CM-Chapitre 11

 

À midi, Han Yang fut réveillé par un appel entrant. C'était Helian Qing, qui l'informa que son déjeuner l'attendait déjà à l'entrée et lui dit d'ouvrir la porte pour le récupérer.

Han Yang raccrocha le téléphone et se dirigea aussitôt vers l’entrée. Là, comme prévu, il aperçut un jeune homme qui attendait avec une petite boîte de nourriture à la main. Cependant, les vêtements qu’il portait ne ressemblaient en rien à ceux d’un livreur : il avait plutôt l’air d’un employé de bureau.

« Bonjour, êtes-vous M. Han Yang ? Je suis Xiao Chen. Le patron m’a chargé de vous livrer ce repas », l’informa poliment l’autre garçon.

« C’est moi », répondit Han Yang en prenant la boîte. « Je suis désolé de vous avoir dérangé.»

« Vous n’avez pas à l’être. Je vous laisse alors », dit Xiao Chen, puis il tourna les talons.

Une fois descendu au rez-de-chaussée, Xiao Chen appela immédiatement Helian Qing pour lui confirmer qu’il avait bien accompli sa mission. Lorsque l’appel se termina, il jeta un coup d’œil au bâtiment imposant derrière lui et pensa : Il s’avère qu’il y a déjà une Madame Boss ! Et c’est un homme ! Il a l’air si frêle !!!

Han Yang, ignorant tout des pensées de Xiao Chen, ramena simplement la nourriture à l’intérieur. Lorsqu’il ouvrit la boîte, il constata qu’en plus du porridge, il y avait de nombreux plats d’accompagnement. Chacun était soigneusement conservé dans un récipient thermique distinct afin de rester chaud ; aussi, lorsqu’il les ouvrit, la chaleur en émana encore.

Face à son déjeuner étalé sur la table, Han Yang ressentit, pour la première fois, un irrésistible besoin d’appeler Helian Qing. Il voulait soudainement entendre la voix de cet homme. Tandis qu’il hésitait, le téléphone posé à côté de lui se mit à sonner. L’écran affichait deux petits mots : Helian Qing.

Han Yang murmura doucement ce nom, avant de décrocher et de dire : « Bonjour. »

« Tu as mangé ? » demanda une voix masculine à l’autre bout du fil, accompagnée du bruissement de papiers.

« J’allais justement le faire », répondit Han Yang. « Et toi ? Tu travailles encore ? »

« Si je ne travaille pas, comment veux-tu que je subvienne à tes besoins ? » déclara Helian Qing, répondant à la question du garçon par une autre.

« … Tu n’as pas besoin de subvenir à mes besoins, je suis aussi un adulte », remarqua Han Yang.

« Vraiment ? » Helian Qing s’interrompit un instant. « Alors tu me reproches de ne pas être venu te chercher plus tôt et de ne pas t’avoir emmené vivre avec moi comme mon épouse ?»

« Comment est-ce possible ? » Han Yang était maintenant convaincu de l’aptitude de cet homme à déformer le sens de ses propos.

« Tu t’inquiètes inutilement ? Bien que je n’aie pas pu prendre soin de toi pendant que tu grandissais, je promets que je prendrai toujours soin de toi », déclara Helian Qing en réponse.

« … Tu exagères. » Bien que Han Yang eût répondu ainsi, les coins de ses lèvres se relevèrent légèrement.

« D’accord, le dîner sera également livré. J’ai encore des affaires à régler, alors je raccroche», mentionna Helian Qing, prêt à mettre fin à l’appel.

« Attends ! » s’écria Han Yang pour l’arrêter.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Helian Qing.

« … N’oublie pas de commander quelque chose pour toi aussi, pour le déjeuner… Au revoir», lâcha Han Yang avant de raccrocher précipitamment.

À l’autre bout du fil, Helian Qing laissa échapper un petit rire. Ses yeux se plissèrent d’un sourire à peine perceptible, sans accorder la moindre importance au fait que Han Yang avait mis fin à l’appel avant lui.

Xu Luozhao, qui l’avait accompagné à un rendez-vous client et se trouvait à ses côtés, croisa les bras avant de lui lancer : « Tout ton corps pue le mal d’amour, ça me donne des frissons.»

En guise de réponse, Helian Qing tourna les yeux vers lui, dans lesquels semblaient s’inscrire trois mots en majuscules : PAS TON AFFAIRE.

Xu Luozhao haussa simplement les épaules. S’il arrivait un jour à cette "princesse Qing" de perdre son amour, il était persuadé qu’elle se mettrait à descendre les verres d’alcool les uns après les autres jusqu’à ce qu’elle réussisse à reconquérir ce petit uke, sinon elle brûlerait tous les ponts derrière elle.

Plus tard dans la soirée, Helian Qing rentra chez lui avec deux plateaux-repas. Comme à l’heure du déjeuner, Han Yang reçut à nouveau un dîner provenant d’un restaurant local très réputé. Il connaissait l’établissement, se souvenant à quel point il était populaire ; un soir, il n’avait même pas réussi à y trouver une place. Helian Qing avait donc sans doute réservé à l’avance, puis était passé récupérer les plats sur le chemin du retour.

Pour dîner, les deux hommes s’assirent face à face, si bien que Han Yang ne put s’empêcher de laisser son esprit vagabonder vers les événements de la nuit précédente.

Il était vrai que lui et cet homme ne se connaissaient pas encore très bien. De plus, leurs échanges, depuis leur première rencontre jusqu’à ce jour, avaient été loin d’être harmonieux. Mis à part la dispute qu’ils avaient eue lors de la rencontre avec les parents de Helian Qing, ils ne s’étaient plus vraiment querellés. Pourtant, après cette première altercation, ils vécurent pendant une semaine comme deux étrangers partageant un même toit.

Helian Qing lui avait toujours donné l’impression d’être difficile à approcher, avec une façon de parler particulièrement tranchante. Pourtant, cet homme au tempérament rude, habitué aux paroles acerbes, avait passé la nuit précédente à veiller sur lui dans la chambre d’hôpital. C’était lui qui lui avait donné de l’eau, qui était sorti au milieu de la nuit pour lui acheter du porridge, et qui avait même acheté, rien que pour lui, des chaussures et des serviettes.

Tous ces gestes bouleversèrent la vision qu’il avait jusque-là de Helian Qing.

Cela éveilla en lui une curiosité sincère : pourquoi un homme aussi privilégié, presque favorisé des dieux, voudrait-il l’épouser ? Pourquoi avait-il même utilisé un contrat pour lier leur relation contre sa volonté ?

Il ne parvenait vraiment pas à comprendre le raisonnement de cet homme.

« Toc toc… »

Des doigts fins tambourinèrent deux fois sur la table, interrompant ses pensées.

« À quoi penses-tu maintenant ? » demanda Helian Qing.

« Pourquoi veux-tu m’épouser ? » dit soudain Han Yang.

Dès l’instant où il posa cette question, Han Yang se prépara mentalement à être tourné en dérision une fois de plus. Mais à sa grande surprise, l’homme continua de manger avec nonchalance, se contentant de répondre de trois petits mots :

« Je veux juste. »

C’était là une réponse pleinement digne du Maître Helian. Ou, dit plus crûment, digne d’un homme sans le moindre ami.

Ne voulant plus réfléchir à tout cela, Han Yang baissa simplement la tête vers son assiette.

Une fois le repas terminé, il se leva par habitude pour débarrasser les assiettes, mais fut aussitôt interrompu par Helian Qing.

« Laisse-moi faire. »

« ? » Han Yang le regarda, stupéfait.

« Qu’est-ce que tu regardes ? » demanda Helian Qing en rassemblant les bols, les tasses et les baguettes utilisés, qu’il emporta ensuite dans la cuisine.

Han Yang, incapable de comprendre ce qui se passait, le suivit.

Les contenants alimentaires étant en plastique, ils ne pouvaient pas passer au lave-vaisselle. Helian Qing se contenta donc de les jeter à la poubelle, puis plaça les tasses et les baguettes qu’ils avaient utilisées dans l’évier et commença à les laver.

Debout dans l’embrasure de la porte, Han Yang observa l’homme occupé à nettoyer la vaisselle. Ses gestes trahissaient son manque d’habitude, et l’abondance de savon fit même glisser la tasse qu’il tenait, laquelle tomba dans l’eau avec un plouf sonore. Le visage fermé, il la reprit aussitôt et poursuivit son nettoyage.

Cet homme, au tempérament indéniablement colérique et que l’on aurait pu facilement ranger parmi les personnes les plus insupportables, se tenait à présent dans la cuisine, les manches de sa chemise blanche retroussées jusqu’aux coudes ; ses doigts fins, auparravant uniquement associés à la dactylographie, à la lecture et à la signature de documents, enserraient maintenant un torchon, frottant vaisselle et couverts.

Depuis la nuit d’avant jusqu’à ce moment, à peine un jour s’était écoulé. Et pourtant, Han Yang ressentit que cette transformation était tout simplement stupéfiante. Il n’aurait jamais imaginé que cet homme, autrefois si rigide, pût révéler un côté aussi doux. Et malgré sa manière de parler souvent acérée, l’inquiétude dans son regard ce jour-là ne pouvait être ignorée.

Tandis qu’il réfléchissait à tout cela, Han Yang constata qu’en dépit du contrat qui les liait, Helian Qing ne l’avait jamais empêché de faire quoi que ce soit. En réalité, depuis son arrivée dans cet appartement jusqu’à maintenant, il ne lui avait rien imposé. Il avait préservé l’essentiel de sa liberté.

Il réalisa alors que la situation n’était peut-être pas aussi mauvaise qu’il l’avait cru, et qu’être avec Helian Qing n’était peut-être pas si difficile à accepter.

« Helian Qing », l’appela-t-il soudain.

Ce dernier cessa de laver la vaisselle et tourna la tête vers le jeune homme.

« Je voulais te demander… » Han Yang hésita un instant. « Tout à l’heure, tu as parlé du Département des Affaires Civiles, alors… »

« Avec quelle idée absurde comptes-tu encore m’embêter ? » l’interrompit Helian Qing, arborant une expression faciale qui semblait crier : TU PEUX DIRE CE QUE TU VEUX, MAIS JE N’ACCEPTERAI PAS.

« … » Han Yang resta sans voix.

« Je voulais juste savoir quel jour tu comptais y aller, pour que je puisse demander un congé à mon professeur », expliqua-t-il ensuite.

Le projet de programmation sur lequel il travaillait récemment lui avait été recommandé par son professeur, ce qui exigeait de lui un contact quotidien avec son superviseur.

Helian Qing ne s’attendait pas à une telle question. L’espace d’un instant, il parut surpris, puis répondit : « Oh… Eh bien, puisque tu es si impatient, lundi ira très bien. »

Han Yang : « …… » Qui est impatient ici ? Ce type a vraiment une langue de vipère !

« As-tu envoyé le certificat de résidence ? » lui demanda alors Helian Qing.

« Je l’ai envoyé. » Avant de partir en voyage d’affaires, il le lui avait demandé, et même si Han Yang ne l’avait pas voulu à ce moment-là, il ne l’avait pas contredit.

« Toujours aussi obéissant, hein ? » lança Helian Qing en lui jetant un regard en coin.

Après le dîner, Han Yang et Helian Qing se précipitèrent dans la salle de bain.

Han Yang se dirigea vers les toilettes des invités. Helian Qing, lui, le fixa jusqu’à ce qu’il refermât la porte derrière lui, puis entra dans la chambre d’amis.

Après être sorti de la salle de bain, Han Yang se rendit par réflexe dans la chambre d’amis. À peine entré, il constata avec étonnement que sa valise avait disparu. Un instant déconcerté, il fit aussitôt demi-tour et se dirigea vers la chambre principale. Là, il aperçut sa valise posée à côté du placard.

Han Yang demeura un instant silencieux.

Depuis la salle de bain attenante, l’on entendait distinctement le bruit de l’eau qui coulait : Helian Qing était visiblement encore sous la douche. Ne sachant s’il devait en rire ou en pleurer, Han Yang ouvrit la porte du placard et découvrit, sans réelle surprise, tous ses vêtements soigneusement empilés sur les étagères. Il n’eut même pas besoin de se poser la question : il savait parfaitement ce que l’homme avait fait quelques instants plus tôt.

« Sérieusement… » murmura-t-il, incapable de trouver d’autres mots. Il attrapa un cintre et se mit à organiser les vêtements qu’il devait suspendre.

Helian Qing, ayant terminé sa douche, sortit de la salle de bain et aperçut Han Yang debout devant le dressing, en train de ranger les vêtements. La chemise qu’il tenait à la main attira son regard : elle lui semblait étrangement familière. Ses yeux s’écarquillèrent en réalisant qu’il s’agissait de l’une des siennes.

Cet homme vivait seul. D’ordinaire, sa secrétaire commandait son déjeuner, et il dînait sur le pouce. Le week-end, s’il ne retournait pas dans la maison familiale, il commandait des plats à emporter. Il envoyait son linge au pressing et, une fois récupéré, le rangeait en vrac dans le placard, sans vraiment y prêter attention. Après tout, il avait suffisamment de costumes pour en porter un différent chaque jour de la semaine.

Un instant, son regard resta fixé sur le jeune homme, qui se tenait là devant l’armoire, l’aidant à ranger ses vêtements. Comment décrire ce qu’il ressentait à cet instant ? Pour la première fois, il eut la sensation qu’ils formaient un véritable couple, partageant le même foyer.

Ce sentiment est extrêmement satisfaisant, pensa Helian Qing.

Han Yang saisit une autre chemise par le col, la replaça avec soin et l’accrocha dans le placard. En se retournant, il surprit le regard de Helian Qing, qui l’observait intensément. Gêné, il tenta de justifier son geste : « J’ai vu que tes vêtements étaient un peu en désordre, alors je les ai rangés. »

« Oh. » Helian Qing s’approcha, se plaça derrière lui et tendit la main pour ouvrir la porte du placard. Lentement, il pencha le torse pour inspecter l’intérieur, tel un inspecteur procédant à un contrôle minutieux.

Dans cette posture, l’homme se tenait si près de Han Yang que ce dernier eut l’impression qu’il lui collait littéralement au dos. Son corps, encore imprégné de la chaleur de la douche, dégageait une vapeur tiède qui fit se raidir le dos du garçon.

Helian Qing conserva une expression parfaitement sérieuse tandis qu’il examinait le contenu de l’armoire pendant une bonne demi-minute. Puis, lentement, il déclara : « D’accord, je comprends enfin un peu ce que cela signifie. »

Ne comprenant pas où il voulait en venir, Han Yang demanda : « Quoi ? »

Helian Qing répondit doucement : « Les soins d’une femme. »

Han Yang resta sans voix.

« Excuse-moi ? » s’étrangla-t-il, incrédule.

« Oh. » Helian Qing sembla se rappeler où il se trouvait. Il retira sa main, fit quelques pas en arrière et se redressa.

Après son départ, Han Yang poussa un soupir de soulagement, referma la porte du dressing, puis se retourna... pour être de nouveau stupéfait.

Cette fois, c’était parce que Helian Qing ne portait qu’un simple slip, laissant ainsi sa poitrine nue et robuste exposée à son regard.

Han Yang demeura figé, dans un état second, pendant trois longues secondes avant de se tourner et de détourner le regard. Alors qu’il achevait son mouvement, il entendit Helian Qing déclarer : « Tu ne veux vraiment pas jeter un autre coup d’œil ? Tu l’as pourtant touché plusieurs fois la nuit dernière. »

La « nuit dernière » faisait référence au moment où Helian Qing l’avait serré dans ses bras. Incapable de trouver une réponse, Han Yang choisit d’adopter la stratégie de l’autruche. Il se détourna, se dirigea de l’autre côté du lit et s’assit sans un mot.

Helian Qing attrapa un pantalon de pyjama et, tout en l’enfilant, demanda : « As-tu pris tes médicaments ? »

« Je les ai pris », répondit simplement Han Yang.

Helian Qing, torse nu, acheva d’ajuster son bas de pyjama. Il jeta alors un regard à Han Yang et dit : « Alors va simplement te coucher. »

Han Yang, surpris, resta interdit.

« Hein ? »

Percevant l’hésitation dans les yeux du garçon, Helian Qing haussa un sourcil avant de préciser : « À quoi penses-tu ? Ne t’inquiète pas, je ne te ferai rien. Attends que ta santé s’améliore. »

Han Yang demeura silencieux.

Alors qu’ils s’allongeaient, Helian Qing passa un bras autour de la taille de Han Yang, l’attira doucement contre lui et le serra à moitié dans ses bras, ce qui entrava les mouvements du garçon. Ce dernier, un peu gêné, proposa : « Est-ce que tu pourrais éviter de me serrer dans tes bras tout le temps ? »

En guise de réponse, Helian Qing raffermit son étreinte. « Tu as beaucoup de suggestions, dis-moi. »

« Je n’y suis tout simplement pas habitué », expliqua Han Yang.

« Oh », répondit Helian Qing. « Moi, j’y suis très habitué. »

Han Yang s’apprêtait à répliquer, mais avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, Helian Qing ajouta : « J’ai vraiment sommeil maintenant, alors sois sage et ne me dérange pas. »

En entendant ces mots, Han Yang se rappela que l’homme avait veillé sur lui toute la nuit précédente. Et aujourd’hui encore, il avait dû rencontrer un partenaire commercial. Il devait être épuisé. Son cœur se radoucit, et il se tut docilement, cessa de bouger, et se laissa faire.

Sentant que le garçon se tenait tranquille, Helian Qing, désormais satisfait, ferma les yeux et s’endormit presque aussitôt. En réalité, il était réellement à bout de forces.

Il ne fallut pas longtemps avant que Han Yang n’entendît une respiration régulière tout près de son oreille. Il comprit alors que Helian Qing dormait profondément. Doucement, il tourna la tête et constata que les yeux de l’homme étaient bien fermés. Son visage, habituellement froid et rigide, s’était considérablement adouci dans le sommeil.

Le bras entourant sa taille le maintenait toujours fermement, dégageant une impression de sécurité puissante. Han Yang, bien qu’encore peu habitué à cette sensation, ne pouvait nier qu’elle lui plaisait. Une chaleur douce, difficile à décrire, s’était installée en lui.

Il observa calmement Helian Qing pendant quelques secondes, puis murmura dans un souffle à peine audible : « Bonne nuit. »