Le général frissonna en entendant sa question.
Le général Lou n'avait donné aucun ordre, ah ! Il s'avérait que le général Hou n'était pas au courant de cela !
Le général ne trouva pas les mots. Il balbutia un moment et finit par répondre d'une voix hésitante : "Je veux dire, il y a quelques jours, Sa Majesté a demandé au Prince Jing de rester au palais, et puis plus rien..."
Avant qu'il ne puisse finir de parler, la voix glaciale et basse de Huo Wujiu l'interrompit. "Il y a quelques jours ?"
Le général n'osa pas reprendre la parole. Puis Huo Wujiu resta également silencieux.
Après un moment, il serra les les dents et regarda le général, dont les genoux tremblaient devant le regard terrifiant qu'il arborait. "Quels bons coups Lou Yue a-t-il fait ?" dit-il. Son ton était toujours calme, mais sa voix était expulsée entre ses dents. Cette apparence sombre, étouffée et qui présageait une tempête, était encore plus effrayante que lorsqu'il était en colère.
Le général s'efforça de s'expliquer précipitamment : "Le général Lou n'avait pas d'autre choix ! Sa Majesté a d'une manière ou d'une autre obtenu des informations et a spécialement arrangé pour emmener le Prince après la séance de la cour..."
Huo Wujiu saisit le fouet d'une main et leva l'autre, signifiant au général de se taire. Le général referma aussitôt la bouche. Il observa Huo Wujiu qui dirigeait son cheval d'une main. Il se tourna de côté et vers l'arrière. Les généraux qui menaient l'armée derrière lui reçurent immédiatement leurs ordres, et les troupes bien entraînées se divisèrent en plusieurs ailes et prirent position à l'extérieur de la ville.
Huo Wujiu reporta son attention sur le général à ses côtés. "Dis à Lou Yue de brûler rapidement de l'encens et d'adresser des prières au Bouddha. Si quelque chose arrive au Prince Jing, il ne survivra pas non plus."
Sa voix était glaciale, il parlait les mâchoires crispées. "Va ouvrir les portes de la ville," commanda-t-il.
*
Après ce jour-là, Hou Zhu passa deux jours dans le palais, plongé dans le monde du vin et des femmes. Cependant, ses dépenses et sa consommation d'alcool étaient maintenant très différentes de celles d'avant. Il agissait de manière profondément perverse jusqu'à en paraître fou, si bien que les personnes autour de lui n'osaient pas le dissuader. Elles se contentaient d'exécuter ses ordres et de l'informer quotidiennement de la situation à l'extérieur de la ville.
Ensuite, il se rendait au cachot pour vérifier si le Prince Jing respirait toujours. Sa Majesté l'avait bien battu ce jour-là. Sa Majesté n'avait jamais battu personne de sa vie. Ce jour-là, le Prince Jing, qui avait été détaché de la corde, s’était évanoui, presque noir et bleu de la tête aux pieds.
Sous ses ordres, les personnes qui travaillaient là lui donnaient également de la nourriture et des médicaments chaque jour. Le Prince Jing avait peut-être la tête qui tournait à son réveil, mais il s'accrochait à la vie et ne mourait pas. Cela dura jusqu'à ce matin là. Le garde qui était allé à la porte de la ville pour surveiller les nouvelles se précipita de retour au palais et se rua dans la chambre de Hou Zhu.
"Votre Majesté, c'est terrible. Votre Majesté !" Scanda le garde avec urgence, "Le rebelle, Huo Wujiu, dirige une armée à l'extérieur de la ville ! Votre Majesté, vous devriez faire vos bagages et fuir du palais !"
Hou Zhu répondit cependant : "Lou Yue n'est-il pas là ?"
Le garde était tellement anxieux qu'il faillit sauter. "Votre Majesté, le général Lou vous ment probablement ! Les espions à la porte de la ville ont dit que les soldats de Huo Wujiu sont tous alignés à l'extérieur de la ville. Cependant, les soldats sous les ordres de Lou Yue n'ont pas bougé du tout. De toute évidence, ils sont de mèche !"
Hou Zhu tenait une coupe de vin, regardant le vin tourbillonner à l'intérieur. Après un moment, il ouvrit calmement la bouche et demanda : "Lou Yue m'a-t-il aussi trahi ?"
La voix du garde tremblait d'anxiété : "Il est trop tard pour discuter de cela maintenant, Votre Majesté ! Rien n'est aussi important que votre vie ! Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Il n'est pas trop tard pour décapiter ces ministres rebelles plus tard !" En même temps, les serviteurs du palais se rassemblèrent, s'agenouillèrent et supplièrent Hou Zhu de s'échapper.
Même les deux concubines, qui étaient appuyées contre ses bras, tremblaient de peur. Leur peur les affaiblit jusqu'à leurs genoux et elles se moquaient bien d’arranger leurs robes. À cette heure, si l'armée du Liang du Nord envahissait vraiment la cité royale, elles auraient peu de chances de survivre, que Sa Majesté vive ou meure.
Les yeux de Hou Zhu étaient embués. Il était assis là, regardant le palais doré, rempli de gens agenouillés. Ils se frappaient la tête contre le sol, et tout ce qu'il pouvait voir étaient le sommet de leurs têtes. Mais bien que le palais fût rempli de monde, il avait l’impression qu’il était seul au monde.
C'est vrai, bien qu'il se mente à lui-même que son oncle était sorti de la ville juste pour déployer l'armée de secours, qui emmènerait sa femme et ses enfants pour déployer une armée de secours ? Il avait peut-être pensé que Lou Yue était sa dernière défense, mais Lou Yue l'avait aussi finalement trompé. Tout le monde l'avait abandonné.
Depuis que son père l'avait abandonné comme un morceau de rebut, il était à jamais un déchet dont personne ne voulait.
Hou Zhu serra son verre de vin et se leva en riant de lui-même.
*
Jiang Suizhou avait passé les derniers jours dans le chaos. Heureusement, ces gens le croyaient et n'osaient pas le laisser mourir facilement.
Chaque fois qu'il se réveillait, il se forçait à manger quelque chose et à retenir son souffle. Pourtant, il ressentait une douleur réelle dans son corps. Il n'avait pas été battu depuis qu'il était enfant, encore moins une raclée qui aurait pu le tuer. Il était complètement engourdi par la douleur, et il avait l'impression que cette douleur était comme un feu brûlant. Elle lui picotait la tête jusqu'au bout de ses nerfs.
Il ne pouvait pas comprendre comment Huo Wujiu avait passé un mois dans cette cellule. Il était toujours inconscient, et il ne savait pas exactement depuis combien de temps il était là.
Jusqu'à ce jour, il regagna à peine un peu de conscience, seulement pour sentir que les environs étaient éblouissants de lumière. Un parfum lourd flottait au bout de son nez, ce qui était complètement incompatible avec le cachot où il se trouvait. Il ouvrit ses yeux de manière embrumée et contempla la lumière dorée éblouissante autour de lui.
Où suis-je ?
Jiang Suizhou bougea et se rendit compte que ses mains étaient attachées derrière lui. Il était en fait assis sur une chaise. C'était doux en dessous de lui, mais le dossier de la chaise irritait ses blessures.
À ce moment-là, il entendit une voix.
"Es-tu réveillé ?"
C'était Hou Zhu.
Jiang Suizhou s'adapta à contrecœur à la lumière éblouissante autour de lui, et rouvrit lentement les yeux, puis il constata qu’il se retrouvait assis dans le somptueux palais.
C'était la salle principale de la suite de Hou Zhu. Sous son siège se trouvait un large trône impérial.
Devant lui se trouvait un bureau impérial qui avait été renversé, avec des mémoriaux et des livres éparpillés partout. Au pied des marches, non loin devant lui, se trouvait Hou Zhu, assis sur le lourd tapis les jambes croisées, vêtu d’une robe impériale, qui pendait négligemment sur son corps, en désordre. Dans l'une de ses mains se trouvait un pot de vin.
Jiang Suizhou fronça les sourcils, ne sachant pas à quoi il jouait.
Cependant, Hou Zhu lui demanda avec un sourire et un ton éméché : « Qu’en penses-tu ? Mon trône est-il confortable ? »
La voix de Jiang Suizhou était rauque, et son souffle semblait faible : « Que manigances-tu ?»
Après avoir entendu sa question, Hou Zhu sourit et dit : « Je ne vais rien faire. Je ne veux juste pas mourir. Il y a encore tellement de choses que je n'ai pas vues, je ne peux pas mourir. »
Avec cette réponse, il essaya de se lever en s‘appuyant d’une main sur le sol, mais il trébucha sur sa robe et retomba lourdement au sol.
Il n'y prêta pas attention.
« De toute façon, je veux te voir mourir », ajouta-t-il. « Huo Wujiu est aussi à blâmer. Il a ruiné mon royaume, donc je veux aussi le voir mourir. »
Après avoir dit cela, il rit.
« Tu ne me crois pas, n'est-ce pas ? » clama l Hou Zhu avec suffisance. « Je ne peux pas le tuer, mais quelqu'un d'autre peut le faire pour moi. »
Jiang Suizhou demanda d'une voix rauque : « Qui ? »
Après que le Hou Zhu eut croisé les jambes, il prit une gorgée de vin confortablement.
« Son frère, ah », répondit-il avec un sourire. « Si ce n'était son frère, penses-tu que tu aurais eu la chance de l'épouser ? »
Jiang Suizhou tressaillit. Son cerveau, engourdi par la douleur, se réveilla instantanément.
« ...Que dis-tu ? » demanda-t-il alors.
Il était tellement pressé qu'il s'étouffa et toussa. La toux tirait sur ses blessures, et la douleur lui faisait tourner la tête. Il faillit s'évanouir.
Hou Zhu était trop ivre pour voir ce qui n'allait pas chez lui. Il ne fit que se soutenir sur le sol d'une main et se leva en chancelant.
Il jeta un coup d'œil à Jiang Suizhou.
Sa robe de cour élégante avait été déchirée, et était maintenant tachée de sang ancien et frais. Ses cheveux étaient éparpillés sur ses épaules, et son visage cendré était également taché de sang, le rendant misérable.
Pourtant, il était né beau. Bien que son apparence à moitié morte semblât pitoyable, il dégageait toujours une beauté indescriptible et perverse, comme une orchidée piétinée dans la boue sanglante.
Hou Zhu sourit de satisfaction.
Il tenait le pot d'une main, tandis que l'autre main relevait négligemment l'ourlet de sa robe impériale. Il monta péniblement les marches rouges vers le trône, et, avec sa robe relevée, il s'accroupit près du bureau en désordre devant Jiang Suizhou.
« Tu ne le crois pas non plus, n'est-ce pas ? » Il fouilla dans le tas de parchemins en désordre sur le sol et finit par en sortir quelques feuilles de papier, qu'il agita devant Jiang Suizhou.
« Regarde ça », commença-t-il. « Ce sont des lettres secrètes. Le Prince héritier, le frère de Huo Wujiu, l'a vendu à mon oncle il y a longtemps. »
Après l'avoir informé de cela, il s'assit sur ses fesses et secoua les morceaux de papier en riant. "Parce qu'il est Huo Wujiu, le Dieu de la Guerre de la Dynastie Liang, n'est-ce pas ? À quoi ça sert ? Son père est mort, et même son frère l'a trahi", ricana-t-il. "Tout le monde est comme ça, pas seulement moi."
Mais Jiang Suizhou se fichait bien de ce qu'il disait. Il fixait seulement les morceaux de papier.
Qu'a-t-il dit ? Alors, c'est le frère de Huo Wujiu qui l'a trahi ?
Huo Wujiu n'avait qu'un seul frère, Huo Yuyan. En un clin d'œil, l'esprit de Jiang Suizhou s'éclaircit, et tous ses doutes précédents semblaient avoir une explication.
La défaite soudaine de Huo Wujiu en guerre ; son hésitation à avancer ; même quand ses jambes étaient déjà guéries, il n’était pas retourné rapidement vers le nord. Huo Yuyan, qui était mort tôt d’après les livres d'histoire, et Huo Wujiu, qui avait gardé seul Yangguan jusqu'à sa mort... Il s'avèrait que l'instigateur de tout était Huo Yuyan !
Le souffle de Jiang Suizhou se coupa, et il se débattit sur le trône impérial. Mais ses membres étaient attachés, donc peu importe à quel point il se débattait, tout était vain.
Jiang Shunheng ouvrit doucement sa main et lança les morceaux de papier par terre. "Tout le monde est comme ça", répéta-t-il avec un sourire. Il leva la tête, prit le pot presque vide et en versa ce qui restait dans sa bouche.
Cependant, Jiang Suizhou se débattit soudainement, déchirant d’autant plus les blessures sur son corps. Il ressentait tellement de douleur qu'il se pencha sur le côté et heurta directement l'accoudoir du trône doré. Son esprit se troubla de souffrance.
Mais l'instant d'après, il reprit soudainement ses esprits. Le trône impérial ! Bien qu'il ne sache pas pourquoi Hou Zhu l'avait attaché ici, il allait sûrement mourir aujourd'hui.
Aussi loin que son regard pouvait voir, ils n'étaient plus que tous les deux dans la salle, donc il devait trouver même une mince chance de survie pour lui-même. Il serra les dents, refoulant le goût de sang qui montait dans sa gorge. Il se redressa et se tourna sur le côté.
Ses mains, attachées derrière lui par des cordes, étaient juste à côté du dragon doré angulaire sur le dos de la chaise. Il serra les dents, frotta la corde sur le dragon doré et la broya durement.
Il se déplaçait furtivement, et Hou Zhu était trop ivre pour remarquer quoi que ce soit pendant un certain temps.
Celui-ci se pencha sur le côté contre le pilier peint en rouge à côté de lui. "Cependant, je te déteste le plus", reprit-il. "Le jour où ta mère concubine mauvaise t'a donné naissance, elle aurait dû penser à aujourd'hui. Quand père te gâtait au-delà des cieux, il aurait aussi dû penser à un jour comme aujourd'hui." À ce sujet, il secoua la tête. "Cependant, toi et moi pouvons mettre nos rancœurs de côté aujourd'hui."
Jiang Suizhou rassembla toute la force qui lui restait dans ses bras. À ce moment-là, il se contenta de serrer les lèvres et n'osa pas parler, craignant de révéler le moindre indice. Mais heureusement, Hou Zhu n'attendait pas sa réponse.
Il étira ses jambes et dit : "Aujourd'hui, si tu meurs ici, ce serait un immense service pour moi. Je promets, après aujourd'hui, je ne te détesterai plus."
Après avoir parlé, il ricana de manière ivre. À ce moment-là, le cri paniqué d'un eunuque résonna à l'extérieur de la salle : "Votre Majesté, c'est prêt. Votre Majesté, veuillez suivre ce serviteur !"
Le Hou Zhu répondit avec impatience. Il se redressa sur le sol et se leva lentement. "Quand tu arriveras aux enfers, ne me déteste pas", fit-il à Jiang Suizhou. "Hais seulement notre Père Impérial. Il t'a trop favorisé et m'a poussé à vouloir te tuer."
Après avoir fini de parler, il trébucha en descendant les marches, et avant de quitter la porte du palais, il se retourna et lui sourit. Le moment d'après, il leva la main et poussa une bougeoir doré qui était allumé à côté de lui.
Les flammes rugirent de vie.
Traducteur: Darkia1030
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