« Ose le répéter ! » Xiao Lian fixait Xiao Xin avec colère, mais à cause de son apparence douce, il n’avait rien d’effrayant.
Xiao Xin tapota le visage de Xiao Lian avec mépris et dit d’un ton exagéré : « Je peux le répéter autant de fois que tu veux. Ta mère était une prostituée sans vergogne du Pavillon Qingfeng, elle a séduit mon père pour monter dans son lit. Sinon, comment expliquer ta naissance ? »
Les yeux de Xiao Lian rougirent de colère : « Le Pavillon Qingfeng est une maison de musique, pas l’endroit que tu décris. Surveille ton langage, ma mère est tout de même ton aînée. »
Xiao Xin ricana : « Appelle ça une maison de musique si tu veux, mais en réalité, c’est un endroit où les riches viennent s’amuser. Ta mère, mon aînée ? Réveille-toi ! Ma mère est l’épouse légitime, mariée officiellement, et je suis le fils légitime. Ta mère, elle, a été amenée par la porte latérale en tant que concubine. Mon statut est bien supérieur au sien, elle devrait même me saluer. »
Xiao Lian tremblait de rage, les poings serrés, fixant Xiao Xin. Il gronda entre ses dents : « Arrête de parler de ma mère ! »
Xiao Xin éclata de rire en voyant l’expression de Xiao Lian : « Quoi ? Tu veux me frapper ? Tu as toujours été comme ça, aurais-tu seulement le courage ? As-tu déjà osé lever la main sur moi ? Même quand je te frappe, tu ne ripostes jamais. Tu oserais me toucher ? »
Après ces mots, Xiao Xin se mit à rire aux éclats, ouvrit son éventail et se mit à l’agiter, ressemblant à un jeune maître insouciant et infatué de lui-même.
Xiao Lian leva brusquement le pied et donna un coup violent dans le ventre de Xiao Xin. Ce dernier, ne s’y attendant pas, fut projeté à terre, son éventail lui échappant des mains. Les larmes lui montèrent presque aux yeux, et il hurla : « Qu’est-ce que vous attendez ? Attrapez-le et frappez-le !»
Xiao Lian, après avoir donné son coup, tourna les talons et s’enfuit. Arrivé à un coin de rue, il tourna brusquement et se heurta à Yan Xixia. La force de l’impact fit même reculer Yan Xixia d’un pas. Ce dernier tendit la main pour stabiliser Xiao Lian, et leurs regards se croisèrent.
À côté de Yan Xixia se tenaient le père de Xiao Lian, Xiao Nuofu, ainsi que Madame Xiao. Avant que Xiao Nuofu ne puisse réprimander son fils, Madame Xiao cria d’une voix aiguë : « Pourquoi cours-tu comme un sauvage ? Tu n’as aucune éducation ! »
Xiao Lian baissa les yeux, prêt à s’excuser, quand la voix hurlante de Xiao Xin retentit : « Quand je t’attraperai, je te casserai les jambes ! »
En entendant cela, Xiao Lian se cacha immédiatement derrière Yan Xixia, agrippant légèrement le pan de sa robe comme une bouée de sauvetage.
Xiao Xin, arrivé au coin de la rue, vit ses parents et, sans se soucier de la présence d’étrangers, se précipita pour se plaindre : « Père, mère ! Xiao Lian devient de plus en plus audacieux ! Il m’a donné un coup de pied violent tout à l’heure. Vous devez le punir ! J’ai encore mal en marchant, je ne sais pas s’il a touché mon coccyx. Il faut appeler un médecin. »
Madame Xiao attira Xiao Xin près d’elle : « Oh, mon trésor, où as-tu mal ? Montre-moi vite. »
Xiao Xin se frotta le ventre : « Mère, il m’a frappé ici. »
Xiao Nuofu toussota pour rappeler à Xiao Xin et à Madame Xiao la présence d’invités : « Madame, nous avons de la compagnie. »
Madame Xiao détourna alors son attention de Xiao Xin : « Neveu Yan, excusez ce spectacle. Nous, les mères, ne supportons pas de voir nos enfants souffrir. Dès qu’ils sont blessés, nous perdons tous nos moyens. » Elle lança un regard noir à Xiao Lian.
(NT : Mme Xiao appelle Yan Xixia ‘neveu’ mais ils ne sont pas apparentés. Cela traduit que les deux familles sont proches)
Yan Xixia sourit : « Je comprends parfaitement, tante. »
Xiao Xin, ayant repris son calme, demanda : « Pour quelle raison Maître Yan est-il venu aujourd’hui? »
Xiao Nuofu répondit : « Notre neveu est venu discuter du mariage. »
Xiao Lian fut stupéfait, et sa main qui tenait le pan de la robe de Yan Xixia se relâcha.
La famille Xiao était dans le commerce, tandis que la famille Yan était dans les lettres. Le grand-père de Xiao avait rendu service aux parents de Yan Xixia, et ces derniers avaient promis un mariage arrangé entre les deux familles. Cependant, la famille Xiao n’avait pas eu de fille, mais comme la dynastie Huading autorisait les mariages entre hommes, ils avaient décidé de fiancer Yan Xixia à Xiao Xin, qui avait à peu près le même âge. En réalité, les deux ne s’étaient que rarement rencontrés.
Cependant, Xiao Xin était très satisfait de Yan Xixia : il était beau, cultivé, et surtout, il avait le potentiel de devenir le premier à l’examen impérial. Pour une famille de marchands, s’allier à une telle famille était une bénédiction : « Alors, où en sont les discussions ? »
Xiao Nuofu caressa sa barbe et répondit en riant : « Dès que notre neveu reviendra de l’examen provincial et obtiendra le titre de Jieyuan (NT : premier de l’examen provincial), ce sera le jour de votre mariage. »
Xiao Xin s’inquiéta : « Et s’il ne réussit pas cette fois-ci, le mariage ne pourra pas avoir lieu ? »
Xiao Nuofu rit bruyamment : « Tu doutes des capacités de notre neveu ? Même s’il participe à l’examen national, il obtiendra la première place. Et lors de l’examen impérial, il pourrait même devenir le Zhuangyuan (NT : premier à l’examen impérial). »
Madame Xiao ajouta : « Mon trésor, ton bonheur est encore à venir. »
Yan Xixia s’inclina respectueusement : « Mon oncle me flatte trop. »
Xiao Lian, toujours derrière Yan Xixia, serra fortement sa main droite avec sa gauche, comme pour se donner du courage.
Xiao Xin, rougissant, s’approcha de Madame Xiao. En voyant Xiao Lian derrière Yan Xixia, il se souvint de demander à ses parents de le venger : « Mère, il a osé me frapper ! Vous devez le punir sévèrement ! »
Madame Xiao tapota la main de Xiao Xin et murmura : « Nous en reparlerons plus tard. Mère s’occupera de lui. »
Yan Xixia tourna légèrement la tête pour regarder Xiao Lian derrière lui. Se souvenant d’une fois où il avait vu Xiao Xin maltraiter Xiao Lian, et ayant vu Xiao Xin courir à toute vitesse tout à l’heure, il supposa que Xiao Xin n’était pas vraiment blessé. Il demanda alors : « Permettez-moi de m’immiscer, mais pour quelle raison vous a-t-il frappé ? »
Xiao Nuofu appuya : « Xiao Xin, y a-t-il eu un malentendu entre vous ? Vous êtes tous deux jeunes, les disputes sont inévitables. »
Madame Xiao fronça les sourcils et répliqua sévèrement : « Un malentendu ? Il a frappé notre Xin, quel malentendu peut-il y avoir ? Je vois que vous êtes ensorcelé par lui et sa mère, au point de ne plus distinguer le bien du mal. »
Xiao Xin se plaignit : « Je n’ai fait que lui dire deux mots, et il m’a frappé. »
Madame Xiao frappa dans ses mains : « Vous entendez ? Xin a juste dit deux mots, et il a eu une réaction si violente. C’est vraiment malveillant. »
Xiao Nuofu, bien qu’il craignait généralement Madame Xiao et évitait de s’impliquer dans les disputes entre enfants, insista devant la présence d’un invité : « Qu’as-tu dit exactement ? »
Xiao Xin, sachant qu’il ne pouvait pas répéter ces mots devant tout le monde, bafouilla sans pouvoir répondre.
Yan Xixia prit alors la parole : « Et si nous faisions un pas en arrière chacun ? »
Xiao Nuofu intervint à nouveau pour apaiser la situation : « En effet, l’un a blessé par les mots, l’autre par les actes. En l’honneur de notre neveu, pourquoi ne pas faire un pas en arrière et laisser cette affaire derrière nous ? »
« D’accord, oublions ça, » grogna Xiao Xin avant de tourner les talons et de partir.
Madame Xiao lança un regard noir à Xiao Nuofu et suivit Xiao Xin.
Xiao Nuofu regarda sa femme et son fils s’éloigner : « Neveu, excusez ce spectacle. Xiao Xin a été gâté par sa mère. »
Yan Xixia conserva son air doux et serein : « Ce n’est rien. »
Xiao Nuofu se tourna vers Xiao Lian : « Xiao Lian, rentre chez toi. »
Xiao Lian répondit : « Oui, père. »
Il jeta un regard furtif à Yan Xixia avant de partir.
Yan Xixia avait déjà aidé Xiao Lian une fois auparavant. Xiao Lian savait que c’était simplement parce que Yan Xixia était une bonne personne, prête à s’impliquer dans les affaires des autres.
Yan Xixia allait bientôt épouser Xiao Xin. Xiao Lian pensa que c’était peut-être pour le mieux : celui qui le maltraitait et celui qui l’aidait partiraient tous les deux, et il aurait enfin la paix.
De retour chez lui, Xiao Lian prit sa boîte à broderie et se rendit dans la cour de sa mère, Madame Chu.
Madame Chu était d’une beauté éclatante, et Xiao Lian lui ressemblait beaucoup, à l’exception de ses yeux, qui tenaient de Xiao Nuofu. Ces yeux, d’ailleurs, étaient le seul trait de Xiao Nuofu capable de tromper les gens. Madame Chu avait été séduite par la profondeur de ces yeux et avait quitté le Pavillon Qingfeng pour entrer dans la résidence des Xiao.
Mais elle avait vite découvert que Xiao Nuofu n’était qu’un lâche au cœur volage. Bien qu’il fût le chef de famille, il se laissait souvent dominer par Madame Xiao, et la vie de Madame Chu n’en était que plus difficile. Plus tard, Xiao Nuofu avait ramené une concubine plus jeune et plus belle, Madame Xia. Madame Xiao s’était alors concentrée sur cette nouvelle rivale, et la vie de Madame Chu s’était un peu améliorée.
Xiao Xin était le deuxième fils de Madame Xiao, tandis que Xiao Lian, né de Madame Chu, avait le même âge que lui : dix-huit ans.
Depuis son enfance, Xiao Lian avait souvent été maltraité par Xiao Xin. C’était la première fois qu’il ripostait physiquement. Auparavant, il n’avait même jamais osé se mettre en colère.
Madame Xiao vint dans la cour de Madame Chu pour exprimer sa colère, et c’est ainsi que Madame Chu apprit l’incident. Elle regarda son fils, toujours si docile : « Petit trésor, pourquoi as-tu levé la main sur lui ? »
Xiao Lian était triste : « Ses mots étaient trop blessants. »
« Qu’a-t-il dit cette fois ? »
Xiao Lian mentit : « Les mêmes vieilles insultes. Il a dit que je ressemblais à une fille et que je passais mon temps à jouer avec des aiguilles et du fil. »
Madame Chu caressa les cheveux de Xiao Lian : « Petit trésor, il est le fils légitime. Il est inévitable qu’il soit un peu gâté. Maman t’a déjà dit de patienter, ça passera. »
Xiao Lian cligna des yeux : « Mais patienter ne fait pas disparaître le problème. »
« C’est de ma faute. Après toutes ces années, je ne suis toujours qu’une concubine, » dit Madame Chu, les larmes aux yeux. « Si j’avais été plus forte, tu n’aurais pas été maltraité comme ça. »
Xiao Lian sourit doucement à sa mère : « C’est à moi d’être fort. Aujourd’hui, l’atelier de broderie marche bien, et je peux gagner de l’argent pour subvenir à nos besoins. »
À l’origine, Xiao Nuofu avait promis à Madame Chu qu’elle entrerait dans la famille en tant qu’épouse secondaire, mais il l’avait trompée, et elle n’était finalement qu’une concubine. Xiao Lian savait que c’était un sujet sensible pour sa mère.
L’atelier de broderie était un petit magasin que Xiao Nuofu avait offert à Xiao Lian pour son seizième anniversaire. Grâce aux compétences que Madame Chu lui avait enseignées, Xiao Lian avait ouvert cet atelier. La famille Xiao était riche, et offrir un petit magasin à Xiao Lian n’était qu’une goutte d’eau dans l’océan. Même Madame Xiao, aussi acariâtre soit-elle, n’avait fait que râler pendant quelques jours avant de laisser tomber.
Mais un si petit magasin ne pouvait pas rapporter grand-chose. Madame Chu savait que son fils essayait de la réconforter : « Bien, mon petit trésor a grandi. »
Xiao Lian prit un mouchoir uni et ses outils de broderie, puis se mit au travail.
Madame Chu regarda ce qu’il tenait : « C’est pour l’atelier ? »
Xiao Lian secoua la tête : « Non, c’est pour moi. »
« Pourquoi brodes-tu ça ? »
« Pour l’offrir à quelqu’un. »
« À qui ? »
« À Yan Xixia. »
Madame Chu fut alarmée : « Petit trésor, Yan Xixia va épouser Xiao Xin. Ne t’engages pas sur une mauvaise voie. »
Xiao Lian sembla amusé par les paroles de sa mère et sourit : « Maman, à quoi penses-tu ? Je ne l’ai vu que quelques fois. »
« Alors pourquoi lui offrir ça ? »
« Sans son intervention cette fois-ci, j’aurais sûrement perdu une jambe. Je n’ai rien d’autre à lui offrir en signe de gratitude, à part mon savoir-faire. Comme il part demain pour l’examen provincial, je veux lui broder un mouchoir avec l’inscription “Que le succès soit rapide comme un cheval au galop” pour lui souhaiter bonne chance. » Xiao Lian continua de broder tout en parlant. « Quand il obtiendra le titre de Jieyuan, il épousera Xiao Xin. Je le sais. »
« Oui, il faut le remercier, » concéda Madame Chu, encore un peu effrayée. Elle ajouta : « À l’avenir, peu importe ce que Xiao Xin dira, ne sois plus impulsif. Si quelque chose t’arrivait, comment pourrais-je vivre ? »
Xiao Lian leva les yeux vers sa mère et sourit avec douceur : « Maman, je comprends. »
*
Le mouchoir brodé par Xiao Lian ne fut finalement pas offert.
Ce jour-là, Xiao Lian s’était caché près du chemin menant au lieu de l’examen provincial, espérant offrir le mouchoir à Yan Xixia avant qu’il n’entre dans la salle d’examen.
Xiao Lian vit la silhouette de Yan Xixia s’approcher. Malheureusement, il ne s’était pas caché assez discrètement. Yan Xixia jeta un regard dans sa direction et leurs yeux se croisèrent. Yan Xixia sourit: « Sors, je te vois. »
Xiao Lian sortit, embarrassé. Avant même de pouvoir parler, son visage devint brûlant, au point qu’il en eut la tête qui tournait. Toutes les phrases qu’il avait préparées s’envolèrent, et il ne sut plus quoi dire.
Yan Xixia sourit avec bienveillance : « Tu as quelque chose à me dire ? »
Xiao Lian s’efforça de se calmer : « Je suis venu te remercier. Merci de m’avoir aidé deux fois. Et aussi, je te souhaite de réussir l’examen. »
« Ce n’était rien. »
« Bon, je m’en vais alors. »
Xiao Lian tourna les talons et partit en courant. Yan Xixia regarda son dos et cria : « Merci au jeune maître Xiao d’être venu spécialement pour moi. »
Xiao Lian s’éloigna rapidement, laissant la voix de Yan Xixia derrière lui. Son cœur battait si fort qu’il semblait prêt à sortir de sa poitrine, et un goût métallique lui monta à la gorge. La sueur collait ses vêtements à son corps, et le mouchoir, toujours posé contre sa poitrine, enveloppait ses sentiments secrets.
Xiao Lian avait pu tromper sa mère, mais il ne pouvait pas se tromper lui-même. Offrir un mouchoir brodé de ses propres mains n’était pas un geste désintéressé.
Mais qu’avait fait Yan Xixia de mal ? Il allait recevoir un mouchoir imprégné d’un amour secret sans même le savoir. Il allait être utilisé par Xiao Lian, simplement pour que ce dernier puisse trouver un peu de réconfort.
Yan Xixia allait se marier. Pourquoi lui imposer cet amour caché ? S’il l’apprenait un jour, cela ne ferait que devenir un souvenir gênant.
Mieux valait ne rien offrir. Une fois la gratitude exprimée, ce serait la fin de leur relation.
Traducteur: Darkia1030
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