I met a ghost - Chapitre 1 - Xiao Lin est tombé sur un fantôme.
Sur le chemin de l’école, Xiao Lin (NT : litt. Petite forêt) fut témoin d’un terrible accident de la route.
Le feu rouge brillait vivement, mais le conducteur, comme s’il était aveugle, traversa l’intersection à toute vitesse. Il fonça droit au milieu de la route et renversa violemment un piéton qui la traversait.
Tout cela se produisit en moins d’une seconde. Personne n’eut le temps de réagir. Tous restèrent figés, hébétés, assistant à la scène.
La victime fut projetée en l’air avant de retomber lourdement. Son corps gisait au sol dans une posture tordue et anormale. Du sang et de la matière cérébrale s’étaient répandus partout.
Xiao Lin fixa stupidement les éclaboussures de sang sur ses chaussures. Il se dit que s’il avait avancé d’un demi-pas de plus, il aurait connu le même sort.
Les policiers de la circulation et l’ambulance arrivèrent rapidement, la scène plongea dans le chaos. Xiao Lin, constatant qu’il allait être en retard, ne prit même pas la peine de rentrer chez lui pour changer de chaussures. Il se précipita vers son école.
Toute la journée, assis dans la salle de classe, il eut l’impression que rien n’était réel. Il se sentait nerveux et agité. L’image de l’accident revenait sans cesse dans son esprit : la silhouette projetée en l’air, l’éclatement de la tête... Plus il essayait d’effacer cette vision, plus elle s’imposait à lui.
Xiao Lin était distrait, incapable de suivre le moindre cours. En rentrant chez lui le soir, sa mère rangeait la maison. En apercevant ses chaussures, elle s’exclama : « Où es-tu allé traîner ? Comment as-tu fait pour salir tes chaussures à ce point ? »
Après une journée, le sang et les restes sur le dessus des chaussures avaient séché. Cela formait des taches noirâtres et blanchâtres, qui donnaient vraiment l’impression que les chaussures avaient été simplement salies par la boue.
Xiao Lin frissonna. Les souvenirs terrifiants refirent surface comme une vague. Sans un mot, il attrapa ses chaussures et courut les jeter dehors. Sa mère le gronda pour ce gaspillage, mais lorsqu’il lui expliqua la raison, son visage se figea. Elle marmonna qu’il fallait absolument aller chercher des feuilles de pamplemoussier pour dissiper les mauvaises influences.
(NT : Le pamplemoussier est considéré comme une plante aux propriétés purifiantes en Chine. On pense que ses feuilles peuvent « nettoyer » les énergies négatives ou « chasser les mauvais esprits »)
Les études ont atteint un stade critique, les contrôles se succédaient. Xiao Lin n’osait pas se relâcher. Après avoir rêvassé un moment devant son bureau, il ouvrit son sac et sortit le manuel Cinq années d’examens blancs, trois années de simulations.
Alors qu’il faisait ses exercices, il sentit un léger courant d’air froid effleurer son oreille, comme si quelqu’un soufflait près de lui. Il tourna la tête : la fenêtre était mal fermée, le vent faisait battre les rideaux.
Il se leva pour bien fermer la fenêtre, puis se rassit.
« Si la droite… et la droite 4x + ky… alors la constante k vaut… »
« Imbécile, c’est -6. » déclara soudain une voix à son oreille.
Xiao Lin, qui mâchouillait son stylo tout en rêvassant, sursauta violemment, renversant sa chaise.
Il regarda autour de lui, pris de panique. Il n’y avait évidemment personne. Il était seul dans la pièce.
« Ce doit être la fatigue… j’ai des hallucinations… » tenta-t-il de se rassurer.
« Tu ne peux pas te concentrer ? Tu crois que c’est le moment de voir des fantômes ? » La voix retentit de nouveau.
Le visage de Xiao Lin devint aussitôt livide, puis verdâtre, avant de virer au noir.
« Q… qui êtes-vous ? » demanda-t-il d’une voix tremblante.
« On dirait qu’il s’agit d’un fantôme », répondit la voix.
Xiao Lin répondit mentalement : « Que signifie “on dirait” ? C’est oui ou non. »
« Eh bien, alors disons que oui. »
Une lueur traversa soudain l’esprit de Xiao Lin. Il demanda : « Seriez-vous… la personne qui a eu l’accident ce matin ? »
Le fantôme, surpris, répondit : « Comment le sais-tu ? »
« J’étais juste derrière vous ce matin. J’ai failli subir le même sort… Attendez… vous n’êtes pas venu chercher un substitut, n’est-ce pas ? J’ai entendu dire que les morts violentes errent à la recherche d’un remplaçant afin de pouvoir se réincarner… »
Le fantôme : Je suppose bien que oui.
Xiao Lin était extrêmement inquiet. Il ne pouvait pas voir le fantôme et ignorait quelles étaient ses véritables intentions.
Il tenta alors de le raisonner avec tout le sérieux possible : « Gui Ge (NT : grand frère fantôme), regarde-moi : je ne suis ni beau, ni un élève brillant. Je me souviens de ta silhouette de dos : grande, droite, bien habillée, avec un costume élégant… Je ne corresponds sûrement pas à ton “goût”. Ne me choisis pas comme substitut, je t’en prie. Si tu as un vœu inachevé, et que je peux t’aider dans la mesure de mes capacités, je le ferai. Revenir à la vie n’est pas la voie à suivre pour un fantôme. Ce que tu dois faire, c’est te réincarner. »
Le fantôme répondit : « Je ne me souviens de rien. J’ai tout oublié : mon nom, mon adresse, mon métier, ma famille, mes amis… La seule chose dont je me souvienne, c’est l’instant où la voiture m’a percuté. »
« Très bien, tant que tu ne veux pas me faire de mal, on peut discuter de tout », dit Xiao Lin.
Personne ne pouvait voir ce fantôme, et seul Xiao Lin pouvait entendre sa voix. Sa mère entra dans la chambre avec un plateau de fruits. Xiao Lin demanda : « Tu n’étais pas censée aller chercher des feuilles de pamplemoussier pour chasser les mauvaises énergies ? »
Sa mère répondit : « J’y ai réfléchi, et je pense qu’il vaut mieux croire en la science, et en les valeurs fondamentales du socialisme. Nous ne devons pas encourager les superstitions féodales. »
Xiao Lin resta sans voix : « … »
Le fantôme lui glissa à l’oreille : « Tu pourrais peut-être aller consulter un moine bouddhiste ou un maître taoïste, pour voir s’ils peuvent m’aider à retrouver la mémoire, afin que je puisse me réincarner rapidement. »
Xiao Lin se dit intérieurement que c’était vraiment un bon fantôme. Dans les films d’horreur, les fantômes refusaient toujours de se réincarner, s’accrochaient désespérément à ce monde, et cherchaient un substitut. Celui-ci, en revanche, demandait lui-même à être délivré. Quel esprit éclairé!
« Tu comptes rester bloqué sur cette question éternellement ? J’en suis déjà à la dixième, et toi tu lambines encore sur la première. La réponse, c’est 14 racine carrée, imbécile ! » lança soudain le fantôme, voyant que Xiao Lin restait dans les nuages.
Xiao Lin : « … »
Il vérifia la réponse à la fin du manuel : le fantôme avait raison.
Ce qui était encore plus impressionnant, c’est qu’il n’avait même pas eu besoin de poser un seul calcul sur papier, tout était fait mentalement.
Xiao Lin, admiratif, s’exclama : « Frère fantôme, tu pourrais participer à l’émission Super Cerveau ! »
« C’est quoi, ça ? »
« Une émission de télévision. Et tu parles avec l’accent du Nord-Est… Ne serais-tu pas originaire de cette région ? »
« J’ai oublié. Allez, petit idiot, passe à la question suivante ! »
Xiao Lin constata que ce fantôme avait une passion dévorante pour les exercices, ou peut-être qu’il s’ennuyait tellement qu’il n’avait rien d’autre à faire que de le surveiller. Et il était manifestement très intelligent. De son vivant, il devait être quelqu’un d’exceptionnel.
Sous sa supervision, Xiao Lin parvint à compléter plusieurs pages d’exercices dans la soirée. Le fantôme semblait atteint de troubles obsessionnels : il le poussait à travailler sans relâche.
À bout de force, Xiao Lin déclara forfait : « Je n’en peux plus, je suis épuisé. Laisse-moi dormir. De toute façon, j’ai terminé les devoirs d’aujourd’hui. Le professeur nous avait demandé trois pages, j’en ai fait cinq. J’ai dépassé les attentes. »
« Je viens de me souvenir que j’ai un vœu non accompli », dit le fantôme.
« Quoi ? » fit Xiao Lin, alarmé.
« Mon vœu, c’est de te voir finir Cinq années de révisions, trois années de simulations. Sinon, je t’emmène avec moi comme substitut. »
Xiao Lin : « … »
*
Le lendemain, le professeur de chinois, pris d’une soudaine inspiration, organisa un test surprise. La feuille était remplie de questions. Il n’était pas obligatoire de tout finir, mais il fallait en faire le plus possible. Xiao Lin, dont le niveau en chinois était bon, traça ses réponses avec aisance.
Mais le fantôme, manifestement insatisfait, ne cessa de marmonner à côté de lui.
« C’est “rosée et givre sur les habits”, pas “neige et givre” ! »
(NT : Rosée : 露 (lù) et Neige : 雪 (xuě) sont deux caractères complexes qui ont un radical commun dans leur écriture: 雨 (pluie), Xiao Lin a mal écrit rosée)
Xiao Lin répliqua à mi-voix : « C’est une question bonus… Déjà que je l’ai presque résolue, ce n’est pas grave s’il manque un caractère. »
Le fantôme se moqua : « Et tu crois que les correcteurs du Gaokao te pardonneront une seule erreur de caractère ? »
(NT : Le Gaokao est l’examen national d’entrée à l’université en Chine.)
Quelques secondes plus tard, il ajouta : « À la question précédente, il fallait cocher la réponse C. »
Xiao Lin protesta : « Je pense que c’est D. »
« CCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCC… » chanta le fantôme en boucle.
Xiao Lin n’en pouvait plus. Il se leva brusquement et cria : « Tu ne pourrais pas te taire un peu ?! »
Toute la classe tourna la tête vers lui.
Le professeur : « Xiao Lin, que fais-tu ? »
Xiao Lin resta figé quelques secondes, puis, pris de panique, trouva une idée sur le moment : « M-Monsieur, en lisant le sujet de l’examen, j’ai été submergé par l’émotion… J’ai ressenti un élan irrépressible d’exprimer mes pensées à voix haute. Écoutez-moi bien — “Les mouettes gémissent avant la tempête, elles gémissent ! Elles volent à travers l’océan, cherchant à enfouir leur peur de la tempête dans les profondeurs marines !” »
(NT : du poème russe "Le Chant du Faucon" de Maxime Gorki)
La classe éclata de rire. Xiao Lin en rougit jusqu’aux oreilles, mais puisque c’était lui qui avait commencé la scène, il devait la jouer jusqu’au bout, même à genoux.
Heureusement, le professeur de chinois était indulgent, et ne l’obligea pas à réciter dans le couloir.
Après l’examen, le fantôme continua de le harceler : « Tu t’es trompé à la question de compréhension écrite… »
À bout de patience, Xiao Lin alla chercher sur Internet un exemplaire du Sūtra des Vœux Fondamentaux du Bodhisattva Kṣitigarbha (NT : sūtra récité dans les rituels bouddhistes liés aux morts et aux enfers), bien décidé à procéder lui-même à une cérémonie d’absoute pour faire partir le fantôme.
Ce dernier, apprenant qu’il pourrait ainsi accéder à la réincarnation, en fut tout à fait ravi. Il ne se souciait même plus du fait que Xiao Lin soit ou non disposé à l’aider.
Le soir, après le dîner, Xiao Lin s’assit dans sa chambre et commença à réciter le texte sacré téléchargé en ligne : « … shī bō luó mì yīn, chàn tǐ bō luó mì yīn, pí lí yē bō luó mì yīn, chán bō luó mì yīn, bān ruò bō luó mì yīn… »
Xiao Lin ne pouvait pas voir le fantôme, mais il avait la conviction que celui-ci, à cet instant, devait être assis droit, dans une attitude respectueuse, écoutant attentivement.
Tout semblait aller dans le bon sens.
Mais soudain, le fantôme intervint : « Tu as mal prononcé deux caractères. Ce n’est pas bān ruò, mais bō rè. »
Xiao Lin : « … »
Il serra les dents et poursuivit : « Le monde de Pó suō… » « C’est le monde de suō pó, pas pó suō. »
Furieux, Xiao Lin explosa : « C’est juste un changement d’ordre ! »
Le fantôme lui répondit : « Tu sais pourquoi on dit suō pó ? Parce que c’est une transcription du sanskrit. Cela signifie “patience” ou “endurance”. Le monde de suō pó désigne les trois mille mondes enseignés par Śākyamuni… »
Xiao Lin l’écouta parler sans interruption pendant une demi-heure. Désemparé, il demanda : « Pourquoi es-tu capable de te souvenir de tout cela, mais tu as oublié ton nom et ton passé ? Tu ne serais pas en train de te moquer de moi ? »
Le fantôme dit calmement : « Peut-être que nous avons un lien karmique. »
Xiao Lin décida de raconter son expérience à un compte public spécialisé dans les récits surnaturels. Les internautes, peu convaincus, laissèrent des commentaires sarcastiques :
« Le niveau des histoires paranormales a bien baissé. Même ce genre de texte de niveau école primaire ose être publié. »
Furieux au point d’en cracher du sang, Xiao Lin résolut d’en parler à sa mère, pour qu’elle l’aide à trouver un maître spirituel capable d’exorciser ce fantôme une bonne fois pour toutes.
Traducteur: Darkia1030
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