Chenghua -Chapitre 118 - Pas de câlin autorisé

 

Lao Zhao (NT : Ancien Zhao) était un soldat chargé de surveiller l'extérieur du relais de poste officiel.

Toutes ces histoires de luttes entre magistrats et censeurs, de corruption et de pots-de-vin, ne le concernaient pas du tout.

Un petit homme devait avoir une petite vie. Tant qu'il pouvait boire une petite coupe de vin chaud après son service, avoir une femme pour lui tenir chaud au lit, et discuter de tout et de rien avec ses frères d'armes, il était pleinement satisfait.

Mais même les petits gens ont leurs ragots.

Par exemple, Lao Zhao et les autres gardes du relais de poste étaient, ces derniers jours, particulièrement curieux au sujet de la belle femme que le censeur Tang avait ramenée. En privé, ils avaient spéculé plus d'une fois sur son identité.

Certains disaient que cette beauté était une concubine de la maison du maître Tang. Incapable de supporter la jalousie de l'épouse principale, elle avait profité du voyage de Tang Fan vers le sud pour s'enfuir secrètement et le suivre tout le long du chemin jusqu'ici.

D'autres disaient que cette femme était un cadeau offert au censeur Tang par un autre fonctionnaire, et que, dès que Tang Fan l'avait vue, il en était tombé amoureux, au point de ne plus pouvoir s'en séparer et de la garder constamment à ses côtés.

D'autres encore affirmaient que cette beauté était une femme de bonne famille, enlevée de force par le censeur Tang. Ce dernier, venu ici sous couvert d'enquêter sur la famine de l'année précédente à Wujiang, s'était en réalité laissé distraire par une histoire amoureuse, négligeant ainsi ses devoirs. Manifestement, il n'était qu'un autre fonctionnaire corrompu.

Ces rumeurs se propagèrent rapidement dans tout le relais et commencèrent même à s'étendre à l'extérieur.

Peu importe à quel point ces rumeurs étaient absurdes ou farfelues, deux points étaient unanimement reconnus par Lao Zhao et ses collègues.

Premièrement, cette femme était effectivement d'une beauté éblouissante, une beauté si stupéfiante qu'elle semblait presque voler l'âme de quiconque la regardait.

Suzhou et Hangzhou regorgeaient de beautés, et Lao Zhao, étant un natif de Suzhou, pensait en avoir vu beaucoup au cours de sa vie, à l'inverse de ces rustres. Pourtant, cette femme aux côtés de Tang Fan était véritablement d'une beauté inégalable, au point même qu’avec leur vocabulaire limité, Lao Zhao et ses compagnons étaient incapables de trouver les mots pour la décrire.

La première fois qu'ils l'avaient vue, ils n'avaient pu que la fixer, la bouche bée, tandis qu'elle entrait dans le relais de poste, accompagnée du censeur Tang, en laissant derrière elle un doux parfum. Après coup, ils s'étaient moqués d'eux-mêmes pour leur maladresse, mais lorsqu'ils virent que le censeur Yang, qui logeait également au relais, avait eu la même réaction face à cette beauté, ils se sentirent immédiatement mieux : ce n'était pas eux qui manquaient d'expérience, c'était simplement que cette femme était incroyablement belle.

Il fallait bien l'admettre, ils enviaient et jalousaient tous Tang Fan d'avoir cueilli une fleur aussi délicate que cette beauté, bien plus précieuse qu'une pivoine.

Le second point sur lequel tout le monde s'accordait, c'était que Tang Fan la chérissait avec la plus grande tendresse. Il en était presque à l'attacher à sa ceinture pour l'emporter partout avec lui.

D'après ce que Lao Zhao avait pu observer pendant ses jours de garde, chaque fois que le censeur Tang sortait, peu importait la destination ou le motif, il emmenait toujours cette femme avec lui. Il paraissait même qu'il l'avait emmenée à la préfecture pour rendre visite au gouverneur, sans la moindre gêne, ce qui en laissa plus d'un bouche bée.

Mais en y réfléchissant, ce n'était guère surprenant. Une telle beauté, s'ils avaient eu l'occasion de l'embrasser, ils seraient prêts à mourir heureux. Après tout, les grands fonctionnaires étaient eux aussi des hommes, alors où était l'étonnement ?

Il semblait évident qu'une fois que Tang Fan retournerait dans la capitale, il emmènerait cette beauté avec lui. Et si la maîtresse de la maison de Tang n'était pas une tigresse féroce, cette beauté finirait sûrement par dominer le harem de Tang.

Mais une question demeurait : une femme aussi magnifique, qui ne faisait pas partie du harem impérial mais qui appartenait à un simple censeur de quatrième rang, Tang Fan serait-il capable de la garder ?

Malgré toutes les rumeurs qui faisaient rage à l'extérieur, Tang Fan ne s'en préoccupait pas, continuant simplement à aller et venir avec Xiao Wu.

Même si lorsqu'ils sortaient, Tang prenait soin de faire porter à Xiao Wu un chapeau voilé pour cacher son visage, sa silhouette gracieuse ne trompait personne. En quelques jours à peine, presque la moitié du district de Wu savait qu'une beauté incomparable accompagnait Tang Fan partout où il allait, mangeant et dormant avec lui.

Tous les hommes, sans exception, enviaient la chance de Tang Fan avec les dames.

Mais pour Xiao Wu, les sentiments étaient tout autres.

Elle ignorait que Tang Fan avait déjà découvert son identité. Suivant les instructions de Chen Luan, elle faisait de son mieux pour rester à ses côtés et ternir sa réputation. Même s'ils n'avaient pas consommé leur relation, elle s'efforçait de donner l'impression au monde extérieur que Xiao Wu était déjà la propriété exclusive de Tang Fan.

Le plan se déroulait comme prévu, et Tang Fan semblait effectivement fasciné par elle. Pourtant, Xiao Wu ne se sentait pas heureuse.

Car bien que Tang Fan fût envoûté par elle, il insistait à respecter une sorte de code d'honneur, et à part quelques câlins et des caresses de mains, ils n'avaient pas avancé plus loin dans leur relation.

Mais cela ne signifiait pas grand-chose, car Xiao Wu avait rencontré de nombreux hommes prétendant être des gentlemen. Un homme comme Tang Fan n’était pas une nouveauté pour elle. Ce qui la troublait, c’était autre chose.

Tang Fan était déjà épris d'elle à un point tel qu’il ne pouvait plus se passer d’elle un seul instant. Non seulement il l'emmenait partout où il allait, mais même lorsqu'elle s'éclipsait un moment pour répondre à un besoin naturel, à son retour, elle trouvait Tang Fan en train de la chercher anxieusement, lançant des phrases telles que : « Ah Wu, où es-tu allée ? Sans toi, je ne peux rien faire ! »

Au départ, Xiao Wu appréciait plutôt bien le visage élégant et les manières raffinées de Tang Fan, mais après un certain temps passé ensemble, elle découvrit que derrière cette apparence soignée se cachait une nature collante et dépendante. À force d'être continuellement sollicitée par lui, elle en était presque écoeurée, au point qu'il ne lui plaisait plus du tout.

La seule consolation, si l’on pouvait dire, était que Tang Fan ne lui cachait rien, même pas ses affaires officielles.

Ainsi, ces derniers jours, Xiao Wu avait non seulement appris que Hu Wenzao, le préfet de Suzhou, s'était rallié à Tang Fan, mais elle avait aussi découvert que le puissant soutien de Tang Fan n'était autre que Wang Zhi, ancien directeur du célèbre dépôt de l'Ouest et aujourd'hui un proche du souverain. Tang Fan lui avait même confié que les trésors en or et en argent offerts par la Chambre de Commerce de Suzhou avaient déjà été envoyés à Wang Zhi à la capitale.

Cependant, ce qui préoccupait Xiao Wu, c'était que, en raison de la présence constante de Tang Fan et de son garde personnel aux yeux perçants, elle n’avait toujours pas trouvé d’occasion de transmettre des informations à Chen Luan depuis leur arrivée au relais officiel.

Elle avait bien tenté une fois, en profitant d’une sortie avec Tang Fan, pour faire passer un message dans une bijouterie, mais son message semblait s’être perdu, car aucune réponse de Chen Luan ne lui était parvenue.

Xiao Wu commençait à paniquer.

Ce n’était pas tant la crainte de ne pas pouvoir accomplir la mission que Chen Luan lui avait confiée, mais plutôt la peur que Chen Luan croie aux rumeurs qui circulaient partout, et pense qu'elle était tombée amoureuse de Tang Fan, et qu’elle l'avait trahi.

Personne ne connaissait mieux qu’elle la nature suspicieuse de Chen Luan et son extrême cruauté.

Il suffisait de regarder les réfugiés affamés qui disparaissaient jour après jour à l'extérieur de la ville de Wujiang pour comprendre : pour ses intérêts, Chen Luan n'hésitait pas à tromper même l'Empereur et les envoyés impériaux, alors pourquoi hésiterait-il à se débarrasser d’une simple femme ?

Elle devenait très nerveuse, Tang Fan le remarqua rapidement et pensa qu'elle était malade. Il ne se contenta pas de lui apporter personnellement des remèdes, mais resta également à son chevet, refusant de partir.

Pour une autre femme, être aimée aussi profondément par un homme aurait sûrement été bouleversant.

Mais pas pour Xiao Wu.

Plus Tang Fan lui témoignait de l’attention, plus elle s'inquiétait que Chen Luan ne doute de sa loyauté.

Voyant son teint pâle et épuisé, signe de ses nuits agitées, l'inquiétude de Tang Fan était évidente. « Ah Wu, qu’est-ce qui ne va pas ? Tu sembles préoccupée. Dis-le-moi. Même si je ne suis pas le préfet de Suzhou, je peux quand même résoudre tes problèmes. Si tu continues ainsi, je vais mourir d’inquiétude ! »

Son expression était sincère et sans artifice, mais Xiao Wu, absorbée par ses propres pensées, ne remarqua rien d'étrange. Elle était trop occupée à réfléchir à la manière de se débarrasser de Tang Fan et de trouver une occasion de sortir pour transmettre un message.

Xiao Wu sourit faiblement : « Monsieur, je me sens un peu oppressée. J’aimerais m’allonger un moment. »

Tang Fan posa la main sur son front, replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille et lui dit doucement : « Alors, je resterai avec toi. »

Pas besoin que tu restes avec moi !

Xiao Wu serra les dents, voulant presque le dire à haute voix, mais elle parvint à se contrôler juste à temps et ravala ses paroles, comme si elle avalait une gorgée de sang.

À ce moment-là, on frappa à la porte.

Tang Fan se leva pour ouvrir, et un employé du relais entra, portant un bol de médicament avec empressement : « Monsieur, voici le remède que vous avez demandé, tout juste préparé ! »

« Posez-le ici, » acquiesça Tang Fan. Il ne traitait naturellement pas l'employé du relais avec la même tendresse qu’il montrait à Xiao Wu.

« Ah Wu, il est temps de prendre tes médicaments. C’est une potion apaisante, tu pourras bien dormir après, et tout ira mieux en te réveillant. » Tang Fan prit le bol et aida soigneusement Xiao Wu à s'asseoir.

Pour un fonctionnaire de son rang, c'était vraiment admirable de se montrer aussi attentif.

N’importe quelle autre femme aurait probablement été touchée, mais pas Xiao Wu, qui avait l’esprit ailleurs.

« Je peux le faire moi-même, » dit-elle en prenant le bol et en s'apprêtant à boire.

Mais tout à coup, Tang Fan l'arrêta : « Attends ! »

Il reprit brusquement le bol des mains de Xiao Wu, renversant un peu de liquide sur leurs mains à tous les deux.

Tang Fan cria alors : « Di Han ! Di Han, es-tu là ? »

« Je suis là, » répondit une voix grave depuis l’extérieur.

Tang Fan ordonna : « Va chercher un chien, ou ramène un chat ! »

Sans poser de question, Di Han répondit : « À vos ordres. »

Xiao Wu, intriguée, demanda : « Que fais-tu… ? »

Tang Fan répondit : « Je trouve que ce remède a une odeur étrange. »

Xiao Wu resta figée un instant.

Tang Fan ajouta : « Et l'employé qui vient de l’apporter m’a semblé inconnu. Contrairement aux autres, il n’a pas jeté un coup d’œil dans ta direction, ce qui est plutôt suspect. »

Xiao Wu voulait plaisanter et lui dire qu'il en faisait trop pour si peu, mais elle se souvint soudain de quelque chose et son visage pâlit brusquement.

Di Han revint rapidement avec un petit chien dans les bras. Sur l'ordre de Tang Fan, il prit le bol de médicament et le versa dans la gueule du chien.

En quelques instants, le chien commença à gémir de douleur, se tordant dans les bras de Di Han. Lorsque ce dernier relâcha sa prise, le chien tomba au sol, convulsant quelques instants avant de rester immobile.

Tang Fan, furieux, s'exclama : « Il semble bien que quelqu'un cherche à m'assassiner ! Mais pourquoi s'en prendre à Ah Wu et non à moi directement ? »

Di Han répondit : « Peut-être pensent-ils que si Dame Xiao venait à mourir, cela vous déstabiliserait et vous exposerait à leurs coups. »

Leur échange terminé, Tang Fan se tourna pour réconforter Xiao Wu, mais il constata alors que son visage était encore plus pâle. Saisi de panique, il lui prit la main, glaciale au toucher, et s'exclama : « Ah Wu, qu'est-ce qui t'arrive ?! »

Xiao Wu ne répondit pas. Son corps frêle tremblait de manière incontrôlable. Tang Fan l’enveloppa dans ses bras, mais elle resta silencieuse.

Tang Fan lui tapota doucement le dos et murmura doucement : « Tout va bien maintenant, tout va bien. »

Il la réconforta longuement, jusqu'à ce qu'elle se recouche. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il quitta sa chambre pour retourner dans la sienne.

À peine avait-il franchi la porte que quelqu'un entra à sa suite.

Sans même se retourner, Tang Fan savait de qui il s'agissait et dit d'un ton agacé : « Si tu continues à entrer et sortir de cette façon, les gens ne te prendront plus pour un simple subordonné. Tu risques de te faire repérer ! »

‘Di Han’ répondit : « Je ne suis pas un subordonné ordinaire. Je suis ton garde du corps personnel. »

Il insista délibérément sur les mots "garde du corps personnel", tout en fixant Tang Fan du regard.

Tang Fan porta une main à sa bouche, faisant mine de tousser légèrement, et dit : « Avec ton statut, comment as-tu pu quitter la capitale aussi facilement pour venir me retrouver ?»

« Il y a eu un problème dans le Jiangxi. L'Empereur m'a ordonné d'aller le régler personnellement. J'en ai profité pour faire un détour par Suzhou et venir te voir. »

Tang Fan le réprimanda, mi-sérieux, mi-amusé : « Tu utilises ton autorité à des fins personnelles ! »

Un léger sourire apparut dans les yeux de Di Han : « Et alors ? Yan Li et les autres sont déjà partis sur place. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser à toi. »

Ces paroles, directes et sans détour, eurent plus d'effet que le regard langoureux de Xiao Wu. Le visage de Tang Fan rougit légèrement.

Di Han tendit la main et effleura doucement l'épaule de Tang Fan, laissant sa main glisser jusqu'à son poignet, avant de s'arrêter sur le dos de sa main.

Du bout des doigts, il caressa la paume de Tang Fan, qui retira instinctivement sa main, mais Di Han fut plus rapide et la saisit fermement.

Le contact peau contre peau lui rappela la sensation qu'il avait éprouvée en touchant le pied de Tang Fan l’autre jour. Ses doigts étaient longs et fins, des mains faites pour écrire de magnifiques textes.

Gêné, Tang Fan s'exclama : « Bon, passons aux choses sérieuses ! »

Malgré ses paroles, il ne retira pas sa main.

Di Han, conscient que Tang Fan était particulièrement pudique dans ce domaine, ne le taquina pas davantage. Il se contenta de sourire légèrement et ajouta : « Xiao Wu pense sûrement que c'est Chen Luan qui a empoisonné cette potion. »

Tang Fan réfléchit un instant et répondit : « Xiao Wu est une femme qui sait comment protéger ses intérêts. Elle est plus intelligente que la plupart des autres femmes. Ce seul incident ne suffira pas à la convaincre. Nous devons lui faire comprendre deux choses : premièrement, que Chen Luan sera inévitablement renversé, il n’a aucune chance d’y échapper ; et deuxièmement, que Chen Luan commence déjà à se méfier d'elle et qu'il veut la tuer pour l'empêcher de parler. Même si elle continue à être loyale envers lui, il ne la considérera jamais comme importante. »

Di Han demanda : « Comment comptes-tu t’y prendre ? »

Tang Fan sourit, sûr de lui : « Je vais avoir besoin de ton aide pour mettre en scène une bonne petite comédie, afin qu'elle y croie totalement. »

Di Han ajouta : « Juste une chose. »

Tang Fan : « Quoi donc ? »

Di Han : « Arrête de la serrer dans tes bras. »

Tang Fan : « … »

*

Cette nuit-là, Xiao Wu, rongée par l'inquiétude et hantée par de mauvais rêves, eut beaucoup de mal à trouver le sommeil.

Le lendemain matin, dès l'aube, Tang Fan vint la voir et lui dit : « Ah Wu, cet endroit est bien trop dangereux. Je vais t'emmener à la capitale au plus vite pour te mettre en sécurité! »

Xiao Wu fut surprise : « As-tu déjà réglé tes affaires? N'avais-tu pas l'intention de renverser Chen Luan ? »

Tang Fan lui sourit mystérieusement : « Tout est quasiment prêt. J'ai déjà envoyé les preuves des crimes de Chen Luan à la capitale. Il ne reste plus qu'à attendre que l’Empereur donne l'ordre de sévir. »

Xiao Wu ne comprenait plus rien.

En raison de son statut, Xiao Wu avait connaissance de nombreuses choses concernant Chen Luan, et elle comprenait pourquoi il osait être aussi arrogant.

Ce n'était pas seulement parce que Chen Luan avait un oncle qui était ministre des Finances à Nankin, mais aussi parce que chaque année, il versait de nombreux pots-de-vin à des personnalités influentes à la cour impériale.

En somme, Chen Luan, ce potentat local, non seulement entretenait des relations avec la Chambre de Commerce de Suzhou et avait des liens avec le dépôt de l'Est, mais il faisait aussi partie du parti Wan, tout comme son oncle.

C'est pourquoi Chen Luan se permettait de vendre illégalement du grain officiel à Wujiang, de s'allier avec Yang Ji, et même de mépriser Tang Fan, un envoyé impérial.

Craignant son influence, Hu Wenzao, le préfet de Suzhou, n'avait osé protester au départ. S'il n'avait pas été utilisé par Chen Luan et les autres comme bouclier, Hu Wenzao n'aurait probablement jamais envisagé de collaborer avec Tang Fan.

La précieuse concubine Wan, soutien principal du parti Wan, bien qu'elle n'ait pas de fils, était, selon les rumeurs, alliée avec la concubine Shao Chen pour promouvoir le fils de cette dernière en tant que prince héritier, incitant l'empereur à destituer l'actuel héritier.

Xiao Wu, qui avait entendu beaucoup de choses de la part de Chen Luan, ne croyait pas que Tang Fan, même avec l'appui de Wang Zhi, puisse renverser Chen Luan seul. Ce que Tang Fan affrontait n'était pas seulement Chen Luan, mais toute une machinerie complexe et tentaculaire.

Alors, quand Tang Fan affirma avec certitude qu'il avait les moyens de s'occuper de Chen Luan, Xiao Wu, stupéfaite, ne put s'empêcher de douter.

Cependant, elle savait que, vu la fascination que Tang Fan avait pour elle, il ne lui mentirait certainement pas.

Elle demanda donc : « Quelles preuves as-tu recueillies contre Chen Luan, Maitre ?»

À peine avait-elle posé la question qu'elle sembla réaliser son impudence et baissa la tête, gênée : « Ce n'est pas à moi de poser ces questions, je suis allée trop loin. »

Tang Fan, sans s'offenser, lui prit la main et répondit : « Je t'ai déjà parlé du fait que Chen Luan était soutenu par le parti de Consort Wan, incluant Wan An, l'actuel Premier Ministre, et le frère de la concubine impériale, Wan Tong. Tu te souviens, n'est-ce pas ? »

Voyant Xiao Wu hocher la tête, il continua : « En réalité, c'est assez simple à comprendre. Mon objectif depuis le début n'a jamais été de m'attaquer au parti Wan, mais uniquement à Chen Luan. Même s'il fait du bruit, pour le parti Wan, il n'est qu'un pion. Sans lui, un autre pourrait tout aussi bien être nommé à Wujiang, un poste qui n'est pas particulièrement important. »

À ces mots, Xiao Wu fut profondément troublée, mais elle conserva une expression timide et hésitante : « Mais... l'oncle de Chen Luan n'est-il pas ministre des Finances à Nankin ? Va-t-il vraiment rester les bras croisés si tu accuses son neveu ? »

Tang Fan sourit : « Laisse-moi te dire ceci : un de mes amis, l'ancien ministre de la Justice Zhang Ying, qui a été envoyé à Nankin par le parti Wan, a récemment trouvé des preuves de corruption contre ce fameux ministre Chen. Il a déjà déposé une requête pour le destituer. Le ministre Chen est désormais bien trop occupé à se défendre pour se soucier de son neveu. »

Xiao Wu, abasourdie, balbutia : « C'est... cela peut vraiment marcher ? »

Tang Fan répondit doucement : « Pourquoi pas ? Je pourrais t'en dire plus, mais tu ne comprendrais pas tous les détails. Ce qu'il te suffit de savoir, c'est que bien que le parti Wan soit puissant, il a aussi ses propres préoccupations. Tant que tu n'essaies pas de les détruire entièrement, ils n'iront pas jusqu'à t'écraser. Chen Luan règne peut-être en maître à Wujiang, mais sans son oncle, que peut-il vraiment accomplir ? En réalité, Chen Luan est déjà inquiet. Il n'a pas réussi à contacter Hu Wenzao et ne sait pas ce que je prévois. Il est probablement en train de manigancer pour m'accuser le premier, espérant que le parti Wan me renverra à la capitale en prétendant que j'ai accepté des pots-de-vin à Wujiang ou que je suis distrait par les plaisirs. Mais ce qu'il ignore, c'est que j'ai déjà remis tout l'argent à Sa Majesté ! »

À ces mots, Tang Fan éclata de rire, un ton de moquerie évident dans sa voix.

Mais Xiao Wu ne pouvait pas partager son amusement.

Ses paroles avaient déclenché un véritable tumulte intérieur en elle, la laissant profondément troublée et incapable de retrouver son calme.

Elle devait admettre que Tang Fan avait raison.

Jusque-là, elle n'avait vu que le côté impitoyable et arrogant de Chen Luan, sans comprendre qu'aux yeux de quelqu'un comme Tang Fan, un ambassadeur impérial venant de la capitale, Chen Luan n'était pas invincible.

Selon le point de vue, les problèmes apparaissent différemment.

Bien que Chen Luan soit un homme séduisant qui avait bien traité Xiao Wu, ses méthodes étaient tout aussi cruelles. Xiao Wu n'avait pas de sentiments profonds pour lui. Ce qui l'inquiétait, c'était surtout son avenir.

Si Chen Luan était renversé, que lui arriverait-il à elle ?

L'incident du poison la veille l'avait particulièrement secouée. Bien que Tang Fan et les autres pensent que le poison était destiné à Tang Fan et non à elle, Xiao Wu savait pertinemment que Chen Luan, doutant probablement de sa loyauté, avait sans doute tenté de la faire taire en l'empoisonnant.

Cette pensée lui fit mordre sa lèvre inférieure jusqu'à ce qu'elle en devienne blanche.

« Ah Wu, que se passe-t-il ? » La voix de Tang Fan la ramena à la réalité.

"Je vais bien," répondit Xiao Wu avec un sourire forcé.

"Tu sembles constamment préoccupée ces derniers temps. Serais-tu réticente à me suivre à la capitale ?" demanda Tang Fan en fronçant les sourcils.

"Pas du tout," Xiao Wu secoua la tête. "Pouvoir rester à tes côtés est une chance pour moi. C’est juste que ces derniers temps, je me sens oppressée, et après l'incident de l'empoisonnement, j'ai vraiment été terrifiée."

Sur ces mots, elle se blottit contre Tang Fan, cherchant visiblement un peu de réconfort dans ses bras.

Tang Fan, en la serrant contre lui, se dit que c’était elle qui venait d’elle-même, et non lui qui l’avait enlacée. Même avec la plus belle des femmes, jouer la comédie chaque jour pouvait vraiment être épuisant.

Cependant, son visage resta doux et chaleureux : "Voilà ce que nous allons faire. Le temps est beau aujourd’hui, que dirais-tu d’aller faire une petite promenade avec moi ? Les bijoux que j'ai fait fabriquer devraient être prêts. Si quelque chose ne te plaît pas, tu pourras demander qu’on le modifie."

Xiao Wu n'était pas vraiment d'humeur à sortir, mais son état d'esprit avait déjà commencé à changer. Au début, elle jouait un rôle face à Tang Fan, mais peu à peu, elle se laissait véritablement aller à éprouver des sentiments pour lui. Elle lui sourit doucement : "Je te suivrai où tu voudras."

Puis elle ajouta à voix basse : "C'est ma santé qui me trahit. Je suis malade depuis plusieurs jours et je n’ai pas vraiment pu te servir comme je le devrais. Je... je..."

Ses joues s'empourprèrent tandis qu’elle parlait.

En réalité, Tang Fan, respectueux des règles de conduite, ne l'avait jamais touchée. Xiao Wu, de son côté, profitait de cette situation pour maintenir son intérêt. Elle comprenait bien la psychologie des hommes : ce qui est obtenu trop facilement n’est jamais vraiment apprécié. La nature humaine est ainsi faite, et les hommes, particulièrement envers les femmes, ne font pas exception. Plus elle se montrait réservée, plus Tang Fan la chérissait.

Ainsi, bien que tous deux aient leurs propres intentions, tout se passait bien, et Xiao Wu n’avait jamais douté des actions de Tang Fan.

"Petite sotte," murmura Tang Fan avec tendresse, "le meilleur des remerciements que tu puisses me faire est de retrouver la santé. Tu n’as toujours pas compris mes sentiments pour toi ?"

Xiao Wu fit semblant d'être émue.

Comme elle était encore faible, Tang Fan lui fit apporter un manteau qu’il l’aida à enfiler avant de sortir avec elle.

Ils ne prirent pas de calèche, et n'avaient qu'un seul accompagnateur, Di Han, un garde. On pouvait dire qu’ils voyageaient légèrement.

Mais depuis l’incident de l’empoisonnement, Xiao Wu était encore très inquiète.

"Maître, est-ce prudent de n'avoir que Di Han avec nous ? N’est-ce pas dangereux ?" demanda-t-elle.

"Pas du tout," répondit Tang Fan en riant pour la rassurer. "Di Han, à lui seul, peut affronter des dizaines d’hommes sans broncher. Tu ne le sais peut-être pas, mais même l'empereur a personnellement fait l'éloge de ses compétences martiales. C'est pour cette raison qu’il a été envoyé ici par le commandant Jiang."

Xiao Wu, étonnée, ne put s'empêcher de sourire : "Il semble que tu as de bonnes relations avec la police secrète des gardes Brocade, si tu peux faire venir un homme aussi compétent."

Bien qu’elle teste Tang Fan avec cette remarque, il ne sembla pas s’en rendre compte et acquiesça : "Pour te dire la vérité, le commandant en chef du Bureau du Nord de la garde Brocade est un de mes amis proches. Où que j’aille, il me suit, impossible de s’en débarrasser ! Si l’empereur ne l’avait pas envoyé en mission, il serait sûrement venu avec moi."

Bien que cela puisse sembler exagéré, avec un membre de la garde Brocade présent à ses côtés, Xiao Wu ne put s'empêcher de croire en une grande partie de ses paroles, calculant déjà ses prochains mouvements.

Derrière eux, Di Han restait impassible, comme si la conversation ne le concernait en rien.

Ils passèrent un moment dans une bijouterie, et une fois que Xiao Wu eut choisi ses bijoux, Tang Fan l'emmena dehors.

"Il est encore tôt, allons prendre un thé avant de déjeuner. Si nous retournons à la maison maintenant, tu resteras coincée dans ta petite chambre, ce qui serait ennuyeux," proposa Tang Fan avec un sourire.

Xiao Wu n'avait aucune objection : "Je te suivrai."

Mais elle n’eut pas le temps de finir sa phrase que quelque chose d’inattendu se produisit.

Trois hommes surgirent de face, sur la gauche et sur la droite, se précipitant sur eux avec des lames étincelantes, leurs intentions clairement hostiles.

Xiao Wu fut complètement paralysée par la peur. Ne sachant pas se défendre, elle ne put que regarder, impuissante, la scène se dérouler sous ses yeux en un éclair.

Mais ce qui la terrifia le plus, c’est qu’elle réalisa que les assaillants ne visaient pas Tang Fan, mais bien elle !

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

 

 

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