Chenghua - Extra 16 - Le prince héritier

 

« Vous avez peur de lui. »



Tout le monde savait que le prince héritier n’était pas un personnage facile à gérer.

Même l’empereur devait le reconnaître.

Peut-être était-ce à cause de ses épreuves dans son enfance que l’empereur traitait son fils comme un trésor, refusant qu’il subisse la moindre contrariété. De plus, le prince héritier était non seulement son fils aîné légitime, mais également le seul enfant de l’empereur et de l’impératrice, ce qui renforçait encore les attentes placées en lui. Ainsi, le prince héritier avait grandi sous les regards attentifs de tous.

En raison de la faiblesse des descendants dans la famille impériale, les ministres s’étaient d’abord inquiétés, conseillant à l’empereur d’élargir sa descendance pour assurer la pérennité de la dynastie Ming. Généralement, l’empereur ne se disputait pas avec ses ministres, mais sur ce point, il ne céda pas d’un pouce. De plus, le Cabinet ne se prononça pas, et les plus virulents n’étaient que quelques censeurs. À force, tout le monde finit par se calmer et abandonna l’idée que l’empereur ait d’autres enfants, reportant toute leur attention sur l’éducation du prince héritier.

Cependant, ce prince héritier avait un caractère fort différent de celui de son père et de son grand-père.

Ou plutôt, il ressemblait davantage à un enfant normal, plein d’énergie, curieux de tout et désireux de tout essayer.

Une telle personnalité passerait inaperçue dans une famille ordinaire, mais le problème résidait dans le fait qu’il était le prince héritier, le futur souverain. Alors qu’il jouissait d’un confort sans égal, il devait également se conformer à d’innombrables règles. Depuis la calamité de la forteresse de Tumu, où l’empereur Yingzong avait épuisé ses ministres, ces derniers rêvaient d’un souverain calme et posé, capable d’assumer tranquillement son rôle dès son accession au trône, sans causer de souci supplémentaire.

(NT : L'armée Ming subit une défaite écrasante en 1449, avec la perte de plusieurs dizaines de milliers de soldats, et l'empereur Yingzong lui-même fut capturé par les Mongols.)

Mais le prince héritier était voué à être une exception.

C’étaient des personnes différentes, avec des parcours différents et des caractères différents. Comment pouvait-on imposer au prince héritier les exigences qu’on imposait à l’empereur ?

Tout excès mène à l’inverse du but recherché. Le forcer trop sévèrement ne ferait que provoquer une rébellion de sa part, et il risquerait de se dresser contre ses ministres à chaque occasion.

Tandis que la cour se berçait encore de l’illusion d’éduquer le prince héritier pour qu’il devienne un monarque éclairé, Tang Fan avait déjà compris ce problème.

En tant que Premier Ministre, il portait également le titre de précepteur du prince héritier. Cependant, accablé par les affaires d’État, il avait peu de temps pour enseigner directement.

Obliger un enfant actif et joueur à s’asseoir et réciter les Quatre Livres et les Cinq Classiques ou lui parler des saints anciens et des sages était manifestement inefficace. Mais l’éducation au palais avait un modèle et des règles strictes.

Bien que Confucius ait prôné l’enseignement adapté à chaque élève, si quelqu’un emmenait vraiment le prince héritier hors du palais pour s’amuser, il serait probablement accusé et forcé de démissionner dès le lendemain. Même Tang Fan, malgré son rang élevé, ne pourrait y échapper.

Un bon empereur pouvait influencer l’esprit d’une époque.

Tang Fan en était parfaitement conscient. Ainsi, malgré son emploi du temps chargé, il trouvait toujours le temps de guider le prince héritier autant que possible.

Le prince héritier semblait également remarquer que Tang Fan était différent des autres précepteurs. Lorsqu’il assistait aux leçons de Tang Fan, il se montrait un peu plus attentif et prenait la peine d’écouter plus sérieusement.

Plus tard, le prince héritier découvrit avec surprise que son maître Tang était très ouvert d’esprit.

Par exemple, lorsqu’il avait appris que l’empereur emmenait secrètement le prince héritier hors du palais, il ne l’avait pas réprimandé comme d’autres l’auraient fait. Au contraire, il n’avait rien dit et s’était même permis de mentionner, de manière subtile, qu’il y avait des acrobates dans tel quartier ou des bidonvilles dans un autre. Le prince héritier, au début perplexe, demanda des explications à son père et apprit alors que Tang Fan agissait ainsi avec des intentions cachées.

En tant que Premier Ministre, Tang Fan ne pouvait pas approuver ouvertement les sorties de l’empereur et du prince héritier hors du palais. Cela reviendrait à s’opposer à toute la classe des lettrés, en plus d’être contraire aux normes attendues d’un ministre civil. Mais au fond de lui, il estimait que le futur souverain ne devait pas être enfermé dans le palais. C’est en voyant et en expérimentant davantage qu’il pourrait se forger un caractère fort. L’actuel empereur, en raison de son enfance difficile, n’était pas complètement naïf, même s’il avait grandi dans la Cité interdite. Mais le prince héritier, qui avait grandi dans un environnement idéal avec des parents profondément aimants, n’avait jamais eu à affronter de luttes de palais. C’est précisément pour cela qu’il devait découvrir le monde extérieur.

Ces choses ne pouvaient être dites ouvertement ; il fallait donc user de subterfuges.

Heureusement, l’empereur, perspicace, avait compris les intentions de son Premier Ministre.

Il avait souri en disant au prince héritier : « Ton professeur Tang n’est pas comme les autres. Il ne t’imposera jamais une vision rigide ou bornée. Non seulement tu ne dois pas le rejeter, mais tu dois t’en inspirer davantage. À son âge, il avait déjà parcouru tout le pays. Les ponts qu’il a traversés sont plus nombreux que les grains de sel que tu as mangé ! »

Le prince héritier avait toujours aimé jouer. S’il n’était pas né prince, il aurait volontiers parcouru tout le pays pour s’amuser et découvrir chaque recoin. À ces mots de son père, ses yeux s’illuminèrent : « Vraiment ? Le premier ministre a réellement voyagé dans tout le pays des Ming ? »

L’empereur hocha la tête : « Bien sûr. Si tu suis bien tes leçons à l’avenir, je demanderai au premier ministre de te raconter davantage d’anecdotes et d’histoires lors de tes moments libres. Je te garantis que cela t’ouvrira l’esprit. »

N’ayant qu’un seul enfant, la relation entre l’empereur et son fils était plus proche et détendue que celle des familles ordinaires. Le prince héritier, ravi, négocia même avec son père : « Une demi-heure de cours, puis une heure d’anecdotes ! »

L’empereur, à la fois amusé et exaspéré, lui tapota légèrement la tête : « Une demi-heure de cours, une demi-heure d’anecdotes. Le premier ministre prend déjà sur son temps précieux pour t’enseigner. Tu crois qu’il travaille uniquement pour le Palais de l’Est et qu’il a douze heures par jour à te consacrer ? »

Le prince héritier de dix ans fit la moue et répliqua : « Alors Père peut ordonner au premier ministre de se consacrer entièrement à m’enseigner, et chercher quelqu’un d’autre pour gérer les affaires d’État ! »

L’empereur répondit avec un air tranquille : « Ça, ce n’est pas possible. Bien que nous soyions l’Empereur, nous ne pouvons pas toujours faire tout ce que je veux. »

Le prince héritier s’exclama : « Je comprends, vous avez peur de lui. »

Ce petit rusé avait même appris à utiliser la provocation. L’empereur, amusé, ne tomba pas dans le piège et acquiesça même : « Tu n’as pas tort. Nous éprouvons effectivement un grand respect pour le premier ministre . Un homme droit et intègre mérite d’être respecté. Tu sais, il fut un temps où nous avons failli perdre jusqu’à notre position de prince héritier. Si beaucoup de gens, comme le premier ministre , ne nous avaient pas protégé et soutenu, nous ne serions plus là aujourd’hui, et toi, tu n’existerais même pas. Alors souviens-toi bien : face aux ministres compétents et loyaux, tu dois toujours les traiter avec respect et ne jamais les mépriser. Ce sont eux qui sont les véritables piliers de l’État. La stabilité du pays ne repose pas uniquement sur l’empereur, mais aussi sur ces grands ministres. »

Le petit prince hocha la tête d’un air vaguement convaincu, mais dans son cœur, il se sentait un peu frustré : Ne parlait-on pas d’histoires amusantes ? Pourquoi Père finit-il toujours par ramener tout ça à des sujets sérieux ?

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

 

 

 

 

Créez votre propre site internet avec Webador