'an, Xiang Shu restait naturellement sur ses gardes.
Chen Xing expliqua : « Quand j'étudiais au mont Hua, il est venu me rendre visite une fois. Il avait également mentionné qu'en cas de besoin, il serait prêt à nous soutenir de toutes les manières possibles. »
Il se souvenait de cette rencontre. Xie An s'était entretenu avec son Shifu, et ce dernier lui avait confié par la suite que Xie An s'était personnellement déplacé pour le voir. Cet homme aimait errer dans les montagnes et les forêts, visiter des rivières célèbres, et nourrissait une véritable fascination pour les récits de cultivateurs, de vol sur épées et de chasse aux yaos.
Malheureusement, Xie An ne venait pas d’une lignée d'exorcistes. Après le Silence de toute magie, le mana avait disparu du monde, et les histoires d’exorcisme s’étaient peu à peu transformées en légendes. Plus il vieillissait, plus son grand rêve de rencontrer des cultivateurs devenait inaccessible. Mais un jour, il trouva le mont Hua.
Poussé par son désir de devenir exorciste, Xie An exprima au Shifu de Chen Xing sa volonté de soutenir la restauration du département d’exorcisme par tous les moyens possibles.
Avant de quitter la montagne, Chen Xing vit son Shifu rédiger une lettre, et peu après, Xie An leur apporta son soutien. Non seulement il répondit favorablement à leur demande, mais il leur offrit également une aide financière précieuse. À l’époque, Chen Xing et son Shifu vivaient au mont Hua, et le moindre besoin du quotidien nécessitait de l’argent. Son Shifu, Baili Lun, prétendait être un ancien assassin redevable à la famille Chen. Mais un assassin… comment pouvait-il cultiver la terre pour survivre ? Il se contentait d’éliminer des fonctionnaires corrompus de temps à autre, ce qui ne rapportait pas grand-chose et l’avait même conduit à accumuler une dette considérable.
Lorsque Xie An leur rendit visite et découvrit leurs difficultés financières, il sortit de l’argent de sa poche et régla leurs dettes sans dire un mot. Mieux encore, il leur resta même une somme conséquente. Après cela, Baili Lun ne tarit pas d’éloges sur Xie An. Il déclara que l’influence de Jupiter sur le destin de Chen Xing était vraiment exceptionnelle, ce qui marqua profondément ce dernier. Il se souvenait encore du chiffre exact : 3 000 taels d’argent.
Xiang Shu plissa les yeux. « Il veut devenir exorciste ? »
Chen Xing haussa les épaules. « C’est un beau rêve, je suppose. Celui qu'on a quand on est jeune : vouloir être chevaleresque, voler sur des épées, se libérer des entraves du monde séculier, chasser les yaos et lutter contre l'injustice.»
À mesure que la conversation avançait, Chen Xing commença à ressentir un léger doute. Xie An était en effet un peu trop enthousiaste. Mais il ne voyait aucun élément qui aurait pu suggérer une quelconque conspiration. Si Xie An avait été de mèche avec Shi Hai, il aurait eu toutes les opportunités d’agir bien avant.
« Allons-y, ba, » finit-il par dire. Après tout, ils ne pouvaient qu’écouter ce que Xie An avait à dire.
Dans la salle principale, les érudits attendaient déjà Chen Xing et Xiang Shu. Une fois installés, Xie An présenta d'abord son neveu Xie Xuan, puis Wang Xizhi ainsi que plusieurs membres de la famille Wang. Devant tant de nouvelles figures, Chen Xing peina à retenir tous les noms et se contenta de les saluer poliment.
L’hôte leva sa tasse, marquant ainsi le début de la dégustation du thé. La boisson était servie dans un petit bol à peine rempli, accompagné d’une collation légère.
Chen Xing imagina sans peine Xiang Shu maudissant intérieurement ces Han qui servaient une quantité aussi dérisoire de thé, insuffisante même pour une seule gorgée.
Une fois le thé bu, la discussion se diversifia. Chen Xing parla brièvement de sa secte et de son Shifu, puis l’attention se porta sur Xiang Shu.
« Puis-je savoir… quel est le nom de ce bel homme ? » demanda quelqu'un avec un sourire en coin.
Les gens du monde jugeaient souvent autrui sur leur apparence. Depuis leur arrivée, beaucoup avaient jeté des coups d’œil furtifs à Xiang Shu. Qu'ils soient hommes, femmes, jeunes ou vieux, tous semblaient fascinés par son allure imposante et la grande épée qu'il portait dans le dos, lui conférant l’aura d’un guerrier légendaire.
Les jeunes membres des familles Wang et Xie, séduits par son charisme, cherchaient une occasion d’engager la conversation. Mais comme Xiang Shu était resté près de Xie An, l’approcher n’avait rien de simple. Ils tentèrent de capter son attention par des regards insistants, mais il les ignora totalement. Maintenant que le moment des présentations était venu, ils redressèrent leurs postures, impatients.
Chen Xing jeta un coup d'œil à Xiang Shu, constatant que ce dernier n’avait pas la moindre intention de répondre. Il prit donc les devants : « C’est mon… » Il hésita. Il aurait pu inventer une origine honorable et dire : "C’est mon Protecteur, issu de la famille Xiang à Kuaiji." Mais quelque chose l’arrêta.
Il se souvint des préoccupations de Xiang Shu concernant son passé. Comprenant son ressenti, Chen Xing choisit de respecter ses souhaits et déclara : « C’est mon ami Hu, du nom de famille 'Shulü' et prénom 'Kong'. Il vient de la tribu Tiele de Chi Le Chuan. »
Un silence tomba aussitôt sur la salle. Xiang Shu, surpris, jeta un regard à Chen Xing. Mais au fond de ses yeux, on devinait une lueur amusée. Ses lèvres bougèrent légèrement, articulant un mot silencieux.
Chen Xing comprit aussitôt : Merci.
Quand Xie An entendit cela, il comprit aussitôt que la situation tournait mal et jeta rapidement un coup d'œil à Chen Xing. Jusqu'à présent, une inimitié profonde opposait les Hu et les Han. Les érudits du fleuve Yangtze méprisaient tant les prisonniers de guerre Hu du Nord qu’ils auraient pu se nourrir de leur chair et dormir sur leur peau. Et voilà que Chen Xing venait de mettre les pieds dans un nid de frelons dès son arrivée ? Comment cela aurait-il pu bien se terminer ?
Effectivement, le silence ne dura que trois respirations avant que la salle n’éclate en tumulte.
« Quoi ?! »
« Un Hu ?! »
« Comment un Hu a-t-il pu entrer ici ? Et en plus, un Tiele ?! »
« Prévenez les autorités ! Signalez-le immédiatement !! »
Xiang Shu fronça légèrement les sourcils et jeta un regard à Chen Xing. La main droite posée sur la garde de son épée, il balaya la salle du regard. Quelqu’un, profondément outré, se leva d’un bond, prêt à quitter les lieux. D’autres, en revanche, bien que troublés, ne semblaient pas autant préoccupés par le conflit entre les Hu et les Han. Ils préféraient attendre et voir comment Chen Xing allait gérer cette crise.
Chen Xing ne s’attendait pas à une réaction aussi virulente. Il avait sous-estimé l’hostilité ambiante. Sans perdre un instant, il abattit sa paume sur la table avec force et s’écria : « Attendez ! Tout le monde, s’il vous plaît, calmez-vous ! »
Les érudits, déjà debout, échangèrent des regards perplexes. Une vague de pensées traversa l’esprit de Xie An. Il s’apprêtait à intervenir pour apaiser la tension, mais lorsqu’il vit que Chen Xing prenait les devants, il se ravisa et se contenta d’observer.
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Note du traducteur
(1) Caractère Xiè

Source : preply.com
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