Faraway wanderers - Chapitre 43 – Sauvetage

 

 

Gu Xiang se tenait dans l’encadrement de la porte, l’air assuré et provocateur. Lorsqu'elle vit l'état de misère dans lequel se trouvait Cao Weining, une colère sourde monta en elle. Elle ricana et dit : « Je pensais que vos soi-disant sectes justes n’attaquaient en groupe que lorsqu’ils ne pouvaient pas battre leurs adversaires seuls. Apparemment, c’est une tradition chez vous ! Zhang Chengling, viens ici et dis-leur en quoi je t’aurais enlevé ! »

Ce n’est qu’à cet instant que les autres remarquèrent le jeune garçon qui se tenait derrière elle, tremblant de peur. Le fait de devoir parler devant une foule semblait l'embarrasser. De plus, l’attitude menaçante de Feng Xiaofeng et des autres l’avait encore plus intimidé. Zhang Chengling avança timidement vers Gu Xiang, tel une jeune fille timide, et murmura : «Gu Xiang jiejie ne m’a pas enlevé, c’est moi qui les ai suivis de mon plein gré. »

Le vieux vert saule s’écria avec colère : « Absurdité ! Xiao Zhang, tu es encore jeune, et déjà tu te laisses corrompre par la beauté ? Serais-tu aveuglé par ces démons ? » Dès que Feng Xiaofeng vit Gu Xiang, ses yeux devinrent rouges de rage. Il dégaina son épée et la brandit contre elle en criant : « Petite peste, donne-moi tes yeux ! »

Gu Xiang fit un bond de côté et recula de trois pas pour éviter les coups successifs de la lame. Elle sauta sur la poutre du plafond, dominant la scène de haut, et dit : « Nain Feng, ce pauvre géant Gaoshan Nu a dû accumuler de mauvaises actions pour mériter de te suivre. Mais, étant de nature charitable, je l’ai seulement rendu aveugle. D’autres l’auraient tué. Sans oublier que tu es allé délibérément chercher des ennuis et qu’il a souffert à cause de toi, hmph… »

« Eh bien… »  Elle finit sur un soupir, essoufflée. Elle se déplaçait avec la grâce d’un cygne effarouché, sautant d’une poutre à l’autre tout en esquivant les attaques de ceux qui la pourchassaient bruyamment. Elle s’inquiétait en secret et tentait de se rapprocher de Cao Weining.

Huang Daoren sauta à son tour sur une poutre pour lui barrer le chemin, puis sans un mot, il lança une attaque. Gu Xiang, qui n’avait pas l’intention de subir un coup direct, sauta rapidement vers une autre poutre. Elle attrapa une traverse avec ses mains et fit une acrobatie en l’air. Elle sembla lancer quelque chose de sa main, criant : « Prends ça ! »

Huang Daoren, effrayé, fit un bond en arrière, redoutant une arme secrète venimeuse de cette sorcière. Mais il n’y avait rien. Lorsqu’il réalisa que Gu Xiang l’avait dupé, elle était déjà passée à l'autre poutre, sans se retourner, et riait : « Imbécile, tu as eu peur ! »

Mo Huai Kong avait déjà relâché Cao Weining, qui tremblait de peur. Il observait la scène, pensant que son stupide neveu s'était attiré des ennuis. Cette jeune fille aurait pu s’échapper, mais elle était revenue pour le sauver, prouvant ainsi sa loyauté et son courage. Elle était juste un peu têtue. Il jeta un coup d'œil à Cao Weining, qui, vacillant d’inquiétude, voulait courir pour aider Gu Xiang. Mo Huai Kong haussa les épaules et pensa que, têtue ou pas, quelqu'un semblait prêt à en supporter les conséquences. Si à l’avenir il venait à épouser une femme aussi indomptable, tant pis pour lui.

À cet instant, Grand-mère Rose Pêche  et Grand-Père Saule Vert  bondirent sur la poutre, encerclant Gu Xiang. Celle-ci ne se laissa pas intimider. D’un coup de pied, elle fit apparaître un petit poignard et le dirigea vers le front de Grand-Père Saule Vert . Ce dernier, qui n’était pas sans talent, ne bougea pas d’un pouce et leva sa canne pour parer le coup. Gu Xiang sentit un puissant courant d’air et, se sachant désavantagée, replia sa jambe rapidement, mais pas assez vite : la lame de son poignard fut brisée par l’impact.

Gu Xiang fit demi-tour pour essayer une autre ruse, mais Grand-Père Saule Vert s’approchait déjà silencieusement par-derrière. Désespérée, Gu Xiang s'écria : « Je suis en train de mourir et vous restez là à regarder le spectacle ! »

Un léger rire se fit entendre. Grand-mère Rose Pêche sentit soudain une force venir vers son dos. Incapable d’esquiver à temps, elle plongea en avant et s’aplatit sur la poutre comme un grand lézard. Profitant de l’opportunité, Gu Xiang sauta de la poutre. Ce n’est qu’alors que les autres réalisèrent que l’objet qui avait failli faire perdre la vie à Grand-mère Rose Pêche n’était qu’une coquille de noix… ou plutôt, une moitié de coquille.

Puis un bruit de craquement retentit à la porte. Un homme insignifiant, avec un paquet de noix à la main, entra en écrasant une coquille entre ses doigts. Il jeta le cerneau dans sa bouche et le mâcha lentement, savourant le goût. À ses côtés, un homme encore moins remarquable se tenait là, leur ressemblance frappante laissant deviner qu’ils étaient frères. Tous deux avaient des visages jaunâtres et bouffis. L'homme avec les noix proposa poliment : « Tu n’en veux pas ? »

Son compagnon recula comme s’il évitait une peste et répondit avec dégoût : « Garde ça loin de moi. »

L’homme aux noix rit : « Ah, un vaillant guerrier a peur de manger des noix ? Idiot, c’est bon pour la santé, ça nourrit le cerveau. »

Son compagnon fit un pas en avant, posa sa main sur l’épaule de Zhang Chengling et dit : «Un cerveau de cochon reste un cerveau de cochon, peu importe combien tu le nourris.»

Yu Qiufeng fronça les sourcils et demanda d'une voix forte : « Qui êtes-vous ? »

L'homme qui tenait Zhang Chengling par l'épaule le poussa en avant et lui murmura à l'oreille : « Ce type ne me plaît pas. Va le frapper. »

Zhang Chengling ouvrit grand la bouche, le regardant d'un air stupide : « Maître... je... »

« Qu'est-ce que tu baragouines ? Ils maltraitent ta Gu Xiang jie jie, et tu restes là à ne rien faire ? Es-tu un homme, oui ou non ? »

Zhang Chengling pointa un doigt tremblant vers Yu Qiufeng, puis, incertain, se pointa lui-même du doigt : « Celui-ci... celui-là... »

L'étrange personnage, agacé par son hésitation, lui donna un coup de pied aux fesses. Zhang Chengling tituba de deux pas et manqua de tomber dans les bras de Yu Qiufeng.

Yu Qiufeng fut ravi et adoucit immédiatement sa voix pour lui dire : « Enfant de la famille Zhang, viens ici. »

Zhang Chengling fixait toujours Yu Qiufeng avec des yeux confus et perdus, comme un petit lapin cherchant sa maison. L'homme avec les noix éclata de rire et dit : « Tu es vraiment sans cœur. »

Son compagnon, impassible, répliqua : « Quand les jeunes aigles grandissent, les vieux les poussent hors du nid. Je fais ça pour son bien. »

Zhang Chengling, traité comme un jeune aigle, recula craintivement d'un pas, comme s'il prenait Yu Qiufeng pour un vieux prédateur de petits enfants. Feng Xiaofeng, en revanche, n'était pas aussi courtois que le chef de Huashan. Il se dit que le jeune Zhang devait être de leur côté. En l'attrapant, ils ne laisseraient sûrement pas ces gens-là s'échapper. Peu importait qui ils étaient, du moment qu'ils ne le tuaient pas.

Il bondit et tenta de saisir Zhang Chengling.

Mais Zhang Chengling, paniqué, fit demi-tour et s'enfuit en criant : « Maman ! Maître ! Il veut m'attraper ! »

L'homme aux noix éclata de rire et donna un léger coup de pied à son compagnon : « Je t'avais dit que ton petit aigle se hérisserait. »

« De la boue qui ne tient pas sur un mur », grogna l'autre. Soudain, il lança un coup de paume dans le vide. Zhang Chengling sentit une force puissante l'atteindre, comme si quelqu'un l'avait poussé violemment, arrêtant sa fuite. Ensuite, il eut l'impression d'être une marionnette. Son bras se leva et il se retrouva à frapper Feng Xiaofeng qui arrivait sur lui. Effrayé, Zhang Chengling ferma les yeux et serra le poing par réflexe. Son poing frappa directement le nez de Feng Xiaofeng.

Feng Xiaofeng poussa un cri perçant qui résonna dans toute la pièce. Zhang Chengling ouvrit les yeux, regarda son poing avec incrédulité, étourdi par ce qu'il venait de faire. Puis, il entendit la voix de son maître résonner dans son oreille : « Idiot ! Qu'est-ce que tu attends ? Vise son point d'acupuncture Danzhong (NT : Point au niveau du sternum) avec un coup de pied ! »

Sans réfléchir, Zhang Chengling obéit. Il sentit que cette force ne s'était pas encore dissipée et semblait imprégner ses membres. Il se laissa guider et, d'un coup de pied, envoya Feng Xiaofeng voler à travers la pièce.

Yu Qiufeng s'écria : « Qui êtes-vous ? »

L'étrange personnage ne répondit pas. Il frappa à nouveau Zhang Chengling dans le dos. Zhang Chengling poussa un cri et fonça droit sur Yu Qiufeng. Ce dernier fronça les sourcils et sortit une longue épée de nulle part pour l'intercepter. Alors que Zhang Chengling fonçait droit sur la pointe de l'épée, il s'effraya tellement qu'il en perdit presque tout contrôle, continuant de courir en criant : « Maître, à l'aide ! »

La voix à son oreille dit alors : « La pointe de son épée tremble, il prépare un autre coup. Recule en suivant le tracé des Neuf pas du Palais et attaque son côté du coude. »

Zhang Chengling, trouvant cela parfaitement sensé, fit un pas en avant et se tourna pour éviter la pointe de l'épée de Yu Qiufeng. Yu Qiufeng fit immédiatement un autre mouvement de l'épée pour le suivre de près. Zhang Chengling ne changea pas de direction et franchit un autre pas en avant avec sa jambe droite. Son mouvement semblait maladroit et étrange, mais, d'une manière ou d'une autre, il évita le coup de Yu Qiufeng. Puis, suivant les instructions de son maître, il visa le côté du coude de Yu Qiufeng. Il ferma les yeux et, serrant les dents, se jeta en avant.

Le croqueur de noix n’était autre que Wen Kexing, qui éclata de rire en voyant la scène. En fait, la technique enseignée à Zhang Chengling par Zhou Zishu était l'une des compétences suprêmes de légèreté : les Neuf Pas du Palais des Nuage Flottants, caractérisée par des mouvements légers comme un nuage flottant ou des flocons de neige, élégants et gracieux comme une fée volante. Wen Kexing n’avait jamais vu quelqu’un exécuter ces pas des Nuages Flottants en ressemblant à un ours dansant.

De son côté, Zhou Zishu relâcha ses sourcils froncés. Il se rendit compte que, bien que maladroit, Zhang Chengling ne faisait pas un seul faux pas. Il comprit donc que ce gamin prenait cela au sérieux ; il avait mémorisé le mantra et s'était exercé des milliers de fois. Même nerveux, il restait stable et précis.

Yu Qiufeng, qui avait déjà été gravement blessé lors de son duel contre Wen Kexing ce jour-là, reçut un coup de tête de Zhang Chengling. L’arme qu’il venait de prendre en main lui échappa aussitôt, et il rugit de colère : « Ne les laissez pas s’échapper ! »

À ces mots, tout le monde se rapprocha immédiatement, et c’était là quelque chose que Zhang Chengling ne pouvait pas gérer. Wen Kexing passa le reste du sac de noix à Zhou Zishu et dit : « Tiens ça pour moi, grand-père va donner une leçon à ces petits morveux ! » Puis il s’élança dans la foule en riant.

Zhou Zishu avait toujours trouvé les noix horribles, avec un goût détestable et une apparence semblable à un cerveau humain. Dégoûté, il les tint du bout des doigts, les tenant le plus loin possible de lui. Pendant ce temps, il continua à diriger Zhang Chengling avec la technique du transfert de voix à travers les murs, tout en observant la scène.

Profitant de l’occasion, Gu Xiang se faufila jusqu’à Cao Weining, envoyant valser un homme qui tentait de l’arrêter, puis lança un regard furieux à Mo Huai Kong, le menaçant : « Peu m’importe qui tu es, si tu oses m’arrêter, je te ferai voir ! »

Mais avant même qu’elle ne s'approche, Mo Huai Kong cria soudainement « Aïe ! » et se pencha en avant, comme s’il souffrait atrocement. Pointant Gu Xiang du doigt, il haleta : «Cette… cette petite sorcière est si… si redoutable, je ne peux pas la battre ! » Ensuite, il s’écroula au sol avec un bruit sourd, ferma les yeux et ne bougea plus.

Gu Xiang et Cao Weining échangèrent un regard perplexe, ne comprenant pas ce qui se passait. Mo Huai Kong, les yeux fermés, en ouvrit soudainement un pour les regarder et marmonna à voix basse : « Qu’est-ce que vous attendez ? Courez, idiots ! »

Gu Xiang dégaina immédiatement son poignard et coupa les cordes qui retenaient Cao Weining en quelques coups rapides. Cao Weining se releva d’un bond et murmura : « Merci, oncle-maître. »
Gu Xiang ajouta précipitamment : « Vieil homme, nous n'oublierons jamais votre grande bonté. Quand je rentrerai, je vous érigerai un monument ! »

« Va te faire foutre, c’est toi qui devrais avoir un monument ! Vous tous, dans ta famille, méritiez un monument ! » Mo Huai Kong continuait à faire semblant d'être épuisé, les yeux fermés, tout en les maudissant intérieurement. Il constata que cette petite Gu Xiang avait une apparence respectable, mais ses paroles étaient insupportables.

De l'autre côté, Zhou Zishu, voyant que Gu Xiang et Cao Weining s'étaient déjà enfuis, fit un mouvement soudain, saisit Zhang Chengling par la nuque, et le fit tournoyer comme une massue. Les jambes de Zhang Chengling heurtèrent violemment la poitrine de Huang Daoren, le projetant en arrière sur plusieurs mètres. Zhou Zishu fourra alors le sac de noix dans les bras de Zhang Chengling et dit à Wen Kexing : « T’amuses-tu trop ici pour vouloir partir ? »

Wen Kexing éclata de rire, bondit et dit : « Tout comme les montagnes luxuriantes resteront vertes et les rivières claires couleront éternellement (NT : d’après un poème de Li Bai). Je vais prendre congé maintenant!"! »

Ensuite, lui et Zhou Zishu, portant Zhang Chengling, s'enfuirent côte à côte. Leur maîtrise exceptionnelle de l’art de la légèreté les rendait impossibles à suivre, et ils disparurent en un instant.

Après avoir couru sur une longue distance, ils s’arrêtèrent finalement. Zhou Zishu déposa Zhang Chengling, retira son masque humain, ajusta son col, et en baissant la tête, il aperçut Zhang Chengling qui le regardait avec des yeux brillants, comme un petit animal quémandant une récompense. Sa main s'arrêta un instant. Selon ses habitudes, lorsque son disciple faisait une erreur, il le punissait pour lui rappeler ses erreurs. Et lorsqu'il réussissait, il ne le félicitait pas pour éviter qu’il ne devienne arrogant. Mais en voyant le regard plein d’espoir de l’enfant, il sentit son cœur s’adoucir un peu. Après un moment de réflexion, il se contenta de dire : «Ta maîtrise l’art de la légèreté est acceptable. »

Zhang Chengling s'illumina de joie. Mais à peine eut-il le temps de sourire que Zhou Zishu changea immédiatement de visage et le réprimanda : « Pourquoi te réjouir ? Regarde-toi avec ton peu de courage, à pleurnicher au moindre problème. Quelle honte ! »

Zhang Chengling baissa aussitôt la tête, déprimé. Soudain, il sentit une main chaude se poser sur l'arrière de sa tête. Wen Kexing, le sourire aux lèvres, lui dit : « Ne l'écoute pas. Sa peau est aussi fine que du papier, une fois le masque retiré, il devient encore plus timide... »

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que Zhou Zishu se tourna vers lui, un sourire à peine visible sur son visage, et murmura doucement : « Lao Wen (NT : vieux Wen), tu disais quoi ?»

Wen Kexing s'adapta immédiatement et changea de ton : « Je disais que tu es vraiment imperturbable, inébranlable comme le tonnerre, avec une peau aussi épaisse qu’un mur, insensible à la honte, même un pieu ne pourrait la percer. »

Zhou Zishu tendit soudain la main et lui saisit la joue. Wen Kexing resta stupéfait, tandis que Zhou Zishu ne disait rien. Il s'approcha tout près, ses yeux profondément plongés dans les siens, sans cligner.

Zhang Chengling, complètement perdu, regarda tour à tour l'un puis l'autre, incapable de comprendre ce qui se passait entre les deux. Ce n'est qu'après le temps d’un bâton d'encens que Zhou Zishu relâcha Wen Kexing, un sourire aux lèvres. Il fit claquer son doigt contre le lobe de l'oreille de Wen Kexing en riant : « Ah, tu rougis enfin. »

Wen Kexing fit un pas en avant, encore sous le choc—mais il marcha de manière maladroite, bras et jambes confondus.

Zhou Zishu éclata de rire.

Soudain, son rire s'interrompit. Zhang Chengling et Wen Kexing levèrent aussi les yeux dans la direction de son regard. Ils virent alors une personne en vêtement blanc, le visage impassible, qui les fixait, se tenant à une courte distance.

 

Traducteur: Darkia1030