SAYE - Chapitre 95 - Ah, ça fait déjà un an.

 

 

Après cette nuit-là, Jiang Cheng réalisa que soudainement, son cœur était devenu calme comme de l'eau.

Il ne chercha pas à savoir ce qui était arrivé à Li Hui, mais dans un endroit comme les Aciéries, les nouvelles avaient tendance à se répandre efficacement et de manière exhaustive. Que ce soit la boutique de la famille de Gu Fei ou la clinique communautaire à côté, c’étaient tous des centres de transfert d'informations.

Au début, la rumeur disait que le fils aîné Li, ainsi que toute sa famille, avaient été battus à mort. Une autre source démentit plus tard cela en disant que non, leur enfant n'était pas mort. Plus tard encore, quelqu'un corrigea cette affirmation en disant que seul Li Hui était mort.

Les causes de la mort étaient variées et illustres, les deux plus populaires étant qu'il devait de l'argent à des usuriers et qu'il avait été battu à mort par les collecteurs de dettes, ou qu'il avait été assassiné par l'homme avec qui sa femme l'avait trompé.

Cependant, pas même une semaine plus tard, une autre vérité éclata au grand jour : Li Hui n'était pas mort, mais il avait été battu au point d’être dans un état végétatif, et les coupables étaient toujours en liberté.

Jiang Cheng ne connaissait pas l'étendue complète de ces débats, et Gu Fei ne prendrait pas la peine de le lui dire, généralement, il n'entendait qu'un tas de ragots lorsqu'il était à la boutique. De plus, les sources de ces histoires faisaient attention à l'éviter chaque fois qu'elles le voyaient.

Dans l'esprit de Jiang Cheng, peu importait désormais le type de nouvelles. Cette personne qui se trouvait être de la plus grande proximité avec lui par le sang ne croiserait plus son chemin à l'avenir.

Il changea le numéro de téléphone qu'il utilisait depuis des années, et avec ce changement, Li Hui ne fut pas la seule personne à disparaître de sa vie.

*

À mesure que la température baissait jour après jour et que les feuilles des arbres devenaient clairsemées, pendant ces jours où l'air sec et froid démangeait le nez et rendait irrésistiblement soporifique, les élèves de terminale du Si Zhong ressentaient enfin l'atmosphère propre aux préparatifs d'examens.

Les murs des couloirs et des salles de classe étaient couverts de toutes sortes de slogans motivants, écrits en noir sur des fonds rouges, en noir sur des fonds blancs, accompagnés de points d'exclamation géants. Jiang Cheng ne pouvait s'empêcher de réciter mentalement chaque fois qu'il les voyait. En plus de cela, il y avait aussi divers rappels soulignant le fait que le temps était compté.

On n'a plus beaucoup de temps tout le monde ! L'examen d'entrée à l'université est presque là! Ah ! Il est juste là devant nous ! ... Assez effrayant.

Le temps, dans l'ensemble, passait en réalité assez lentement. Ce n'est que lorsqu'on regardait en arrière qu'on se rendait compte avec un sursaut que "ça fait déjà si longtemps".

Jiang Cheng était à moitié affalé sur son bureau, un stylo tournant entre ses doigts, regardant le professeur de mathématiques à travers l'espace à côté de l'oreille de Zhou Jing, qui pour une raison quelconque était assis très droit aujourd'hui.

Pour tout le monde dans la classe, le temps devait passer extrêmement lentement à ce moment-là. Peut-être qu'à la même période l'année prochaine, ils se rendraient compte, en regardant en arrière, que la dernière année du lycée s'était en réalité envolée en un éclair, si rapidement qu'elle n'avait laissé derrière elle que peu de souvenirs.

À ce stade, Jiang Cheng ne ressentait pas que le temps passait lentement. Il avait l'impression que le temps filait trop rapidement, qu'il n'y en avait pas assez.

Pas assez de temps pour mémoriser les textes. Pas assez de temps pour passer en revue les banques de questions. Pas assez de temps pour écouter les cours. Pas assez de temps pour faire une promenade avec son petit ami. Pas assez de temps pour regarder les nouvelles photos que ledit petit ami avait prises. Pas assez de temps pour voir... la nouvelle coiffure de sa belle-sœur.

Lorsqu'il regardera en arrière l'année prochaine, non, peu importe quand, que ce soit l'année prochaine, l'année suivante, ou même cinq ans, voire dix ans plus tard, les souvenirs de cette année seront toujours riches et épanouissants.

"Est-ce que Gu Miao a fait des histoires quand tu as changé ton image de cet avatar de lapin vert en fourrure?" demanda Jiang Cheng entre les cours alors qu'il organisait les notes qu'il avait prises pendant la précédente leçon.

Gu Fei avait changé son avatar du lapin vert pour une photo de Gu Miao. C'était la nouvelle coupe de cheveux de la petite fille. Après que ses cheveux aient assez poussé, Li Yan lui avait fait un carré court, dont le bord inférieur de la frange était à des kilomètres de ses sourcils. Sur la photo, elle avait un sourcil arqué comme si elle était de plutôt bonne humeur, paraissant extrêmement singulière et suffisante.

"C'est bon, c'est elle qui l'a changé pour moi," précisa Gu Fei. "Tu as besoin d'aller aux toilettes?"

"Ah, moi..." Jiang Cheng fit une pause.

"Tu ne sais pas, n'est-ce pas ?" soupira Gu Fei en se levant. "Allons faire pipi."

"J'allais dire que je ne pense pas en avoir besoin," tiqua Jiang Cheng qui se leva pourtant aussi. "Pourquoi ne pas dire tout simplement que tu veux que je t'accompagne aux toilettes."

"Je n'ai pas besoin que tu m'accompagnes," précisa immédiatement Gu Fei. "Vraiment, ce n'est pas nécessaire, tu peux retourner en classe."

Jiang Cheng plissa les yeux.

"Retourne, je t'en prie," insista Gu Fei. "Laisse-moi aller aux toilettes tout seul, permets-moi de marcher courageusement tout seul vers les toilettes."

"Bizarre." Jiang Cheng marcha avec lui dans les escaliers. "J'ai un peu faim, devrions-nous aller plus tard à la buvette pour manger quelque chose ? Zhou Jing a dit qu'ils ont commencé à vendre de l'oden maintenant." (NT : plat d’origine japonaise souvent à base de tofu et boulettes de poisson)

Gu Fei acquiesça. "D'accord."

"C'est l'une des bonnes choses à propos de Si Zhong," souligna Jiang Cheng. "Dans mon ancienne école, la buvette n'était ouverte que pendant la moitié d'un semestre avant d'être fermée. La cafétéria ne vendait pas de nourriture en dehors des heures de repas régulières, alors si tu n'avais pas de nourriture avec toi, tu mourais de faim avant le début du repas."

"Cette petite buvette à Si Zhong rapporte pas mal de revenus chaque mois," ricana Gu Fei en disant. "Beaucoup plus rentable que notre magasin."

"Votre magasin familial manque simplement d'une personne ayant le temps de le gérer, sinon ça ne serait pas comme ça," soupira Jiang Cheng. "Je n'y suis allé la première fois que parce que ça avait l'air plus propre que les autres endroits."

"Si tu n'étais pas venu chez moi ce jour-là, tu serais resté inconscient sur le sol pendant au moins une heure," remarqua Gu Fei.

"Bêtises," répondit simplement Jiang Cheng.

"Vraiment, même quand je voulais t'amener à l'intérieur, Liu Fan et les autres étaient contre," sourit Gu Fei. "Ce n'est pas un endroit paisible, beaucoup de gens ont peur de s'attirer des ennuis."

"Alors pourquoi tu as insisté pour me prendre à l'intérieur ?" demanda Jiang Cheng.

"Tu avais aidé Gu Miao," dit Gu Fei. "En plus, je ne pouvais pas la laisser voir son frère aîné être témoin de la mort de quelqu'un sous ses yeux sans rien faire."

"Je suis juste passé un moment, je n'étais pas en train de mourir !" le corrigea Jiang Cheng.

"Donc principalement, c'étaitt parce que tu es attirant," fit Gu Fei en lui faisant un pouce levé. "Très beau."

Jiang Cheng claqua la langue.

L'oden à la buvette de l'école était plutôt bon, c'était seulement dommage qu'au moment où ils l'ont ramené de la buvette à la salle de classe, il avait pratiquement refroidi.

À ce stade, Jiang Cheng était déjà capable de suivre les coutumes locales, alors il baissa la tête et mangea en écoutant la leçon. Il était même un peu envieux de l'un des élèves de la classe-7 à côté, qui avait apporté un thermos électrique à l'école pour pouvoir cuisiner en classe... Bien sûr, le gars qui avait fait ça avait déjà dû faire une autodénonciation devant toute l'école, apparemment dénoncé par un camarade de classe qui n'avait rien de chaud à manger en classe.

"Jiang Cheng !" cria Lao-Lu du pupitre.

Jiang Cheng venait de piquer la dernière boulette de poisson et s'apprêtait à le porter à sa bouche. À l'impact du rugissement de Lao-Lu, sa main trembla et la boulette tomba par terre avec la brochette.

"Ah..." Il cria doucement de douleur. C'était déjà assez difficile de constater qu'il ne lui restait qu'une seule boulette alors qu'il était loin d'être rassasié, mais il ne pouvait même pas mettre la dernière dans sa bouche.

Il avait presque envie de la ramasser quand personne ne regardait et de la rincer dans le bouillon, puis de la manger.

"Je dis juste ! Je sais que vous êtes tous fatigués d'étudier, alors je ne vais pas vous faire la leçon sur le fait de grignoter pendant la classe !" pointa Lao-Lu vers lui. "Mais tu ne manges pas un peu trop lentement ! Tu pensais que c'était un cours d'appréciation de la cuisine ? J'aurais pensé que tu avais acheté un festin Han-Mandchourien complet à la façon dont tu mangeais ! Viens ici et traduis ce passage !"

Jiang Cheng plaça soigneusement le bol en carton dans le tiroir de son pupitre, il restait un peu de bouillon, il pourrait le boire plus tard pour calmer sa faim.

Il se dirigea vers l'avant de la salle, mais juste au moment où il attrapait une craie, Lao-Lu lui tendait déjà un petit morceau de craie dans sa propre main, "Utilise celle-ci ! Tu n'as pas besoin de dépenser de l'énergie pour en casser une nouvelle ! Je l'ai déjà affûtée pour toi !"

"Oh." Jiang Cheng prit la craie et commença à écrire sans pause au tableau noir.

Généralement, à cette période, aucun autre enseignant n'appelait les élèves pour résoudre une question. Ils devaient s'accrocher à chaque minute précieuse pour marteler les points clés, ou les interroger avec des examens blancs, qui étaient ensuite disséqués en détail, tout en répétant sans cesse les mêmes points clés.

Voici un point important, qu'il y a aussi un point important, ce sont tous des points importants, ceux-ci ont tous été testés les années précédentes ! Après tout un tour de cela, on aurait pu penser qu'il n'y avait pas une chose qui n'était pas importante dans tout le manuel.

Il n'y avait que Lao-Lu, qui persévérait à faire venir quelqu'un à chaque cours. Jiang Cheng pensait que c'était peut-être pour cela que les étudiants étaient relativement plus concentrés dans sa classe, car qui sait quand ils seraient soudainement choisis, et s’ils ne pouvaient pas répondre correctement, ils étaient confrontés à une série de reproches sévères.

"Ton écriture a progressé," dit Lao-Lu en regardant la réponse de Jiang Cheng au tableau noir. "Elle a progressé. Pas mal, pas mal. Si c'était moi qui corrigeais les examens, je ne te retirerais pas de points pour l'esthétique."

"Merci, professeur Lu." dit Jiang Cheng.

C'était vrai que son écriture avait progressé, il le savait lui-même. Chaque jour, quand il mémorisait des passages, il griffonnait des points clés sur une feuille de papier brouillon pour augmenter sa rétention, et aussi pour entraîner son écriture.

Comme l'avait dit Gu Fei, c'était enfin lisible.

"Da-Fei !" Lorsque la classe se termina pour la matinée, Wang Xu se fraya un chemin jusqu'à Zhou Jing et s'assit sur leur bureau. "Jiang Cheng !"

"Hm?" Jiang Cheng répondit la tête baissée, il était en train de finir une série de questions qu'il n'avait pas eu le temps de terminer lors de la dernière période.

"Vous n'êtes pas occupés plus tard, n'est-ce pas ?" dit Wang Xu. "Allons manger une tourte à la viande, mon père a fait une nouvelle garniture, venez la goûter ?"

"Quelle nouvelle garniture ?" demanda Gu Fei.

"Du maïs !" dit Wang Xu. "Honnêtement, ce n'est pas si unique, mais c'est vraiment bon. Vraiment, venez manger ?"

Gu Fei jeta un coup d'œil à Jiang Cheng.

"Ah, j'en ai marre de vous les gars." Wang Xu agita la main. "Je n'aurais jamais dû vous demander en premier... Jiang Cheng ?"

"D'accord." Jiang Cheng sourit et hocha la tête.

Tôt ou tard, Wang Xu et Zhou Jing devraient être emmenés quelque part. On pouvait garder Wang Xu un peu plus longtemps, après tout, il était le fournisseur de délicieuses tourtes à la viande.

"Devrions-nous appeler Er-Miao aussi ?" dit Wang Xu.

"Non," dit Gu Fei. "Ma mère lui fait des raviolis aujourd'hui."

"D'accord alors," Wang Xu se leva. "Allons-y, allons-y, allons-y."

L'emploi du temps de Jiang Cheng était serré de jour en jour. Après l'école, il rentrait généralement directement chez lui et ne passait même que rarement par le magasin. Comme il n'était pas efficace lorsqu'il attendait sur le côté pour la nourriture, il était facile de se laisser distraire, alors Gu Fei le renvoyait directement à l'appartement après l'école, où il apporterait la nourriture une fois qu'elle serait prête.

Et après avoir mangé, c'était à peu près tout pour la journée, il n'y avait rien d'autre à faire pour la nuit à part réviser, mémoriser et passer en revue les banques de questions.

Bien sûr, il avait toujours du temps pour des activités de loisirs détendues. L'exercice sur le lit pouvait être physiquement exigeant, mais c'était très stimulant mentalement...

Aller chez Wang Xu pour manger des tourtes à la viande aujourd'hui était probablement la première sortie de groupe "amusante" depuis quelques mois.

"Je pensais que Yi Jing était assez performante", se lamenta Wang Xu en pédalant sur son vélo. "Mais après avoir vu Jiang Cheng, j'ai enfin réalisé que j'étais trop à courte vue."

"Yi Jing ne travaille-t-elle pas assez dur ?" dit Gu Fei.

"Ce n'est pas la même chose", Wang Xu jeta un coup d'œil à Jiang Cheng. "J'ai remarqué récemment que Jiang Cheng a perdu plus de poids que Yi Jing."

"… Tais-toi", dit Jiang Cheng. Il vaudrait mieux arrêter de dire qu'il avait perdu du poids. Que ce soit les ingrédients ou la quantité, les repas que Gu Fei préparait chaque jour se dirigeaient certainement vers l'élevage de porcs de haute qualité. Rien qu'en disant que Jiang Cheng avait perdu du poids, Gu Fei le verrait probablement ouvrir grand la bouche et commencer à lui enfourner de la nourriture à travers une sonde d'alimentation.

"Hé," Wang Xu roula à côté de Jiang Cheng. "Élève d'honneur Jiang, as-tu décidé dans quelle école tu veux postuler ? As-tu choisi une filière ?"

"Non", dit Jiang Cheng.

"Quoi ?" Wang Xu était déconcerté. "Les gens ne disent-ils pas que vous, les surdoués, avez tous vos yeux rivés sur telle ou telle université depuis que vous étiez petits, et qu'une fois que vous y entrez enfin, c'est une histoire super inspirante ? Comment peux-tu encore ne pas savoir à ce stade ?"

"Je…," Jiang Cheng se tourna vers lui. "Je peux aller où je veux. Je n'ai pas eu besoin de me fixer quelque chose depuis que j‘étais jeune."

"… Bon sang." Wang Xu le regarda fixement. "Je déteste les surdoués et leurs exhibitions inutiles !"

"Je ne fais pas d'exhibitions inutiles", sourit Jiang Cheng. "Je me vante simplement."

"Meurs de colère avec ça." dit Gu Fei à côté d'eux.

"Qu'est-ce que c'est que ça !" s'écria Wang Xu. "Vous deux, pouvez-vous ajuster vos attitudes, vous allez chez moi pour manger ! Pouvez-vous s'il vous plaît traiter le pourvoyeur de repas avec un peu de douceur ?"

Le père de Wang Xu, Wang Er... ou peut-être que ce n'était pas Wang Er, bien que Jiang Cheng n'ait jamais demandé quel était son vrai nom. Quoi qu'il en soit, les tourtes à la viande de papa Wang étaient vraiment les meilleures qu'il ait jamais mangées. Même celles avec une garniture au maïs et seulement quelques morceaux de viande étaient étonnamment délicieuses.

Bien sûr, après avoir fini un tas de tourtes à la garniture de maïs, il les a complétées avec trois autres qui avaient une garniture de poitrine de porc.

"Oh là là," la mère de Wang Xu jeta un coup d'œil aux paniers vides sur la table quand elle entra pour leur apporter des collations. "Comment avez-vous mangé si vite ?"

"Il essaie de s'engraisser pour l'hiver." Wang Xu désigna Jiang Cheng. "Les surdoués ne sont pas comme nous, c'est ainsi que mangent les surdoués, et il maigrit encore chaque jour."

"Tu as le culot de dire ça," la mère de Wang Xu tapa à l'arrière de la tête de Wang Xu. "Tout ce que tu as mangé est resté collé à ton corps, rien n'est allé dans ton cerveau !"

"Eh bien !" Wang Xu regarda sa mère avec embarras. "Ne fais pas ça devant mes camarades de classe."

"Faire quoi ! Et alors !" Elle lui donna quelques claques de plus sur la tête.

"Cela le rendra bête," dit Gu Fei.

"Oh là là, eh bien il est trop tard pour ça, je le frappe comme ça depuis qu'il est petit, il est peut-être déjà bête." Elle posa les deux assiettes de viande séchée sur la table. "Essaie ça, c'est délicieux, épicé, et pas dur."

Jiang Cheng prit une bande et la fourra dans sa bouche.

"On dirait que Jiang Cheng aime beaucoup nos tourtes à la viande, hein ?" sourit la mère de Wang Xu.

"Oui," Jiang Cheng hocha la tête. "C'est incroyable."

"Nous aurons de nouvelles versions pour le Nouvel An", dit-elle. "Si vous trouvez que la nourriture à la maison devient trop lourde pendant les fêtes, n'hésitez pas à venir manger des tourtes à la viande !"

 Jiang Cheng dut réfléchir un moment, puis hocha la tête, "D'accord."

"Tu parles trop," Wang Xu donna une poussée à sa mère. "Retourne travailler, laisse-nous parler entre nous."

Après que la mère de Wang Xu soit sortie, il alla fermer la porte de la salle à manger, "Désolé pour ça Jiang Cheng, ma mère ne savait pas..."

"C'est bien," Jiang Cheng sourit. "Vraiment."

C'était presque le Nouvel An. Si la mère de Wang Xu n'en avait pas parlé, il n'aurait jamais remarqué que la fin de l'année approchait. Il savait seulement que les vacances d'hiver approchaient, et qu'il devait les passer en cours particuliers, et que tout le monde en classe exprimait le refus d'accepter cette réalité brutale.

Et pourtant, Jiang Cheng n'avait jamais fait le lien entre les vacances d'hiver et le Nouvel An. Peut-être n'osait-il jamais y penser.

Avoir un cœur aussi calme que l'eau ne signifiait pas qu'il resterait calme même pendant les vacances. Après tout, c'était la période de l'année où les familles se réunissaient, pleines de rires et de joie.

L'insistance des Chinois à célébrer le Nouvel An et leur chagrin tenace de ne pas pouvoir rentrer chez eux pour le Nouvel An étaient quelque chose de profondément ancré dans leurs os. Que l'on s'en soucie ou non, pendant cette période, il était inévitable que l'humeur change avec l'environnement qui devenait de plus en plus rouge. Les enfants qui portaient des manteaux en laine rouge, courant avec des pétards dans les mains ; les piétons dans la rue se dépêchant de rentrer chez eux ; les gens se pressant dans les marchés, s'efforçant de faire leurs achats de vacances ; toutes sortes de reportages sur les 'transports du printemps' à la télévision ; les quelques chansons de vacances qui résonnaient dans les rues et les ruelles qui ne semblaient jamais changer...

Tout cela se réunissait dans une symphonie qui criait : c'est le temps du Nouvel An ! Et c'était seulement alors que Jiang Cheng réalisa enfin, ah, c'est le temps du Nouvel An.

Il n'avait aucun souvenir particulier des Nouvel An passés, qui étaient principalement passés à manger, boire, visiter des parents, ainsi qu'à sortir tous les jours avec des amis.

Il se souvenait seulement qu'il ne semblait jamais y avoir assez de temps pour jouer à sa guise avant que l'école ne reprenne, et pourquoi l'été ne pouvait-il pas prêter quelques-uns de ses jours aux vacances d'hiver.

Mais maintenant, il se sentait un peu perdu. C'était le Nouvel An. Comment le célébrer ? Où devrait-il aller ? ... Devrait-il le célébrer ?

"D'habitude, nous passons le Nouvel An au magasin", dit Gu Fei quand ils eurent fini les tourtes à la viande et étaient en chemin du retour. "Er-Miao aime le célébrer au magasin, c'est plus pratique pour elle de courir dedans et dehors avec les pétards."

"Elle n'a pas peur du bruit ?" demanda Jiang Cheng.

"Non, elle adore ça. Chaque fois qu'une maison fait exploser des pétards, elle fonce dessus avec son skateboard." Gu Fei sourit. "L'année dernière, une mèche de ses cheveux a même été brûlée."

Jiang Cheng éclata de rire.

 

"Viens le passer avec moi cette année", proposa Gu Fei. "Tu peux passer une fois que le dîner est prêt, et nous ferons exploser des pétards ensemble, puis tu pourras retourner étudier après."

Jiang Cheng acquiesça. "Mhm."

"Et si tu trouves que ce n'est pas assez animé, on peut inviter Li Yan, Liu Fan, et les autres aussi", dit Gu Fei. "Ces gars-là ne peuvent pas rester tranquilles chez eux après le dîner de toute façon."

"Aimes-tu que ce soit plus animé ?" demanda Jiang Cheng.

"Ça m'est égal", dit Gu Fei. "Dans le passé, pour le Nouvel An, c'était juste Er-Miao et moi. Ma mère partait généralement dès que nous avions fini de manger."

"Oh." Jiang Cheng y réfléchit. "Alors appelle-les aussi, si nous venons ensemble et faisons du bruit, Er-Miao aimera probablement ça ?"

"Alors je vais le préciser d'abord", Gu Fei le regarda avec un sourire. "S'ils viennent, tu devras retourner étudier cette nuit-là tout seul, je serai certainement entraîné pour jouer toute la nuit."

"Aucun problème." Jiang Cheng dirigea son vélo plus près de Gu Fei et lui tapota l'épaule. Gu Fei n’était presque pas sorti avec Li Yan et les autres ce semestre, car il passait tout son temps à tourner autour de Jiang Cheng toute la journée. Jiang Cheng avait l'impression que si un jour Pan Zhi trouvait une petite amie et disparaissait soudainement de sa vue, il serait certainement contrarié.

Quant au Nouvel An, Jiang Cheng y a seulement pensé pendant une nuit, après quoi il est retourné à la routine habituelle d'études.

*

Sans qu’il ne s’en rende compte, le début des cours de révision de vacances d'hiver arriva et se connecta sans heurts avec la fin du semestre.

Il était impressionné par le bon étudiant studieux qu'il avait été. Gu Fei passait quatre ou cinq jours par semaine à son appartement.

Habituellement, il allait dormir en premier après avoir accompagné Jiang Cheng dans ses lectures et son en-cas nocturne. Cependant, ces deux derniers jours, il resta assis à la tête du lit, jouant avec son téléphone. "Tu joues à ce jeu idiot ?" demanda Jiang Cheng.

"Nan, qui a le temps pour ça, Li Yan a déjà plus de vingt niveaux d'avance sur moi maintenant, il me nargue tous les jours, m'envoie des captures d'écran tout le temps." dit Gu Fei.

"Oh, on dirait que tu es assez occupé?" Jiang Cheng lui lança un regard.

"Ouais," Gu Fei hocha sérieusement la tête. "Je dois tenir compagnie à mon petit ami tous les jours pendant qu'il étudie. J'ai grimpé de plus de 50 places aux examens finaux cette fois, Lao-Xu m'a même pris à part l'autre jour avec des larmes dans les yeux."

"Tu peux en fait..." Jiang Cheng baissa la tête et continua à faire des exercices sans finir sa phrase. Tu peux en fait obtenir de très bonnes notes si tu fais un peu d'effort. Mais s'il disait cela à voix haute, Gu Fei pourrait y penser trop.

Il avala de force ses paroles. "Tu peux en fait dormir en premier, pas besoin d'attendre après moi".

"Je n'attendais pas après toi", Gu Fei lui tendit le téléphone devant le visage. "Je cherchais des recettes."

"Pour le dîner de la Saint-Sylvestre ?" Jiang Cheng le regarda.

"Mhm." Gu Fei continuait de regarder son téléphone. "Dans le passé, pendant le Nouvel An, ma mère concoctait simplement un pot avec ce que nous avions, puis elle enveloppait quelques dumplings et appelait ça une journée. Parfois, quand on était paresseux, on prenait simplement quelques dumplings congelés du magasin. Cette année, faisons-le de manière plus formelle, puisque c'est le premier Nouvel An que nous passons ensemble."

Jiang Cheng sourit, "Tu seras en charge de la cuisine ?"

"Tu n'as pas confiance en moi ?" demanda Gu Fei.

"Ah," Jiang Cheng jeta un coup d'œil au bol vide de l'en-cas de minuit qui était toujours sur le bureau. Ce soir, ils avaient eu des boulettes de viande aux quatre délices, chacune de la taille d'un poing.

"C'est bien, seulement... peux-tu regarder aussi quelques recettes végétariennes ?"

"À quoi servent les plats végétariens, je pensais que tu aimais manger de la viande ?" dit Gu Fei.

 "Camarade Xiao-Gu," soupira Jiang Cheng. "J'ai récemment appris à apprécier un peu plus les légumes, des feuilles vertes, c'est aussi bien s'ils ne sont pas verts, les choux ça va aussi."

"D'accord," dit Gu Fei. "Je braiserai quelques choux pour l'en-cas de minuit de demain."

"...Ça ne me dérangerait pas si tu y ajoutes de la viande aussi." Jiang Cheng soupira.

"N'as-tu pas dit que tu voulais manger des légumes ?" dit Gu Fei.

"Tu proposes uniquement des options tout viande ou tout végétarien ?" remarqua Jiang Cheng exaspéré. "D'accord, je veux manger des plats mixtes viande-légume !"

"C'est ce qu'on appelle un accouplement omnivore." corrigea Gu Fei.

Jiang Cheng le pointa du doigt et ne réussit pas à dire un mot, alors il baissa la tête et continua à étudier.

La préparation pour les examens de fin de semestre a duré jusqu'au 28 du dernier mois, ne laissant à tout le monde qu'un jour de congé. Selon Lao-Xu, c'était pour leur donner le temps de rentrer chez eux, de ranger leur chambre et de faire des courses pour les festivités avec leurs parents.

Gu Fei réveilla Jiang Cheng tôt le matin.

"Où allons-nous ?" demanda Jiang Cheng d'un air endormi.

"Faire des courses." Gu Fei jeta les couvertures du lit en mettant ses propres vêtements.

"Quoi," Jiang Cheng se remit les couvertures par-dessus lui. "Tu courais au supermarché à chaque minute libre que tu avais ces derniers jours, j'avais peur que tu vides le magasin. Il te manque encore des choses ?"

"C'est différent," sourit Gu Fei en se penchant sur la tête du lit. "Tu ne veux pas vivre l'expérience joyeuse d'aller faire des courses pour le Nouvel An avec ton petit ami ?"

"...Fou." Jiang Cheng se mit à rire. "D'accord, je suis levé."

Deux jours avant le jour de l'An, l'esprit festif flottait dans l'air. Alors que Jiang Cheng se lavait, il pouvait entendre des bruits de discussions et de rires à l'extérieur ainsi que... des bruits de disputes, plus forts que d'habitude, et plus animés aussi.

Il s'approcha de la fenêtre et regarda en bas tout en se brossant les dents.

Il y avait plusieurs bonshommes de neige extrêmement laids sur le sol dehors, avec des seaux rouillés sur la tête ; une bande de petits garnements courait sauvagement, un enfant hurlait en proférant des insultes à une personne inconnue ; pendant ce temps, deux personnes se tenaient sur le côté de la route, criant l'une contre l'autre avec les mains sur les hanches, un grand-père et une grand-mère.

Ah, ça fait déjà un an.

Jiang Cheng ressentit soudainement un peu de sentimentalité. En regardant les scènes chaotiques se déroulant en bas, pour la première fois, il ne ressentit pas d'agacement face au désordre.

C'était aussi la première fois que les vacances semblaient vraiment différentes de la normale. À sa grande surprise, il avait vraiment hâte de l’activité fatigante de se bousculer au supermarché, de se battre avec les gens pour des articles, puis de rester debout avec d'autres dans la file d'attente pour le paiement.

 

Traducteur: Darkia1030