ISMM - Chapitre 20 - Ça dure depuis combien de temps ?

 

315.
Quelle inquiétude, vraiment quelle inquiétude.

Je regardai Gu Yiliang, la tête baissée et absorbé par son repas, et je sentais presque mes cheveux devenir blancs d'anxiété.

 

316.
Bien que grignoter du sucre (NT : savourer les interactions mignonnes ou ambiguës) en secret soit effectivement très excitant, cette idole était vraiment source de soucis.

Alors, était-il hétéro ou pas ?

S'il l'était, il faisait pourtant tant de gestes et disait tant de paroles qui étaient indéniablement séduisants. Ce n'était certainement pas parce que j'étais facile à séduire, non ?

Mais s'il ne l'était pas... alors pourquoi semblait-il si naturel et si à l'aise dans ses actions, sans jamais laisser entendre quoi que ce soit d'ambigu ?

Si vraiment il était hétéro, je pourrais grignoter du sucre sans me sentir coupable. Mais s'il ne l'était pas...

Cela ne changerait rien au fait que je continue à grignoter du sucre.

 

317.
Mais pour moi, ça changerait tout !

Si jamais il n'était pas hétéro, non seulement je grignoterais du sucre en cachette, mais en plus, je jouerais ouvertement la carte du fanservice avec lui selon les exigences de l'entreprise. Cela ferait de moi un salaud qui joue avec ses sentiments, non ?!

Non, ce serait inacceptable, impardonnable.

Je mâchai mes pousses de soja en soupirant, maudissant intérieurement les scientifiques de ne pas avoir encore inventé une sorte de « papier-test d'hétérosexualité ». Comme les bandelettes de test de pH, il suffirait de le coller sur sa tête, et selon la couleur, on pourrait savoir s'il était hétéro ou pas.

On parle toujours du « chat de Schrödinger », mais Gu Yiliang, c'était carrément « l'hétéro de Schrödinger » !

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Rassasié, je poussai mon assiette de nouilles sautées et mâchouillai la paille de ma boisson au soja, toujours plongé dans mes pensées.

Gu Yiliang me regarda arrêter de manger et fronça légèrement les sourcils : « Tu n'as plus faim ? »

J'hésitai un instant, puis confirmai d'un signe de tête.

La dernière fois qu'on avait mangé ensemble, c'était déjà pareil. J'ai ce vilain défaut d'avoir les yeux plus gros que le ventre. Je commande toujours un tas de plats parce que je veux tout goûter, mais au final, je n'arrive jamais à tout finir. Ça me met mal à l'aise, mais je n'arrive pas à changer cette habitude.

Il me regarda avec un air d'impuissance, puis, sans un mot, il rapprocha mon assiette de nouilles sautées à moitié pleine et, sous mon regard stupéfait, il finit le tout en trois bouchées avant de s'essuyer la bouche avec une serviette : « La prochaine fois, ne gaspille pas. »

Je restai muet : « ... »

Je balbutiai : « Mais... j'avais juste envie de goûter. »

Il réfléchit un instant : « Alors à partir de maintenant, emmène-moi toujours avec toi quand tu manges. Comme ça, je pourrai finir ce que tu ne manges pas. »

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Oh là là, c'était tellement mignon !

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D'un coup, toutes mes inquiétudes sur l’« hétéro de Schrödinger » s'évaporèrent. Les larmes aux yeux, j'hochai vigoureusement la tête.

Amusé, il me jeta un regard : « Tu es vraiment heureux juste parce que je t'ai laissé m'inviter à manger ? Si je te vendais, tu m'aiderais même à compter l'argent, pas vrai ? »

J'avais failli tomber dans son piège de séduction ! Revenant à moi, je secouai la tête fermement :
« Impossible. »

Intrigué, il demanda : « Ah bon ? Pourquoi donc ? »

Ah, donc tu es le seul à pouvoir jouer à ce jeu de la séduction ?

Ne voulant pas être en reste, je pris un air espiègle et répliquai avec un sourire charmeur : « Parce que tu ne pourrais jamais te résoudre à me vendre. »

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Il resta silencieux : « ... »

Je clignai des yeux : « ... ? »

Puis, il éclata de rire.

Mon numéro de charme avait échoué. Je laissai tomber l'air séducteur que j'avais essayé d'adopter et, vexé, je lui donnai un petit coup.

Il bloqua mon attaque et plaisanta : « Hors caméra, tu as la langue bien pendue, hein ? »

Furieux, je répliquai : « Et toi alors ? Tu n'es pas mieux hors caméra ! »

Il sembla perplexe : « Moi ? Qu'est-ce que j'ai fait ? »

Tu plaisantes ?! Le moindre de tes gestes ou paroles hors caméra suffit à enflammer tout le fandom, à rendre les fans hystériques comme si c'était le Nouvel An !

Je fus submergé par mille pensées et restai silencieux pendant un long moment, mais l'envie de savourer un peu plus de « sucre » l'emporta. Alors, je lui tapotai l'épaule en souriant : « Rien du tout, jeune homme, reste comme tu es, c'est parfait. »

322.
Il semblait ne pas comprendre un mot de mes divagations. Il haussa les épaules ; il s'apprêtait à parler quand mon téléphone posé sur la table sonna. C'était un appel de Lao Huang,le voisin.

Pas moyen de ne pas répondre. Je pris le téléphone et lui fis un geste pour m'excuser. Quand il hocha la tête, je m'éloignai de quelques pas avant de décrocher : « Patron Huang ! »

323.
« Oui, oui, l'argent me suffit largement, je gagne bien ma vie. »
« Non, pas fatigué du tout. C'est juste un tournage, rien de difficile. Tu devrais plutôt prendre soin de toi, et arrêtez de fumer, d'accord ? »
« Non, pas besoin, je n'ai même pas fini ce tournage. »
« Oui, oui, je passerai te voir dès que j'aurai un moment. Sinon, viens me voir sur le plateau ? »
« Oui, promis. Si jamais je manque d'argent, je te le dirai. »

324.
« Tu t'es fait de nouveaux amis ? »

Je regardai spontanément en direction de Gu Yiliang. La lumière tamisée de l'échoppe rendait son visage difficile à lire.

« Oui, j'en ai rencontré un, il est super sympa. Tu sais quoi ?... »

En murmurant, un sourire aux lèvres, je me mis à décrire en long et en large à quel point Gu Yiliang était formidable, tout en me dirigeant vers le comptoir pour régler l'addition.

325.
Quand je revins après avoir réglé l'addition et raccroché le téléphone, le monde semblait avoir changé.

J'essayai de parler à Gu Yiliang, mais il ne répondait que par un simple « Hmm ».

Je le regardai dans les yeux, et il détourna le regard.

Je marchai à côté de lui, et il avança bien droit, les yeux baissés, évitant tout contact visuel.

Je lui donnai un petit coup de coude, et même s'il ne disait rien, je pouvais clairement voir qu'il n'était pas content.

 

326.
Qu'est-ce qui se passait, là ? On n'avait même pas encore commencé une histoire qu'il se préparait déjà à rompre ?

Il venait à peine de dire avec aplomb qu'il mangerait avec moi à chaque repas, et maintenant il me faisait la tête ?

Quel salaud, un vrai briseur de cœur !

 

327.
Je le vis sortir un paquet de cigarettes, mais avant même que j'aie le temps de dire quoi que ce soit, il le rangea à nouveau.

Je comprenais encore moins. Le temps d'un appel téléphonique, et quelqu'un l'avait possédé ou quoi?

 

328.
Je tournai autour de lui en répétant comme un mantra : « Gu Yiliang, Gu Yiliang, Gu Yiliang, Gu Yiliang... »

Un livreur en tricycle passa tout près, et Gu Yiliang m'attrapa d'un geste sec, légèrement irrité :
« Fais attention à la route ! »

Pris de court, je perdis l'équilibre et tombai droit dans ses bras.

Il me tint fermement un long moment avant de finalement me pousser du côté intérieur du trottoir, prenant lui-même la place près de la route.

 

329.
Ah, cette force protectrice si familière ! C'était bien le Gu Yiliang que je connaissais ! Mon incantation avait fonctionné !

Je lui donnai un petit coup de coude : « Hé, pourquoi tu m'ignores tout à coup ? »

Après un long silence, il répondit à côté de la plaque : « Tout à l'heure, on répétera notre scène ensemble. »

Moi : « Hein ? »

Lui : « Histoire d'améliorer ton jeu d'acteur. »

Moi : « Hein ? »

Lui : « Pour devenir un acteur reconnu. »

Moi : « Hein ? »

Lui : « Comme ça, tu pourras obtenir plus de rôles. »

Moi : « Hein ? »

Lui : « Et avoir un avenir brillant. »

Moi : « Moi ? »

Son regard devint complexe : « Je suis sérieux. Arrête de te contenter de jouer les faire-valoir. »

Moi : « … »

 

330.
Je repassai notre conversation dans ma tête, essayant de déduire ce qu'il voulait dire.

Il avait probablement réfléchi pendant que j'étais au téléphone, et en repensant à mon niveau de jeu, il avait dû trouver que je n'étais pas tout à fait à sa hauteur. Ça l'avait agacé, mais il ne voulait pas m'abandonner pour autant. Du coup, il voulait m'aider à m'améliorer pour que je puisse devenir un partenaire à sa hauteur, formant ainsi un CP parfaitement assorti pour les fans.

Ah, Gu Yiliang était vraiment adorable.

Cette réflexion me toucha tellement que j'agrippai sa main en la secouant : « Tu es vraiment trop gentil. »

Il ne retira pas sa main, me regardant avec un point d'interrogation sur le visage.

Envahi par un élan de gratitude, je serrai encore plus sa main : « Tu ne me juges même pas. »

Son regard devint encore plus complexe.

 

331.
Je fredonnai un air joyeux tandis qu'il marchait en silence. On fit ainsi un bon bout de chemin.

Il avait l'air soucieux, tournant la tête vers moi tous les deux pas comme s'il voulait dire quelque chose mais n'osait pas.

Je remarquai son hésitation et demandai : « Qu'est-ce qu'il y a ? »

Après une hésitation, il finit par ouvrir la bouche : « Ça... ça dure depuis combien de temps ? »

Ah, il parlait de mon jeu d'acteur médiocre ? « Depuis le début de ma carrière. »

Il s'arrêta net et demanda : « Ça ne te fait pas peur que les gens parlent sur toi ? »

Vu toutes les critiques que j'avais déjà reçues, j'étais blindé : « Qu'ils disent ce qu'ils veulent. J'y suis habitué. »

Il resta silencieux un long moment avant de demander : « ... Beaucoup de gens sont au courant ? »

Cette question était vraiment bizarre. « Bah oui, c'est flagrant, tu t'en es bien rendu compte, non ? »

Lui : « … »

332.
L'atmosphère devint étrangement tendue. Je le regardai, perplexe : « Quoi, qu'est-ce qui se passe ? »

Il plongea son regard dans le mien, l'air grave et hésitant : « Tu... tu ne pourrais pas arrêter ? »

Wow, il fallait vraiment être aussi dramatique pour si peu ? Mon jeu d'acteur était-il vraiment aussi mauvais ?

Je penchai la tête en réfléchissant. J'avais quand même un peu confiance en moi, alors je souris en lui pinçant la joue : « Bien sûr que si, maintenant que je t'ai, plus de souci. »

Il s'arrêta net.

 

333.
Je regardai, perdu, Gu Yiliang fumer sa troisième cigarette dans le petit jardin de l'hôtel.

Ce n'était pas juste pour m'aider à mieux jouer ? C'était lui-même qui avait proposé de répéter ensemble. Pourquoi il réagissait comme s'il portait le poids du monde ? C'était ça, la dévotion à l'art ?

Quand il voulut allumer une quatrième cigarette, je posai ma main sur la sienne pour l'arrêter :
« Arrête, arrête. Si tu n'as pas envie, on laisse tomber, ok ? Ne te force pas. »

Je souris et poursuivis: « Moi, comme ça, ça me va très bien. J'ai des rôles à jouer, de l'argent qui rentre, tout roule pour moi. »

Il resta silencieux un long moment, puis, comme s'il prenait une décision irrévocable, il saisit mon poignet et déclara avec gravité : « Très bien. Alors faisons comme ça. Sans se forcer. »

Moi : « Hein ? »

 

Traduction: Darkia1030