Chenghua -Chapitre 143 - Maître Tang préfère se briser plutôt que de plier

 

(NT : le titre du chapitre est un idiome chinois décrivant une personne dotée d'une forte intégrité morale ou de principes inébranlables, qui refuse de céder ou de compromettre ses valeurs, même sous une pression extrême.)

 

Arrivés au Palais de la Pureté Céleste, tous furent conduits dans une aile latérale.

Le jeune eunuque à côté de l'empereur annonça : « Messieurs, veuillez patienter un moment. Sa Majesté souhaite parler avec le vice conseiller en privé. »

Même si, sous la dynastie Ming, le pouvoir des premiers ministres était éclaté, loin de l'autorité écrasante des chanceliers sous les dynasties Tang ou Song, l'empereur maintenait un minimum de protocole envers Tang Fan et ses collègues. S’il s’était agi de simples fonctionnaires, ils auraient dû attendre debout à l’extérieur. Mais pour ces hauts dignitaires, des sièges et du thé avaient été préparés.

Cependant, personne n’avait l’esprit à ces détails. Chacun se perdait dans ses pensées, se demandant ce que l’empereur allait dire et, si le sujet du prince héritier venait à être abordé, comment il conviendrait de répondre.

En principe, les membres du cabinet formaient un tout et il n’était pas d’usage qu’un seul soit convoqué à part. Mais aujourd’hui, l’empereur avait délibérément choisi cette approche, probablement parce qu’il savait qu’il y avait des désaccords parmi eux. Il semblait vouloir résoudre les différends en s’adressant à chacun séparément, une stratégie digne de diviser pour mieux régner.

Il était presque risible, voire exaspérant, de voir un empereur, souverain suprême, recourir à de telles manœuvres face à ses ministres.

Mais si cela avait vraiment un lien avec le prince héritier, cette tactique devenait compréhensible.

En observant l’attitude imperturbable de Wan An et de ses proches, Tang Fan sentit une légère inquiétude monter en lui.

Une fois le temps d’un bâton d’encens écoulé, Liu Ji sortit.

Son expression était étrange, difficile à définir. Mais avec Wan An et d’autres présents, Tang Fan et ses collègues ne pouvaient pas l’interroger directement.

Liu Ji, après s’être assis, ne regarda personne. Il demeura immobile, comme un moine en méditation, les paupières mi-closes.

Après Liu Ji, ce fut au tour de Peng Hua et Yin Zhi d’entrer à tour de rôle.

Leur entretien fut court, bien plus bref que celui de Liu Ji. Lorsqu’ils ressortirent, leurs visages restaient calmes, mais une certaine satisfaction transparaissait dans leur attitude.

Peu après, le jeune eunuque déclara : « Sa Majesté souhaite s’entretenir avec lz conseiller Liu.»

Liu Jian se leva, ajusta ses vêtements, et lança un regard à Tang Fan et aux autres avant de suivre l’eunuque.

C’est alors que Wan An prit la parole : « Runqing, j’ai entendu dire que tu as arrêté des survivants de la secte du Lotus Blanc hier soir. »

Tang Fan répondit : « Ce n’est qu’un soupçon pour l’instant. J’ai déjà informé la Garde impériale. L’affaire doit encore être vérifiée. »

Yin Zhi ricana : « Tang Fan, en tant que haut fonctionnaire, tu sembles entretenir des relations bien étroites avec la Garde impériale, cette troupe personnelle de l’empereur. Agirais-tu sur ordre de quelqu’un pour servir des intérêts cachés ? »

Tang Fan resta impassible : « Tu me flattes, Yin. La Garde impériale est chargée d’enquêter et d’appréhender les criminels recherchés par la cour. Si tu découvrais des indices concernant des membres de la secte du Lotus Blanc, les cacherais-tu au risque de commettre une faute ? »

Yin Zhi sourit froidement : « Je crains que certains ne soient pressés d’utiliser des affaires publiques pour régler des querelles privées. »

Tang Fan répliqua : « Je ne vois pas de querelle privée ici. Si tu en connais une, je t’invite à m’éclairer. »

Les deux hommes échangèrent ainsi quelques passes verbales, lorsque Liu Jian réapparut en suivant l’eunuque.

Si Liu Ji avait eu une expression étrange à son retour, celle de Liu Jian était franchement sombre.

Que lui avait dit l’empereur ?

Tang Fan échangea un regard intrigué avec Xu Pu.

Mais Liu Jian ne chercha pas à établir de contact visuel avec quiconque. Il s’assit directement, respirant légèrement de façon saccadée, comme s’il venait de mener une discussion éreintante.

Face à cette scène, Xu Pu commença à ressentir de l’anxiété, bien qu’il n’eût d’autre choix que de suivre l’eunuque pour rencontrer l’empereur à son tour.

À ce stade, Tang Fan retrouva un calme apparent. Il cessa même de chercher à communiquer, que ce soit par le regard ou par la parole, et ferma les yeux pour méditer.

Yin Zhi, qui avait encore des sarcasmes en réserve, se retint de parler en voyant l’attitude de Tang Fan.

Peu après, Xu Pu revint.

Son teint était encore plus livide que celui de Liu Jian, presque blême, et il marchait d’un pas vacillant.

Tang Fan ouvrit les yeux et, voyant Xu Pu dans cet état, s’approcha pour l’aider.

Mais Xu Pu agrippa sa manche et éclata en sanglots : « Runqing, tu dois absolument dissuader Sa Majesté ! »

Tout le monde fut stupéfait par la réaction soudaine de Xu Pu, à tel point que même l’eunuque chargé d’inviter Tang Fan à rencontrer l’empereur resta figé.

Dans l’esprit de tous, Xu Pu était toujours passé pour un homme discret, peu habile avec les mots, et d’un tempérament conciliant. Il soutenait peut-être le prince héritier, mais il était connu pour éviter les confrontations et se laisser aisément fléchir. Il agissait généralement en silence, à tel point que sa présence était parfois moins remarquée que celle de Tang Fan, pourtant le plus jeune et le dernier en rang parmi les membres du cabinet. Cette personnalité effacée avait été l’une des raisons pour lesquelles le clan Wan avait accepté son entrée au gouvernement : un homme comme lui ne représentait aucun danger pour leur pouvoir.

Mais personne n’avait prévu que, acculé, cet homme habituellement placide pouvait aussi exploser.

Face à la perte de contrôle émotionnelle de Xu Pu, Tang Fan ne sut que dire : « Seigneur Qianzhai... »

Liu Jian intervint, prenant Xu Pu par le bras, et s’adressa à Tang Fan : « Runqing, vas-y. Je m’occupe de lui ici. »

Tang Fan hocha légèrement la tête, puis suivit rapidement l’eunuque chargé de transmettre l’ordre de l’empereur.

*

Lorsque Tang Fan arriva, il remarqua que l’empereur semblait encore plus amaigri que lors de leur dernière rencontre, seulement quelques jours auparavant.

Bien que les audiences matinales se tenaient toujours régulièrement, la maladie récente de l’empereur aurait été une excuse parfaite pour les annuler sous prétexte de faiblesse physique.

Tang Fan s’inclina profondément et salua : « Votre Majesté, que la santé impériale soit bénie. »

À moins d’une grande cérémonie ou d’une audience officielle, les membres du cabinet n’étaient généralement pas tenus de s’agenouiller lors d’une convocation.

L’empereur, d’une voix légèrement rauque et entrecoupée de quelques quintes de toux, déclara : « Relève-toi, sujet Tang. Assieds-toi. »

« Merci, Votre Majesté », répondit Tang Fan en s’inclinant de nouveau avant de prendre place.

Parmi les nombreux membres du cabinet, la relation entre l’empereur et Tang Fan n’était pas particulièrement intime. L’entrée de Tang Fan au gouvernement avait été approuvée par le vote des hauts fonctionnaires des six ministères et des neuf préfectures, et l’empereur ne s’y était pas opposé. Depuis, Tang Fan avait rarement eu des audiences privées avec lui, la plupart de leurs rencontres ayant lieu en présence d’autres membres du cabinet.

L’empereur n’avait ni une bonne ni une mauvaise opinion de Tang Fan. Il le considérait comme un fonctionnaire compétent mais dépourvu de la déférence qu’il attendait d’un sujet. Si l’empereur avait décidé aujourd’hui de s’entretenir avec lui en privé, c’était uniquement par nécessité dans le cadre de ces entrevues individuelles, et non par volonté personnelle.

Cependant, chose rare, l’empereur se montra affable. Il engagea une conversation superficielle avec Tang Fan, s’inquiétant de son adaptation au cabinet. Un observateur extérieur, ignorant des véritables enjeux, aurait pu être profondément ému par cette sollicitude impériale.

Tang Fan, cependant, garda un visage grave. Ses réponses, bien que respectueuses, étaient parfaitement neutres, dépourvues de la vivacité propre aux jeunes fonctionnaires. Cette attitude ennuya visiblement l’empereur, qui trouvait l’échange sans intérêt.

Cette conversation stérile, loin de passionner l’un ou l’autre, devint rapidement une corvée pour les deux.

L’empereur finit par briser cette monotonie et aborda le sujet principal : « Ces derniers jours, des phénomènes célestes inhabituels ont été observés. Tu en as sans doute entendu parler ? »

Tang Fan, redressant légèrement son dos, répondit calmement : « Oui, Votre Majesté. J’ai pris connaissance des observations transmises par vos ordres au cabinet. »

L’empereur se pencha légèrement en avant, signe de son impatience : « Et qu’en penses-tu? »

Tang Fan plissa légèrement les lèvres : « Pardonnez mon ignorance, Votre Majesté, mais je ne comprends pas ce que vous cherchez à savoir. »

L’empereur précisa : « Le Bureau d’astronomie nous a informé que ces signes célestes étaient dirigés vers le palais de l’Est. »

Tang Fan, feignant encore l’incompréhension, demanda : « Le palais de Est, Votre Majesté... ? »

L’empereur, perdant patience, s’exprima sans détour : « Le ciel nous avertit. Il y a un message à comprendre. Nous songe à publier un édit de reconnaissance de nos fautes et à rétablir officiellement le palais de l’Est. Qu’en penses-tu ? »

À ce stade, Tang Fan ne pouvait plus se dérober. Il adopta un ton grave, se leva respectueusement, et demanda : « Puis-je savoir, Votre Majesté, quelles fautes de vertu aurait commises le prince héritier ? »

L'empereur montra un signe d'impatience. Cette question, Tang Fan n’était pas le premier à la poser. Liu Jian et Xu Pu l'avaient déjà évoquée auparavant, et cette répétition lassait profondément l’empereur. Pourtant, pour éviter que les membres du cabinet ne deviennent un obstacle à sa décision de destituer le prince héritier, il n’avait d’autre choix que de contenir son irritation et de tenter de les convaincre un par un.

Dans cette dynastie, les ministres étaient particulièrement attachés à la préservation de l’héritier légitime, bien plus que sous n’importe quel autre règne précédent. Même Zhu Di, avec toute sa puissance, n’avait pas réussi à destituer son propre fils pour mettre à la place le prince Han, qu’il préférait. Aujourd’hui, bien que le clan Wan dispose d’un pouvoir bien supérieur à celui de l’époque Yongle, l’empereur actuel n’avait pas la force de caractère de son prédécesseur et se voyait même obligé de consulter l’avis du cabinet avant de prendre une décision.

« Le prince héritier est en poste depuis plus de dix ans, déclara l’empereur, et il n’a accompli aucun fait notable ni gagné la moindre renommée pour sa vertu. N’est-ce pas là un manquement ? Aujourd’hui, le ciel nous envoie un avertissement : il est temps que nous corrigions cette erreur. »

Tang Fan répondit calmement : « Le prince héritier, bien qu’il soit l’héritier du trône, demeure avant tout un sujet de Votre Majesté. En tant que sujet, il doit rester à sa place et respecter la distinction entre souverain et subordonné. C’est précisément parce qu’il n’a rien accompli de spectaculaire qu’il reste fidèle à son rôle. Pourquoi cela déplairait-il à Votre Majesté ? »

Le sous-entendu était clair : si le prince héritier se mettait en avant de manière ostentatoire, au point que le peuple ne voit que lui et oublie l’existence de l’empereur, serait-ce pour autant une satisfaction ?

Ces mots, directs et incisifs, allaient droit au cœur du problème. Ils reflétaient clairement la position de Tang Fan : il s’opposait à la destitution du prince héritier.

L’empereur, visiblement contrarié, répliqua : « Tang Fan, si tu comprends le principe du respect des hiérarchies, alors tu devrais savoir que la première règle est que le souverain commande à ses sujets. À force de prendre la défense du prince héritier, n’es-tu pas en train de trahir ton devoir de sujet ? »

Tang Fan, impassible, s’agenouilla et dit : « Pardonnez-moi, Votre Majesté. Depuis mon enfance, j’étudie les écrits des sages. Certes, je ne prétends pas à une érudition extraordinaire, mais je comprends les principes fondamentaux : Ciel, Terre, Souverain, Parent, Maître (NT : les ‘cinq relations’ (五伦, Wǔ Lún) pour l'harmonie sociale et familiale dans la pensée confucéenne). Le premier Sage (NT : Confucius) a enseigné qu’il ne faut pas parler des esprits ou du surnaturel, car il considérait que les humains ne peuvent saisir la volonté divine. Si les cieux envoient des signes, cela mérite attention, mais pouvons-nous nous fier uniquement aux paroles isolées du Bureau d’astronomie ? Il pourrait y avoir d’autres causes. Tous savent que le prince héritier n’a commis aucun tort. Je supplie Votre Majesté de réfléchir à deux fois. »

L’empereur ferma les yeux.

Ce que Tang Fan venait de dire, l’empereur y avait lui-même longuement réfléchi. Mais il avait désormais pris sa décision, et aucune supplication ne le ferait changer d’avis.

Un profond silence régna dans la salle. Même l’eunuque à côté, respirant à peine, tentait presque de disparaître derrière les rideaux.

En raison de sa santé déclinante, l’empereur avait toujours besoin de serviteurs proches. Bien que l’eunuque fût loyal depuis son enfance, il n’appréciait guère d’entendre de telles discussions. Les intrigues palatines étaient synonymes de dangers. Il se souvenait encore du précédent éloquent de l’eunuque Huai En, exilé à Nankin pour avoir trop interféré dans les affaires d’État.

Après un moment, l’empereur rompit le silence : « Nous sommes décidé à destituer le prince héritier et à en nommer un autre. Es-tu prêt à rédiger l’édit à notre place ? »

L’eunuque sentit son cœur se serrer.

Comment Tang Fan allait-il répondre ?

Il s’imagina à la place de Tang Fan. Que ferait-il dans cette situation ? S’il refusait d’écrire l’édit, cela pourrait le protéger partiellement, mais il ne s’opposerait plus à la volonté impériale.

Alors que l’eunuque se perdait dans ses pensées, il entendit la réponse de Tang Fan :
« Pardonnez-moi, Votre Majesté. Je vous supplie de reconsidérer. »

Mauvais signe ! pensa l’eunuque. L’empereur allait forcément s’énerver.

Bien que Tang Fan fût réputé pour sa finesse et sa diplomatie, il semblait avoir opté pour la réponse la plus risquée.

L’empereur, visiblement en colère, changea de ton : « Tang Fan ! Ne crois pas que parce que tu es proche de Sui Zhou, nous allons ménager sa face et t’épargner ! Liu Jian, toi, et même Xu Pu, vous défendez tous le prince héritier. Vous espérez que nous quittions ce monde bientôt pour vous glorifier d’avoir soutenu le futur empereur ? »

Tang Fan répondit calmement : « Votre Majesté me calomnie. Mes collègues et moi n’avons toujours juré fidélité qu’à Votre Majesté. C’est précisément pour cela que je dois remplir mon devoir de sujet et vous conseiller, pour éviter que vous ne regrettiez un jour vos décisions. Le prince héritier, ne l’avez-vous pas choisi vous-même ? À l’époque, la descendance dans le palais était rare, et vous avez été ravi de le voir naître. Aujourd’hui, sa mère est décédée, et il ne peut compter que sur Votre Majesté. Si vous l’abandonnez, comment pourra-t-il se tenir dans ce monde ? »

L’Empereur : « Retire-toi. »

Tang Fan, élevant la voix : « Majesté ! »

L’Empereur : « Retire-toi ! »

Un petit eunuque s’avança, murmura doucement : « Maître Tang, s’il vous plaît, retirez-vous. »

Tang Fan leva les yeux et observa l’Empereur.

Ce dernier paraissait épuisé, ses yeux bordés de profondes rides. Malgré ses quarante ans à peine, il n’avait rien de l’apparence d’un homme dans la force de l’âge bénéficiant d’une vie luxueuse. Il semblait au contraire du même âge que l’impératrice Wan, bien plus marqué par le temps.

La déchéance rapide de cet empereur inspirait un trouble indéfinissable.

Tang Fan détourna finalement son regard, se releva, salua avec respect, puis suivit les serviteurs hors de la salle.

Dans une aile latérale, Liu Jian et Xu Pu attendaient nerveusement. Dès qu’ils aperçurent Tang Fan, ils se levèrent d’un bond, les yeux pleins d’espoir.

Tang Fan savait sans qu’ils ne prononcent un mot ce qu’ils voulaient demander.

Il secoua légèrement la tête.

Liu Jian et Xu Pu laissèrent immédiatement transparaître leur déception.

Sur le chemin du retour, chacun resta plongé dans ses pensées. Les émotions se manifestaient différemment selon les personnes. Wan An, Peng Hua et leurs alliés semblaient légers, échangeant des plaisanteries, tandis que Liu Jian et Xu Pu, au visage sombre et accablé, donnaient l’impression d’avoir perdu un parent proche.

Bien que Tang Fan n’exprimât pas sa tristesse aussi ouvertement que Xu Pu, qui plus tôt avait presque fondu en larmes, son cœur était lourd.

Il comprenait clairement que tout était déjà joué. La détermination de l’Empereur à destituer le prince héritier était inébranlable.

Au sein du cabinet, seuls Liu Jian, Xu Pu et lui-même s’opposaient fermement à cette décision. Cependant, leur influence au sein de cette institution restait limitée. Si le vice-premier ministre Liu Ji choisissait de soutenir la destitution, la balance pencherait irrémédiablement de l’autre côté.

À en juger par son attitude récente, Liu Ji n’avait peut-être pas explicitement approuvé la destitution, mais il ne semblait pas s’y opposer non plus. Fidèle à son tempérament pragmatique, il pourrait répondre à l’Empereur, comme Li Ji à l’époque Tang : « Cela relève des affaires familiales de Votre Majesté. Pourquoi consulter des étrangers ? »

(NT : référence à la destitution de l'impératrice Wang par la concubine Wu Zetian. Ce coup d’État s’est accompagné de nombreux complots, avec le soutien de diverses factions de la cour, y compris l'influence de certains ministres et fonctionnaires, comme Li Ji.)

Ainsi, l’opposition des trois ministres restants ne suffirait pas à modifier le cours des événements.

À moins d’un retournement improbable, le prince héritier allait bel et bien être destitué.

Tang Fan soupira intérieurement. Ironiquement, ce que même l’Empereur Yongle n’avait pu accomplir allait finalement se produire sous le règne de l’actuel souverain. Était-ce risible ou tragique ?

Contrairement à lui, Liu Jian et Xu Pu n’étaient pas en état de prendre cette situation avec légèreté. Toute la journée, ils furent désemparés. Dès la fin de la séance de l’après-midi, ils entraînèrent Tang Fan dans une sortie précipitée, sans que Wan An ne tentât de les retenir. Après tout, la destitution semblait inéluctable. Peu importait leurs efforts, Liu Jian et ses alliés ne pouvaient inverser la tendance.

De plus, le clan Wan possédait des partisans parmi les censeurs royaux. Si certains osaient protester, ces derniers seraient mobilisés pour défendre la décision impériale.

Xu Pu soupira profondément : « Est-il possible qu’il n’y ait vraiment aucun moyen de renverser la situation ? »

Liu Jian, frappant du pied : « Je vais voir le prince héritier ! »

Il s’apprêtait à partir, mais Tang Fan et Xu Pu le retinrent immédiatement.

« Et que comptes-tu faire ? demanda Tang Fan. Proposer au prince de plaider sa cause auprès de l’Empereur ? Cela ne ferait qu’alimenter les soupçons, comme s’il conspirait avec des ministres ! »

Liu Jian, furieux : « Quels soupçons ? Ce sont les gens du clan Wan qui renversent délibérément la vérité ! »

Xu Pu répondit fermement : « Raison de plus pour que tu n’y ailles pas ! »

Tang Fan acquiesça : « Xu Pu a raison. Nous avons déjà tout essayé. »

« Croyez-vous vraiment que le simple fait d’avoir fait de notre mieux suffira à effacer notre responsabilité ? » La voix de Liu Jian exprimait autant de colère que de désespoir. Mais cette colère n’était pas dirigée contre ses collègues.

Xu Pu et Tang Fan échangèrent un regard, puis soupirèrent en silence.

Dans l’ensemble de la cour et du pays, bien que beaucoup se doutent des intentions de l’Empereur, ils ne savaient pas encore que sa décision était prise. La réunion privée de ce matin avec les ministres du cabinet ne serait connue que le lendemain.

Cette situation illustrait bien l’importance centrale du cabinet dans l’appareil impérial. Ses membres étaient toujours les premiers informés des décisions cruciales. Pourtant, Tang Fan ne ressentait aucune satisfaction à cette prérogative.

*

Le soir venu, il ne prit même pas son repas et se réfugia dans son bureau, perdu dans ses pensées.

Un coup à la porte rompit finalement le silence.

« Entrez. »

C’était Sui Zhou, portant un bol de soupe et de nouilles, suivi par Wang Zhi.

Wang Zhi, impatient, demanda immédiatement : « Que s’est-il passé exactement ce matin ? Sa Majesté a convoqué les ministres en privé ? »

Sui Zhou, visiblement agacé, le coupa net : « Que m’as-tu promis en venant ici ? »

Wang Zhi, à contrecœur, se tut.

Sui Zhou déposa la soupe devant Tang Fan : « Mange d’abord, on parlera ensuite. »

« Je n’ai pas faim », répondit Tang Fan, l’air abattu.

« Faut-il que je te nourrisse ? » répliqua Sui Zhou d’un ton imperturbable.

« ...Je peux manger seul. » Résigné, Tang Fan attrapa les baguettes.

La saveur délicate de la soupe trahissait l’effort et l’intention de celui qui l’avait préparée. Tang Fan ne pouvait se résoudre à refuser une telle attention.

Sui Zhou, comme à son habitude, n’ajouta pas un mot superflu.

Wang Zhi, quant à lui, se tortillait d’impatience, attendant que Tang Fan ait mangé la moitié du bol avant de craquer : « Alors, qu’est-il arrivé ce matin ? Sa Majesté a vraiment parlé seule aux ministres du cabinet ? »

Pour quelqu’un de son tempérament, attendre aussi longtemps avant de parler était presque un exploit.

« En effet », répondit Tang Fan simplement.

« Cela concerne le prince héritier ? » demanda Wang Zhi, allant droit au but. « Quel est le résultat ? »

« Tu connais déjà la réponse, pourquoi me le demander ? » Tang Fan secoua la tête et reposa son bol.

« Pourquoi ne l’as-tu pas empêché ! » accusa Wang Zhi, visiblement furieux.

Tang Fan resta calme : « J’ai fait tout ce que je pouvais. Liu Jian et Xu Pu aussi. Peut-être que Wan An a offert à Liu Ji des conditions avantageuses, ce qui a fait que Liu Ji n’a pas exprimé d’opposition. Une fois que le Premier et le Second Ministres sont d’accord, que peuvent nos trois voix contre eux ? »

Wang Zhi se leva et fit les cent pas, ne parvenant pas à cacher son agitation : « Alors que faut-il faire maintenant ? »

Tang Fan le regarda et se demanda si Wang Zhi regrettait d’avoir suivi ses conseils à l’époque et de s’être rangé du côté du prince héritier.

Il poussa un soupir : « À l’époque, je t’avais conseillé de te distancer du clan Wan. Je ne pensais pas que cela finirait par te nuire… »

Wang Zhi balaya ces paroles d’un geste brusque, interrompant Tang Fan : « Pas besoin de revenir là-dessus. Je veux savoir quel est ton plan ! »

Tang Fan répondit lentement : « Les hommes peuvent planifier, mais le succès dépend des cieux. »

Comme si toutes ses angoisses s’étaient évaporées avec ce bol de soupe, Tang Fan prit le mouchoir que Sui Zhou lui tendait, s’essuya la bouche, et déclara : « Liu Jian, Xu Pu et moi avons déjà discuté. Si l’Empereur persiste dans son choix, nous soumettrons une pétition pour démissionner. »

Wang Zhi resta interloqué : « Et ça servira à quoi ? Si vous partez, le cabinet ne deviendra-t-il pas un terrain libre pour Wan An ? »

Tang Fan soupira : « C’est la seule chose que nous pouvons faire. Sinon, as-tu une meilleure idée ? »

Wang Zhi était venu voir Tang Fan avec un dernier espoir.

À ses yeux, Tang Fan avait toujours eu une solution, trouvant souvent des idées surprenantes et brillantes. Mais toute chose a ses limites.

Tang Fan restait un homme, pas un dieu. Il y avait des moments où il était impuissant.

La déception de Wang Zhi fut totale.

Le cercle autour du prince héritier se rétrécissait de jour en jour.

Huai’en n’était plus dans la capitale. Si Liu Jian, Tang Fan et les autres étaient également contraints de quitter le cabinet, il ne resterait personne pour constituer une opposition significative.

Quant à Wang Zhi lui-même, il pouvait agir en secret pour aider le prince héritier, mais il ne risquerait jamais de s’opposer ouvertement au clan Wan comme Tang Fan et ses alliés le faisaient.

L’identité de Sui Zhou imposait aussi une loyauté envers l’Empereur. Bien que le prince héritier soit l’héritier désigné, il n’était pas encore monté sur le trône.

Y avait-il quelqu’un capable de changer le destin du prince héritier et d’empêcher sa destitution ?

Désemparé, Wang Zhi quitta finalement la demeure de Tang Fan.

Après son départ, Tang Fan se tourna vers Sui Zhou et ironisa : « Si je ne l’avais pas encouragé à soutenir le prince héritier à l’époque, il serait probablement au sommet de sa gloire aujourd’hui, sans avoir à se soucier de tout cela. »

Sui Zhou écarta une mèche de cheveux sur le front de Tang Fan et la ramena derrière son oreille. Il dit d’un ton significatif : « Tu viens de le dire toi-même : le succès dépend des cieux. La volonté céleste est imprévisible, et les mortels ne peuvent la modifier à leur guise. »

Ce fut cette même nuit, dans la deuxième moitié de la nuit, que Tang Fan, profondément endormi, fut réveillé par Sui Zhou, qui lui annonça une nouvelle :

Un tremblement de terre avait frappé le Shandong.

Et l’épicentre était situé à Taishan.

 

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Mini-théâtre de l'auteur :

Que pensez vous de Monsieur Tang ? Veuillez expliquer en quelques phrases.
Chenghua : Il est très compétent dans la gestion des affaires, parfois utile, mais son comportement laisse à désirer, notamment lorsqu'il contredit tout le monde en soutenant la déposition du prince héritier. Cela mérite une critique sévère.

Sui Zhou : Nous avons une relation très proche, comme un couple marié. Notre affection est indiscutable.

Wang Zhi : Il est parfois stupide et agaçant. Il revient sans cesse sur les mêmes sujets, ce qui est épuisant. Cependant, il y a des moments où je pense qu'il va bien. Quant à sa personnalité, je dirais qu'il est un peu moins bon que moi en général.

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

 

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