Green Plum island - Chapitre 9 – Tu n’en veux pas ?

 

La maison restait silencieuse. Grand-père n’était pas là, probablement parti faire les courses.
J’avais si faim que mon ventre me faisait mal, alors je me dirigeai vers la marmite où grand-père gardait les œufs de thé qu’il comptait vendre cet après-midi, et j’en avalai deux.
Ensuite, je m’allongeai sur le canapé, faisant défiler les commentaires laissés sur le post de la nuit précédente sur les réseaux sociaux. Beaucoup de gens avaient partagé de bonnes idées, mais qui aurait cru qu’en l’espace d’une seule nuit, j’aurais le cœur brisé ?
La vie pouvait être si capricieuse.
Je reposai le téléphone et poussai un profond soupir. À ce moment-là, un bruit sourd éclata à l’extérieur de la fenêtre, semblable à quelque chose qui tombait.
Je me levai d’un bond et me précipitai dehors, téléphone en main. La perche que grand-père utilisait pour suspendre le poisson salé s’était effondrée, et au milieu des débris se trouvait un petit chat à l’apparence délicate, un poisson pendant de sa bouche.
Elle s’apprêtait à fuir, mais au bruit de mon arrivée, elle se figea et me fixa. Nos regards se croisèrent.
Je restai immobile. Elle aussi.
Le chat avait un air tellement hilarant que je saisis discrètement mon téléphone et pris quelques photos. Alors que je parcourais les clichés que je venais de capturer, le bruit d’une moto freinant bruyamment à l’extérieur de la cour brisa le silence. Un instant plus tard, grand-père entra, son petit cyclomoteur à ses côtés.

*

Lorsque j’étais arrivé sur l’île et que grand-père m’annonça qu’il viendrait me chercher, j’avais supposé qu’il prendrait les transports en commun jusqu’à l’embarcadère. Mais, à peine débarqué du ferry, une moto inélégante, rose vif, m’attendait.
« Monte. » Grand-père agita son pouce vers l’arrière, indiquant le siège derrière lui.
S’il n’avait pas autant conservé son allure — le même vieil homme amateur de chemises à fleurs et de shorts larges en toile — je ne l’aurais sans doute même pas reconnu.
La moto accéléra, s’élançant de manière chaotique sous les compétences de conduite folles de grand-père. Je m’accrochai à mes bagages d’une main et me cramponnai à sa taille de l’autre. L’air chaud de l’océan de l’après-midi me fouettait le visage si violemment que je ne parvins pas à garder les yeux ouverts.
« Grand-père, pourquoi as-tu acheté une moto rose ? » criai-je à son oreille, avalant une bouffée de vent en parlant.
« Hein ? La moto ? Ta grand-mère voulait s’en débarrasser alors je l’ai prise. Elle fonctionne parfaitement et la couleur est très bien », déclara grand-père. « Sauf que son nom est bizarre. Elle s’appelle Tortoise King (NT : Roi Tortue) ou quelque chose comme ça. »

Grand-père utilisait souvent Tortoise King pour se rendre au marché ou faire ses courses sur l’île. Parfois, il s’en servait aussi pour aller rendre visite à grand-mère. C’était un moyen de transport pratique, mais parce qu’il était si âgé, je m’inquiétais toujours lorsqu’il partait avec. Je lui avais répété des centaines de fois de porter un casque et de rouler doucement, même s’il n’y avait personne autour, mais il ne m’écoutait jamais.
« Oh, putain de chat, tu voles encore mon poisson ! » Dès qu’il aperçut le chat avec son poisson dans la gueule, il bondit de sa moto rose pour lui courir après.
Mais le chat, bien plus agile avec ses quatre pattes, sauta aisément par-dessus la haie fleurie, laissant grand-père saisir désespérément l’air au-dessus des buissons.
« Voleur ! Espèce de voleur de chat ! Voler mon poisson tous les putains de jours ! » hurla-t-il, sautillant et s’agitant inutilement.
« Peu importe, grand-père. Tu ne l’attraperas pas. » Je ramassai la perche de bambou tombée au sol et la remis en place.
Il piétina de frustration, puis alla récupérer les courses qu’il venait d’acheter sur sa moto. Je l’aidai à en porter, et nous rentrâmes dans la maison.
Lorsque j’eus fini de ranger les produits congelés dans le congélateur et refermé la porte du réfrigérateur, je me retournai juste à temps pour surprendre grand-père portant un bol d’eau à l’extérieur. À son retour, il me surprit à le fixer avec méfiance, et il détourna aussitôt le regard.
« Le poisson salé est tellement salé que s’il mange tout, ce stupide chat va probablement revenir chercher de l’eau. Je lui ai versé de l’eau glacée pour que ça… lui cause la diarrhée !»
« … »

C'était évident que tu disais simplement cela comme ça, pensai-je. Gentil.

Pour le déjeuner, grand-père prépara deux plats simples – de la viande et des légumes – que nous accompagnâmes de riz. Ensuite, j’aidai à débarrasser la table, puis je me mis à faire la vaisselle, versant du savon sur les bols et les ustensiles dans l’évier.

« Mian Mian, tu te sens mieux ? » demanda grand-père en se tenant à côté de moi, un cure-dent entre les dents.

Je suspendis un instant mon geste, un peu confus, puis je compris. Hochant la tête, je répondis : « Ouais, beaucoup mieux. »

« Ne te force pas trop. Si tu te sens encore malade, j’irai dire à notre voisin que tu as besoin de plus de temps libre. »

« Temps libre ? » demandai-je, surpris.

Grand-père ne m’entendit pas et tendit l’oreille. « Hein ? C’était quoi, ça ? »

« Tu as demandé du temps libre pour moi ? » répétai-je, plus fort.

Il m’entendit cette fois-ci et acquiesça. « Ouais. Comme tu ne t’étais pas réveillée ce matin, j’ai eu peur que tu sois malade, alors j’ai demandé à Ah Shan de te donner un jour de congé.»

Donc cela voulait dire que… Yan Kongshan ne m’avait pas abandonnée parce qu’il était en colère, mais simplement parce que grand-père lui avait demandé de me laisser me reposer ?

Je n’étais pas préparé à la vague de bonheur qui traversa soudainement mon corps. Une joie écrasante tourbillonna dans ma poitrine et, bien que mes mains fussent couvertes de savon, je bondis pour entourer le cou de grand-père de mes bras. « Merci, grand-père ! Je t’aime le plus ! » déclarai-je à voix haute près de son oreille.

Grand-père resta complètement déconcerté par cette soudaine démonstration d’affection excessive, mais il me tapota le dos et rit en disant : « Je t’aime aussi, je t’aime aussi ! »

Toute ma mélancolie s’évapora à la découverte que tout cela n’était qu’un malentendu, et les flammes de la passion se rallumèrent dans mon cœur. Je terminai la vaisselle à la vitesse de l’éclair, puis j’empruntai la moto de grand-père, filant vers les livres de seconde main Tianqi sur le Tortoise King rose vif.

Le soleil de l’après-midi brillait d’un éclat torride, forçant tout le monde à se réfugier à l’intérieur. En conséquence, la librairie était bondée quand j’y arrivai. Wen Ying, accaparé par les clients, ne remarqua même pas mon entrée.

Aucun signe de Yan Kongshan dans le magasin. Je courus vers la caisse pour saluer Wen Ying.

« Yu Mian, tu n’avais pas demandé un jour de congé ? Pourquoi es-tu là ? » demanda-t-il, surpris. « Tu te sens mieux ? »

Me grattant le nez, je répondis : « Ouais, ce n’était rien. Juste… un coup de chaleur, probablement. »

Je le laissai travailler et me rendis à la salle de pause pour me changer. J’enfilai mon tablier et, au moment où je m’apprêtai à refermer la porte du casier, quelqu’un entra dans la pièce.

Wen Ying étant occupé à l’extérieur et seulement trois personnes travaillant ici, si ce n’était pas lui… alors il ne restait qu’une seule autre possibilité.

Ma prise se resserra sur la porte du casier. J’étais un peu perdu, ne sachant que faire. Devais-je sortir comme ça ? Et que dirais-je en le croisant ? Le saluer et faire comme si de rien n’était ?

Le temps s’écoula tandis que j’hésitais sur mes options, et Yan Kongshan se rapprocha lentement.

Au bout de la rangée de casiers, une longue ombre masculine apparut sur le sol. Je déglutis nerveusement et refermai lentement la porte du casier. L’instant suivant, la haute silhouette de Yan Kongshan apparut au tournant.

Son expression ne changea guère à ma vue. Il me jeta simplement un bref regard avant d’aller ouvrir son casier.

Tellement distant…

Je jetai un rapide coup d’œil à son indice d’humeur. Il était neutre, le nombre stable. Au moins, il n’était pas encore en colère pour hier.

Je laissai échapper un soupir de soulagement. Puis soudain, il prit la parole : « Je pensais que tu ne viendrais pas aujourd’hui. »

Il attrapa son téléphone dans son casier et le consulta tout en parlant.

Ne sachant que faire de mes mains, je les fourrai dans les poches de mon tablier. « Tu as dit que les pauses n’étaient pas autorisées », dis-je en fixant le sol.

Il ne répondit rien de plus, referma simplement son casier et s’en alla. Je levai les yeux aussitôt, confus.

Que diable ? Il était parti après seulement quelques mots ? Était-il toujours en colère contre moi ?

Je supposai qu’il s’en allait, alors je pinçai les lèvres et le suivis, mais en tournant au coin, je faillis le heurter – apparemment, il était revenu sur ses pas.

« Attention. » Il me saisit par les épaules pour m’empêcher de tomber en arrière.

La pièce n’était pas équipée de climatisation. Seul un ventilateur vertical permettait de rafraîchir l’air. Mais grâce aux courants d’air qui s’échappaient par les interstices de la porte, il ne faisait généralement pas trop chaud et nous ne transpirions qu’en transportant de lourdes boîtes.

Pourtant, ce qui fut étrange, ce fut que, malgré l'absence de livres lourds ou d’activité physique intense, tout mon dos se mit à transpirer. À l’instant même où Yan Kongshan s’agrippa à mes épaules, tout le sang de mon corps afflua vers mon visage et mon cou, me brûlant la peau et provoquant une démangeaison persistante.

« Merci. » Je baissai le visage, tentant de rassembler mes pensées et de faire redescendre la température de mon corps.

L’autre homme retira ses bras. Il ne prononça pas un mot de plus – il resta simplement planté devant moi, bloquant le passage, silencieux, immobile.

C’en était presque déconcertant.

Je ne pus m’empêcher de lui jeter un coup d’œil furtif. Il me regardait. Lorsque nos regards se croisèrent, je détournai aussitôt les yeux, de peur de le fixer trop longtemps. Mon cœur s'emballa, chargé d’anxiété.

Pourquoi ne parlait-il pas ? Voulait-il… me virer, mais n’osait pas me le dire ? Cela ne pouvait pas être possible, n’est-ce pas ? Nous étions voisins, après tout. Même s’il ne se souciait pas de moi, il devait bien faire attention à mon grand-père.

Et puis, je n’avais rien fait…

J’étais encore plongé dans mes pensées lorsqu’une grande main apparut dans mon champ de vision, tenant une petite pomme ronde. Le fruit, rouge et jaune, dodu, ressemblait à une grosse cerise adorable.

« Hier, j’étais de mauvaise humeur, donc j’ai été un peu brusque, » déclara enfin Yan Kongshan, réduisant à néant toutes mes spéculations erronées. « Ne le prends pas à cœur. »

Je fixai la pomme, puis levai les yeux vers lui. « …C’est pour moi ? » demandai-je avec incertitude.

Était-ce un cadeau d’excuses ?

« Tu n’en veux pas ? » Sa voix était rauque, teintée d’un soupçon de rire.

Il s’apprêta à reprendre la pomme, mais je tendis les deux mains pour la lui prendre et la serrai contre ma poitrine. Je me moquais bien de savoir s’il était sérieux ou non. « Je la veux! »

Il rit doucement, puis posa une main sur ma tête, ébouriffant mes cheveux avec un geste taquin qui les laissa en désordre. « Si tu ne te sens pas bien, rentre chez toi et repose-toi. Ne te force pas. »

Je tendis la main pour aplatir mes cheveux, répondant d’un ton coupable : « Je vais bien, ne t’inquiète pas. »

Après un traitement aussi sincère, de la part de grand-père et de Yan Kongshan, concernant ma santé, je me sentis soudainement coupable. En vérité, si je ne m’étais pas réveillé ce matin, c’était simplement parce que mon réveil n’avait pas sonné.

Apparemment, Yan Kongshan trouva mes cheveux ébouriffés amusants, car à peine avais-je tenté de les lisser qu’il les ébouriffa de nouveau. Je le fixai, agacé, mais son indice d’humeur grimpa soudainement de plusieurs points, me faisant me demander s’il n’était pas dans un délire bizarre.

« Peux-tu… » arrêter de me frotter la tête ?

S’il continuait ainsi, non seulement mes cheveux allaient se dresser, mais autre chose dans une autre partie de moi risquait aussi de se manifester.

Mais je ne terminai pas ma phrase, car le téléphone de Yan Kongshan se mit à sonner dans la poche de son tablier. Il le sortit aussitôt, les sourcils froncés. Son indice d’humeur chuta de vingt points. Si cela avait été un graphique boursier, les investisseurs auraient fait des crises cardiaques.

Yan Kongshan décrocha et s’éloigna dans un coin. « Tante… »

Lorsqu’il m’effleura en passant, j’entendis la voix enflammée d’une femme s’élever du combiné, une tirade agressive. L’indice d’humeur de Yan Kongshan vira lentement au rouge, mais sa voix resta calme lorsqu’il répondit : « Qiuqiu n’a pas besoin de ses soins, s’il te plaît, arrête de lui parler de nous. Pense à ma sœur, elle ne veut plus rien avoir à faire avec Ding Baizhou. »

Ne me sentant pas à l’aise d’écouter cette conversation, je me retirai dans la salle de repos et me mis à croquer dans ma pomme.

Il était raisonnable de supposer que cet appel téléphonique avait un lien avec l’homme aux lunettes de soleil que j’avais vu la veille. J’avais un souvenir flou de cet homme s’étant présenté devant la maison de Yan Kongshan la nuit précédente, suivi d’une dispute explosive entre les deux. Si ma mémoire était bonne, Yan Kongshan avait failli appeler la police.

Quoi qu’il en soit, je trouvais qu’aller chez quelqu’un en pleine nuit relevait de l’effrayant. Et soudain, un souvenir me revint : la première fois que j’avais vu cet homme, c’était juste devant l’école maternelle de Yan Wanqiu. Ce type n’était pas un pédophile, n’est-ce pas ?

Plus j’y réfléchissais, plus cela me semblait plausible. Et comme cette affaire, quelle qu’elle soit, concernait Yan Wanqiu, cela expliquait sans doute pourquoi Yan Kongshan se montrait aussi véhément dès que quelqu’un se permettait le moindre bavardage.

L’appel téléphonique le tendit tout l’après-midi, et son indice d’humeur resta au plus bas. Même les filles qui avaient l’habitude d’entrer dans la librairie sous prétexte de chercher un livre, juste pour avoir une chance de lui parler, reculèrent aussitôt en voyant son expression et quittèrent les lieux en silence.

Nous fermâmes boutique et verrouillâmes les portes à dix-sept heures. Wen Ying prit le bus pour rentrer chez lui, nous laissant devant le magasin pour marcher jusqu’à la gare routière voisine. Yan Kongshan et moi contournâmes le bâtiment jusqu’à une route secondaire où étaient garés nos deux véhicules.

« Je m’en vais alors. » J’étais venu par mes propres moyens aujourd’hui, et je ne pouvais pas le laisser me raccompagner. Dommage.

« Ça te va bien », répondit-il en parlant de la pétrolette. Il se tenait près de sa voiture, une main posée sur la poignée de la portière, et sourit pour la première fois de toute l’après-midi.

Son sourire fit chavirer mon cœur. Ma main glissa par inadvertance sur la manette des gaz, et je faillis bondir en avant sur la moto. Yan Kongshan fronça immédiatement les sourcils et me lança un avertissement : « Fais attention. »

J’acquiesçai docilement. Mon cœur battait à tout rompre, et je ne savais plus si c’était à cause de la frayeur que m’avait causée la moto ou à cause du sourire de Yan Kongshan.

Alors que je filais à moto dans les ruelles étroites et les carrefours de l’île, les senteurs des dîners en préparation s’élevaient dans l’air depuis chaque maison. La lumière du soleil s’attardait à l’horizon, le vent s’était enfin délesté de sa chaleur. Tout baignait dans une lueur dorée de fin de journée, donnant aux maisons l’aspect de bonbons à l’orange.

[Xiao Hua est encore venue voler du poisson aujourd’hui. Si elle continue comme ça, elle finira par devenir chauve.]

Internaute A : « C’est une vraie salope ! Elle doit avoir plein à manger, hahaha. »

Internaute B : « Regardez bien, elle a l’air enceinte ! »

Internaute C : « Tu as raison, ses jambes sont maigres, mais son ventre est tellement rond. Félicitations, O.P. Tu vas être père ! »

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

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