Faraway wanderers - Chapitre 23 – Contes

 

Wen Kexing aspira proprement et rapidement le poison de son bras, traita la blessure avec habileté, libéra les points de pression de Zhou Zishu, puis sortit un petit flacon de médicaments de sa poche. Il versa deux pilules, en prit une pour lui-même, et tendit l'autre avec un sourire radieux vers la bouche de Zhou Zishu, traînant les syllabes avec une voix lascive : « Viens, Ah Xu, ouvre la bouche. »

Zhou Zishu le regarda avec une expression impassible. Wen Kexing, imperturbable, continua à sourire de manière éclatante, comme si le regard perçant de son interlocuteur ne pouvait pas percer sa peau de cuir. Il jeta un coup d'œil significatif vers Zhang Chengling, baissant intentionnellement la voix pour dire : « Tu as déjà regardé, tu as même eu un baiser. Pourquoi fais-tu encore le timide ? »

Zhou Zishu prit la pilule sans un mot et s’éloigna sans se retourner.

Wen Kexing fit alors un geste à Zhang Chengling, qui était resté figé, et dit joyeusement : «Ton maître a enfin cessé de fuir. Pourquoi ne le suis-tu pas ? »

À ce moment, la nuit commençait à tomber. Zhang Chengling avait été attiré loin de la réunion des héros de Dongting par le scorpion venimeux et ne savait pas combien de distance il avait couru. Il se trouvait dans un endroit désert, sans village à proximité, ni auberge.

Zhou Zishu revint après un moment avec plusieurs grands lapins sauvages. Bien qu'il n’en ait rien dit, il en avait aussi chassé pour les deux autres. Wen Kexing sourit à Zhang Chengling et demanda : « Sais-tu à quoi ressemble la deuxième personne la plus adorable au monde ? »

Zhang Chengling leva les yeux vers lui. Bien que son maître ait été blessé, cet homme avait réussi à le retenir sans effort, montrant ainsi une grande compétence, ce qui le rendait encore plus impressionnant à ses yeux. Il hocha donc la tête en silence.

Wen Kexing répondit : « C'est une personne qui est dure en apparence mais douce à l'intérieur. Et sais-tu à quoi ressemble la personne la plus adorable au monde ? »

Zhou Zishu, en train de vider les lapins, lança un regard glacial à Wen Kexing et ordonna : «Arrête de parler de choses inutiles, va chercher du bois. »

Wen Kexing, tout joyeux, acquiesça et se tourna pour partir. En voyant Zhang Chengling le regarder avec une expression étrange et complexe, il pensa que l'enfant était simplement curieux. Il expliqua donc avec fierté : « C'est une personne avec une taille fine, de longues jambes, et un extérieur dur mais un cœur tendre. »

Zhou Zishu ajouta calmement : « Petit, ne l’écoute pas se vanter. »

Zhang Chengling, encore perplexe, tourna son regard vers Zhou Zishu, se demandant s'il avait mal compris, mais ce que ce dernier disait semblait clair...

Zhou Zishu poursuivit : « Garde tes distances avec lui, de peur qu'il ne s'intéresse à toi. »

Wen Kexing trébucha sur des branches sèches et se retourna avec une expression attristée : «Ah Xu, tu me fais tellement de tord. »

Zhou Zishu désigna du doigt les cadavres des lapins sauvages et dit : « Si tu ne vas pas chercher du bois tout de suite, je vais t’ouvrir le ventre, comme tes frères. »

Wen Kexing, effrayé, protégea immédiatement son ventre de la main, et s’enfuit avec une vigilance extrême, ressemblant à un lapin terrifié.

Zhou Zishu se lava les mains dans un ruisseau, en utilisa le reste de ses manches déchirées pour se couvrir, se sentant un peu mal à l'aise. Il avait encore la sensation des lèvres de Wen Kexing sur son bras ; il avait clairement ressenti que, après avoir aspiré le poison, l'autre avait même léché la plaie, ce qui l’avait fait se hérisser instantanément—c’était clairement intentionnel.

Zhou Zishu, en colère, déchira le masque en cuir de son visage, le jeta dans l'eau et pensa en lui-même qu'il n'avait jamais rencontré quelqu'un qui pouvait être aussi ouvertement et désespérément obsédé par la séduction, et aussi impertinent à ce sujet. Il se demanda comment il avait pu vivre aussi longtemps sans croiser un spécimen aussi étrange.

Il tourna la tête, et Zhang Chengling retrouva le visage familier avec une joie mêlée de surprise, s’écriant : « Maître ! » comme s'il venait juste de le reconnaître, trottinant derrière lui comme un petit chien, tout en maintenant une certaine distance pour ne pas l'irriter.

Zhou Zishu, en voyant cela, se sentit attendri et lui fit un signe : « Viens ici. »

Zhang Chengling s'approcha en sautillant, le regardant avec une grande déférence : « Maître.»

Zhou Zishu réfléchit un moment et dit : « A l’allure où tu vas, nous ne pourrons probablement pas rentrer ce soir ; nous devrons passer la nuit dehors. Demain matin, je te ramènerai pour retrouver le maître Zhao. »

Les yeux de Zhang Chengling se remplirent instantanément de tristesse. Il ne dit rien, se contentant de regarder la pointe de ses chaussures, la tête baissée et silencieux. Zhou Zishu, qui ne réagit pas bien à ce genre de comportement, ne put supporter cette attitude et toussa pour se donner une contenance, fronçant les sourcils : « Que fais-tu encore ? »

Zhang Chengling garda la tête baissée et murmura : « D'accord. » Il se tut, jetant de furtifs regards discrets vers Zhou Zishu, et lorsqu'il fut découvert, détourna rapidement les yeux, les lèvres tombantes, avec des larmes qui perlaient encore à ses cils.

Zhou Zishu s'appuya contre un arbre, s'assit avec frustration, se demandant comment gérer ce jeune être. Il se demanda si c'était à cause du fait que le héros Zhang Yusen n'avait pas de fille et avait élevé son fils comme une fille, ce qui l’avait transformé en une personne aussi délicate. Avec un air faussement impatient, il fronça les sourcils et dit d'une voix sévère : «Tiens-toi droit, lève la tête ! »

Zhang Chengling se redressa d'un coup, leva la tête, et en faisant cela, les larmes de ses yeux se mirent à couler abondamment, ce qui contraria Zhou Zishu. Il adoucit involontairement sa voix et dit : « Essuie tes larmes, tu n’es pas une femme. Ce n’est pas un gros problème, pourquoi pleures-tu ? »

Zhang Chengling se frotta vigoureusement le visage, mais ne réussit pas à s’essuyer correctement. En fait, il se sentait encore plus accablé, les larmes coulant de plus en plus. Finalement, il ne put plus se contenir et, avec une voix entrecoupée de sanglots, murmura : « Maître… Maître… Je ne pleure pas toujours, c’est juste… c’est juste que… quand je t’ai vu… quand je t’ai vu… je suis si touché… je… je… »

Zhou Zishu, qui était déjà exaspéré, ne voulait plus le regarder et détourna le regard, essayant de maintenir une expression indifférente.

À ce moment-là, Wen Kexing revint avec du bois pour le feu. En voyant la scène, il parut d'abord un peu surpris.

La nuit était complètement tombée, la lumière sur l'horizon s'estompait lentement, le ciel occidental était d’un gris pâle, les étoiles commençaient à briller au-dessus des cimes des arbres, le vent se levait et la fraîcheur nocturne s’instillait peu à peu.

Wen Kexing ne dit rien, il coupa quelques morceaux de bois, alluma un feu, et fit griller les lapins que Zhou Zishu avait préparés, chantonnant une mélodie indéfinissable, qui ressemblait un peu à ‘dix-huit touchers’ (NT : chanson à connotation suggestive), fidèle à son style habituel. Zhou Zishu resta silencieux, assis sur le côté avec une jambe repliée et un bras reposant sur son genou, tandis que Zhang Chengling s'efforçait de contenir ses sanglots.

Après un moment, l'odeur de viande grillée se répandit, et l'estomac de Zhang Chengling émit un bruit. Le visage du jeune homme devint rouge, et Wen Kexing lui lança un regard amusé : « Il faut encore attendre un peu, ce n'est pas encore assez cuit. »

Zhang Chengling acquiesça sagement. Wen Kexing, trouvant qu’il était plus docile qu’un petit lapin, se tourna vers Zhou Zishu et déclara : « Eh, je te le dis, s'il veut te suivre, laisse-le faire. Si tu ne veux pas le voir, pourquoi le sauver encore et encore ? »

Zhou Zishu se leva lentement, se rapprocha du feu et posa ses mains dessus pour les réchauffer. Il ressentait une légère douleur dans certaines zones de son torse, ce qui le rendait un peu frileux.

Wen Kexing lui donna un coup de pied léger avec la pointe de sa chaussure : « Je te parle. »

Zhou Zishu, toujours lentement, répondit : « J’aime le sauver. »

Mais Zhang Chengling parla soudainement, sa voix rauque et tremblante : « Maître, ne me prenez plus avec vous. Je suis un problème, beaucoup de gens veulent me tuer. Je… je ne suis pas assez fort et je vous cause du tort… »

Wen Kexing tenta de le réconforter : « Ce n'est rien, il a une peau épaisse et une chair dure. — Pourquoi me fixes-tu comme ça ? Tout le monde a sa propre peau, mais toi, tu t’enveloppes comme un zongzi (NT : sorte de ravioli emballé dans des feuilles de bambou). Une couche ne suffit pas, tu en rajoutes encore une. »

Voyant que Zhang Chengling était un peu perdu, Wen Kexing continua patiemment : « Regarde ses bras, la couleur de ses poignets est différente de celle au-dessus du poignet. Ton maître cache tout, et il refuse toujours de se montrer honnête avec moi, même maintenant. »

Zhou Zishu, agacé, ne répondit pas, se contentant de déchirer un morceau de viande du lapin grillé et de le manger lentement. Lorsqu'il essaya de déchirer un autre morceau, Wen Kexing tressaillit et se plaignit : « Es-tu un affamé de naissance ? La graisse n'est même pas complètement cuite. »

Zhou Zishu avala lentement le morceau de viande de lapin, puis regarda Wen Kexing et dit : «Es tu une femme réincarnée, avec cette odeur de poudre de riz sur toi. Ça ne serait déjà pas si grave si tu avais juste des mouchoirs avec toi, mais en plus, tu ne cesses de parler. D'où te viennent tant de paroles inutiles ? »

Wen Kexing se tut immédiatement.

Après un moment, les lapins étaient enfin prêts, dorés et croustillants à l'extérieur, tendres à l'intérieur. Zhou Zishu appela Zhang Chengling pour se joindre à eux. Les deux hommes et l’enfant, affamés après une longue journée, se mirent à dévorer la viande sans cérémonie, en silence, jusqu'à ce que les lapins ne soient plus qu’un tas d’os propres.

Une fois rassasiés, tous trois restèrent près du feu pour se réchauffer. Zhou Zishu se recroquevilla sur le côté, fermant les yeux pour se reposer. Wen Kexing tourna alors son attention vers Zhang Chengling et demanda : « Pourquoi ton niveau de compétence est-il si bas ? Ton père ne t'a-t-il pas appris ? »

Zhang Chengling répondit à voix basse : « Il m'a appris, mais je suis d'une compréhension médiocre et je n'ai pas voulu fournir d'efforts. Je n'ai retenu que peu de choses. »

Wen Kexing réfléchit un moment, puis secoua la tête en disant : « Quand j'étais petit, mon père m'enseignait aussi, et je n'étais pas très motivé non plus, mais je n'étais pas aussi peu doué que toi… »

Zhou Zishu, les yeux fermés, ne put s'empêcher de sourire légèrement en entendant cela. Wen Kexing l'ignora et continua à examiner Zhang Chengling avant de demander : « Veux-tu apprendre les arts martiaux ? »

Zhang Chengling leva soudainement les yeux, les yeux brûlants d'enthousiasme. Ce regard ardent surprit Wen Kexing, qui semblait ne pas avoir vu une telle passion, une telle sincérité et un désir aussi intense depuis longtemps. Il s'exclama : « Tu… tu es vraiment comme un loup affamé dès qu'il s'agit de ça ! »

Zhang Chengling s'agenouilla soudainement : « Senior ! Je vous en supplie, guidez-moi, je suis prêt à tout faire ! »

Wen Kexing se toucha le nez et toussa avant de dire : « Regarde-moi, je n’ai pas vraiment d’intérêt pour quelqu'un d'aussi jeune que toi… hum ! »

La lueur du feu teintait le visage du jeune homme d'une couleur rouge. Son visage, encore un peu juvénile, était empreint d'une détermination indescriptible, mêlée à une vulnérabilité enfantine et une supplication. Wen Kexing, gêné par ce regard, détourna les yeux de la même manière que Zhou Zishu, qui détournait son regard avec inquiétude. Après une courte hésitation, il soupira, se leva, tapa la terre collée à ses vêtements, prit un bâton d'environ un mètre de long et dit : « Très bien, je vais t'apprendre quelques mouvements. Regarde attentivement, il n’y aura pas de seconde chance. »

Sur ce, il commença à démontrer les mouvements avec une grande précision. Zhang Chengling ne cligna même pas des yeux, regardant attentivement de bout en bout avant de se lever et de suivre les mouvements. Ce n'était pas un enfant très brillant, mais Wen Kexing, bien qu'ayant dit qu'il ne ferait qu'une démonstration, ne put s'empêcher de corriger les erreurs tout en expliquant en détail. Zhang Chengling regardait avec des yeux brillants, la voix tremblante d'excitation, répétant avec ferveur : « Merci, Senior, merci beaucoup ! »

Wen Kexing semblait visiblement peu habitué à une telle gratitude enthousiaste, et il montra une rare gêne.

Il fut presque minuit, et Zhang Chengling continuait à s'exercer sans montrer le moindre signe de fatigue. Wen Kexing, silencieux, était assis sur le côté, son visage dénué de sourire, comme s'il réfléchissait à quelque chose.

Soudain, Zhou Zishu, qui semblait s'être endormi plus tôt, demanda doucement : « Ton nom est Wen... est-ce que le ‘divin Médecin’ Wen Ruyu est un membre de ta famille ? »

Wen Kexing sembla être secoué par la question, puis après un moment de silence, répondit d'une voix basse : « C'est mon père. »

Zhou Zishu ouvrit les yeux, fixa le profil de Wen Kexing pendant un moment, puis parla avec une tonalité bien plus sérieuse : « J'ai entendu parler du ‘divin Médecin’ Wen Ruyu depuis longtemps. Dans sa jeunesse, il se déplaçait avec sa femme, la célèbre guérisseuse Gu Miaomiao, avec l'épée ‘Qiuming’, et a sauvé d'innombrables personnes. Ils se sont ensuite retirés ensemble, et personne ne sait plus où ils sont allés. Apprendre que c'est ton père... je suis désolé. »

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

 

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